Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Les Rues de Paris, tome troisième», sayfa 20

Yazı tipi:
 
Qui donc nierait l'Être qui venge
Le droit et punit le méchant,
En voyant tous ces cœurs de fange
S'entr'accusant, s'entr'égorgeant,
Jusqu'au jour fatal et suprême,
Où tombe enfin, frappé lui-même,
Cet homme à l'œil terne, au teint blême,
Qui, trônant en roi dans ce lieu,
Comme un joueur qui longtemps gagne,
Avec la terreur pour compagne,
Légiférait sur la Montagne,
Sinaï digne d'un tel dieu?
 

II
LA CHAPELLE DES MARTYRS

L'oratoire, dont il a été parlé plus haut, fermé pendant la Révolution ou peut-être converti en orangerie, devint plus tard, grâce à une pieuse initiative, un sanctuaire qui prit le nom de: Chapelle des Martyrs. Le 22 août 1807, madame de Soyecourt, s'étant rendue acquéreur du terrain où s'élevait le petit édifice, songea tout d'abord à restituer à celui-ci son caractère sacré. Elle ordonna les réparations nécessaires, tout en veillant avec sollicitude à ce qu'on conservât religieusement les traces sanglantes visibles encore sur les murs et même les bancs. Puis, au mois de mai 1815, la chapelle fut bénite, sous l'invocation de saint Maurice et ses compagnons, par M. l'abbé d'Astros, grand vicaire de Paris, depuis archevêque de Toulouse.

En 1851, les R. PP. Dominicains étant venus occuper les bâtiments de l'ancien couvent des Carmes, l'église leur fut réservée exclusivement. M. Cruise, directeur de l'École des hautes Études, fit alors célébrer l'office divin dans la chapelle des Martyrs; mais, pour la rendre plus accessible aux fidèles du dehors comme aux élèves, on construisit un bâtiment d'environ 15 mètres de profondeur qui se relia à la chapelle et dont l'entrée fut ménagée du côté de l'allée d'acacias où l'archevêque d'Arles avait été massacré. Par suite d'un testament de la pieuse madame de Soyecourt, le terrain avec ses dépendances était devenu propriété diocésaine.

Tel était l'état des choses, lorsque, quelques années après, tout à coup on apprit que, par suite du tracé adopté pour la continuation de la rue de Rennes, la chapelle des Martyrs et tout l'entourage devaient disparaître. Grande émotion parmi les fidèles et tous ceux qui ont à cœur le culte des souvenirs! Des protestations et des réclamations s'élevèrent, et le premier pasteur du diocèse, en particulier, se faisant l'écho de ces généreux sentiments qu'il partageait, fut prompt à élever la voix et insista avec force pour que, le sanctuaire des Martyrs épargné, le tracé se modifiât. Après de nouvelles études, les ingénieurs, à tort ou à raison, déclarèrent la chose impossible. Il fallut se résigner, quelque regret qu'on en eût; du moins, Monseigneur l'Archevêque voulut que tout ce qui pouvait être sauvé fût sauvé, et, après avoir consulté les hommes compétents, il décida qu'une chapelle souterraine serait édifiée dans les caveaux de l'église des Carmes et que là seraient recueillis et réunis, avec les dalles tachées de sang, tous les débris, toutes les reliques ayant appartenu aux Martyrs. Or, ce pieux trésor des reliques, il allait singulièrement s'enrichir par suite d'une découverte des plus inattendues dont les travaux furent l'occasion.

M. Sorel et d'autres, après comme avant lui, avaient déclaré, en s'appuyant de documents officiels, que les corps des victimes entassés sur trois grands chariots, dès le lendemain ou le surlendemain du crime, avaient été conduits dans l'ancien cimetière de Vaugirard et enterrés dans une fosse profonde creusée à l'avance en face de la petite porte. Cependant il existait une tradition d'après laquelle un puits voisin de l'enclos, dans la direction de la rue d'Assas, avait servi de sépulture au plus grand nombre des morts dont les chariots en question ne pouvaient contenir que la moindre partie. Pour en finir plus vite et crainte aussi peut-être d'attirer trop l'attention par un second et un troisième voyage, les individus, chargés de la triste besogne, n'avaient trouvé rien de mieux que de combler le puits voisin très-profond avec les cadavres, en fermant l'orifice avec des pierres, des tessons, de la terre. Malgré les doutes exprimés à ce sujet par M. Sorel, la tradition persistait.

Les architectes, choisis par Monseigneur l'Archevêque de Paris, qui n'eut qu'à s'en applaudir, MM. Douillard frères, convaincus que cette tradition persévérante ne pouvait être sans quelque fondement, firent des recherches en ce sens bientôt couronnées d'un plein succès. Le puits en question fut retrouvé, et l'on reconnut qu'en effet l'orifice était fermé avec de la terre, des pierres, des fragments de bouteille, mais seulement à la surface. Ces débris enlevés non sans une certaine anxiété, on aperçut serrés, entassés, des crânes, des ossements retirés successivement, et, le puits vidé entièrement, on compta, nous a-t-on dit, près de quatre-vingts squelettes ou tronçons de squelettes. On ne pouvait douter qu'ils ne fussent, au moins pour la plupart, les restes des victimes du 2 septembre, puisque beaucoup des crânes et des os portaient encore la marque des entailles faites par le sabre ou des trous résultant des balles. Aussi ces restes vénérables pour lesquels, par ce motif, le doute n'était pas possible, furent mis à part; ce sont ceux qu'on voit exposés sous les deux grandes vitrines, à droite et à gauche, dans la seconde pièce de la crypte qui forme à proprement parler le sanctuaire, puisque dans le fond s'élève l'autel dont la simplicité étonnerait, choquerait même le visiteur, s'il n'était prévenu que c'est l'autel même de l'ancienne chapelle qu'on a tenu avec raison à conserver. Au-dessus des vitrines, on voit, pour achever la décoration générale, une ornementation symbolique surmontée d'une large croix soutenue par deux enfants, ou mieux des anges dus au ciseau intelligent de M. E. Cabuchet, l'auteur de cette remarquable statue du Curé d'Ars qui fit tant de sensation au salon de 1867. Ces figures savamment composées et modelées ne sont pas un des moindres ornements du sanctuaire. Sur les parois de la muraille, de tous les côtés, et sur des plaques de marbre noir, se lisent diverses inscriptions et les noms des martyrs.

Aux quatre angles se voient de grandes urnes funéraires, voilées en partie, et au milieu de la chapelle, suspendu à la voûte, un superbe luminaire, d'un style sévère et composé de sept grandes lampes se retenant l'une à l'autre par des chaînettes.

À gauche, dans une espèce de caveau fermé par une grille, mais éclairé pareillement par la lumière des lampes, se trouvent les débris d'ossements qui n'ont pas pris place dans les vitrines, comme aussi les débris ayant servi à combler le puits et qu'on regarde comme sanctifiés par le contact et le sang des victimes.

À droite, un escalier de quelques marches conduit dans une pièce carrée, d'une décoration noble et sévère et dont les murs sont recouverts avec les dalles enlevées à l'ancienne chapelle et qu'avait tachées le sang des martyrs égorgés dans l'oratoire.

On revient par un autre escalier dans le sanctuaire, en face de l'autel derrière lequel s'ouvre une porte qui conduit dans une salle plus grande, jusqu'ici à peu près vide, où du moins se trouvent seulement, dressées contre la muraille, les pierres tumulaires renfermées antérieurement dans les caveaux. Dans les inscriptions un nom surtout nous a frappé, celui de madame de Soyecourt.

On descend dans la crypte, ce que nous aurions dû dire d'abord, par un grand et bel escalier creusé dans l'église même, non loin de la porte d'entrée, et qui aboutit à une première salle précédant le sanctuaire. Dans cette pièce, les yeux tout d'abord sont attirés par une reproduction ou mieux une réduction de l'ancienne chapelle, éclairée à l'intérieur, ce qui permet d'en saisir du premier coup d'œil l'ensemble et les détails, et dispose aux impressions solennelles qui vous attendent dans le sanctuaire à la vue des vénérables reliques, et au souvenir de la tragique scène, «digne, comme l'a dit un grand écrivain, des plus beaux siècles de l'Église.»

Nous ne serons que juste en disant que l'exécution de cet important travail fait le plus grand honneur aux architectes, MM. Douillard frères, qui, dans la construction de la crypte, comme dans l'arrangement et l'ornementation, ont prouvé non moins d'intelligence et de goût que de piété. Ils ont répondu pleinement à la mission de confiance dont les avait honorés Monseigneur Darboy, et l'impression est telle, qu'après une visite à la nouvelle chapelle, ceux-là mêmes que le changement proposé ou plutôt obligé avait le plus désolés d'abord, sentent diminuer leur regret. Disons mieux, ils sont heureux de s'avouer qu'on n'a maintenant qu'à s'en applaudir et que le nouveau sanctuaire, si riche des récentes découvertes, témoigne d'autant d'admiration que de respect pour la gloire des Martyrs. Nul doute qu'on y verra le même concours empressé des fidèles. Plus d'un lecteur, plus d'une lectrice peut-être, après avoir lu notre article, voudra juger par ses yeux et n'attendra pas sans quelque impatience le matin ou l'après-midi du vendredi, car la crypte n'est ouverte que ce jour-là, sans doute par la nécessité de la surveillance, comme aussi à cause de la dépense occasionnée par le luminaire.

LES CATACOMBES

Les Catacombes sont d'anciennes carrières dans lesquelles sont déposés les ossements extraits des cimetières supprimés successivement à Paris. M. Guillaumot, premier inspecteur général, fit exécuter, au commencement de l'année 1786, les travaux nécessaires pour la consolidation des galeries et la disposition des lieux destinés à recevoir les ossements exhumés du cimetière des Innocents, le premier supprimé. Les travaux continués constamment depuis firent des Catacombes ce qu'elles sont aujourd'hui. On y descend par trois escaliers, le premier creusé rue d'Enfer, le second situé à la Tombe Isoard, le troisième dans la plaine Mont-Souris.

Avant les travaux dont nous parlons plus haut, beaucoup de monuments, l'Observatoire le Luxembourg, l'Odéon, le Val-de-Grâce, le Panthéon, l'église Saint-Sulpice, etc., se trouvaient comme suspendus dans le vide au-dessus de vastes abîmes où d'un instant à l'autre, ils pouvaient s'engloutir: «Dans nos recherches et nos travaux, dit M. Héricart de Thury, nous nous sommes particulièrement attachés à établir le rapport le plus rigoureux, ou si l'on veut me permettre l'emploi de ce mot, la corrélation la plus intime et la plus réciproque des détails de la surface et de l'état des vides. C'est en suivant ce plan d'une manière uniforme que nous avons tracé, ouvert et conservé au-dessous et à l'aplomb de chaque rue, une ou deux galeries suivant la largeur de la voie, de manière à diviser respectivement les quartiers, à isoler les massifs, à préparer la reconnaissance des propriétés, à déterminer leur étendue, à fixer leurs limites au-dessous de celles de la surface, à tracer, à plus de quatre-vingts pieds de profondeur, le milieu des murs mitoyens sous le milieu même de leur épaisseur, à rappeler le numéro de chaque maison exactement au-dessous de celui de la propriété; enfin, je le répète, à établir un tel rapport entre le dessus et le dessous qu'on peut en voir et en vérifier la rigoureuse correspondance sur les plans de l'inspection.»

On doit à M. Frochot, préfet de la Seine sous le premier Empire, d'importantes améliorations dans la disposition et l'arrangement des galeries et ossuaires qui ajoutent beaucoup à l'intérêt pour le visiteur. Nous citerons, après la chapelle, une curieuse collection pathologique où sont classés avec méthode toutes les espèces d'ossements déformés par quelque maladie. Une autre collection, dite minéralogique, nous offre la série complète des bancs de terre et de pierre qui constituent le sol et les parois des Catacombes.

On évalue à peut-être sept ou huit fois le nombre des vivants de la grande cité le total des individus dont les ossements reposent dans la ville souterraine. Le cimetière des Innocents, à lui seul, d'après ce qu'on calcule, dans une période de sept siècles, aura dû dévorer tout au moins douze cent mille cadavres. En 1780, un rapport constatait que «le nombre des corps déposés dans une fosse commune voisine de la rue de la Lingerie, excédant toute mesure et ne pouvant se calculer, en avait exhaussé le sol de plus de huit pieds au-dessous des rues et habitations voisines.»

La nécessité de supprimer le cimetière parut donc évidente à M. Lenoir lieutenant-général de police, à qui est due la première idée des Catacombes, réalisée en 1786 seulement. Tous les ossements recueillis dans les chapelles sépulcrales ou cimetières détruits depuis cette époque, ont trouvé place dans cette immense Nécropole où pareillement ont été déposés les restes d'un grand nombre des victimes de la Terreur.

CIMETIÈRE DU PÈRE LA CHAISE

Ce cimetière, le plus vaste de Paris, a été formé dans l'enclos de la maison du Mont-Louis74, dite du Père La Chaise; puis successivement il s'est agrandi de tous les terrains environnants. Dans cette immense nécropole, qui ne remonte guère qu'aux premières années du siècle, se voient les tombeaux de presque tous les contemporains illustres et aussi d'innombrables inconnus. On ne peut nier qu'il n'y ait du vrai dans ces réflexions mélancoliques de Saint-Victor qui disait, en 1822, dans le tome quatrième de la 2e édition de son grand ouvrage:

«C'est à notre avis le spectacle le plus curieux et en même temps le plus déplorable que présente cette grande ville et nulle description n'en pourrait donner une juste idée… Au milieu du silence des tombeaux, les pierres élèvent la voix et retracent toutes les passions qui fermentent dans la société et ce désordre effrayant des esprits qui, pour la première fois depuis l'existence du monde, la menace d'une entière dissolution. Là s'élève comme une ville composée de monuments funèbres où les rangs sont confondus, non pas seulement dans la même poussière, mais dans le même orgueil; le dernier artisan y a les honneurs de l'épitaphe; des marchands y bâtissent des mausolées qui le disputent à ceux des ducs et des princes; les familles des banquiers s'y font faire des caveaux comme faisaient autrefois les Châtillon et les Montmorency; à côté du médaillon d'un magistrat s'élève la statue d'une courtisane ou d'un histrion dont le marbre raconte les talents et les vertus. Dans ce nombre infini d'inscriptions funéraires, dont cette enceinte est comme pavée, reparaissent les attachements terrestres dans toute leur misère, c'est-à-dire sans espérance et sans résignation; elles présentent quelquefois des diffamations et des confidences scandaleuses; de toutes parts des éloges qui ressemblent à des apothéoses. Ces inscriptions nous apprennent que là sont confondues toutes les religions; souvent même elles expriment l'indifférence religieuse dans ce qu'elle a de plus révoltant, et en cherchant bien, on y trouverait jusqu'à la profession de foi du matérialiste et de l'athée75. On rencontre presque à chaque pas de ces pierres sépulcrales couvertes de fleurs sans cesse renouvelées, sans que cette offrande puérile, faite à de froids débris, soit accompagnée de la prière que demandent les âmes des trépassés: ainsi faisaient les païens, il n'y manque plus que leurs libations…

«Enfin, d'espace en espace, la croix y distingue les tombes des chrétiens qui y ont fait bénir les places qu'ils occupent; et bientôt sans doute il n'y en aura plus pour eux parce qu'il ne restera pas un seul coin de cette terre qui n'ait été profané.»

Le sceptique Docteur Noir, dans le Stello de Vigny, dira, bien des années après, avec plus d'exagération et l'accent de la raillerie amère: «Quand la foi est morte au cœur d'une nation vieillie, ses cimetières (et ceci en était un) ont l'aspect d'une décoration païenne. Tel est votre Père La Chaise. Amenez-y un Indou de Calcutta, et demandez-lui:

« – Quel est ce peuple dont les morts ont sur leur poussière des petits jardins remplis de petites urnes, de colonnes d'ordre dorique ou corinthien, de petites arcades de fantaisie à mettre sur sa cheminée comme pendules curieuses; le tout bien badigeonné, marbré, enjolivé, vernissé; avec des grillages tout autour, pareils aux cages des serins et des perroquets; et sur la pierre des phrases semi-françaises de sensiblerie Riccobonienne, tirées des romans qui font sangloter les portières et dépérir toutes les brodeuses?»

«L'Indou sera embarrassé; il ne verra ni pagode de Brahma, ni statues de Wichnou aux trois têtes, aux jambes croisées et aux sept bras; il cherchera le turban de Mahomet et ne le trouvera pas; il cherchera la Junon des morts et ne la trouvera pas; il cherchera la croix et ne la trouvera pas, ou la démêlant avec peine, à quelques détours d'allée, enfouie dans des bosquets et honteuse comme une violette, il comprendra bien que les chrétiens font exception dans ce grand peuple; il se grattera la tête en la balançant et jouant avec ses boucles d'oreilles en les faisant tourner rapidement comme un jongleur. Et voyant des noces bourgeoises courir, en riant, dans les chemins sablés et danser sous les fleurs et sur des fleurs des morts; remarquant l'urne qui domine les tombeaux; n'ayant vu que rarement: Priez pour lui, priez pour son âme. Il vous répondra: «Très-certainement ce peuple brûle ses morts et enferme leurs cendres dans ces urnes. Ce peuple croit qu'après la mort du corps tout est dit pour l'homme. Ce peuple a coutume de se réjouir de la mort de ses pères, et de rire sur leurs cadavres parce qu'il hérite enfin de leurs biens ou parce qu'il les félicite d'être délivrés du travail et de la souffrance.

«Puisse Siwa aux boules dorées et au col d'azur, adoré de tous les lecteurs du Véda, me préserver de vivre parmi ce peuple qui, pareil à la fleur dou-rouy, a, comme elle, deux faces trompeuses!»

Comme nous l'avons dit d'abord, il y a du vrai dans ces réflexions d'ailleurs trop chagrines; mais pourtant, tout en regrettant que le tendre ressouvenir des défunts s'exalte ainsi jusqu'au culte presque idolâtrique, qu'on sacrifie de nouveau en quelque sorte aux dieux Mânes; d'autre part, ne faut-il se féliciter que dans l'ébranlement de tous les pouvoirs, dans notre société secouée par de continuels bouleversements, malgré notre tendance à tout railler comme à tout détruire, quelque chose surnage, un sentiment persiste, énergique au point de s'exagérer, le respect pour les morts, la vénération pour les tombeaux dont la vue rappelle, ne fut-ce qu'un instant, aux sérieuses pensées les plus distraits, les plus enivrés des vanités de la terre et des folles illusions. Puis dans ce culte excessif de la tombe, qui semble aux deux écrivains cités la preuve d'une complète indifférence religieuse, nous serions porté tout au contraire à reconnaître, à saluer le témoignage consolant de la croyance instinctive à l'immortalité.

SAINTE GENEVIÈVE (ÉGLISE)

L'église Sainte-Geneviève est, comme on sait, une basilique dont la construction, au moins quant à l'achèvement, est moderne. L'édifice, après avoir, suivant les vicissitudes des temps, changé plusieurs fois de destination, fut enfin, par un décret du Prince-Président, depuis l'Empereur Napoléon III, consacré sous l'invocation de sainte Geneviève, la glorieuse patronne de Paris, à laquelle dans cet ouvrage nous ne saurions refuser quelques pages. Mais les travaux d'hagiographie n'ont guère été qu'occasionnellement le but de nos études; aussi nous sommes heureux de trouver, dans le savant ouvrage de Félibien et Lobineau, une Notice sur la Sainte écrite avec un singulier charme et qui, par ce qu'un écrivain illustre appelait «la candeur de la narration,» nous a ravi. Il nous sera permis d'en détacher quelques feuillets.

«Il y avait pour lors (451), à Paris, une sainte vierge nommée Geneviève, dont le père s'appelait Sévère et la mère Géronce. Sa sainteté avait été prédite dès son enfance par saint Germain, évêque d'Auxerre, lorsqu'allant combattre l'hérésie des Pélagiens dans l'île de Bretagne, il passa par Nanterre, village à deux lieues de Paris. Un témoignage d'un tel poids, joint au genre de vie que cette sainte fille pratiquait depuis plusieurs années, l'avait mise en grande réputation dans le public. Elle ne voulut toutefois user de son crédit que pour le bien des autres. Voyant toute la ville en émeute sur la nouvelle des ravages d'Attila, elle essaya de calmer les esprits de ses concitoyens. Elle les exhorta à mettre leur confiance en Dieu, à fléchir sa miséricorde par la prière et par le jeûne, à ne point quitter la ville, en les assurant qu'ils n'auraient rien à craindre et que Paris ne recevrait aucun mal. Plusieurs déférèrent aux paroles de la Sainte, mais il y en eut d'autres qui prirent occasion de sa prophétie pour conspirer contre elle et la faire passer pour une magicienne tandis que l'ennemi était prêt à fondre sur eux. La rage et l'animosité allèrent jusqu'à délibérer de quel genre de mort ils la feraient périr: si elle serait lapidée ou jetée à la rivière; lorsque l'archidiacre d'Auxerre arriva à Paris et dissipa ce complot. «Gardez-vous bien, dit-il, d'exécuter un dessein si criminel; j'ai souvent ouï le saint évêque Germain louer la vertu de cette fille devant tout le monde.»

«La suite justifia la prédiction de la Sainte; Attila changea sa marche et n'approcha pas de Paris.» Cette ville, quelques années après, fut assiégée par les Francs que commandait Chilpéric. Bientôt les vivres manquèrent et la famine se faisait vivement sentir lorsque sainte Geneviève, s'étant rendue à Arcis-sur-Aube et à Troyes, en ramena plusieurs grands bateaux chargés de blé qu'elle fit entrer dans la ville à la vue des ennemis qui vainement tentèrent de s'y opposer. Chilpéric néanmoins s'empara de Paris dont il fit sa capitale et, quoique païen, ce prince témoigna pour la Sainte d'une vénération singulière au point de ne jamais rien lui refuser. Certain jour cependant «résolu à employer la dernière sévérité contre des criminels condamnés à mort, il sortit de la ville dont il fit fermer les portes, pour se mettre à couvert des sollicitations de la Sainte.» Mais celle-ci, parvenue à s'échapper de la ville dont les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes pour lui donner passage, arriva jusqu'au roi qui ne put lui refuser la grâce des condamnés.

C'est au zèle de sainte Geneviève qu'on dut, sous le règne du même Chilpéric, la construction d'une église; «la première que l'on sache avoir été élevée sur la sépulture de saint Denis et de ses compagnons.» D'après d'autres historiens cependant, une chapelle existait en cet endroit avant l'invasion des Francs.

«Sainte Geneviève, quoique très âgée et usée d'austérités, vécut encore plusieurs années pendant lesquelles elle eut la joie de voir le grand Clovis, fils de Chilpéric, renoncer au culte des idoles pour embrasser la religion chrétienne… Enfin, comblée d'années et de mérites, elle mourut à Paris le 3 janvier de l'an 509.» Clovis, qui avait eu toujours pour la Sainte une profonde vénération, voulut qu'une grande église ou basilique s'élevât sur le lieu même de sa sépulture où déjà les fidèles s'étaient empressés d'ériger un petit oratoire en bois. Cette église fut dédiée sous l'invocation des apôtres St-Pierre et St-Paul.

L'église de Sainte-Geneviève, qui la remplace, commencée en 1757, d'après les dessins de Soufflot, ne fut terminée que vers 1789 ou 1790, et, l'année suivante, un décret de la Convention décida qu'elle servirait, sous le nom de Panthéon, à la sépulture des grands hommes. En 1806, un décret de Napoléon Ier rendit l'édifice au culte catholique, et pendant la Restauration, des travaux considérables furent exécutés à l'intérieur pour la décoration de l'église qui n'en fut pas moins, après les évènements de 1830, de nouveau transformée en Panthéon. Ce scandale heureusement a cessé.

Dans la basilique, au-dessus d'un autel à droite, se voit la châsse renfermant les reliques de la Sainte. «Cette châsse, dit le chanoine Godescard, se portait en procession dans les calamités publiques, et on a plusieurs fois éprouvé les effets sensibles de la puissante protection de la servante de Dieu auprès du Seigneur. On lui dut surtout la cessation de la cruelle maladie, connue sous le nom de Mal des Ardents, parce qu'elle consumait ceux qui en étaient attaqués par un feu secret et meurtrier.»

Le village de Nanterre où la Sainte naquit, vers l'an 422, reste le lieu d'un pèlerinage célèbre qui, chaque année, à l'époque de la fête, attire un grand concours de fidèles comme plus tard de curieux pour le couronnement de la Rosière. Près de l'église on montre encore le puits témoin d'un miracle que racontent tous les hagiographes. Geneviève qui, âgée de sept ans à peine, déclarait à saint Germain ne vouloir pas d'autre époux que Jésus-Christ, ne s'estimait jamais plus heureuse que quand elle pouvait aller à l'église. Sa mère un jour refusant de l'y conduire, elle ne put retenir ses larmes, et la supplia de la façon la plus pressante de ne pas lui refuser cette grâce. La mère, obstinée à dire non, voyant que l'enfant insistait, perdit patience, et emportée par la colère, elle donna à Geneviève un soufflet. La punition fut prompte, car à peine le coup était porté, que Géronce sentit un voile s'étendre sur ses yeux; la clarté du jour devint pour elle comme les plus profondes ténèbres de la nuit; et maintenant c'était elle qui devait emprunter la main de l'enfant pour la conduire non pas seulement à l'église ou au village, mais même au jardin. «Ce ne fut que près de deux ans après, dit Godescard, qu'elle recouvra la vue en se frottant les yeux avec de l'eau que sa fille avait tirée du puits et sur laquelle elle avait fait le signe de la croix76».

74.Maison de campagne des Pères Jésuites.
75.Le scandale de ces inscriptions a été porté si loin que, depuis quelque temps, dit-on, il a été nommé des inspecteurs chargés d'examiner, d'admettre ou de rejeter les épitaphes. (St-V.)
76.Vies des Saints, T. Ier.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
390 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre