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Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II», sayfa 15

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§ CXLVII. «Après la mort de Séthon, les Égyptiens, ne pouvant vivre un seul moment sans rois, en élurent 12, entre lesquels fut partagé le pays; ce fut par ces princes que le labyrinthe fut bâti… L’un d’eux, nommé Psammitik, d’abord exilé, finit par chasser les autres et par régner seul… Il se fit une armée de soldats grecs, et il ouvrit l’Égypte à tous les marchands de cette nation; il étendit son pouvoir dans la Palestine, il y arrêta les Scythes après la bataille de l’Éclipse, entre Alyattes et Kyaxarès. Il régna 54 ans (y compris le temps qu’il partagea le pouvoir avec ses 11 collègues.)»

§ CLVIII. «Son fils Nékos lui succéda: (étant allé en Palestine), il livra bataille aux Syriens (les Juifs), il les vainquit et s’empara de (leur capitale) Kadutis, ville considérable. Il régna 16 ans en tout.»

§ CLXI. «Son fils Psammis, qui lui succéda, ne régna que 6 ans. Apriès, fils de Psammis, régna après son père, pendant 25 ans; mais ayant abusé de la fortune, il fut abandonné par ses soldats et détrôné par Amasis, l’un d’eux (lib. III, § X), lequel régna 44 ans. Son fils Psamménit lui succéda; mais ayant été attaqué par Kambyses, fils de Kyrus, roi des Perses, il fut vaincu et mis à mort, n’ayant régné que 6 mois. De ce moment, l’Égypte subjuguée n’a plus été qu’une province de l’empire perse.»

Arrêtons-nous ici; nous y avons une date connue: il est certain que Kambyses subjugua l’Égypte l’an 525 avant notre ère: en partant de ce point, nous remontons avec précision jusqu’à la 1re année de Psammitik, qui fut l’an 671 avant J.-C.235. Dans cette période, les dates d’Hérodote se trouvent toujours d’accord avec celles des livres juifs, chaldéens, etc. Les autres listes égyptiennes n’ont pas ce mérite, qui tend à prouver l’exactitude de notre historien en ce qui a dépendu de lui. Cela ne nous empêchera point de relever dans son récit plusieurs discordances qui sans doute viennent de ses auteurs.

1° En remontant de Psammitik à Séthon, nous trouvons une lacune sensible: Psammitik commença de régner l’an 671..... L’attaque de Sennachérib, roi d’Assyrie, contre l’Égypte, et sa fuite subite, datent de l’an 722. Voilà 51 ans d’intervalle: on ne saurait admettre que Séthon les ait remplis, surtout lorsque les autres listes nous prouvent le contraire… Ces listes s’accordent avec les livres juifs à placer au temps de Sennachérib un roi éthiopien nommé Tarakah dont l’immense armée fut le vrai fléau du roi assyrien: ce Tarakah est le 3e roi de la 25e dynastie, avec un règne de 20 ans. Ce fait est masqué dans Hérodote. Ces 20 ans ne nous amènent qu’à l’an 702; il nous reste 31 à 32 ans de lacune jusqu’à Psammitik: or l’Éthiopien Sabako n’existait plus dès avant Séthon. Comment a-t-on pu dire à Hérodote, § CLII, «que Psammitik, jeune encore, «effrayé du meurtre de son père Nékos, qu’avait fait tuer Sabako, s’était sauvé en Syrie, d’où il ne revint que pour être l’un des 12 rois?»

Psammitik, qui régna 54 ans, ne peut guère avoir eu plus de 30 ans quand il fut élu; par conséquent il ne dut naître que vers les années 702 ou 704 avant J.-C. Les auteurs d’Hérodote ont fait ici quelque confusion. Ils auront pris le dernier Éthiopien pour le premier; et la fuite de Psammitik n’a pu avoir lieu qu’autant qu’il aura été un enfant sauvé par des amis: alors ce prince aurait vécu 85 à 86 ans; cela est possible.

2° Le Sabako d’Hérodote semble indiqué par les livres juifs à l’époque de 731: ils disent que Hoshée, roi de Samarie, implora le secours d’un roi d’Égypte nommé Soua ou Seva; si vous ajoutez kush, signifiant éthiopien, vous aurez Sevakus ou Sevakos, tel que le présente la liste de Manéthon. Toujours est-il vrai que la date de 731 convient à Sabako, prédécesseur de Séthos, qui régnait en 722. Dans cette hypothèse, les 50 ans de Sabako auraient commencé vers l’an 780; mais cela est aussi peu admissible que le retour d’Anysis après ces 50 ans: nous admettons plutôt l’avis de Desvignoles, qui pense que ces 50 ans sont la totalité des 3 rois éthiopiens (dynastie 25e). Les listes n’en diffèrent que de 6 ans. Alors nous croirons qu’il y eut anarchie de l’an 671 à l’an 701 ou 702, et que Sabako, 1er des 3 rois éthiopiens, entra en Égypte vers 751 ou 750; il s’y trouvera naturellement au temps de Hoshée.

3° Au-dessus de cette date 750, nous n’avons plus de série exacte jusqu’à Mœris, dont la mort est placée par Hérodote vers 1350 ou 1355. Supposons qu’Anysis ait été le tyran qui, selon les listes, fut vaincu et brûlé vif par Sabako sous le nom du Bocchoris des listes, et qu’il ait régné les 6 ans de celui-ci; son prédécesseur Asychis aurait fini en 757; donnons-lui 20 à 30 ans de règne, il aurait commencé entre 780 et 788. Alors vient le règne de Mykerinus, que l’oracle indique n’avoir pas été très-long. Admettons-le depuis l’an 800: maintenant les 106 ans des deux tyrans, ses oncle et père, ne nous mènent qu’à l’an 906: nous n’avons plus que les 3 règnes de Rhampsinit, Protée et Pheron, pour arriver à Sésostris, par-delà l’an 1300; il est vrai que nous pouvons corriger la date de Cheops, par le moyen de Diodore, qui nous apprend que les236 prêtres de son temps comptaient mille ans depuis l’érection de la pyramide, ce qui la place vers l’an 1056 avant notre ère; mais il n’en reste pas moins impossible que 3 règnes comblent le vide de 1056 à 1350: il y a lacune évidente en toute cette période; de Sésostris à Sabako, il y a désordre de faits; car, après les 50 ans de Cheops, faire régner son frère 56 ans, puis encore Mykerinus, fils de Cheops, cela est incroyable en généalogie. Il est clair qu’Hérodote n’a reçu ici que des idées générales et vagues; le seul article appuyé d’une date positive est celui du roi Mœris, attesté mort un peu moins de 900 ans avant les conférences d’Hérodote en 460…, par conséquent vers 1350 à 55. Mais ici naît une difficulté: Sésostris fut-il le successeur de Mœris? Hérodote ne le dit point, il semble même indiquer la négative, lorsque, parlant des rois en général, il dit que Sésostris vint après eux: à l’appui de cette négative, nous avons Diodore, qui compte sept générations (ou plutôt 5 intermédiaires) de Sésostris à Mœris; à la vérité, le témoignage de Diodore est, comme nous le verrons, assez léger en cette partie; d’un autre côté, Hérodote semble se redresser ou s’éclaircir, lorsque, parlant du prêtre Séthon, il compte de Menès à lui 341 rois. Si de Menès à Mœris il y en eut 330, y compris ce dernier, il n’en restera que 11 de lui à Séthon; et nous les trouvons précisément dans l’énumération d’Hérodote; cet auteur a donc entendu que Mœris fut le père, ou tout au plus l’aïeul de Sésostris, lequel ne pourrait être placé plus haut que 1355… Ce roi ayant régné 33 ans, selon Diodore, 48 ou 51 ans, selon Manéthon, il aurait vu réellement se renouveler la fameuse période sothiaque en l’an 1322, comme le disait la flatterie aux temps de Tacite; mais Tacite lui-même237 nous avertit de l’incertitude de cette opinion; et les époques qu’il allègue en prouvent l’erreur. Et comment en effet un incident si remarquable dans les superstitions égyptiennes eût-il été oublié ou omis par les prétrès et par les historiens? Diodore prétend que le fils de Sésostris, ou Sésoosis, prit le nom de son père, et s’appela Sésostris II. Cet incident sauverait la citation de Tacite; mais il restera à expliquer pourquoi les listes copiées de Manéthon s’accordent, comme nous le verrons, à placer Sésostris plusieurs années plus haut, savoir: celle d’Eusèbe en Syncelle, à l’an 1376; celle d’Africanus, 1394, et la (vieille) Chronique d’Alexandrie, à l’an 1400 avant notre ère. Nous avouons que rien ne nous paraît démontré ni décisif sur la date précise de ce conquérant, si ce n’est qu’il n’a pu commencer avant 1394 ou 1400; ni plus tard que 1371 à 72, s’il a régné 48 ans. Cela nous donne un peu plus de 100 ans de date avant Ninus, ce qui remplit suffisamment les assertions d’Agathias, de Justin, et autres auteurs qui s’accordent à faire ce roi assyrien postérieur à l’Égyptien: nous reprendrons cette question dans le récit de Manéthon.

A l’égard des temps qui précédèrent Sésostris, le récit d’Hérodote et de ses prêtres n’est qu’un sommaire peu instructif, puisqu’il présente en masse 336 rois obscurs et fainéants; néanmoins ce récit donne lieu à plusieurs objections assez graves.

1° Prétendre que Menès ait été le 1er roi du pays, et lui attribuer l’ouvrage gigantesque d’avoir déplacé le fleuve du Nil pour bâtir Memphis dans l’ancien lit mis à sec et comblé, etc., c’est choquer grossièrement toutes les vraisemblances: de tels travaux supposent une nation déjà nombreuse, un gouvernement puissant, des arts avancés, etc. Il a fallu des siècles pour amener un tel état de choses. Imaginer qu’un pays de 200 lieues de long et de 3,500 lieues de surface carrée ait, dès le premier jour, été habité par une seule et même société, gouverné par un seul et même pouvoir, c’est n’avoir aucune idée du monde physique et politique: il a fallu à l’espèce le temps de se multiplier; à l’état social le temps de se former; puis aux gouvernements de chaque société, de chaque canton, peuplade, arrondissement, le temps de se quereller et de se subjuguer l’un l’autre. Dans l’Égypte, comme partout ailleurs, la population a commencé par être vagabonde et sauvage; puis, rendue sédentaire par la culture du sol, elle a formé des peuplades divisées d’intérêts, de passions, limitées naturellement par des bras de rivières, par des marais, des lagunes, etc. Ces petits états, souvent en guerre, se sont successivement dévorés. Les roitelets vaincus sont devenus les vassaux, les lieutenants des rois vainqueurs, qui, à leur tour subjugués par le plus méchant et le plus fort, ont fait place à un roi unique, à un despote, roi des rois: celui-là a eu le moyen de faire de grands ouvrages. Voilà l’histoire. universelle. Ainsi, avant qu’il existât en Égypte un royaume identique, il y eut une succession d’états partiels, qui devinrent progressivement moins nombreux et plus grands; et cet ordre de choses-là, comme partout ailleurs, a laissé sa trace dans les divisions politiques du pays; motivées par les obstacles physiques de leurs frontières. Ainsi l’on peut assurer qu’il y eut d’abord autant de peuplades que de bourgades; puis autant de peuples et d’états que l’on voit de préfectures; enfin, qu’il se forma trois grands royaumes représentés par la Thébaïde ou Égypte supérieure, le Delta ou Égypte inférieure, et l’Heptanome ou pays du milieu, dont les distinctions physiques et même politiques subsistent encore aujourd’hui… Le roi donc qui bâtit Memphis, et ses palais, et ses temples, et ses digues, ne put être qu’un monarque tardif dans l’ordre des temps; et les prêtres qui en font le chef, se décèlent pour être les échos d’un système tardif et partiel, qui n’a connu ou voulu connaître d’histoire que celle de la monarchie de Memphis, la plus puissante, mais la dernière formée de toutes. Ce que le raisonnement nous dicte à cet égard, nous verrons les autorités de Diodore l’attester par des témoignages positifs; mais, de plus, nous trouvons dans le récit même des auteurs d’Hérodote le démenti positif de leur opinion. Écoutons leurs propres paroles au § IV, titre 2.

§ IV. «Au temps de Menès, premier homme qui ait régné en Égypte, toute l’Égypte, à l’exception du nome thébaïque, n’était qu’un marais: il ne paraissait rien de toutes les terres que l’on voit aujourd’hui au nord du lac Mœris, quoiqu’il y ait 7 jours de navigation depuis ce lac jusqu’à la mer.»

§ V. «Tout homme judicieux», ajoute Hérodote, en examinant le terrain, même au-dessus du lac de Mœris (qui est le Faïoum), pensera qu’il est un don du fleuve, une terre apportée et déposée par lui.»

Alors il est évident que Memphis fut une ville moderne en comparaison de Thèbes; que ses rois ne furent ni les premiers ni les plus anciens de l’Égypte, et qu’en reportant tout à Menès, les auteurs d’Hérodote décèlent, comme nous l’avons dit, un système local et tardif qui n’a point connu ou voulu connaître ce qui lui fut antérieur.

§ VI. Système des générations. Ce caractère systématique et paradoxal se montre avec encore plus d’évidence dans leur manière d’évaluer en gros le temps écoulé depuis Menès, et la durée des 341 règnes comptés ou supposés depuis ce prince jusqu’à Séthon, contemporain de Sennachérib. «Ils prétendent», dit notre historien, § CXLII, «que dans une si longue suite de générations il y eut autant de grands-prêtres que de rois: or 300 générations font 10,000 ans; car 3 générations valent 100 ans; et les 41 qui excèdent les 300 font 1,340 ans (total, 11,340 ans).»

D’abord il y a erreur en cette addition; elle devrait être de 1366 ⅔. La dernière génération est tronquée de 26 ans… Le prince qui l’a remplie n’aurait régné que 7 ans: cela conviendrait à Séthon.

Mais nous voyons bien d’autres objections à faire. 1° Le mot génération est impropre ici; son vrai sens est la succession du père au fils. Or il n’y a point eu de telle succession, de l’aveu des prêtres; car Hérodote nomme plusieurs rois, tels que Séthon, Sabako, Anysis, Asychis, Chephren, Protée, etc., qui ne furent point fils de leurs prédécesseurs, sans compter les 17 Éthiopiens, qui furent des étrangers, intrus par violence: en outre, la liste de Manéthon fait foi qu’il y eut, jusqu’à Séthon, 23 ou 24 ruptures d’ordre généalogique, par le passage de dynastie à dynastie, c’est-à-dire de famille à famille. Il y a donc grave erreur à prétendre évaluer le temps par génération, quand il n’y a eu que succession de règnes, ce qui est très-différent: les 1,340 ans allégués par Hérodote n’ont donc aucune autorité raisonnable, et sont une pure hypothèse imaginée, peut-être, pour mesurer un espace de temps dont le point de départ aurait été quelque observation astronomique marquante!

Ici la candeur et le bon sens d’Hérodote se trouvent en faute. «M’étant rendu à Thèbes», dit-il, «(pour vérifier ces récits), les prêtres de Jupiter me conduisirent dans l’intérieur d’un grand édifice, où ils me montrèrent autant de colosses de bois qu’il y avait eu de grands-prêtres, et les comptant devant moi (au nombre de 345), ils me prouvèrent que chacun était fils de son prédécesseur.»

C’est une preuve par trop bizarre d’un fait étrange en lui-même, que des mannequins de bois, fabriqués probablement depuis Kambyses, puisque ce tyran se plut à brûler et faire brûler tout ce qu’il put de monuments! Qui croira d’ailleurs que dans un pays qui fut, autant et plus que tout autre, agité de guerres civiles, politiques et religieuses, qui croira que 345 grands-prêtres se soient succédés régulièrement de père en fils? Ce sont-là des contes sacerdotaux inventés après coup pour soutenir un système.

Mais d’où vient ici l’évaluation d’une génération à 33 ans, c’est-à-dire de 3 au siècle? Ce ne peut être un système grec; il eût fallu, pour l’établir sur des faits, posséder de longues séries généalogiques, en tirer un terme moyen, le comparer à des époques fixes; et les Grecs, qui, dès le temps de Solon, ne pouvaient calculer l’époque d’Homère, qui jamais n’ont pu tirer au net la série des rois lacédémoniens, n’ont pu inventer ou établir un système de ce genre. Ils l’ont pu d’autant moins, que déjà l’on en voit l’indice au temps où ils étaient moins civilisés, du moins en Europe, au temps d’Homère, qui, parlant du grand âge de Nestor, dit qu’il avait déjà vécu trois générations d’homme. (Odyssée, lib. III, v. 345; et Iliade, lib. I). Le savant Eustathius, en commentant ce vers (tome I, page 192), observe que, «selon les anciens, le mot génération (gênea), celui-là même qu’emploie Hérodote, signifie 30 ans, au bout desquels seulement l’homme est censé avoir atteint l’intégrité et la perfection de son organisation.» Voilà une idée scientifique qui n’est pas d’Homère.... Et comme tout ce qui est scientifique en ce poète a un caractère égyptien, nous pouvons dire que c’est une idée égyptienne, d’une date d’autant plus reculée, qu’elle tient à l’astrologie. Les docteurs de cette école, toujours pleins d’idées symétriques, ayant examiné la vie de l’homme, s’aperçurent que le maximum de sa durée était entre 90 et 100 ans. D’autre part, remarquant que toutes ses facultés n’étaient réellement bien complètes que vers 30 ans, qu’elles prenaient une déclinaison sensible vers 60, ils aimèrent à voir en ce sujet la division tripartite qu’ils trouvaient dans toute la nature, cette division qui mesure toutes les existences en période d’accroissement, période d’équilibre ou stase, et période de décadence. Or, parce que, dans l’homme, la première période fut caractérisée surtout par l’engendrement, elle reçut le nom de gênea, génération, qui dans l’usage populaire devint l’expression d’une durée de 30 à 33 ans; et parce que le peuple ne classe point les événements avec précision, qu’il se rappelle seulement qu’ils sont arrivés au temps de telle personne, dans l’âge et génération où elle florissait, les esprits systématiques trouvèrent commode d’employer cette mesure équivalente à 30 ans: puis, pour la commodité d’un calcul plus étendu, et afin d’éviter une fraction par siècle, ils voulurent que trois générations valussent 100 ans, ce qui porta chacune à 33. Il est remarquable que l’idiome latin, cet ancien grec de l’Italie, a conservé la trace de ces équivoques; car le mot œtas signifiant l’âge, le temps, la génération où vivait un tel, paraît n’être que la contraction d’œvitas, dérivé d’œvum, qui d’abord dut exprimer la durée totale de la vie; puis fut appliqué à la période par excellence, à celle de l’existence morale et physique en son maximum. Voilà pourquoi d’anciens interprètes d’Homère ont voulu que Nestor eût vécu trois siècles; Eustathe, en les redressant, et en nous reportant à la doctrine des anciens, eut peut-être en vue Aristote et Platon, dont le premier (livre VII, chapitre 6, des animaux) dit que l’homme n’est accompli que vers 30 ans, et qu’il perd ordinairement vers 60 ans la faculté d’engendrer; et le second conseille de ne pas se marier avant l’âge de 30 ou 35 ans. Mais ces deux autorités nous deviennent un nouveau garant de l’origine égyptienne, que nous réclamons pour ces idées, puisqu’il est constant qu’Aristote et Platon ont puisé la plupart de leurs idées spéculatives et systématiques dans des livres égyptiens.

Au reste, et dans tout état de cause, nous sommes fondés à dire qu’il n’y a point eu chez les rois d’Égypte de série généalogique, de génération dans le sens vrai du mot; et que l’évaluation de la génération à 33 ans, et même au terme moyen de 30 ans, comme l’employèrent tous les successeurs d’Hérodote, est une mesure arbitraire dont l’application serait moins une règle générale qu’un cas d’exception238.

En résumant ce chapitre, nous trouvons que l’exposé d’Hérodote n’a réellement d’exactitude historique qu’en remontant de Kambyses jusqu’au règne de Psammétik.....; que dans ce qui précède ce prince, jusqu’à l’époque de Mœris, il n’y a point une précision suffisante à dresser une échelle suivie; que, depuis Mœris, ce sont des récits absolument vagues; et que le seul article déterminé avec une sorte de certitude est l’existence du conquérant Sésostris entre les années 1300 et 1350. Ce fut là un point de doctrine constant chez les savants d’Égypte au temps d’Hérodote; et si nous le trouvons altéré 150 ans après lui, notre tâche épineuse sera de découvrir la cause de ce changement. (Revoyez le tableau sommaire d’Hérodote.) Examinons maintenant le système du prêtre Manéthon.

CHAPITRE III.
Système de Manéthon

MANÉTHON, comme nous l’avons dit, fut postérieur, de près de deux siècles, à Hérodote; le roi Ptolomée-Philadelphe ayant mis à sa disposition toutes les archives des temples, ce prêtre indigène eut de grands moyens d’instruction: quel parti sut-il en tirer? voilà pour nous la question. Il prétendit qu’Hérodote avait menti239 ou erré en beaucoup de choses; mais lui-même a été inculpé d’erreurs et de peu de jugement: son ouvrage étant perdu, il nous reste peu de moyens de prononcer sur son caractère; seulement nous pouvons dire que, si les anciens en général ont eu assez peu de ce que nous appelons esprit de critique, il est bien probable qu’un prêtre égyptien n’en aura pas été doué plus particulièrement.

Il faut néanmoins regretter la perte des trois volumes qu’il dédia au roi Ptolomée. Que de faits curieux n’y eussions-nous pas trouvés, ainsi que dans les livres de Bérose et de Ktésias? Ces trois auteurs nous eussent dévoilé l’ancien Orient; par cette raison même, l’ignorance fanatique s’est efforcée de les détruire, et elle y a réussi.

Un premier pas à cette destruction fut l’abrégé que Julius Africanus fit de l’ouvrage de Manéthon, vers l’an 230 après J.-C. Ce prêtre chrétien, d’origine juive, scandalisé de ce que la chronologie égyptienne faisait le monde plus vieux de quelques milliers d’années que les livres juifs, entreprit une refonte générale de toutes les chronologies profanes, et posant pour régulateur de tout calcul celui de la traduction grecque, il tailla et trancha tous les autres, jusqu’à ce qu’il les y eût adaptés. Dans cette opération mécanique on sent combien le système de Manéthon fut défiguré. Ce n’est pas tout: le livre d’Africanus s’est perdu à son tour; nous ne le connaissons que par les extraits qu’en fit, au 9e siècle, le moine Georges, dit le Syncelle; et ce copiste avoue s’être permis de tailler encore et de changer.240 Qu’on juge en quel état est l’original! Le lecteur équitable n’exigera donc pas de nous les démonstrations; il se contentera de probabilités, et notre espoir est de lui en offrir d’assez grandes.

L’étendue de la liste d’Africanus nous a obligé d’en renvoyer la portion supérieure à la fin de ce volume: nous y avons joint en regard la liste d’Eusèbe, telle que la donne le Syncelle; et le lecteur remarquera, à la honte des copistes, que cette dernière diffère non-seulement de celle d’Africanus, quoique devant venir l’une et l’autre de Manéthon, mais qu’elle diffère encore de celle du Chronicon publiée par Scaliger comme ouvrage direct du même Eusèbe; il remarquera encore que dans la période la mieux connue, celle des rois compris entre Psammitichus et Kambyses, les listes ne sont point d’accord sur les durées de règne, et qu’en différant d’Hérodote, elles pèchent aussi contre les calculs des Juifs.


En effet, selon Africanus, Nekao, fils de Psammitichus, ne règne qu’en l’an 600 avant J.-C.; et selon les Juifs, il avait pris Jérusalem 9 ans auparavant (609)—Selon l’Eusèbe du Syncelle,



ce Nekao serait mort en 610, et cependant des Juifs attestent qu’il faisait la guerre en Syrie en 604. D’autre part, l’Eusèbe du Chronicon a des variantes notables sur plusieurs règnes, et l’erreur choquante de faire arriver et régner Kambyses à Memphis, l’an 530 (an 3 de l’olympiade 626), au lieu de l’an 525, qui est la date avouée de tous les auteurs. Si l’on ajoute que dans ce même Chronicon, des événements marquants, tels que la fondation de Carthage, la législation de Lycurgue, la naissance de Pythagore, etc., etc., sont portés chacun à deux ou trois dates différentes, de 20, 40 ou 50 ans, on conviendra que les anciens auteurs ecclésiastiques, malgré tout leur zèle, ont été plus audacieux qu’aucun des modernes, et que ce qu’ils méritent de notre part est bien moins le respect que la sévérité.

L’ancienne Chronique égyptienne, produite par le Syncelle (voyez le tableau ci-contre), ne fournit point les détails des règnes, mais seulement les sommes de chaque dynastie: il est digne de remarque qu’elle ouvre la 25e et la 26e à des dates tout-à-fait concordantes avec les calculs des Juifs et des prêtres d’Hérodote: ce premier trait d’exactitude appelle notre confiance, ou du moins notre attention pour d’autres cas.

Au-dessus de Psammitichus les listes d’Africanus et d’Eusèbe diffèrent totalement du récit d’Hérodote: elles ne parlent point des 12 rois dont ce prince fut l’un; elles font régner son père et amènent Tarakus trop tard pour cadrer avec les livres juifs. Tout accuse leurs dévots auteurs d’une inexactitude involontaire ou préméditée. Comment expliquer leur discordance sur le règne de Bocchoris, porté par l’une à 44 ans, par l’autre, seulement à 6? Ce Bocchoris, détrôné et brûlé vif par Sabako, devrait être le roi aveugle de la ville d’Anysis, dont parle Hérodote. Continuons l’examen de ces listes.

Au-dessus de la 24e dynastie nous avons le tableau suivant:



Si nous jetons un regard attentif sur ces dynasties, en remontant de la 23e, nous trouvons encore des différences notables entre Africanus et Eusèbe, quoique tous deux se disent copistes de Manéthon; rien de leur part ne ressemble à Hérodote. Nous ne voyons point les deux tyrans Cheops et Chephren, avec leurs 106 ans; mais le 1er roi de la dynastie 22e nous frappe, en ce que son nom de Sesogchis ressemble beaucoup à Sesoch ou Sesach, roi d’Égypte, qui, selon les Juifs, vint l’an 5 de Roboam, fils de Salomon (974 avant J.-C.), attaquer et rançonner Jérusalem. Sesoch est trop tardif dans les listes: celle d’Africanus seulement le place au siècle qui convient (926), et comme nous sommes sûrs de la date des Juifs, nous pouvons accuser d’erreur toutes ces listes.

Un autre prince remarquable est le 1er de la dynastie 19e, nommé Séthos, et Sethos-is. Eusèbe lui donne 55 ans de règne, avec cette variante, que sa liste en Syncelle le place à 1376, et celle en Scaliger, à l’an 1356. C’est vers cette hauteur qu’Hérodote place Sésostris, et nous savons par Manéthon, en Josèphe, que Sethos-is, dit aussi Ramessès et Égyptus, est le même que Sésostris. Il est fâcheux de voir Africanus et la vieille Chronique s’écarter beaucoup de ces données, en reportant Séthos jusqu’aux années 1394 et 1400, sans nous donner aucun éclaircissement sur lequel nous puissions raisonner.

Au-dessus de Séthos la dynastie 18e est digne d’attention, en ce qu’elle nous offre trois princes qui jouent un rôle marquant dans un passage de Manéthon, conservé par Josèphe: ces princes sont le cinquième, le sixième et le dernier. (Misphragmutos, Tethmos et Amehoph. (Voyez la liste ci-contre.)

Au-dessus de cette dynastie Eusèbe place immédiatement celle des rois pasteurs, dont l’invasion et la tyrannie furent un des grands événements de l’histoire d’Égypte. Africanus au contraire, les rejette 2 dynasties plus haut (à la 15e): cette différence a suscité de vifs débats entre les commentateurs. Le Syncelle a prétendu qu’Eusèbe avait commis un faux matériel pour satisfaire à des convenances systématiques, et Scaliger a admis cette inculpation. Mais que répondront le Syncelle et Scaliger, si nous prouvons que la disposition d’Africanus est absurde en elle-même; qu’elle



est démentie par un texte positif de Manéthon que cite Josèphe; et qu’ici Eusèbe est autorisé par l’ancienne Chronique, dont il paraît suivre de préférence le système depuis la 16e dynastie? Commençons par examiner le fragment de Manéthon, que Josèphe prétend avoir transcrit littéralement.

235.Voyez le tableau de la Chronologie d’Hérodote, à la fin de ce volume.
236.Diodor., lib. I, p. 72.
237.Tacite, Annal., lib. VI, § XXVIII, parlant de la durée des périodes dont la fin amenait l’apparition du Phénix (oiseau fabuleux), dit: «L’opinion varie sur le nombre des années: celui de 500 ans est le plus répandu; celui de 1,461 est affirmé par quelques auteurs qui disent que les Phénix ont paru d’abord sous Sésostris (quelques manuscrits lisent Sesosis), puis au temps d’Amasis; enfin sous le troisième Ptolomée (d’Égypte). Mais l’antiquité est ténébreuse: entre ce Ptolomée (Évergète) et Tibère, il y a eu un peu moins de 250 ans; d’où l’on conclut que ces oiseaux sont une fable.»
  Nous ajoutons qu’entre Amasis en 570 et Ptolomée en 247, il y a 323 ans, entre Amasis et Mœris 780; ainsi tout est discordant.
  Le traducteur d’Hérodote s’est cru plus heureux et mieux instruit, lorsque d’un passage inédit de Théon il a conclu que Sésostris avait commencé de régner juste en 1365. Nous avons consulté sur ce même passage MM. Peyrard et Halma, savants hellénistes et géomètres, à qui nous devons la traduction d’Euclide et de Ptolomée: leur réponse par écrit nous assure que le texte de Théon diffère matériellement du sens que lui donne Larcher. Théon dit: «Si nous voulons trouver le lever de la canicule l’an 100e de Dioclétien, prenons les 1,605 années accumulées depuis Ménophrès (roi égyptien) jusqu’à la fin d’Auguste; ajoutons-leur les 100 ans écoulés depuis le commencement de Dioclétien, et nous aurons 1,705 ans.»
  Tout ce qu’on peut voir ici est que sous Ménophrès, roi égyptien, il y eut une observation précise du lever en question, qui servit de base aux calculs, et que ce Ménophrès vécut 1,605 ans avant la mort d’Auguste. Larcher veut que la fin d’Auguste soit la fin de son ère: il place de son autorité la fin de cette ère à l’an 328 de J.-C.; il dit qu’en ajoutant ce nombre à celui de 1,605, cela donne l’an 1323 avant J.-C., 33e année de Sésostris. Il nous est impossible de voir comment cela se fait. De plus, il prétend que Mên-Ophrès signifie un Pharaon, qui ne peut être que Sésostris, et il ajoute que mên est une particule ajoutée par les Grecs, euphoniœ gratiâ. (Voyez Traduct. d’Hérodote, tome II, seconde édition, page 556.) Nous avouons que tout cela est au-dessus de notre portée.
238.L’érudit Larcher prétend avoir prouvé de fait et de droit, que chez les anciens Grecs on ne se mariait qu’à 33 ans. Si le lecteur prend la peine de lire notre note à la fin de ce volume, il se convaincra que jamais on n’a plus abusé de la permission de citer.
239.Voyez Fl. Josèphe contr. Appion., lib. I, § XIV; et le Syncelle, pag. 40, 52, 53, etc.
240.L’examen minutieux de ces altérations ne mènerait à rien: il nous suffit d’observer que jusque dans les additions énoncées par le compilateur, son total ne cadre point avec les sommes partielles qu’il donne. Par exemple, les règnes de la 18e dynastie rendent 259, et le Syncelle accuse 263: Ceux de la 1re, 263, le Syncelle, 253. La 5e, 218, le Syncelle, 248, etc. En plusieurs dynasties il y a, tantôt des omissions de règne, tantôt des lacunes de noms; dans une occasion, à la dynastie 18, le Syncelle nous avertit qu’Africanus voyant que ses calculs n’amenaient pas Moïse au temps du roi Amosis (comme l’exigeait l’opinion dominante), il a supprimé 110 ans à un patriarche, pour opérer le synchronisme requis.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
382 s. 21 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain