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Kitabı oku: «Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 1», sayfa 21

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CHAPITRE XXV.
1652

Haine contre Mazarin.—Menaces du parlement contre le gazetier Loret.—Libelles et chansons contre la reine et son ministre.—Sermon du père Le Boux en faveur de la cause royale.—Prédications furibondes du père George contre la cour.—La cause royale gagne des partisans.—Beaufort battu à Gergeau.—Mazarin plein de confiance en lui-même.—L'armée royale est subitement attaquée par Condé.—Comment ce prince parvient à rejoindre son armée.—Habileté de Gourville et de Chavagnac.—Condé manque d'être pris par Bussy-Rabutin.—Combat de Bléneau.—Conséquences de ce combat si Condé eût battu l'armée royale.—Condé entre dans Paris.—Ses fautes.—Suites et résultats de la victoire de Turenne.—Événements et intrigues qui les produisent.—L'histoire ne mesure pas le temps d'après la durée astronomique.

Quelque nombreux, quelque divisés que fussent les partis qui s'agitaient dans Paris, ils se réunissaient tous pour s'opposer à Mazarin et résister au roi, ou plutôt à la reine sa mère. Ceux qui étaient partisans du premier ministre, comme ceux qui, tout en le détestant, voyaient trop de dangers à ne pas respecter en lui une autorité exercée au nom du roi, étaient en petit nombre; et leur voix était tellement comprimée, que Loret fut menacé, par les membres du parlement, d'un décret de prise de corps, parce que dans sa misérable Gazette (comme lui-même la nomme avec juste raison), il avait exprimé avec trop de franchise son opinion en faveur de la cause royale. Il se vit obligé de renoncer à la liberté de ses rimes, et de ne plus raisonner

 
Sur l'état présent des affaires,
Pour n'irriter tels adversaires584.
 

Ce qui lui parut dur; car en terminant une de ses lettres il s'écrie:

 
Ah! que c'est une étrange chose
Quand on veut jaser, et qu'on n'ose585!
 

Cependant les libelles les plus odieux et les chansons les plus ordurières contre la reine et contre Mazarin s'imprimaient librement, et circulaient parmi le peuple, sans que le parlement songeât à réprimer tant d'audace. De tout temps ceux qui se sont armés contre le pouvoir, sous le prétexte de se soustraire à l'oppression, commencent par opprimer leurs adversaires, parlent sans cesse de justice, de liberté et d'humanité, et se montrent iniques et cruels.

La chaire évangélique avait pourtant maintenu son indépendance, et le parlement n'osait y porter atteinte. On s'empressait de se rendre aux sermons du père Le Boux, de l'Oratoire, et à ceux du père George, capucin, qui tous deux, mêlant la politique aux saintes leçons de la religion, prêchaient, le premier en faveur de la cause royale, le second pour la Fronde et le parlement. Le père Le Boux fut plusieurs fois insulté par la populace au sortir de l'église; mais il n'en continua pas moins à exhorter tous les partis à se réunir dans une commune obéissance aux ordres du roi586. Gaston assista à l'un de ses sermons, le 10 mars de cette année 1652, durant le carême; il y vint avec toute sa famille; et l'intrépide prédicateur, saisissant l'occasion qui s'offrait à lui, s'adressa à ce fils de France, et l'exhorta, avec tout la chaleur d'une éloquence vive et passionnée, à tarir la source des pleurs que la France versait et à faire cesser tous les maux qui pesaient sur elle. Il lui promit pour récompense les bénédictions du ciel et celles de tout le royaume, qui avait le droit de tout espérer de sa bonté et de sa puissante intervention. De son côté, le père George ne se montrait pas moins actif, dans ses furibondes prédications, à peindre la reine et son ministre comme altérés de sang et de vengeance, et ne songeant qu'à la destruction de Paris et à l'extermination de ses habitants.

Quoique le parti des royalistes fût en apparence le plus faible, il gagnait tous les jours de nouveaux partisans dans le peuple. Il cachait sa force, afin d'entretenir la division parmi les autres; et la violence de ceux-ci augmentait à proportion de leur affaiblissement progressif587. D'ailleurs, on savait que Condé, en Guienne, tout en faisant des prodiges de tactique militaire, avait toujours échoué contre le comte d'Harcourt; qu'Angers était pris, et que Beaufort venait d'être battu à Gergeau. Cet échec, joint à la division qui régnait entre Nemours et Beaufort, avait mis le désordre et jeté le découragement parmi leurs soldats. On ne doutait pas que l'armée royale, commandée par deux généraux aussi habiles que Turenne et le maréchal d'Hocquincourt, ne parvînt à triompher facilement de troupes désorganisées, et conduites par des chefs sans expérience, sans talents militaires. On prévoyait le moment, peu éloigné, où cette armée victorieuse s'approcherait de Paris, de Paris sans défense et renfermant un si grand nombre de partisans avoués ou secrets de la cause royale588. Mazarin surtout n'en doutait pas; et, peu inquiet sur les résultats des arrêts qui mettaient sa tête à prix, il se félicitait d'avoir assuré son triomphe par son retour et de ne s'être pas laissé imposer par la haute renommée militaire de Condé et par l'éclat de ses victoires.

Tandis que non-seulement le ministre, mais toute la cour, mais toute l'armée étaient dans ces sentiments, que la division commandée par le maréchal d'Hocquincourt se reposait, tranquille comme on l'est après une victoire, tout à coup, au milieu de la nuit, le 7 avril, cette division est subitement attaquée par l'armée de Nemours et de Beaufort, avec une impétuosité et un ensemble de manœuvres dont on ne croyait pas ses chefs capables. Cinq quartiers sont successivement enlevés et dispersés, le reste est mis en déroute; les fuyards vont apprendre ce désastre à Briare, où campait Turenne, et à Gien, où était la cour589. Celle-ci se crut perdue, et sur le point d'être enveloppée et prisonnière. Si le roi eût été pris et entre les mains des rebelles, ceux-ci auraient eu le pouvoir, et tout était terminé590. Soudain Turenne, qui croit à peine les récits qui lui sont faits, monte à cheval, accompagné de son état-major, et il se poste en avant sur une éminence qui dominait la plaine. De là, à la lueur des villages enflammés, il examine attentivement la manière dont sont rangés les corps de troupes de l'ennemi; puis, après quelques minutes de réflexion, il dit: «Monsieur le Prince est là; c'est lui qui commande son armée.»

Cela était invraisemblable, mais cela était vrai. Condé, instruit par Chavigny des divisions qui régnaient entre Beaufort et Nemours, et de l'insubordination des officiers et des soldats qu'il avait placés sous leurs ordres, avait marché nuit et jour, et traversé plus de cent vingt lieues de pays, déguisé en palefrenier, décidé à se faire tuer plutôt que de se laisser prendre. Il était accompagné du duc de La Rochefoucauld, du jeune prince de Marsillac, du comte de Guitaut, du marquis de Lévis. Celui-ci, muni d'un passeport du comte d'Harcourt, était le seul chef apparent; les autres semblaient composer sa suite; mais tous se laissaient guider et conduire par deux hommes aussi intelligents qu'intrépides: c'étaient le comte de Chavagnac et Gourville. Sans leur présence d'esprit, sans leur extraordinaire activité, sans leur connaissance des lieux et des hommes, Condé eût été dix fois reconnu et fait prisonnier avec ceux qui l'escortaient, tant il savait peu se contraindre, tant il se pliait peu et gauchement à ce qu'exigeait le rôle prescrit par le déguisement qu'il avait emprunté591. Oubliant qu'il était transfuge et proscrit, il fut même sur le point d'éclater contre un gentil-homme royaliste de la connaissance de Chavagnac, qui, ignorant les noms et les qualités des hôtes que celui-ci lui avait amenés, se mit à déclamer pendant le souper contre les princes, et parla fort librement et en termes très-injurieux des galanteries de la duchesse de Longueville592. La faiblesse du prince de Marsillac, jeune adolescent, qui ne pouvait supporter les fatigues d'une marche si précipitée; les premières attaques de goutte que ressentit alors le duc de La Rochefoucauld, son père, devinrent pour Gourville une source d'embarras et d'inquiétude. Tous ses efforts et ceux de Chavagnac n'auraient pu empêcher Condé d'être pris lors de son passage de la Loire au bec de l'Allier, si Bussy-Rabutin, qui commandait à la Charité-sur-Loire, eût été à son poste, et si le prince ne s'était pas éloigné promptement de cette place. Mais cette fuite précipitée le fit reconnaître; et la reine, à qui on avait entendu dire, «Il périra, ou je périrai593» envoya des cavaliers à sa poursuite. Il échappa à leurs recherches, et parvint enfin, après divers accidents romanesques, à rejoindre son armée près de Lorris, au sortir de la forêt d'Orléans594.

C'était sa présence qui avait inspiré à ses soldats, découragés et battus, cette ardeur et cette impétuosité dont le corps d'armée d'Hocquincourt avait été victime. Condé se préparait à en disperser les restes, lorsque Turenne parut. Ce grand capitaine, en voyant les dispositions prises pour un nouveau combat, comprit qu'elles ne pouvaient être l'œuvre de Nemours et de Beaufort; il devina aussitôt quel redoutable ennemi il avait à combattre, et se hâta de prendre ses mesures en conséquence. Avec quatre mille hommes, il arrêta le vainqueur de Rocroi, qui en commandait plus de douze mille, mit un terme à ses succès, et sauva le roi de France. Rien ne manque à la célébrité de ce combat de Bléneau, puisqu'il a été décrit et commenté, avec une clarté et une précision qu'on ne saurait surpasser, par le plus grand guerrier de notre âge595.

Si Condé, après avoir forcé la cour et l'armée royale à se retirer devant lui, était resté à la tête de ses troupes, nul doute qu'il n'eût pu tenir la campagne avec avantage et augmenté le nombre de ses partisans. La Guienne, dont il possédait la capitale, lui était dévouée; la Provence, commandée par le duc d'Angoulême, tenait pour lui; le Languedoc, dont MONSIEUR était gouverneur, ne lui eût point été contraire; le duc d'Harcourt, si mécontent du cardinal, se serait déclaré en sa faveur; et peut-être alors aurait-il été assez puissant pour pouvoir exécuter le coupable projet, qu'on lui a prêté à tort, de détrôner le roi et de changer la dynastie596: mais du moins s'il avait voulu négocier, il eût été certain de faire sa paix à des conditions glorieuses pour lui et utiles pour les siens597. Loin de là, Condé, après le combat de Bléneau, quitta subitement son armée; il en laissa le commandement à des chefs subalternes, et se rendit à Paris avec Beaufort, Nemours et La Rochefoucauld598. Le grand capitaine se métamorphosa en négociateur maladroit, et le prince du sang en imprudent factieux. Cette faute énorme engendra rapidement toute la série des conséquences qui suivirent, et dont les derniers termes furent la rentrée du roi et de la cour dans Paris, l'anéantissement de toutes les garanties contre les abus du pouvoir, obtenues en 1648 par la convention faite avec le parlement; le rappel de Mazarin, et le triomphe complet de l'autorité absolue du roi; puis enfin le douloureux spectacle pour la France de voir Condé à la solde de l'étranger, et général de l'armée d'Espagne, combattant avec les Espagnols contre sa patrie. Mais avant d'arriver à ce résultat que d'événements, d'intrigues, de désastres, ont eu lieu dans cette seule année!

L'histoire ne mesure pas le temps d'après sa durée astronomique; souvent les faits se pressent avec tant de rapidité et déroulent un si long avenir, que peu de jours leur suffisent pour former un grand nombre des anneaux de la chaîne historique. De même que les flots d'un fleuve, avant de se perdre dans la mer, parcourent des intervalles semblables avec des vitesses différentes, lorsqu'ils se précipitent en cascades du haut des rochers, roulent en torrent sur une pente inclinée, ou coulent lentement sur un lit horizontal, ainsi les moments de la vie humaine et les années des peuples, avant de s'anéantir dans l'océan des âges, tantôt se traînent avec lenteur, ou marchent avec régularité, tantôt volent avec légèreté et sans bruit, ou fendent l'espace avec le fracas et la rapidité de la foudre.

CHAPITRE XXVI.
1652-1653

C'est dans cette année que se pose le principe fondamental de la monarchie de Louis XIV.—Madame de Sévigné a vécu avec les principaux personnages de la Fronde.—Nécessité de les faire connaître.—Comment Mazarin et Turenne ont contribué, par la réunion de leurs talents, au triomphe de la cause royale.—Mazarin nommé surintendant de l'éducation du jeune roi.—Il se concilie son affection.—Habileté de sa politique.—Circonstances où Louis révèle l'énergie de son caractère.—L'éducation qui lui était donnée et les événements de sa jeunesse étaient propres à développer ses facultés pour le gouvernement.—Calme et courage de Mazarin au milieu des dangers.—Son adresse dans les négociations.—La dévastation des campagnes et les progrès de l'anarchie aliènent les bourgeois de la cause des princes.—Mazarin négocie avec eux et avec le parlement.—Ordonnance royale qui transporte le parlement de Paris à Pontoise.—Plaisanterie de Benserade.—Mazarin fait demander son éloignement par le parlement.—Il se retire à Bouillon.—Le roi est redemandé par le parlement et le peuple de Paris.—Le roi se conforme à toutes les instructions que lui avait laissées Mazarin.—Tout le monde cherche à traiter avec ce ministre.—Bussy-Rabutin va à Bouillon pour le voir.—Mazarin revient lorsque tous les actes de rigueur ont été accomplis.—Mazarin s'empare de toute l'autorité, et termine la Fronde.—Mazarin comparé à Richelieu et à Retz.

Dans cette année 1652 le principe générateur de la monarchie de Louis XIV fut posé, et la fortune d'un grand nombre des personnages qui firent la gloire de son règne, la carrière qu'ils parcoururent, et les destinées de leur vie entière, se trouvèrent déterminées par la part qu'ils avaient prise dans les événements de cette époque. Madame de Sévigné a vécu avec la plupart de ces personnages; elle en parle continuellement dans ses lettres; elle se trouvait elle-même à Paris au milieu d'eux, lors de ces grandes secousses. Il est donc impossible de réussir dans le dessein que nous avons formé d'éclairer l'histoire de son siècle par ses écrits, et de mieux faire comprendre ses écrits par la peinture de son siècle, sans faire connaître en même temps chacun de ces personnages, le rôle qu'il a joué, les passions qui le faisaient mouvoir, les intrigues dont il était l'auteur, l'instrument ou la victime; et ce que devenait enfin la société au milieu de laquelle s'est passée l'année la plus agitée de la jeunesse de madame de Sévigné.

Mazarin et Turenne attirent d'abord notre attention, comme les premiers acteurs de ce grand drame politique. Jamais, dans des positions aussi difficiles et aussi compliquées, deux hommes, l'un dans le cabinet, l'autre sur les champs de bataille, n'ont déployé autant d'habileté. A cette époque décisive ils ne firent pas une faute, et profitèrent toujours des fautes de leurs antagonistes. Unissant tous deux la prudence et l'audace, ils surent s'avancer et se retirer à propos. Ne négligeant rien, prévoyant tout, ils assortirent et modifièrent promptement leurs plans et leurs résolutions, selon les circonstances qu'ils ne pouvaient changer, ou selon celles qu'ils avaient fait naître. Leurs génies si divers, leurs caractères si opposés se prêtèrent un mutuel appui, et contribuèrent à assurer leurs succès respectifs, par des moyens différents. Tel fut le nombre des obstacles qu'ils avaient à surmonter, que chacun d'eux eût manqué son but et éprouvé une défaite, sans le secours de l'autre. Si Mazarin n'avait pas, par une ruse adroite, fait connaître à Fuensaldagne le danger que courait l'Espagne en rendant Condé trop puissant, et en forçant le roi de France, n'importe à quelle condition, à se réunir à lui pour repousser l'ennemi commun, l'armée de Fuensaldagne se serait réunie à celle de Condé, et Turenne, accablé, n'aurait pu continuer la lutte599. Si Turenne n'avait pas deviné, par les marches du duc de Lorraine, qu'il manquait de sincérité dans ses négociations avec Mazarin, l'armée des princes se serait encore trouvée doublée. L'habile capitaine, agissant avec ce faux allié comme envers un ennemi, se posta devant lui au moment où il s'y attendait le moins; et, le forçant ainsi à combattre, ou à exécuter son traité, il lui fit effectuer sa retraite.

Turenne se conciliait l'attachement des soldats, et se faisait des amis de tous les officiers de son armée; tandis que Condé révoltait souvent ceux de la sienne par sa hauteur et sa dureté insultante. Mazarin acquérait sans cesse des partisans600 par sa modération et sa souplesse, par la juste opinion que l'on avait de son habileté et de sa longue pratique des affaires, par les grâces qu'il accordait, par les promesses qu'il prodiguait, par l'entière confiance que la reine avait en lui, par l'affection du jeune roi, qu'il avait su capter. Il s'était fait nommer surintendant de son éducation; et, bien loin de le tenir éloigné des affaires comme on l'a prétendu, il le contraignait à s'y appliquer. Il l'initia à toutes les négociations qui eurent lieu pendant les troubles; il lui donna communication des lettres qu'il recevait de tous les partis, des propositions qui lui étaient faites; et il lui démontra que l'intérêt et l'ambition s'étaient masqués du prétexte du bien public pour chercher à le renverser, et qu'il lui eût été facile de rester ministre, s'il avait voulu permettre à Condé, au duc d'Orléans, au cardinal de Retz, aux meneurs du parlement, de s'emparer chacun d'une portion de l'autorité royale. C'était pour elle qu'il se sacrifiait, qu'il s'adonnait à une vie si laborieuse; c'était pour elle qu'il avait supporté l'exil, et qu'il exposait sa vie, en bravant, par sa rentrée en France, les arrêts de proscription.

Veut-on savoir quels furent sur le jeune roi les effets des instructions de Mazarin, qu'on se rappelle deux faits.

Quand le président de Nesmond fut à Compiègne admis, avec une députation du parlement, en présence du trône, pour y lire les remontrances de sa compagnie et demander l'éloignement de Mazarin, Louis XIV, rougissant de colère, interrompit l'orateur au milieu de sa harangue, arracha au président le papier qu'il tenait à la main, puis dit qu'il en délibérerait avec son conseil. Nesmond voulut en vain réclamer, remontrer à cet enfant couronné qu'il agissait contre tous les usages; Louis persista, et la députation fut forcée de se retirer.

Mazarin était absent, lorsqu'il fut décidé que la cour ferait le 21 octobre son entrée solennelle dans Paris, où le feu de la sédition avait tout embrasé et était à peine éteint. La reine et les ministres, et le maréchal Duplessis, qui commandait les troupes, décidèrent que le jeune roi se placerait près du carrosse de sa mère, qu'il serait entouré par le régiment des gardes suisses et le reste de l'armée. Il fut impossible d'amener Louis à consentir à cet arrangement601. Il fallut le laisser agir à sa volonté; et il fit son entrée à cheval, à la tête du régiment des gardes françaises, seul en avant de son cortége. A la lueur de plusieurs milliers de flambeaux, il chemina lentement à travers les flots d'un peuple immense, qui admirait la beauté de son coursier, sa jeunesse, ses grâces, sa noble sécurité, et qui témoignait, par ses bruyantes acclamations, une joie qui allait jusqu'au délire602. Louis le Grand ne se retrouve-t-il pas tout entier dans ces deux actes d'un souverain de quatorze ans?

Sans doute il faut faire ici la part du naturel et du caractère, qui dans chaque individu est le résultat de l'ensemble de son organisation, et ne dépend pas de l'éducation. Mais l'éducation que Louis reçut par les soins de Mazarin était éminemment propre à développer ces heureux germes. Faite au milieu des camps et des guerres civiles, elle était la meilleure qu'on pût donner à un monarque. Toujours l'exemple se trouvait avec le précepte, la théorie près de la pratique, l'expérience à côté du principe603. Quelle belle leçon donnait à son roi un ministre que la proscription ne pouvait distraire des soins du gouvernement! qui négociait tranquillement avec ceux-là même qui avaient fait vendre ses meubles et ses livres, pour payer l'assassin qui le tuerait604! La première clause de ces négociations était toujours qu'il serait banni du royaume: contre cette clause Mazarin ne faisait aucune objection. Il semblait ne se compter pour rien; mais il discutait les autres, et prouvait aux négociateurs qu'elles étaient attentatoires à l'autorité royale; il leur démontrait que les parlements, qui voulaient le bien du royaume, le livraient par leur résistance à l'étranger; il leur faisait voir qu'étant sans force pour exécuter leurs arrêts, lors même qu'on accéderait à tout ce qu'ils demandaient, ils n'en seraient pas plus avancés, attendu que cela ne désarmerait pas les princes, qui avaient d'autres prétentions. Alors il leur faisait confidence des offres secrètes de ceux-ci, et des dispositions où ils étaient de le laisser gouverner, pourvu qu'il consentît à des concessions qui toutes étaient dans les intérêts particuliers de la noblesse militaire, et bien plus encore au détriment des parlements et de la bourgeoisie que de l'autorité royale.

Chaque parti, à l'insu des autres, cherchait à traiter avec Mazarin, dans l'espérance de tirer avantage des embarras de sa situation. Il avait donc les secrets de tous, et personne n'avait les siens; personne ne pouvait deviner ses intentions et ses projets. Comme tous les partis se trompaient mutuellement, et que même en se confédérant contre lui ils restaient toujours désunis, il lui devint facile de les diviser, de les affaiblir les uns par les autres, de connaître tous les ressorts qui les faisaient agir, de mesurer le degré de leur force et de leur faiblesse respectives, ignoré d'eux-mêmes. Cette exacte appréciation des leviers qu'on peut faire mouvoir, des obstacles qui sont à vaincre, est à la fois la tâche la plus difficile et la plus essentielle de l'homme d'État. Elle seule peut indiquer quand il faut battre en retraite ou s'avancer avec hardiesse, laisser agir le temps ou précipiter les événements, donner de la sécurité ou inspirer de la crainte. Les gouvernements les plus faibles peuvent se raffermir, si ceux qui les dirigent possèdent cette habileté; les mieux établis peuvent être précipités dans l'abîme, si elle leur manque. Les moyens puissants que ceux-ci ont à leur disposition leur deviennent inutiles au moment du danger, parce que ces dangers ils n'ont pas su les prévoir, et qu'ils ignorent comment on peut en triompher. La pusillanimité succède toujours à une folle confiance. Le bon guerrier n'est pas celui qui sait le mieux braver les périls, mais celui qui sait le mieux les apercevoir et les prévenir, et qui ne désespère pas de la victoire, quelque forte que soit la résistance.

L'impassibilité de Mazarin au milieu des partis, qui tous l'assiégeaient et le battaient en brèche, était admirable, sa tactique merveilleuse. Il négociait avec tous leurs chefs, et ne paraissait choqué ni surpris d'aucune de leurs propositions, quelque extravagantes qu'elles pussent être. Bien mieux, il accédait sur-le-champ à celles qui pouvaient satisfaire le plus leurs intérêts, sans rompre entièrement le ressort de l'autorité royale; mais ces concessions étalent toujours mesurées sur le degré d'influence et de puissance que pouvaient exercer ceux auxquels il les faisait, et sur la force que leur alliance donnait au gouvernement. Cette facilité de Mazarin trompait les négociateurs, qui se présumaient beaucoup plus redoutables qu'ils ne l'étaient réellement. On voulait tout obtenir, ou du moins on exigeait au delà de ce que l'on considérait comme déjà concédé. Le temps s'écoulait; et l'autorité royale grandissait, gagnait du terrain parmi les masses; les partis s'amoindrissaient, et les négociations même qui avaient lieu, dont le secret perçait, ou qui était divulgué à dessein par Mazarin, contribuaient encore à leur discrédit. On s'en apercevait, et l'on se décidait à accepter les conditions déjà consenties. Mais alors Mazarin reculait à son tour, et changeait les conditions selon l'état des choses et la situation de chacun à chaque conférence605. C'est ainsi que tous les arrangements et tous les compromis avec les chefs de parti furent différés, jusqu'au moment où l'autorité royale, rompant ouvertement les faibles entraves par lesquelles on prétendait la retenir, put agir en liberté, et se manifester dans toute sa puissance. Ce ne fut pas, comme on l'a dit, par dissimulation, par finesse seulement, que Mazarin parvint au but qu'il s'était proposé; ce fut par le jeu d'une politique habile, qui résultait naturellement de la parfaite connaissance qu'il avait su se procurer des positions particulières de chacun des personnages puissants auxquels il avait affaire, et de tous les motifs qui pouvaient exercer de l'influence sur l'opinion et les intérêts des masses.

L'embarras et les obstacles que présentaient les partis n'étaient pas les seuls dont Mazarin eût à triompher. Il en avait d'autres (en quelque sorte domestiques et privés) dans le sein de la cour, dans l'intérieur même du conseil; et ceux-là il fallait les anéantir, ou renoncer à tout espoir de succès. Continuellement il avait à lutter contre des courtisans puissants qui le haïssaient; il avait à empêcher que les ressentiments et la colère dont la reine était animée n'influassent sur les mesures du gouvernement606; qu'elles ne fussent entachées d'obstination, dictées par des motifs de haine ou d'amour, de faveur ou de vengeance, de vanité ou d'orgueil: toutes choses qui dans les affaires publiques ne conduisent jamais qu'à de funestes résultats.

Mais c'est surtout dans les derniers moments du dénoûment de ce grand drame que la conduite de Mazarin nous paraît mériter d'être étudiée.

La dévastation des campagnes, la haine que les princes s'étaient attirée par leur violence, le progrès de l'anarchie, avaient rendu le retour du roi et de la cour un besoin pour la bourgeoisie, pour l'élite de la population de Paris, et pour le parlement lui-même. Mazarin sut deviner alors, malgré les démonstrations extérieures, malgré la dispersion de ceux du Papier par ceux de la Paille607, que la victoire était certaine; mais il comprit qu'il la rendrait plus complète en la différant. C'est alors qu'il lia des correspondances secrètes plus intimes et plus actives avec les partisans du roi dans Paris. Quelques-uns étaient ses affidés, et parmi eux se trouvaient des personnages importants, tels que le duc de Bournonville, qui était resté caché dans Paris, au péril de sa vie608. D'autres, tels que Fouquet, procureur général du parlement, déclamaient contre lui de concert avec lui, afin d'être écoutés sans défiance lorsqu'ils démontraient la nécessité d'ouvrir au roi les portes de sa capitale609. Plusieurs étaient des bourgeois obscurs, mais zélés, ayant d'autant plus d'influence sur le peuple, qu'ils voulaient le bien public sans aucun motif d'ambition. De ceux-là il s'en trouve de tels dans tous les temps, et ils ne sont pas les moins utiles, quand le pouvoir sait les mettre en œuvre. Mazarin excita par des offres avantageuses des membres du parlement à venir le trouver; et plusieurs d'entre ceux qu'il n'avait pu émouvoir par des motifs vertueux, ou une noble ambition, furent corrompus à prix d'argent610. Il fit rendre une ordonnance royale qui transférait le parlement de Paris à Pontoise. Le nombre de ceux qui obéirent à cette ordonnance fut d'abord si petit, que Benserade dit un jour plaisamment qu'il venait de rencontrer le parlement dans un carrosse coupé611. Mais dans ce petit nombre se trouvaient le garde des sceaux Molé, le chancelier Séguier, et la quantité de juges rigoureusement suffisante pour rendre des arrêts. Ce fut par ces arrêts, qui anéantissaient l'effet de ceux de Paris, que ce parlement de Pontoise rendit alors d'éminents services à la cause royale. Mazarin était assez puissant pour rentrer dans Paris avec la cour, s'il l'avait voulu; mais ce fut alors que, pour réduire l'opposition à un état de faiblesse qui ne pût lui laisser aucun espoir, il employa la plus habile des manœuvres. Le roi fut supplié par le parlement de Pontoise de vouloir bien éloigner son ministre, et de le faire sortir du royaume. Mazarin sembla obéir, se sacrifier pour le roi et la monarchie, et se retira à Bouillon612. Dès lors il ne resta pas même un prétexte aux princes, aux frondeurs, aux parlements, de s'armer contre l'autorité613. Toutes les craintes, toutes les préventions s'évanouirent; le retour du roi fut imploré à grands cris, comme une faveur, par tous les corps de l'État et par toute la population, depuis si longtemps victime des maux de la guerre civile. On ne s'offrit point seulement au pouvoir, on se précipita au devant de lui614. Dès qu'on sut les négociations commencées, on les crut terminées; tous les ambitieux, redoutant d'être devancés, se pressèrent de faire leur paix: tous craignaient d'être les derniers à déposer l'étendard de la rébellion615.

Cette grande concession faite aux parlements du royaume, aux sentiments ou aux préventions du peuple, fut d'autant plus puissante dans ses effets qu'elle eut lieu au moment où elle ne paraissait plus nécessaire, et où on s'y attendait le moins. Elle fut considérée comme une faveur, comme un acte libre et volontaire du monarque; et elle lui acquit aussitôt une grande popularité. Mais si cette mesure était décisive pour le rétablissement de l'autorité royale, elle n'était pas sans dangers pour les intérêts personnels de Mazarin. Il avait déjà éprouvé que son ascendant sur l'esprit de la reine et l'intérêt qu'il lui inspirait pouvaient céder à la crainte. La déclaration royale qui avait ordonné son premier bannissement avait été faite sans aucun ménagement, et avait rejeté sur lui tout l'odieux des infractions de celle de 1648. Il en avait été profondément blessé. L'ordre qu'il avait reçu peu après de se rendre à Rome, pour y ménager les intérêts du royaume, acheva de lui démontrer qu'on voulait l'écarter des affaires. Il n'obéit point à cet ordre; et les deux lettres qu'il écrivit pour s'en excuser, et qui furent adressées au secrétaire d'État de Brienne, pour être communiquées à la reine et à son conseil, sont d'une habileté consommée. Il demande à être mis en prison, à être jugé, ou plutôt il veut se soumettre à tout ce que la reine ordonnera de lui; elle peut lui infliger telle peine qu'il lui plaira, disposer de tout ce qui lui appartient, sans que son dévouement, son respect, sa reconnaissance pour elle puissent en être altérés. A cette dénomination d'étranger, dont on lui fait un reproche, il oppose vingt-trois années de sa vie passées au service de la France, agrandie par ses négociations; et il demande noblement si beaucoup de Français peuvent se vanter d'en avoir fait autant pour elle616. Mazarin savait donc par expérience tout ce qu'il avait à redouter en s'éloignant; il savait qu'il laissait à la cour un grand nombre de puissants personnages jaloux de la faveur dont il jouissait617. Plusieurs l'avaient souvent marqué par leurs hauteurs insultantes, d'autant plus redoutables que, par leurs noms et les charges dont ils étaient pourvus, ils exerçaient un grand pouvoir, et formaient la force du parti royaliste. Les principaux étaient les ducs de Bouillon, Miossens, Roquelaure, Créqui, Villeroi, Souvré. Parfaitement instruit des prétentions et du caractère de chacun d'eux, Mazarin eut soin avant de partir de se les attacher par des faveurs, et prit avec eux des engagements qui leur en promettaient après son retour plus qu'ils n'en avaient déjà reçu618. Puis il mit auprès de la reine pour sous-ministres Le Tellier et Servien, qu'il s'était attachés. Tous deux étaient très-capables d'expédier les affaires courantes; mais leurs caractères étaient antipathiques, et ils nourrissaient l'un contre l'autre une jalousie et une haine que Mazarin avait grand soin d'entretenir. Ondedei et l'abbé Fouquet, en défiance l'un de l'autre, tous deux bien en cour, devaient lui rendre compte de tout, et correspondaient avec lui, moins par lettres que par l'intermédiaire de Brachet et de Ciron, courriers du cabinet, qui allaient et revenaient sans cesse de Paris à Bouillon.

584.LORET, Muse historique, liv. III, p. 24, 26, lettre en date du 18 février 1652.
585.Ibid., id., p. 34, lettre en date du 3 mars, t. III, p. 110, lettre en date du 18 août; t. III, p. 40.
586.Ibid., p. 38, lettre en date du 17 mars; ibid., p. 43, lettre en date du 7 avril.—MONTPENSIER, Mém., t. XLI, p. 164.—Le père BERTHOD, Mémoires, t. XLVIII, p. 319.
587.CONRART, Mém., t. XLVIII, p. 44.
588.PETITOT, Introduction à la Fronde, t. XXXIV de la collection, p. 234, 235, 243.—LA ROCHEFOUCAULD, Mémoires, t. LII, p. 114.
589.DESORMEAUX, Hist. du prince de Condé, 1769, in-12, t. III, p. 217.
590.MONGLAT, t. L, p. 333.—LA PORTE, t. LIX, p. 427.
591.LA ROCHEFOUCAULD, Mém., t. LII, p. 134, 256.—MONTPENSIER, t. XLI, p. 200.—CHAVAGNAC, Mém., t. I, p. 131.
592.LA ROCHEFOUCAULD, Mém., t. LII, p. 35.—CHAVAGNAC, Mém., t. I, p. 148.
593.BUSSY-RABUTIN, Mém., t. I, p. 276-278, édit. in-12.
594.GOURVILLE, Mém., t. LII, p. 254-261.—CHAVAGNAC, t. I, p. 147.—MONGLAT, Mém., t. L, p. 328.—MONTPENSIER, t. XLI, p. 198.—LA ROCHEFOUCAULD, Mém., t. LII, p. 134 et 135.
595.NAPOLÉON, Mém.—BUSSY-RABUTIN, Mém., t. I, p. 288, édit. in-12—MONGLAT, Mém., t. L, p. 333.—MONTPENSIER, t. XLI, p. 212.—RETZ, t. XLVI, p. 83.
596.Extrait de la vie écrite en marge d'une Bible de JEAN DE COLIGNY, dans les Contes historiques de Musset-Pathay, p. 236.
597.MONGLAT, Mém., t. L, p. 392, 396.
598.LORET, Muse historique, liv. III, p. 50, lettre en date du 14 avril 1652.—GOURVILLE, Mémoires, t. LII, p. 262.—JOLY, Mémoires, t. LXVII, p. 215.
599.MONGLAT, Mémoires, t. L, p. 362.
600.MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 407.
601.Père BERTHOD, t. XLVIII, p. 369.—Maréchal DUPLESSIS, Mémoires, t. LVII, p. 404.
602.MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 355.—MONGLAT, Mém., t. L, p. 375.
603.LOMÉNIE DE BRIENNE, t. II, chap. XXXVII, p. 297.
604.LORET, Muse historique, liv. III, p. 109, lettre du 11 août 1652.
605.RETZ, Mémoires, t. XLVI, p. 89.—CONRART, t. XLVIII, p. 40 et 408.—GUY-JOLY, t. XLVII, p. 243.—Le maréchal DUPLESSIS, t. LVII, p. 402.—TALON, t. LXII, p. 385.—MAZARIN, Lettres inédites à la reine, à la princesse Palatine, etc., écrites pendant sa retraite hors de France en 1651 et 1652, in-8o, 1836.
606.CONRART, Mém., t. XLVIII, p. 165.
607.TALON, Mém., t. LXII, p. 463.—MONTPENSIER, t. LXI, p. 323.—GUY-JOLY, t. XLVII, p. 224 et 240.—MONGLAT, t. L, p. 337.—LORET, liv. III, p. 92, du 7 juillet.—BERTHOD, t. XLVIII, p. 289, 298, 305.
608.BERTHOD, Mém., t. XLVIII, p. 351.—Histoire de la Monarchie françoise, 1re édit., 1697, in-12, p. 444, 445.
609.Voyez Discours du sieur de Sève de Chastignouville, dans l'Histoire de la Monarchie françoise sous le règne de Louis le Grand, 1697, in-12, t. I, p. 444, 445.
610.MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 324.
611.BERTHOD, Mém., t. XLVIII, p. 287 à 292, 327, 351.—GUY-JOLY, t. XLVII, p. 236.—MONTPENSIER, t. XLI, p. 325.
612.RETZ, t. XLVI, p. 410.—TALON, t. LXII, p. 428, 445.—LORET, liv. III, p. 109, lettre 32, en date du 11 août.—MONGLAT, t. L, p. 358.
613.MONGLAT, t. L, p. 359.—LORET, liv. III, p. 115, 25 août.—TALON, t. LXII, p. 455 et 466.—MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 349.
614.RETZ, t. XLVI, p. 153.—LORET, liv. III, p. 126, 25 septembre.—GUY-JOLY, t. XLVII, p. 50.—Père BERTHOD, t. XLVIII, p. 325 à 347.
615.BERTHOD, Mém., t. XLVIII, p. 300.
616.MAZARIN, Lettres à la reine, etc., écrites en 1651 et 1652, lettres 52, 53 et 54, p. 291 à 308.
617.LORET, liv. III, p. 95, lettre du 14 juillet.—GUY-JOLY, t. XLVII, p. 236.—MONGLAT, t. L, p. 342.
618.MONGLAT, Mém., t. L, p. 342.—Le maréchal DUPLESSIS, t. LVII, p. 406 et 407.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
581 s. 2 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain