Kitabı oku: «Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome IV», sayfa 8
ENTRETIEN V
Le Roi et Mademoiselle du Tron, seule au bord d'un bassin
Le Roi. – Que faites-vous ici, belle rêveuse? j'étois en peine de vous.
Mlle du Tron. – Sire, j'admirois l'eau comme le principe de toutes choses, suivant la pensée d'un philosophe66.
Le Roi. – Quoi, Mademoiselle, vous suivez déjà les idées de ces grands hommes à l'âge où vous êtes? Ah! défaites-vous de ces pensées obscures et douteuses, qui ne font que fatiguer les personnes qui s'y abandonnent.
Mlle du Tron, d'une manière précieuse. – Sire, Votre Majesté saura aussi que je ne m'embarrasse pas beaucoup des sentiments erronés des philosophes; je n'en parle seulement qu'en passant, et pour me divertir.
Le Roi. – Vous faites très-bien, ma chère demoiselle, de ne vous pas occuper l'esprit de ces fadaises qui n'ont rien de solide; l'Amour, ce petit Dieu des cœurs, est quelque chose de bien plus doux.
Mlle du Tron, poussant un grand soupir. – Ah! Sire, ce nom me fait trembler. Dieux, qu'il est redoutable, cet amour que Votre Majesté trouve si charmant!
Le Roi. – Hé! que vous a fait, Mademoiselle, ce pauvre enfant pour le traiter de la sorte? Ce n'est pas l'amour qui fait peur aux belles comme vous; car je sais que vous aimez, et peut-être de plus d'une manière.
Mlle du Tron. – Votre Majesté, mon Prince, m'apprend qu'il y a plusieurs amours; mais j'ai toujours cru qu'il n'y en avoit qu'un qui soutenoit l'Univers.
Le Roi, se passionnant. – Il est vrai, ma charmante, c'est justement celui-là que je souhaite qui vous puisse blesser. Aimez-moi donc, si vous ne l'avez pas encore fait.
Mlle du Tron. – Ah! Sire, je crains…
Le Roi. – Hé! que craignez-vous, Mademoiselle? ne suis-je pas Roi?
Mlle du Tron. – Il est vrai, Sire; mais…
Le Roi. – Mais vous doutez, peut-être, si je vous aimerai; ah! quelle injustice vous me faites, mon adorable! vous n'avez que trop de mérite et de charmes pour rendre mon amour éternel.
Mlle du Tron. – Ah! mon Prince, Votre Majesté ne doit pas être surprise de cette foiblesse; l'on craint toujours ce que l'on ne veut pas voir, et l'amour est toujours occupé de plusieurs passions.
Le Roi. – Enfin, ma belle, venons au fait: m'aimerez-vous, ou non? Si vous le faites, vous sauverez la vie d'un prince qui va mourir à vos pieds, et qui, sans ce charmant aveu, seroit le plus malheureux de tous les hommes.
Mlle du Tron, en rougissant. – Sire, qu'une déclaration tendre d'un si grand prince embarrasse une personne comme moi! je veux tout, je crains tout; mais hélas! je ne trouve point de force pour rien résoudre, et je flotte toujours entre l'incertitude que mon cœur m'a fait naître…
Le Roi. – Bannissez cette incertitude, Mademoiselle, et me rendez heureux.
ENTRETIEN VI
Le Roi, Mademoiselle du Tron, et Madame de Maintenon, qui surprend le Roi aux pieds de cette belle, dans un cabinet67 d'orangers
Mme de Maintenon. – Ah! ciel, que vois-je? le Roi qui ne s'est point souillé depuis cinq ou six ans des plaisirs de la chair, et le voici aux pieds d'une fille! Ah! Sire, je veux qu'un ange m'emporte, si vous ne perdez la santé qui vous reste, par vos mouvements passionnés.
Le Roi, faisant un signe de croix. – Madame, je remarque que vous extravaguez. Allez vous mettre au lit; vous êtes plus malade que vous ne pensez. Mon bel ange aura soin de me guérir. Les blessures d'amour ne sont pas dangereuses.
Mlle du Tron. – Quelquefois, Sire, ce Dieu a renversé des murailles et gagné de grandes victoires; et tout cela en faisant souffrir bien des peines à ceux qui les défendoient68.
Mme de Maintenon, présentant un petit crucifix au Roi. – Voilà, Sire, la véritable pierre de touche; voilà quel doit être à présent l'objet de votre adoration; c'est là où Votre Majesté doit attacher toutes ses affections et toutes ses pensées, sans s'amuser à ternir sa gloire aux pieds des créatures mortelles.
Le Roi, en colère. – Allez, Madame, aux petites maisons; l'on y en met de moins folles que vous. Est-il saison de m'apporter un crucifix dans le temps que je suis aux pieds d'un ange? Attendez du moins que j'aie commerce avec quelque lutin, afin de l'exorciser par votre dévotion.
Mme de Maintenon. – Hélas! Sire, la conversation d'une fille est à présent plus dangereuse pour Votre Majesté, que celle du plus méchant lutin du monde69. M. Fagon70, votre premier médecin, m'a témoigné mille fois que l'exercice d'amour ne vous vaut rien, parce qu'il ébranle et dissipe les forces naturelles de l'homme; cependant Votre Majesté ne peut étouffer les désirs charnels qui renaissent toujours. Brisez les chaînes du péché, et vous attachez entièrement à votre salut.
Le Roi, se radoucissant. – Je le ferai, Madame; ce sont mes affaires, qui ne vous regardent pas. Allez seulement vous reposer, cela fera du bien à votre esprit, qui est en mauvais état.
(Madame de Maintenon s'en va.)
Le Roi. – Parbleu, Mademoiselle, cette dame-là radote, de venir ainsi troubler nos plaisirs. Que ne demeure-t-elle à Saint-Cyr71, pour donner le nécessaire à ses filles?
Mlle du Tron. – Sire, il paroît bien à l'emportement de madame de Maintenon qu'elle aime Votre Majesté, puisqu'elle prend tant de part dans ses intérêts.
Le Roi. – Je ne puis pas bien démêler le motif qui la fait agir de la sorte; mais je vous dirai, Mademoiselle, qu'un simple gentilhomme est plus heureux que moi, parce qu'il peut faire ses affaires en secret.
Mlle du Tron. – Je vous l'avoue, Sire.
Mme de Maintenon, revenant. – Sire, je viens dire à Votre Majesté, que voici deux lettres que je viens de recevoir; l'une est du maréchal de Boufflers, et l'autre m'a été donnée par M. Bontemps pour mademoiselle du Tron: c'est une de ses tantes de Normandie qui lui mande de venir promptement.
Le Roi, d'un air de dépit. – Et l'autre, Madame, que contient-elle? Apparemment vous en savez aussi la substance?
Mme de Maintenon. – Non, Sire, je n'ai osé l'ouvrir; mais je crois que le maréchal se plaint fort de ses soldats qui désertent à tout moment: ce général en a perdu six mille dans Namur72.
Le Roi. – Depuis un temps vous ne me dites rien que de désagréable.
Mlle du Tron. – Sire, je prends congé de Votre Majesté.
Le Roi. – Où allez-vous, ma belle? demeurez, je vous prie.
Mlle du Tron, après avoir lu sa lettre [la lettre de sa tante]. – Sire, je viens de lire la lettre de ma tante qui me mande absolument; Votre Majesté aura la bonté de me laisser aller.
Le Roi, chagrin et trépignant du pied. – Ah! fâcheux contre-temps, ne cesserez vous point de me persécuter.
ENTRETIEN VII
Le Roi, et le Père la Chaise73, son confesseur
Le Roi, l'apercevant. – Approchez, mon révérend Père, j'ai bien de la joie de vous voir.
Le Père la Chaise. – Ah! Sire, celle que je sens n'est pas exprimable. Il y a plusieurs jours que je meurs d'envie d'entretenir Votre Majesté sur quelques affaires qui me paroissent importantes.
Le Roi. – Parlez, mon révérend Père, qu'avez-vous à me dire d'important?
Le Père la Chaise, étant entré dans le cabinet du Roi. – Sire, je prends la liberté de dire à Votre Majesté, qu'étant il y a quelques jours en prières, j'eus une vision qui m'étonna fort, et où je me trouvai très-embarrassé. L'esprit qui me parla, me dit qu'il étoit l'âme du père Bobinet74 mon confesseur, que le conseil céleste avoit député pour venir me dire combien les puissances souveraines des cieux étoient fâchées contre Votre Majesté, qui met le clergé au rang des sujets contribuables de son royaume, en les taxant comme les autres75. Ce qui ne doit pas être, suivant la pensée d'un grand Saint, qui nous dit que ceux qui servent à l'autel doivent être exempts de tous impôts et de toutes taxes.
Le Roi, fort pensif. – Cela est-il bien véritable? Mais, mon Dieu, mon révérend Père, ce n'est pas ma faute; si j'ai péché dans cette occasion, ce n'est que par conseil. Messieurs de Pomponne76, de Harlay77, et Pontchartrain78, ne m'ont-ils pas porté à demander à mon clergé les dix millions de don gratuit79 qu'il m'a fourni pour soutenir la guerre, qui, comme vous savez, est fort difficile à supporter80?
Le Père la Chaise. – Je l'avoue, Sire; mais cependant on murmure fort à la cour céleste de tout ce qui se passe en France et le père Bobinet dit encore que saint Ignace prit la parole au nom de l'assemblée, et dit, comme en colère, qu'il étoit impossible qu'un prince qui renverse le service divin entrât en paradis.
Le Roi, frappant de son chapeau sur la table. – Parbleu, mon Père, je n'y saurois que faire, quand tous les saints du Paradis y trouveroient à redire, et que ce seroit un crime, j'y ai été forcé; ce n'est que pour un bien qui est la gloire de mon Etat; et, quoique j'en aie donné les ordres, ce ne peut être au plus à mon égard qu'un péché philosophique81, comme vous me l'avez dit mille fois.
Le Père la Chaise. – Sire, ne vous emportez pas, nous tâcherons de réconcilier Votre Majesté avec les puissances célestes, et de rendre véniels tous les péchés qu'elle commettra par ignorance.
Le Roi. – Vous ferez bien, car je n'aime pas les querelles, et ne veux pas être contredit dans mes actions. Tâchez donc, mon révérend Père, de faire ma paix avec les saintes Intelligences, et de me bien mettre dans leurs esprits; car autrement je craindrois fort qu'il me laissent longtemps brûler en purgatoire pour se venger.
Le Père la Chaise. – Ne vous alarmez point, Sire; je donnerai un bon passe-port à Votre Majesté pour la rendre heureuse en l'autre vie; d'ailleurs, ne doit-elle pas tout espérer de tant de belles actions qu'elle a faites pendant son règne, et de toutes les âmes qu'elle a converties par ses dragons82, que nous appelons les gendarmes du ciel?
Le Roi. – Lorsque j'ai fait chasser les huguenots, qui ne vouloient pas se convertir, j'ai suivi en cela les conseils que vous m'aviez donnés; car vous savez que vous m'avez toujours dit que je ne pouvois faire une plus belle pénitence de mes fautes passées, et acquérir plus sûrement le Paradis, qu'en donnant tous mes soins pour l'extirpation de l'hérésie83, et en établissant la maison de Saint-Cyr84.
Le Père la Chaise. – Cela est vrai, Sire, et c'est aussi ce que l'on considérera toujours comme les merveilles de votre règne. Ne doutez donc pas que vous n'en receviez la récompense dans le ciel.
Le Roi. – Cela suffit; adieu donc, mon révérend Père; je me recommande à vos bonnes prières et à celles des Saints Pères de votre société.
ENTRETIEN VIII
Madame de Maintenon et Monsieur Fagon, premier médecin du Roi
M. Fagon. – Madame, je suis votre très humble serviteur; comment vous portez-vous?
Mme de Maintenon. – Je me porterois bien, Monsieur, si je n'avois point de chagrin qui est, comme vous savez, un poison pour la santé.
M. Fagon. – Il est vrai, Madame, Hypocrates nous dit aussi, dans son traité de médecine, que les personnes gaies sont rarement malades85.
Mme de Maintenon. – Hé, comment, Monsieur, pouvoir rire? l'on a du chagrin à tout moment.
M. Fagon. – Quel est donc le vôtre, Madame, ose-t-on vous le demander?
Mme de Maintenon, poussant de gros soupirs. – Oui bien, Monsieur, c'est le Roi qui me le donne.
M. Fagon. – Quoi, Madame, un prince si bénin, si débonnaire pourroit vous affliger?
Mme de Maintenon. – Monsieur, le déplaisir que ce monarque me cause est qu'il veut s'attacher de nouveau à une petite beauté qui lui donnera bien à songer. Vous savez que l'exercice amoureux ne lui vaut rien à l'âge où il est86.
M. Fagon. – J'en conviens, Madame; l'amour rend l'homme foible et chancelant quand il ne se conduit pas sagement; mais user un peu de cette passion sobrement, n'est pas méchant pour la santé. Nous avons même un de nos savants docteurs qui ordonne de temps en temps de se servir de femmes et de vin pour se bien porter87.
Mme de Maintenon. – De grâce, Monsieur, n'allez pas dire cela au Roi. Ce prince, qui est naturellement sensible à l'amour, en profiteroit plus que vous ne croiriez, et Sa Majesté se perdroit dans les combats de Vénus.
M. Fagon, riant. – Est-il possible, Madame?
Mme de Maintenon, branlant la tête. – Il n'est que trop vrai, Monsieur; je connois ce monarque, il pousse les choses jusques à l'excès; et c'est son penchant que les femmes.
M. Fagon. – Quelle est donc la beauté, Madame, qui engage à présent le Roi? je le croyois détaché de tout attachement charnel.
Mme de Maintenon. – Monsieur, est-ce que vous ne le savez pas?
M. Fagon. – Non, Madame; qui est-ce qui me l'auroit dit?
Mme de Maintenon. – C'est la nièce de M. Bontemps notre gouverneur de Versailles, qui a ravi la liberté de ce prince, pour l'avoir vue une fois à l'Opéra.
M. Fagon. – Quoi, Mlle du Tron! qui auroit jamais dit que cette fille avec son air précieux et languissant88, auroit pris le cœur d'un si grand prince?
Mme de Maintenon. – Cependant, c'est elle-même; le Roi en est si charmé que, hors de sa présence, il ne peut trouver de repos.
M. Fagon. – Ah! Madame, je la plains: Il faut que ce prince fasse de grands efforts pour contenter cette jeune amante, cela détruira infailliblement sa santé.
Mme de Maintenon. – C'est ce que je dis aussi, Monsieur; je vous prie instamment de vous servir de tout l'ascendant que vous avez sur ce monarque, pour le détourner de cette amourette qui lui est si désavantageuse pour le corps et pour l'esprit, qu'il n'est occupé que de sa nouvelle passion.
M. Fagon. – Je ferai tout mon possible, Madame, pour persuader à ce prince que sa santé y est intéressée; et comme Sa Majesté ajoute assez de foi à ce que je lui dis, j'espère de réussir dans mon dessein.
Mme de Maintenon. – Dieu le veuille, Monsieur, pour mon repos. Il me souvient que, quand vous dîtes au Roi dernièrement que l'air de Meudon lui étoit meilleur que celui de Versailles, il a cru votre conseil, puisque Sa Majesté y va une ou deux fois la semaine, et particulièrement depuis qu'il a sa belle en tête.
M. Fagon. – Ne vous chagrinez point, Madame, de cette amourette: c'est un feu volant qui passera comme les autres; il est trop ardent, à ce que vous m'avez dit, pour être de durée.
Mme de Maintenon. – Cependant, Monsieur, je ne laisse pas d'en avoir bien du chagrin.
M. Fagon. – Madame, vous avez trop de vertu et trop de politique pour ne pas savoir vous contraindre; un peu de complaisance sied bien, et principalement à la Cour où il s'en faut beaucoup servir.
Mme de Maintenon. – Rien de plus vrai, Monsieur, la feinte et la dissimulation sont les qualités les plus nécessaires aux courtisans.
M. Fagon. – Madame, je prends congé de vous; voici le Roi qui vient, je m'en vais au-devant.
Mme de Maintenon. – Adieu, Monsieur, n'oubliez pas de dire au Roi qu'il prenne soin de sa personne.
M. Fagon, prenant la main de Mme de Maintenon. – Je n'y manquerai pas, Madame, prenez du repos.
Mme de Maintenon. – Monsieur, avant que je vous quitte, tâtez un peu mon pouls.
M. Fagon, lui prenant le bras. – Il est un peu ému, mais ce ne sera rien; et si cela continue, mon chirurgien89 vous saignera par la veine céphalique et basilique90, ce qui vous guérira indubitablement; je vous laisse, Madame.
Mme de Maintenon. – Je suis votre servante, Monsieur.
ENTRETIEN IX
Le Roi, et Monsieur Fagon
Le Roi, en souriant. – Ah! Monsieur le médecin, comment vous portez-vous depuis avant-hier?
M. Fagon. – Fort bien, Sire, comme un homme qui est toujours prêt à servir Votre Majesté, avec la plus grande inclination du monde.
Le Roi, lui prenant la main. – Voilà qui est fort honnête, Monsieur, comptez aussi sur mon amitié.
M. Fagon. – Sire, Votre Majesté me fait plus d'honneur que je ne mérite.
Le Roi. – Monsieur, point de compliments, asseyez-vous ici. Quelles nouvelles m'apprendrez-vous?
M. Fagon. – Sire, je ne sais rien de nouveau, sinon, que je trouve un grand changement en Votre Majesté.
Le Roi, le regardant. – Eh! que trouvez-vous en moi de changé? est-ce à mon avantage ou à mon désavantage?
M. Fagon. – Non, Sire, c'est à votre avantage.
Le Roi, en riant. – Parlez donc, Monsieur le docteur, et vous expliquez; qu'est-ce que vous remarquez en moi?
M. Fagon. – Une abondance de santé, Sire, causée par une joie qui se répand sur toute votre personne royale.
Le Roi. – Bon, voilà qui va bien, Monsieur; je ne laisse pas cependant d'avoir du chagrin de toutes les pertes que je fais cette année de tous côtés.
M. Fagon. – C'est le sort de la guerre, Sire, qui a toujours été de la sorte; l'amour récompense Votre Majesté de ses pertes, en lui faisant faire des conquêtes dans son empire.
Le Roi, d'un air agréable. – Monsieur, je vois bien que vous êtes aussi savant en amour qu'en médecine; mais, dites-moi un peu, je vous prie, avez-vous des remèdes pour les cœurs des amants?
M. Fagon. – Oui, Sire, je les guéris à peu de frais.
Le Roi. – Ah! Monsieur, donnez-m'en un pour un prince qui souffre beaucoup, qui vous en saura bien du gré.
M. Fagon. – Sire, je ne puis guérir personne si je ne le connois; mes herbes n'ont point d'effet, si je ne vois et ne touche.
Le Roi, en souriant. – C'est moi, Monsieur, qui serai votre nouveau malade; je vous prie, guérissez-moi donc promptement.
M. Fagon. – Votre Majesté, Sire, n'a pas besoin de mes remèdes, étant maître de la beauté qui l'engage; mais je prends la liberté de lui dire, qu'un grain ou deux d'amour de plus pris par excès, sont capables de lui faire bien du mal, et même de lui affoiblir le reste du corps.
Le Roi. – Je vous entends, Monsieur; nous n'en prendrons pas plus qu'il n'en faut pour se bien porter. Adieu, je vous quitte, voilà M. de Pontchartrain.
ENTRETIEN X
Le Roi, et Monsieur de Pontchartrain, ministre d'Etat
Le Roi. – Eh bien, Monsieur, aurons-nous de l'argent?
M. de Pontchartrain. – Sire, en exécution de vos ordres, nous nous sommes assemblés extraordinairement, pour tâcher de trouver à Votre Majesté les sommes qu'elle demande, nous avons longtemps délibéré…
Le Roi. – Il ne falloit pas perdre tant de temps à délibérer, et passer promptement aux effets pour remplir nos coffres.
M. de Pontchartrain. – Nous le souhaitons tous ardemment; mais…
Le Roi, se fâchant. – Mais, mais; ne vous ai-je pas dit que quand j'ai commandé, je ne veux pas qu'on me contredise.
M. de Pontchartrain. – Sire, je prends la liberté de remontrer à Votre Majesté que l'on ne peut à présent aller si vite; la ville et la campagne sont ruinées par les taxes, les impôts et les contributions; vos peuples meurent de faim91, et sont tellement accablés de misères, qu'ils ont beaucoup plus besoin d'un prompt soulagement, que d'être encore surchargés par de nouveaux impôts.
Le Roi. – Qu'ils fassent comme ils l'entendront; mais il faut bien qu'ils payent ou qu'ils crèvent. Voilà qui est admirable! doivent-ils travailler pour d'autres que pour moi qui suis leur Roi, et tous leurs biens ne m'appartiennent-ils pas de droit, comme madame de Maintenon et les bons Pères Jésuites me le représentent si souvent92! C'est aussi le sentiment des principaux de ma Cour, qui disent que mes sujets doivent s'estimer fort heureux que je leur laisse la vie et l'habit, que je pourrois leur ôter si je voulois.
M. de Pontchartrain. – Il ne me convient pas, Sire, d'entrer dans cet examen; cependant je prends la liberté de vous dire, qu'encore que Votre Majesté soit toute puissante sur la terre, elle ne peut faire trouver de l'argent où il n'y en a pas. Il n'y a que le Créateur de l'Univers qui puisse faire un si grand miracle.
Le Roi. – Enfin, Monsieur, sans tant de raisons, faites ce que vous pourrez et mettez tout en usage; mais il faut au plus tôt de l'argent, tant pour mes dépenses ordinaires et extraordinaires, que pour celles de la guerre93 et de Marly94, dont je ne prétends pas absolument [en] rien retrancher.
M. de Pontchartrain. – C'est à ces grands recouvrements que je travaille aussi avec toute l'application possible; mais en vérité, Sire, nous avons inventé tant de nouvelles affaires, que mon imagination en est tarie95, et il ne nous reste plus qu'une découverte à mettre en œuvre.
Le Roi. – Quelle est donc cette découverte?
M. de Pontchartrain. – La voici: Messieurs d'Argouges et Barbezieux96, ministres d'Etat, ne pouvant plus mettre de taxes, et voyant que les finances de Votre Majesté commencent à s'épuiser, M. d'Argouges, toujours fertile en moyens, nous en proposa un nouveau, qui est de mettre un impôt sur les vents; ce qui attireroit, dit-on, de grandes sommes d'argent pour soutenir la guerre dans tout le royaume; les mariniers, les bateliers, les meuniers et autres gens semblables, ne pouvant se servir de cet élément sans payer la somme imposée.
Le Roi. – Cet avis me paroît assez bon, et n'est pas à négliger.
M. de Pontchartrain. – L'on étendroit le règlement jusques sur les apothicaires, qui par leurs remèdes tirent un gros profit des vents du corps humain, et sur les médecins qui n'en tirent pas moins, et y contribuent autant par leurs ordonnances.
Le Roi, se frottant le front. – Je consentirois avec joie, si cela se pouvoit; mais chacun se révoltera d'abord contre ce nouvel impôt, particulièrement les médecins et les apothicaires qui crieront comme des diables.
M. de Pontchartrain. – Sire, il suffit d'avoir votre consentement, nous les réduirons comme les autres.
Le Roi. – Monsieur, je ne sais ce que je dois faire: mon confesseur m'a rapporté que tous les saints du Paradis crient contre moi comme des enragés d'avoir osé taxer le service divin97.
M. de Pontchartrain. – Cela se peut-il, Sire?
Le Roi. – Il n'y a rien de plus vrai, Monsieur; mais que le Père Bobinet, confesseur du Père de la Chaise qui est mort depuis peu, a été député de l'assemblée céleste pour m'en avertir.
M. de Pontchartrain. – C'est cependant, Sire, le dernier moyen que nous avons trouvé pour avoir de l'argent.
Le Roi. – Morbleu, Monsieur, je suis au désespoir de voir les côtes de France bombardées par les Anglois et les Hollandois98. Je voudrois n'avoir jamais vu Tourville99 qui m'a conseillé de mener ma flotte dans la Méditerranée: les alliés en ont bien su profiter et n'auroient pas fait de même100.
M. de Pontchartrain. – Sire, c'est un malheur, mais la chose est faite.
Le Roi. – Oui, de par tous les diables, mais je n'en suis pas mieux, et mes forces s'affoiblissent toujours de plus en plus.
M. de Pontchartrain. – Rien n'est plus vrai, Sire; car les trois Etats de Votre Majesté sont aux abois et n'en peuvent plus; le Clergé, le Parlement et la Noblesse se sont saignés jusques à la dernière goutte de leur sang, et je ne sais par quel nouvel impôt on pourra trouver de l'argent.
Le Roi, après avoir rêvé. – Monsieur, il me semble qu'il seroit plus à propos de taxer les heures que les vents, parce qu'elles font toujours leur même révolution, et que chacun s'en sert généralement sans pouvoir s'en passer, particulièrement l'heure du berger, qui est d'une nécessité importante aux amants.
M. de Pontchartrain. – Mais, comment, Sire, connoître les heures destinées à l'amour, à moins de taxer tous les jeunes gens.
Le Roi. – Monsieur, l'on ne sauroit manquer de comprendre au rôle de cette taxe tous les vieux et les jeunes; car je puis vous assurer que les vieillards aiment autant à se divertir que les autres.
M. de Pontchartrain. – Mais, Sire, Votre Majesté ne trouveroit-elle pas bon d'y mettre les religieux et les abbés101, qui font…
Le Roi. – Ah! ciel! Monsieur, vous n'y songez pas; il est vrai que les abbés sont amis de la galanterie; mais les autres sont de saintes âmes qui ne font que prier Dieu nuit et jour.
M. de Pontchartrain. – Sire, M. de Pomponne proposa encore un autre moyen, qui semble être une dépendance de celui que Votre Majesté veut dire: c'est de taxer toutes les filles de joie102 de votre royaume, et ceux qui les entretiennent.
Le Roi, en riant. – Il faut donc qu'il se mette le premier en tête; car je sais qu'il ne hait pas les femmes103.
M. de Pontchartrain. – Cela s'entend, Sire, c'est peut-être pour avoir le plaisir de payer et vous marquer son zèle, que ce ministre a inventé ce moyen qui n'est pas méchant.
Le Roi. – Cela est assez sujet à caution; mais quittons la raillerie, et pour conclusion de cet entretien, faites fond, suivant le plan que nous venons de faire, de me trouver au plus tôt de l'argent, et surtout n'y manquez pas.
M. de Pontchartrain. – Sire, j'y ferai de mon mieux.
L'éditeur du Journal de la Santé du Roi lui attribue à tort le volume intitulé: «les Admirables qualitez du Quinquina, confirmées par plusieurs expériences… etc. Paris, Martin Jouvenel, 1689,» in-12. Cet ouvrage, publié sans nom d'auteur, est précédé de plusieurs approbations de médecins de la Cour, et la première est celle de Fagon, qui, en retour, est cité plusieurs fois avec éloge par l'auteur anonyme.
Dès la troisième année de la fatale guerre de 1688 à 1697 contre le prince d'Orange, le Roi avait dû écrire à l'archevêque de Paris: «Mon cousin… comme j'ay esté informé qu'il y a beaucoup d'argenterie dans les églises au-delà de celle qui est nécessaire pour la décence du service divin, dont la valeur étant remise dans le commerce apporteroit un grand avantage à mes sujets, je vous fais cette lettre pour vous exhorter à examiner ce qu'il y a d'argenterie dans chaque église de votre diocèse… vous assurant que vous ferez chose qui me sera fort agréable et fort utile au bien de mon Etat, d'ordonner qu'elle soit portée dans mes monnoies pour être converties en espèces d'or et d'argent, la valeur en être payée comptant sur le pied porté par ma déclaration du 14 décembre dernier à ceux qui l'apporteront, et ce qui proviendra de ladite argenterie superflue être ensuite employé au profit des églises à laquelle ladite argenterie appartenoit.» (8 février 1690.) – Le 16 février suivant, l'archevêque de Paris écrivoit au clergé tant régulier que séculier de son diocèse pour l'inviter à se conformer aux ordres du Roi; ce qui se faisoit dans le diocèse de Paris devait évidemment se faire dans tous les autres. – Voy. p. 156, note 79.
Du reste, plus étoient grandes les charges imposées au pays, moins le trésor royal avoit de ressources. Le comte de Boulainvilliers (ibid., p. 153) nous en fournit la preuve. En 1688, les tailles étoient de 32,486,911 liv.; sur cette somme, le trésor a reçu 29,929,240 liv.; en 1707, elles étoient de 36,755,985 liv.; sur cette somme, le trésor n'a reçu que 23,538,408 liv. – Ainsi, les tailles ayant augmenté de 4,269,074 liv., la recette, entre 1688 et 1707, a diminué de 6,390,832.
Les Aphorismes d'Hippocrate ne disent rien de semblable; mais l'école de Salerne dit:
Si vis incolumem, si vis te reddere sanum,Curas tolle graves…
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1690. —3 Janvier.– Déclaration du Roi: «… Pour mettre tout d'un coup dans le commerce une grande quantité de matières d'or et d'argent et la faire convertir en espèces à nos coins et armes, nous avons fait porter aux hostels de nos monnoyes une grande partie des ouvrages d'orfévrerie qui servoient d'ornements à nos palais (malheureusement, d'après l'abbé Le Gendre, ces ouvrages étoient dus au célèbre orfèvre Claude Ballin, dont on trouve la vie et le portrait dans les Hommes illustres de Perrault); et, après avoir donné cet exemple à nos sujets, nous avons, par notre déclaration du 14e du mois de décembre dernier, deffendu à l'avenir la fabrication de toute sorte d'ouvrages d'argenterie de pur ornement, et nous avons ordonné que ceux de nos sujets qui auroient de ces ouvrages deffendus les porteroient aux hostels de nos monnoyes… sans aucun profit pour nous, puisque nous leur faisons payer la matière desdits ouvrages d'argenterie deffendus à 35 sols du marc de plus qu'elle n'est évaluée par les tarifs arrestez en nos cours des monnoyes. Nostre prévoyance et nos soins ont eu tant de succez que nous avons eu la satisfaction de voir que, depuis la publication de cette déclaration, nos sujets y obéissent avec tant de zèle et d'empressement qu'ils portent aux hostels de nos monnoyes, non-seulement les ouvrages d'argenterie deffendus, mais encore beaucoup de vaisselle plate (plata, esp., argent) dont l'usage leur étoit permis…»
1690. —8 Février.– Lettre du Roy à Mgr l'Archevêque de Paris: «Mon cousin… comme j'ay esté informé qu'il y a beaucoup d'argenterie dans les Eglises au-delà de celle qui est nécessaire pour la décence du service divin, dont la valeur estant remise dans le commerce apporteroit un grand avantage à mes sujets, je vous fais cette lettre pour vous exhorter à examiner ce qu'il y a d'argenterie dans chaque église de votre diocèse… vous asseurant que vous ferez chose qui me sera fort agréable et fort utile au bien de mon Etat, d'ordonner qu'elle soit portée dans mes monnoyes pour estre converties en espèces d'or et d'argent, la valeur en estre payée comptant sur le pied porté dans ma déclaration du 14 décembre dernier…» – Semblable lettre dut être envoyée à tous les Evêques de France.
1690. —16 Février.– Lettre de l'Archevêque de Paris au Clergé tant régulier que séculier de son diocèse, pour l'inviter à se conformer aux ordres contenus dans la lettre royale du 8 février.
1690. —Février.– Edit du Roi portant création en titre d'office d'un premier président et de huit présidents au Grand Conseil, qui payeront «en nos revenus casuels la somme à laquelle sera taxée chaque charge…»
1690. —Novembre.– Edit du Roi portant création de deux présidents, seize conseillers et autres officiers au Parlement de Paris, Requêtes de l'Hôtel et Requêtes du Palais… «Les dépenses excessives que nous sommes obligez de faire pour faire garantir notre Royaume de la multitude des ennemis qui l'attaquent, nous engageant de suppléer par des fonds extraordinaires aux défauts de nos revenus, nous nous trouvons obligez, après les grandes aliénations que nous en avons fait, de recourir aux moyens dont on peut tirer des secours plus considérables avec moins de charge pour nos sujets et pour nos finances…
»A ces causes… nous avons fixé à 500,000 liv. au lieu de 350,000 liv. le prix des charges de président, et celles de nos advocats généraux à 350,000 liv. au lieu de 300,000 liv.» – Les nouveaux titulaires payoient le droit annuel sur le prix de l'évaluation des offices. D'où ce résultat que «les plus hautes charges de l'Etat ne rapportent pas le denier quarante, et celles des finances vont à dix et quinze pour cent, sans les autres facilités qu'elles procurent.» – 6e Mém. du comte de Boulainvilliers.
1690. —Décembre.– Edit du Roi portant création de deux présidents, quatre maîtres ordinaires, quatre correcteurs, quatre auditeurs et autres officiers en la chambre des comptes de Paris. – La charge de premier président est taxée à 550,000 liv. au lieu de 400,000 liv., celle de président, à 300,000 liv. au lieu de 200,000 liv., celle de procureur général à 300,000 liv. au lieu de 250,000 liv.
1691. —Mars.– Edit du Roi portant création de maîtres et gardes et de jurez syndics des corps des marchands et des arts et métiers dans toutes les villes du royaume. Les droicts de marc d'or desdits offices sont fixez pour la première classe à 30 liv.; pour la deuxième à 24 liv.; pour la troisième à 18 liv.; pour la quatrième à 12 liv. En outre, pour les droits de réception, selon la classe, 15 liv., 12 liv., 9 liv. et 5 liv.; plus, pour le droit royal rétabli en remplacement du droit domanial supprimé, les marchands et maîtres des corps et communautés payent 40 liv. pour la première classe, 30 liv. pour la deuxième, 20 liv. pour la troisième, 10 liv. pour la quatrième.
1691. —3 Mai.– «Les marchands bonnetiers se réunissent au bureau de la communauté, rue des Ecrivains, paroisse Saint-Jacques-la-Boucherie, pour délibérer sur les moyens de trouver les fonds de la somme [de 36,000 liv.] que la communauté doit offrir au Roi pour réunir au profit d'icelle les offices héréditaires de six maîtres et gardes de la communauté créés, ainsi que dans tous les autres corps et communautez des marchands et artisans des villes du royaume par l'édit du mois de mars…» – Il résulte d'un arrêt du Conseil du Roi en date du 8 mai, que les bouchers, après avoir refusé d'abord, auroient fait leur soumission.
1691. —22 Mai.– Extrait des Registres du Conseil d'Etat: … «Sa Majesté en son Conseil a ordonné et ordonne que la déclaration du 14 novembre 1689 sera exécutée selon sa forme et teneur; en conséquence a fait et fait très-expresses inhibitions et défenses à tous ouvriers de luxe de dorer ou argenter des chandeliers à branches, girandoles, bras, chenets, grilles, brasiers, bordures de miroirs, balustres, bois de chaises, tables, bureaux, guéridons et autres semblables ouvrages…»
1691. —14 Août.– Déclaration du Roi… «Ceux qui ont acquis quelque domaine aliéné de bénéfices, communautez, colléges ou hôpitaux, à la charge d'en remplacer le prix en maisons ou héritages, seront tenus, à la réquisition des créanciers, d'en porter les deniers à nostre trésor royal, pour estre employez en acquisitions de rentes constituées sur l'hostel de nostre bonne ville de Paris…»
1692. —Janvier.– Edit du Roi portant création des charges de surintendant général des postes et relais de France et de grand maître des courriers… «A l'égard de tous les droits utiles, profits et revenus appartenant auxdites charges… nous les avons unis et unissons à notre domaine pour estre reçus par nos receveurs avec nos autres revenus, chacun dans leur généralité.» – Cf. 6e Mém. de Boulainvilliers.
1692. —Février.– Edit du Roi portant création de lieutenants de S. M. dans toutes les provinces du royaume: «Si l'état florissant où nous conservons notre royaume au milieu de la plus grande guerre que la France ait jamais soutenue nous en a fait connoître les forces inépuisables, le zèle ardent et empressé avec lequel nos sujets et principalement notre noblesse sacrifient tous les jours leurs biens et leurs vies nous fait trouver en même temps notre puissance trop bornée, lorsque, voulant proportionner nos bienfaits à leurs services, nous voyons à regret que nous manquons de récompenses à mesure que les raisons d'en donner augmentent…» – Les lieutenants du Roi ne pourront être remplacés «sans que celuy auquel nous en aurons donné l'agrément n'ait actuellement remboursé les sommes que lesdits lieutenants auront financés en nos coffres…»
1692. —Février.– Edit du Roi portant création de 200 notaires royaux dans l'étendue du Parlement de Tournay, etc.
1693. —17 Mars.– Tarif des droits que le Roi en son conseil veut et ordonne être payez pour le controlle et enregistrement des titres et autres actes qui seront reçus à l'avenir dans toute l'étendue du royaume. Exemples: contrats de mariage, jusqu'à 500 liv., dix sols; – de 500 à 1,000 liv., 20 sols; – de 1,000 à 5,000 liv., 40 sols, etc.
1693. —8 Mars.– Tarif des droits qui seront payez par les juges ou officiers de justice des seigneurs qui ne se sont point fait recevoir ou qui n'ont point esté immatriculez aux greffes de nos cours ou juridictions. Exemple: les juges des duchés-pairies et autres justices seigneuriales qui ressortissent immédiatement au Parlement, chacun 150 liv.; procureurs desdits, 100 liv., etc.
1693. —16 Juin.– Tarif des droits que le Roi en son conseil veut estre payez à commencer du 1er juillet prochain par les communautez des marchands et artisans de la ville et faubourgs de Paris, pour avoir la faculté d'avoir chez eux des balances, romaines et fléaux de quelque poids que ce soit. Exemple: chacun des maîtres de la communauté des épiciers, apothicaires, grossiers, confiseurs, ciriers, 6 liv.; – merciers, grossiers, joailliers, 6 liv.; – bouchers, 10 liv.; – boulangers, 3 liv., etc.
1695. —Janvier.– On lit dans le Mercure galant: «Enfin la déclaration du Roi pour l'établissement de la capitation a esté publié. Il y avoit longtemps que cette publication étoit souhaitée, tant le zèle des sujets du Roi est grand pour contribuer à sa gloire et au bien de l'Etat: en sorte que les taxes ont paru fort modiques à plusieurs.»
Comme complément de cette curieuse nouvelle, voici un extrait de la lettre (insérée au Mercure galant de mars 1695) par laquelle les Etats de Languedoc sollicitent la faveur d'être soumis à la capitation: «L'Assemblée des Etats de Languedoc a toujours donné des marques de la passion qu'elle a eue pour le service du Roi et pour le bien du royaume, en supportant les impositions dont cette province est chargée; mais elle sent croître cette passion dans le cœur de ceux qui la composent, en ce temps où les ennemis de l'Etat se sont faussement persuadé que le zèle des sujets du Roi peut diminuer ou leurs forces s'épuiser, après le don gratuit de trois millions qu'elle vient de faire à S. M. et de plusieurs autres sommes considérables… elle demande à Sa Majesté qu'il luy plaise de faire une subvention générale de capitation qui soit supportée par tous ses sujets, et demande que l'établissement en soit fait dans la province de Languedoc pendant la guerre…»
1695. —30 Avril.– Edit du Roi, registré au Parlement, portant aliénation de douze cent mille livres de rente au denier quatorze sur l'hôtel-de-ville de Paris.
Nous pourrions multiplier ces extraits; ceux qui précèdent peuvent déjà donner l'idée des souffrances que l'état de guerre faisoit supporter au pays.
Louvois étant mort le 16 juillet 1691, à 51 ans, son troisième fils, le marquis de Barbezieux, fut nommé secrétaire d'Etat, et prêta serment le 19 août entre les mains du Roi pour la charge de chancelier et garde des sceaux qu'avoit son père, le 25 août 1693; le 12 novembre il épousoit Mlle de Crussol, fille du duc d'Usez et petite-fille de Montausier. Il mourut à Versailles le 5 janvier 1701, épuisé par une vie de plaisirs, après une courte maladie. – Lorsqu'il succéda à son père, il avoit 23 ans, «d'ailleurs nulle expérience, et il eut ordre de ne rien faire dans l'exercice de sa charge que par l'avis de Chanlay, qui lui fut donné comme collègue et comme modérateur.» (Mém. de l'abbé Le Gendre, p. 136.) – Voy. sur les griefs du Roi contre lui, Saint-Simon, édit. Hachette en 13 vol. in-12, VIII, 457.
Gazette du 2 juillet (Toulon, 19 juin) 1695. – «Les ennemis ne paroissent plus sur nos costes, et on a appris que leurs grands préparatifs et une flotte si nombreuse n'ont abouti jusqu'à présent qu'à transporter en sûreté quelques troupes en Catalogne.»
Gazette du 17 septembre (Marseille, 5 septembre) 1695. – «L'armée navale des alliez, après avoir jeté inutilement 2,500 bombes dans Palamos, partit le 27 du mois dernier et parut le 30 devant Toulon avec environ cent bastimens, parmy lesquels il y avoit 55 vaisseaux de guerre ou frégates.» – A Toulon, à la Ciotat, à Marseille et dans les autres ports de la côte, le maréchal de Tourville, en Provence le comte de Grignan prirent toutes les mesures nécessaires pour empêcher le débarquement des ennemis qui, fort heureusement, furent éloignés par une tempête.