Sadece Litres'te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II», sayfa 9

Yazı tipi:

«Oh! s'écria-t-il en tordant ses mains, et en levant tristement sas yeux au ciel; oh! si ma course fatigante pouvait se terminer ici! Oh! si ces douces larmes, que m'arrache un amour mal placé, pouvaient couler en paix pour toujours!»

«Son vœu fut entendu. C'était le temps des divinités païennes, qui prenaient parfois les gens au mot, avec un empressement fort gênant. Le sol s'ouvrit sous les pieds du prince, il tomba dans un gouffre, qui se referma immédiatement au-dessus de sa tête; mais ses larmes brûlantes continuèrent à couler, et continueront pour toujours à sourdre abondamment de la terre.

«Il est remarquable que, depuis lors, un grand nombre de ladies et de gentlemen, parvenus à un certain âge sans avoir pu se procurer de partenaire, et presque, tout autant de jeunes gens, qui sont pressés d'en obtenir, se rendent annuellement à Bath, pour boire les eaux, et prétendent en tirer beaucoup de force et de consolation. Cela fait honneur aux larmes du prince Bladud, et la véracité de cette légende en est singulièrement corroborée.»

M. Pickwick bailla plusieurs fois en arrivant à la fin de ce petit manuscrit, puis il le replia soigneusement, et le remit dans le tiroir de l'encrier. Ensuite, avec une contenance qui exprimait le plus profond ennui, il alluma sa chandelle, et monta l'escalier pour s'aller coucher.

Il s'arrêta, suivant sa coutume, à la porte de M. Dowler, et y frappa pour lui dire bonsoir.

«Ah! dit M. Dowler, vous allez vous coucher? je voudrais bien en pouvoir faire autant. Quel temps affreux! Entendez-vous le vent?

– Terrible! répondit M. Pickwick; bonne nuit!

– Bonne nuit!»

M. Pickwick monta dans sa chambre à coucher, et M. Dowler reprit son siége, devant le feu, pour accomplir son imprudente promesse de rester sur pied jusqu'au retour de sa femme.

Il y a peu de choses plus contrariantes que de veiller pour attendre quelqu'un, principalement quand ce quelqu'un est en partie de plaisir. Vous ne pouvez vous empêcher de penser combien le temps, qui passe si lentement pour vous, passe vite pour la personne que vous attendez; et plus vous pensez à cela plus vous sentez décliner votre espoir de la voir arriver promptement. Le tic tac des horloges paraît alors plus lent et plus lourd, et il vous semble que vous avez sur le corps comme une tunique de toiles d'araignées. D'abord c'est quelque chose qui démange votre genou droit, ensuite la même sensation vient irriter votre genou gauche. Aussitôt que vous changez de position, cela vous prend dans les bras; vous contractez vos membres de mille manières fantastiques, mais tout à coup vous avez une rechute dans le nez, et vous vous mettez à le gratter comme si vous vouliez l'arracher, ce que vous feriez infailliblement, si vous pouviez le faire. Les yeux sont encore de bien grands inconvénients, dans ce cas, et l'on voit souvent la mèche d'une chandelle s'allonger de deux pouces tandis que l'on mouche sa voisine. Toutes ces petites vexations nerveuses, et beaucoup d'autres du même genre, rendent fort problématique le plaisir de veiller, lorsque tout le monde, dans la maison, est allé se coucher.

Telle était précisément l'opinion de M. Dowler, tandis qu'il veillait seul au coin du feu, et il ressentait une vertueuse indignation contre les danseurs inhumains qui le forçaient à rester debout. D'ailleurs sa bonne humeur n'était pas augmentée par la réflexion que c'était lui-même qui avait imaginé d'avoir mal à la tête et de garder la maison. À la fin, après s'être endormi plusieurs fois, après être tombé en avant vers la grille, et s'être redressé juste à temps pour ne pas avoir le visage brûlé, M. Dowler se décida à s'aller jeter un instant sur son lit, dans la chambre de derrière, non pas pour dormir, bien entendu, mais pour penser.

– J'ai le sommeil très-dur, se dit à lui-même M. Dowler, en s'étendant sur le lit; il faut que je me tienne éveillé. Je suppose que d'ici j'entendrai frapper à la porte. Oui, je le pensais bien, j'entends le watchman; le voilà qui s'en va; je l'entends moins fort maintenant… Encore un peu moins fort… il tourne le coin… Ah! ah!..»

Arrivé à cette conclusion, M. Dowler tourna le coin autour duquel il avait si longtemps hésité, et s'endormit profondément.

Juste au moment où l'horloge sonnait trois heures, une chaise à porteurs, contenant mistress Dowler, déboucha sur la demi-lune, balancée par le vent et par deux porteurs, l'un gros et court, l'autre long et mince. Tous les deux (pour ne pas parler de la chaise) avaient bien de la peine à se maintenir perpendiculaires; mais sur la place, où la tempête soufflait avec une furie capable de déraciner les pavés, ce fut bien pis, et ils s'estimèrent fort heureux, lorsqu'ils eurent déposé leur fardeau, et donné un bon double coup à la porte de la rue.

Ils attendirent quelque temps, mais personne ne vint.

«Le domestique est dans les bras de lord fée, dit le petit porteur en se chauffant les mains à la torche du galopin qui les éclairait.

– Il devrait bien le pincer et le réveiller, ajouta le grand porteur.

– Frappez encore, s'il vous plaît, cria mistress Dowler de sa chaise. Frappez deux ou trois fois, s'il vous plaît.»

Le petit homme était fort disposé à en finir, il monta donc ses les marches, et donna huit ou dix doubles coups effrayants, tandis que le grand homme s'éloignait de la maison et regardait aux fenêtres s'il y avait de la lumière.

Personne ne vint; tout était sombre et silencieux.

«Ah mon Dieu! fit mistress Dowler. Voulez-vous frapper encore, s'il vous plaît.

– N'y a-t-il pas de sonnette, madame? demanda le petit porteur.

– Oui, il y en a une, interrompit le gamin à la torche. Voilà je ne sais combien de temps que je la tire.

– Il n'y a que la poignée, dit mistress Dowler, le ressort est brisé.

– Je voudrais bien pouvoir en dire autant de la tête des domestiques, grommela le grand porteur.

– Je vous prierai de frapper encore, s'il vous plaît,» recommença mistress Dowler, avec la plus exquise politesse.

Le petit homme heurta sur nouveaux frais, et à plusieurs reprises, sans produire aucun effet. Le grand homme, qui s'impatientait, le releva et se mit à frapper perpétuellement des doubles coups, comme un facteur enragé.

À la fin, M. Winkle commença à rêver qu'il se trouvait dans un club, et que les membres étant fort indisciplinés, le président était obligé de cogner continuellement sur la table, pour maintenir l'ordre. Ensuite il eut l'idée confuse d'une vente à l'encan, où il n'y avait pas d'enchérisseurs, et où le crieur achetait toutes choses. Enfin, en dernier lieu, il lui vint dans l'esprit qu'il n'était pas tout à fait impossible que quelqu'un frappât à la porte de la rue. Afin de s'en assurer, en écoutant mieux, il resta tranquille dans son lit, pendant environ dix minutes, et lorsqu'il eut compté trente et quelques coups, il se trouva suffisamment convaincu, et s'applaudit beaucoup d'être si vigilant.

Panpan, panpan, panpan. Pan, pan, pan, pan, pan; le marteau n'arrêtait plus.

M. Winkle sautant hors de son lit, se demanda ce que ce pouvait être; puis ayant mis rapidement ses bas et ses pantoufles, il passa sa robe de chambre, alluma une chandelle à la veilleuse qui brûlait dans la cheminée, et descendit les escaliers.

«À la fin vla quéqu'sun qui vient, madame, dit le petit porteur.

– Je voudrais ben être derrière lui avec un poinçon, murmura son grand compagnon.

– Qui va là? cria M. Winkle, en défaisant la chaîne de la porte.

– Ne vous amusez pas à faire des questions, tête de buse, répondit avec dédain la grand homme, s'imaginant avoir affaire à un laquais. Ouvrez la porte.

– Allons dépêchez, l'endormi,» ajouta l'autre d'un ton encourageant.

M. Winkle, qui n'était qu'à moitié éveillé, obéit machinalement à cette invitation, ouvra la poste et regarda dans la rue. La première chose qu'il aperçoit c'est la lueur rouge du falot. Épouvanté par la crainte soudaine que le feu ne soit à la maison, il ouvre la porte toute grande, élève sa chandelle au-dessus de sa tête, et regarde d'un air effaré devant lui, ne sachant pas trop si ce qu'il voit est une chaise à porteurs, ou une pompe à incendie. Dans ce moment un tourbillon de vent arrive; la chandelle s'éteint; M. Winkle se sent poussé par derrière, d'une manière irrésistible, et la porte se ferme avec un violent craquement.

«Bien, jeune homme! c'est habile!» dit le petit porteur.

M. Winkle, apercevant un visage de femme à la portière de la chaise, se retourne rapidement et se met à frapper le marteau de toute la force de son bras, en suppliant en même temps les porteurs d'emmener la dame.

«Emportez-la! s'écriait-il, emportez-la! Bien! voilà quelqu'un qui sort d'une autre maison! Cachez-moi, cachez-moi n'importe où, dans cette chaise.»

En prononçant ces phrases incohérentes, il frissonnait de froid, car chaque fois qu'il levait le bras et le marteau, le vent s'engouffrait sous sa robe de chambre et la soulevait d'une manière très-inquiétante.

«Voilà, une société qui arrive sur la place… il y a des dames! Couvrez-moi avec quelque chose! mettez-vous devant moi!» criait M. Winkle avec angoisses. Mais les porteurs étaient trop occupés de rire pour lui donner la moindre assistance, et cependant les dames s'approchaient de minute en minute.

M. Winkle donna un dernier coup de marteau désespéré… les dames n'étaient plus éloignées que de quelques maisons. Il jeta au loin la chandelle éteinte, que durant tout ce temps il avait tenue au-dessus de sa tête, et s'élança vers la chaise à porteurs, dans laquelle se trouvait toujours mistress Dowler.

Or, mistress Craddock avait, à la fin, entendu les voix et les coups de marteau. Elle avait pris tout juste le temps de mettre sur sa tête quelque chose de plus élégant que son bonnet de nuit, était descendue au parloir pour s'assurer que c'était bien mistress Dowler, et venait précisément de lever le châssis de la fenêtre, lorsqu'elle aperçut M. Winkle qui s'élançait vers la chaise. À ce spectacle elle se mit à pousser des cris affreux, suppliant M. Dowler de se lever sur-le-champ, pour empêcher sa femme de s'enfuir avec un autre gentleman.

À ces cris, à ce terrible avertissement, M. Dowler bondit hors de son lit, aussi vivement qu'une balle élastique, et, se précipitant dans la chambre de devant, arriva à une des fenêtres comme M. Pickwick ouvrait l'autre. Le premier objet qui frappa leurs regards fut M. Winkle entrant dans la chaise à porteurs.

«Watchman, s'écria Dowler d'un ton féroce, arrêtez-le, empoignez-le, enchaînez-le, enfermez-le, jusqu'à ce que j'arrive! Je veux lui couper la gorge! donnez-moi un couteau! De l'une à l'autre oreille, mistress Craddock! Je veux lui couper la gorge! «Tout en hurlant ces menaces, l'époux indigné s'arracha des mains de l'hôtesse et de M. Pickwick, saisit un petit couteau de dessert, et s'élança dans la rue.

Mais M. Winkle ne l'attendit pas. À peine avait-il entendu l'horrible menace du valeureux Dowler, qu'il se précipita hors de la chaise, aussi vite qu'il s'y était introduit, et, jetant ses pantoufles dans la rue, pour mieux prendre ses jambes à son cou, fit le tour de la demi-lune, chaudement poursuivi par Dowler et par le watchman. Néanmoins il avait conservé son avantage quand il revint devant la maison. La porte était ouverte, il la franchit, la cingla au nez de Dowler, monta dans sa chambre à coucher, ferma la porte, empila par derrière un coffre, une table, un lavabo, et s'occupa à faire un paquet de ses effets les plus indispensables, afin de s'enfuir aux premiers rayons du jour.

Cependant Dowler tempêtait de l'autre côté de la porte du malheureux Winkle, et lui déclarait, à travers le trou de la serrure, son intention irrévocable de lui couper la gorge, le lendemain matin. À la fin, après un grand tumulte de voix, parmi lesquelles on entendait distinctement celle de M. Pickwick qui s'efforçait de rétablir la paix, les habitants de la maison se dispersèrent dans leurs chambres à coucher respectives, et la tranquillité fut momentanément rétablie.

Et pendant tout ce temps-là, dira peut-être quelque lecteur sagace, où donc était Samuel Weller? Nous allons dire où il était, dans le chapitre suivant.

CHAPITRE VIII

Qui explique honorablement l'absence de Sam Weller, en rendant compte d'une soirée où il fut invité et assista; et qui raconte, en outre, comment ledit Sam Weller fut chargé par M. Pickwick d'une mission particulière, pleine de délicatesse et d'importance

«Monsieur Weller, dit mistress Craddock, dans la matinée du jour mémorable dont nous venons d'esquisser les aventures; voici une lettre pour vous.

– C'est bien drôle, répondit Sam. J'ai peur qu'il n'y ait quelque chose, car je ne me rappelle pas un seul gentleman dans mes connaissances qui soit capable d'en écrire une.

– Peut-être est-il arrivé quelque chose d'extraordinaire, fit observer mistress Craddock.

– Faut que ça soit quelque chose de bien extraordinaire pour produire une lettre d'un de mes amis, répliqua Sam, en secouant dubitativement la tête. Ni plus ni moins qu'un tremblement de terre, comme le jeune gentleman observa, quand il fut pris d'une attaque. Ça ne peut pas être de mon papa poursuivit Sam, en regardant l'adresse, il fait toujours des lettres moulées parce qu'il a appris à écrire dans les affiches. C'est bien extraordinaire! D'où cette lettre-là peut-elle me venir?»

Tout en parlant ainsi, Sam faisait ce que font beaucoup de personnes lorsqu'elles ignorent de qui leur vient une lettre: il regarda le cachet, puis l'adresse, puis les côtés, puis le dos de la lettre, et enfin, comme dernière ressource, il pensa qu'il ferait peut-être aussi bien de regarder l'intérieur, et d'essayer d'en tirer quelques éclaircissements.

«C'est écrit sur du papier doré, dit Sam en dépliant la lettre, et cacheté de cire verte, avec le bout d'une clef; faut voir!» et avec une physionomie très-grave, il commença à lire ce qui suit:

«Une compagnie choisie de domestiques de Bath présentent leurs compliments à M. Weller et réclament le plaisir de sa compagnie pour un rat-houtte amical, composé d'une épaule de mouton bouillie avec l'assaisonnement ordinaire. Le rat-houtte sera servi sur table à neuf heures et demie, heure militaire.»

Cette invitation était incluse dans un autre billet ainsi conçu:

«M. John Smauker, le gentleman qui a eu le plaisir de rencontrer M. Weller chez leur mutuelle connaissance M. Bantam, il y a quelques jours, a l'honneur de transmettre à M. Weller la présente invitation. Si M. Weller veut passer chez M. John Smauker à 9 heures, M. John Smauker aura le plaisir de présenter M. Weller.

«Signé: JOHN SMAUKER.»

La suscription portait: à M. Weller esquire, chez M. Pickwick; et, entre parenthèses, dans le coin gauche de l'adresse étaient écrits ces mots, comme une instruction au porteur: Tiré la sonnette de la rue.

«Eh bien! dit Sam, en voilà une drôle! Je n'avais jamais auparavant entendu appeler une épaule de mouton bouillie un rat-houtte; comment donc qu'il l'appellerait si elle était rôtie?»

Cependant, sans perdre plus de temps à débattre ce point, Sam se rendit immédiatement chez M. Pickwick, et lui demanda, pour le soir, un congé qui lui fut facilement accordé. Avec cette permission, et la clef de la porte de la rue dans sa poche, Sam sortit un peu avant l'heure désignée, et se dirigea d'un pas tranquille vers Queen-Square. Là il eut la satisfaction d'apercevoir M. John Smauker, dont la tête poudrée, appuyée contre un poteau de réverbère, fumait une cigarette à travers un tube d'ambre.

«Comment vous portez-vous, monsieur Weller? dit M. John Smauker, en soulevant gracieusement son chapeau d'une main, tandis qu'il agitait l'autre d'un air de condescendance. Comment vous portez-vous, monsieur?

– Eh! eh! la convalescence n'est pas mauvaise, repartit Sam; et vous, mon cher, comment vous va?

– Là, là.

– Ah! vous aurez trop travaillé. J'en avais terriblement peur, ça ne réussit pas à tout le monde, voyez-vous. Faut pas vous laisser emporter comme ça par votre ardeur.

– Ce n'est pas tant cela, monsieur Weller; c'est plutôt le mauvais vin. Je mène une vie trop dissipée, je le crains.

– Oh! c'est-il cela? c'est une mauvaise maladie, ça.

– Et pourtant, les tentations, monsieur Weller?

– Ah! bien sûr.

– Plongé dans le tourbillon de la société, comme vous savez monsieur Weller, ajouta M. John Smauker avec un soupir.

– Ah! c'est terrible, en vérité!

– Mais c'est toujours comme cela quand la destiné vous pousse dans une carrière publique, monsieur Weller. On est soumis à des tentations dont les autres individus sont exempts.

– Précisément ce que mon oncle disait quand il ouvrit une auberge, répondit Sam; et il avait bien raison, le pauvre vieux; car il a bu sa mort en moins d'un terme.»

M. Smauker parut profondément indigné du parallèle établi entre lui et le défunt aubergiste; mais comme le visage de Sam conservait le calme le plus immuable, M. Smauker y réfléchit mieux, et reprit son air affable.

«Nous ferions peut-être bien de nous mettre en route, dit-il, en consultant une montre de cuivre qui habitait au fond d'un immense gousset, et qui était élevée à la surface au moyen d'un cordon noir, garni à l'autre bout d'une clef de chrysocale.

– C'est possible, répondit Sam; autrement on pourrait laisser brûler le rat-houtte et ça le gâterait.

– Avez-vous bu les eaux, M. Weller? demanda son compagnon, tout en marchant vers High-Street.

– Une seule fois.

– Comment les trouvez-vous?

– Considérablement mauvaises.

– Ah! vous n'aimez pas le goût vérugineux, peut-être?

– Je ne connais pas beaucoup ça; j'ai trouvé qu'elles sentaient la tôle rouge.

– C'est le vérugineux, monsieur Weller; rétorqua M. John Smauker d'un ton contemptueux.

– Eh bien, c'est un mot qui ne signifie pas grand'chose, voilà tout. Au reste, je ne suis pas beaucoup chimique, ainsi peux pas dire.»

En achevant ces mots, et à la grande horreur de M. John Smauker, Sam commença à siffler.

«Je vous demande pardon, monsieur Weller, dit M. Smauker, torturé par ce bruit inélégant; voulez-vous prendre mon bras?

– Merci, vous êtes bien bon, je ne veux pas vous en priver; j'ai l'habitude de mettre mes mains dans mes poches, si ça vous est superficiel.»

En disant ceci, Sam joignit le geste aux paroles et recommença à siffler plus fort que jamais.

«Par ici, dit son nouvel ami qui paraissait fort soulagé en entrant dans une petite rue. Nous y serons bientôt.

– Ah! ah! fit Sam», sans être le moindrement ému, en apprenant qu'il était si proche de la fleur des domestiques de Bath.

– Oui, reprit M. John Smauker, ne soyez pas intimidé, monsieur Weller.

– Oh! que non.

– Vous verrez quelques uniformes très-brillants, et peut-être trouverez-vous que les gentlemen seront un peu roides d'abord. C'est naturel, vous savez: mais ils se relâcheront bientôt.

– Ça sera très-obligeant de leur part.

– Vous savez? reprit M. Smauker avec un air de sublime protection, comme vous êtes un étranger, ils se mettront peut-être un peu après vous, d'abord.

– Ils ne seront pas trop cruels, n'est-ce pas? demanda Sam.

– Non, non, repartit M. Smauker en tirant sa tabatière, qui représentait une tête de renard, et en prenant une prise distinguée. Il y a parmi nous quelques gais coquins, et ils aiment à s'amuser… vous savez… mais il ne faut pas y faire attention. Il ne faut pas y faire attention.

– Je tâcherai, dit Sam, de supporter le débordement des talents et de l'esprit.

– À la bonne heure, répliqua M. John Smauker en remettant dans sa poche la tête de renard et en relevant la sienne. D'ailleurs, je vous soutiendrai.»

En causant ainsi, ils étaient arrivés devant une petite boutique de fruitier. M. John Smauker y entra, et Sam, qui le suivait, laissa alors s'épanouir sur sa figure un muet ricanement et divers autres symptômes énergiques d'un état fort désirable de satisfaction intime.

Après avoir traversé la boutique du fruitier, et déposé leurs chapeaux sur les marches de l'escalier qui se trouvait derrière, ils entrèrent dans un petit parloir, et c'est alors que toute la splendeur de la scène se dévoila aux regards de Sam Weller.

Deux tables, d'inégale hauteur, accouplées au milieu de la chambre, étaient couvertes de trois ou quatre nappes de différents âges, arrangées, autant que possible, pour faire l'effet d'une seule. Sur ces nappes, on voyait des contenus et des fourchettes pour sept ou huit personnes. Or les manches de ces couteaux étaient verts, rouges et jaunes, tandis que ceux de toutes les fourchettes étaient noirs, ce qui produisait une gamme de couleurs des plus pittoresques. Des assiettes, pour un nombre égal de convives, chauffaient derrière le garde-cendres. Les convives eux-mêmes se chauffaient devant. Parmi eux, le plus remarquable comme le plus important, était un grand et vigoureux gentleman, dont la calotte et l'habit à longs pans, resplendissaient d'une éclatante couleur d'écarlate. Il se tenait debout, le dos au feu, et venait apparemment d'entrer; car, outre qu'il avait encore sur la tête son chapeau retroussé, il gardait à la main une très-longue canne, telle que les gentlemen de sa profession ont l'habitude d'en porter derrière les carrosses.

«Smauker, mon garçon, votre nageoire,» dit le gentleman au chapeau à cornes.

M. Smauker insinua le bout du petit doigt de sa main droite dans la main du gentleman au chapeau à cornes, en lui disant qu'il était charmé de le voir si bien portant.

«C'est vrai: on dit que j'ai l'air assez rosé; et c'est étonnant! Depuis une quinzaine, je suis toujours notre vieille femme pendant deux heures, et rien que de contempler si longtemps la façon dont elle agrafe sa vieille robe de soie lilas, s'il n'y a pas de quoi vous rendre hippofondre pour le reste de votre vie, je consens à perdre mon traitement.»

À ces mots, la compagnie choisie se mit à rire de tout son cœur, et l'un des gentlemen, qui avait un gilet jaune, murmura à son voisin, qui avait une culotte verte, que Tuckle était en train ce soir-là.

«À propos, reprit M. Tuckle, Smauker mon garçon, vous…»

Le reste de la sentence fut déposé dans le tuyau de l'oreille de M. Smauker.

«Ah! tiens! je l'avais oublié! répondit celui-ci. Gentlemen, mon ami, M. Weller.

– Fâché de vous boucher le feu, Weller, dit M. Tuckle avec un signe de tête familier. J'espère que vous n'avez pas froid, Weller?

– Pas le moins du monde, Flambant, répliqua Sam. Faudrait un sujet bien glacé pour avoir froid vis-à-vis de vous. Vous économiseriez la houille si on vous mettait sur la grille, dans une salle publique; vrai!»

Comme cette répliqua paraissait faire une allusion personnelle à la livrée écarlate de M. Tuckle, il prit un air majestueux durant quelques secondes. Pourtant il s'éloigna graduellement du feu, et dit avec un sourire forcé:

«Pas mauvais, pas mauvais.

– Je vous suis bien obligé pour votre bonne opinion, monsieur, reprit Sam. Nous arriverons peu à peu, j'espère. Plus tard, nous en essayerons un meilleur.»

En cet endroit la conversation fut interrompue par l'arrivée d'un gentleman vêtu de peluche orange. Il était accompagné d'un autre personnage en drap pourpre, avec un remarquable développement de bas. Les nouveaux venus ayant été congratulés par les anciens, M. Tuckle proposa de faire apporter le souper, et cette proposition fut adoptée unanimement.

Le fruitier et sa femme déposèrent alors sur la table un plat de mouton bouilli, avec une sauce chaude aux câpres, des navets et des pommes de terre. M. Tuckle prit le fauteuil, et eut pour vice-président le gentleman en peluche orange. Le fruitier mit une paire de gants de castor pour donner les assiettes et se plaça derrière la chaise de M. Tuckle.

«Harris! dit celui-ci d'un ton de commandement.

– Monsieur?

– Avez-vous mis vos gants?

– Oui, monsieur.

– Alors ôtez le couvercle.

– Oui, monsieur.»

Le fruitier, avec de grandes démonstrations d'humilité, fit ce qui lui était ordonné, et tendit obséquieusement à M. Tuckle le couteau à découper; mais, en faisant cela, il vint par hasard à bâiller.

«Qu'est-ce que cela veut dire, monsieur? lui dit M. Tuckle avec une grande aspérité.

– Je vous demande pardon, monsieur, répondit le fruitier, décontenancé. Je ne l'ai pas fait exprès, monsieur. J'ai veillé tard la nuit dernière.

– Je vais vous dire mon opinion sur votre compte, Harris, poursuivit M. Tuckle avec un air plein de grandeur. Vous êtes une brute mal élevée.

– J'espère, gentlemen, dit Harris, que vous ne serez pas trop sévères envers moi. Je vous suis certainement très-obligé, gentlemen, pour votre patronage et aussi pour vos recommandations, gentlemen, quand on a besoin quelque part de quelqu'un de plus pour servir. J'espère, gentlemen, que vous êtes satisfaits de moi.

– Non, monsieur, dit M. Tuckle. Bien loin de là, monsieur.

– Vous êtes un drôle sans soin, grommela le gentleman en peluche orange.

– Et un fichu chenapan, ajouta le gentleman en culotte verte.

– Et un mauvais gueux, continua le gentleman de couleur pourpre.»

Le pauvre fruitier saluait de plus en plus humblement, tandis qu'on le gratifiait de ces petites épithètes, selon le véritable esprit de la plus basse tyrannie. Lorsque tout le monde eut dit son mot, pour prouver sa supériorité, M. Tuckle commença à découper l'épaule de mouton et à servir la compagnie.

Cette importante affaire était à peine entamée, quand la porte s'ouvrit brusquement et laissa apparaître un autre gentleman en habit bleu clair, avec des boutons d'étain.

«Contre les règles, dit M. Tuckle. Trop tard, trop tard.

– Non, non; impossible de faire autrement, répondit le gentleman bleu. J'en appelle à la compagnie. Une affaire de galanterie, un rendez-vous au théâtre.

– Oh! dans ce cas-là! s'écria le gentleman en peluche orange.

– Oui, riellement, parole d'honneur. J'avais promis de conduire notre plus jeune demoiselle à dix heures et demie, et c'est une si jolie fille, riellement, que je n'ai pas eu le cœur de la désobliger. Pas d'offense à la compagnie présente, monsieur; mais un cottillon, monsieur, riellement, c'est irrévocable.

– Je commence à soupçonner qu'il y a quelque chose là-dessous, dit Tuckle, pendant que le nouveau venu s'asseyait à côté de Sam. J'ai remarqué, une ou deux fois, qu'elle s'appuie beaucoup sur votre épaule quand elle descend de voiture.

– Oh! riellement, riellement, Tuckle, i' ne faut pas… C'est pas bien… J'ai pu dire à qué'ques amis que c'était une divine criature et qu'elle avait refusé deux ou trois mariages sans motif, mais… non, non, riellement, Tuckle… Devant des étrangers encore! C'est pas bien; vous avez tort… La délicatesse, mon cher ami, la délicatesse!»

Ayant ainsi parlé, l'homme à la livrée bleue releva sa cravate, ajusta ses parements, grimaça et fronça les sourcils, comme s'il avait pu en dire infiniment plus long, mais qu'il se crût, en honneur, obligé de se taire. C'était une sorte de petit valet de pied, à l'air libre et dégagé, aux cheveux blonds, au cou empesé, et qui avait attiré dès l'abord, l'attention de Sam; mais quand il eut débuté de cette manière, M. Weller se sentit plus que jamais disposé à cultiver sa connaissance; aussi s'immisça-t-il, tout d'un coup, dans la conversation, avec l'indépendance qui le caractérisait.

«À votre santé, monsieur, dit-il; j'aime beaucoup votre conversation; je la trouve vraiment jolie.»

En entendant ce discours, l'homme bleu sourit comme une personne accoutumée aux compliments, mais en même temps il regarda Sam d'un air approbatif et répondit qu'il espérait cultiver davantage sa connaissance, car, sans flatterie, il y avait en lui l'étoffe d'un joli garçon, et tout à fait selon son cœur.

«Vous êtes bien bon, monsieur, rétorqua Sam. Quel heureux gaillard vous êtes!

– Qu'est-ce que vous voulez dire? demanda l'homme bleu avec une modeste confusion.

– Cette jeune demoiselle ici, elle sait ce que vous valez, j'en suis sûr. Ah! je comprends les choses; et Sam ferma un œil en roulant sa tête d'une épaule à l'autre, d'une manière fort satisfaisante pour la vanité personnelle du gentleman azuré.

«Vous êtes trop malin, répliqua-t-il.

– Non, non, c'est bon pour vous, reprit Sam; ça ne me regarde pas, comme dit le gentleman qu'était en dedans du mur à celui qu'était dans la rue, quand le taureau courait comme un enragé.

– Eh bien! monsieur Weller, nullement, je crois qu'elle a remarqué mon air et me manières.

– J'imagine que ça ne peut guère être autrement.

– Avez-vous qué'que amourette de ce genre en train, monsieur? demanda à Sam l'heureux gentleman en tirant un cure-dents de la poche de son gilet.

– Pas exactement, répondit Sam; il n'y a pas de demoiselle à la maison, autrement j'aurais fait la cour à l'une d'elles, nécessairement. Mais, voyez-vous, je ne voudrais pas me compromettre avec une femme au-dessous d'une marquise; je pourrais prendra une richarde, si elle devenait folle de moi, mais pas autrement, non ma foi!

– Certainement, non, monsieur Weller. Il ne faut pas se laisser déprécier. Nous, qui sommes des hommes du monde, nous savons que, tôt ou tard, un bel uniforme écorne toujours le cœur d'une dame. Au fait, c'est la seule chose, entre nous, qui fait qu'on peut entrer au service.

– Justement, dit Sam; c'est ça, rien que ça.»

Après ce dialogue confidentiel, des verres furent distribués à la ronde; et, avant que la taverne fût fermée, chaque gentleman demanda ce qu'il aimait le mieux. Le gentleman en bleu et l'homme en orange, qui étaient les beaux fils de la société, ordonnèrent du grog froid; mais le breuvage favori des autres paraissait être le genièvre et l'eau sucrée. Sam appela le fruitier: Satané coquin! et ordonna un bol de punch, deux circonstances qui semblèrent l'élever beaucoup dans l'opinion des domestiques choisis.

«Gentlemen, dit l'homme bleu avec le ton du plus consommé dandy, allons! à la santé des dames!

– Écoutez! écoutez! s'écria Sam, aux jeunes maîtresses.»

À ce mot, de toutes parts on entendit crier: à l'ordre! Et M. John Smauker, étant le gentleman qui avait introduit Sam dans la société, l'informa que ce mot n'était pas parlementaire.

«Quel mot, monsieur? demanda Sam.

– Maîtresse, monsieur, répondit M. Smauker avec un froncement de sourcils effrayant. Ici nous ne reconnaissons pas de distinctions semblables.

– Oh! très-bien alors; j'amenderai mon observation, et je les appellerai les chères criatures, si Flambant veut bien le permettre.»

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
560 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
Metin, ses formatı mevcut
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin, ses formatı mevcut
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin, ses formatı mevcut
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок