Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II», sayfa 16

Yazı tipi:

§ I.
Texte de Manéthon en son second volume

«Nous eûmes jadis un roi nommé Timaos, au temps duquel Dieu étant irrité contre nous, je ne sais par quelle cause, il vint du côté d’orient une race d’hommes de condition ignoble, mais remplie d’audace, laquelle fit une irruption soudaine en ce pays (d’Égypte), qu’elle soumit sans combat et avec la plus grande facilité. D’abord, ayant saisi les chefs ou princes, ces étrangers traitèrent de la manière la plus cruelle les villes et les habitants, et ils renversèrent les temples des dieux. Leur conduite envers les Égyptiens fut la plus barbare, tuant les uns, et réduisant à une dure servitude les enfants et les femmes des autres. Ils se donnèrent ensuite un roi nommé Salatis, qui résida dans Memphis, et qui, plaçant des garnisons dans les lieux les plus convenables, soumit au tribut la province supérieure et la province inférieure; il fortifia surtout la frontière orientale, se défiant de quelque invasion de la part des Assyriens, alors tout-puissants; et parce qu’il remarqua dans le nome de Saïs, à l’orient de la branche (du Nil nommée) Bubastite, une ville avantageusement située, qui, dans notre ancienne théologie, s’appelle Avar, il l’entoura de fortes murailles, et il y plaça une garnison de 240,000 hommes armés: chaque été il y venait (de Memphis) tant pour faire les moissons et payer les soldes et salaires, que pour exercer cette multitude et inspirer l’effroi aux étrangers. Après 19 ans de règne, il mourut; son successeur, nommé Bêon, régna 44 ans; puis Apachnas 36 ans et 7 mois; puis, Apophis 61 ans; puis Yanias 50 ans, puis Assis 48 ans et 2 mois.

«Ces six premiers rois firent constamment aux Égyptiens une guerre d’extermination. Toute cette race portait le nom de Yksos, c’est-à-dire rois pasteurs; car, dans la langue sacrée, yk signifie roi, et, dans le dialecte commun, sos signifie pasteur.

«Selon quelques auteurs, ce peuple était arabe, cependant Manéthon dit en un autre ouvrage que, selon certains livres qu’il avait consultés, le mot hyksos signifiait pasteur captif; hyk, en langue égyptienne, et hak avec une aspiration, signifiant captif: et cela, dit-il, me paraît plus vraisemblable et plus conforme à l’ancienne histoire.» (Josèphe continue).

Manéthon dit encore que ces pasteurs rois et que leurs successeurs possédèrent l’Égypte environ 511 ans; mais les rois de la Thébaïde et ceux du reste de l’Égypte ayant entrepris contre eux une guerre longue et violente, ils la continuèrent jusqu’à ce que sous l’un de ces rois nommé Alisphragmutos (lisez Misphragmutos), les pasteurs, vaincus et repoussés du pays, se renfermèrent en un local nommé Avar, dont le circuit était de 10,000 arpents; Manéthon dit que les pasteurs entourèrent ce local d’une forte et immense muraille, pour la défense et la conservation de leurs personnes et de leur butin. Après Alisphragmutos, son fils, nommé Thummosis, vint avec 480,000 hommes assiéger cette place; mais n’ayant pu réussir à la prendre de force, il fit avec les pasteurs un traite dont la condition fut qu’ils pourraient quitter l’Égypte sains et saufs: à ce moyen ils emmenèrent leurs familles et tout leur butin, etc., etc., et sortirent au nombre de 240 mille par le désert qui mène en Syrie; mais parce qu’ils craignirent les Assyriens, qui alors dominaient en Asie, ils s’arrêtèrent dans la contrée qu’on appelle Judée, et ils y bâtirent une ville nommée Jérusalem, capable du contenir toute leur multitude.

Ici Josèphe veut se prévaloir du sens de pasteur captif donné par quelques livres au mot yksos, pour en inférer qu’il s’agit du peuple hébreu emmène par Moïse. Laissons cette fausse hypothèse où s’égare l’écrivain juif, pour ne nous occuper que du récit du prêtre égyptien.

Dans ce récit plusieurs fautes se révèlent à un examen attentif.

1° Si, comme il est vrai, le nom du père de Thummos se lit constamment Misphragmutos dans Africanus et dans les deux listes d’Eusèbe, il est évident que l’Alisphragmutos de Josèphe est une erreur de copiste, venue de ce que l’M grec mal conformé a pris l’apparence d’ΑΛ dont la réunion a quelque ressemblance: les manuscrits de Josèphe sont pleins de ces fautes. La correction de celle-ci met en évidence la liaison intime de la dynastie 18e avec celle des pasteurs, tant par l’identité des noms et qualités des 2 rois cotés 5 et 6 dans les listes, que par leur titre de rois thébains. Amenoph, le dernier, est cité dans un récit subséquent.

2° Il résulte de ce premier point que l’expulsion des pasteurs eut lieu dans le cours de cette dynastie 18e, un peu plus de 100 ans après son ouverture, et dès lors Africanus est atteint et convaincu d’erreur; car, puisque l’expulseur fut Thummos, il est clair que les premières années de sa dynastie jusqu’à lui ont été parallèles aux dernières années des pasteurs: or de là il résulte un double emploi de cent années, pour le moins, qu’il faut retirer sur l’une des 2 dynasties; il est clair en outre qu’Eusèbe a eu raison de joindre immédiatement la dynastie expulsée à la dynastie expulsante, tandis que leur séparation dans Africanus forme un hiatus inconcevable et réellement absurde, que bientôt nous verrons condamné par Manéthon même..... Il est encore à remarquer qu’Eusèbe, dans son Chronicon, ne donne aux pasteurs que 103 ans de durée, ce qui est la somme exacte de leur dynastie dans l’ancienne Chronique, où ils sont appelés rois memphites, à raison de leur chef-lieu. Il semblerait ici que cette ancienne Chronique a évité le double emploi dont nous venons de parler; car, si aux 103 ans qu’elle compte nous ajoutons les 100 quelques années écoulées depuis Amos-is jusqu’à Thummos, nous avons un total de 200 quelques années qui se rapproche de celui donné par Josèphe. D’autre part, Eusèbe, en plaçant l’ouverture de cette dynastie 18e à l’an 1740, imite encore sensiblement l’ancienne Chronique, qui l’assigne à l’an 1748; et cette imitation, qui le disculpe de l’accusation de faux, donnerait à penser qu’il s’est aperçu des incohérences choquantes d’Africanus, et qu’il a eu le bon sens de lui préférer l’ancienne Chronique, dont l’autorité nous paraît s’accroître à chaque pas.

Mais comment expliquer les 511 ans que Josèphe dit s’être écoulés depuis l’entrée des pasteurs jusqu’à l’expulsion de leurs successeurs? qui sont-ils, ces successeurs? Nous voyons dans Africanus une dynastie de pasteurs grecs, au nombre de 32 rois, succéder aux rois pasteurs pendant 518 ans: voilà presque les 511 de Josèphe, et même voilà juste les 518 ans qu’il reproduit dans sa controverse contre Manéthon; mais le prêtre égyptien semble avoir compris dans les 511 toute la durée des 6 rois pasteurs, qu’Africanus place en dehors. Ce dernier aurait donc encore fait ici un double emploi ou bien serait-ce le texte de Manéthon qui, par une équivoque, aurait causé méprise et confusion? Cet embarras est sensible dans le paragraphe de Josèphe que nous discutons et qui commence par ces mots: «Manéthon dit encore que les pasteurs rois» Ici Josèphe cesse de copier son original; il parle de son chef, et résumant un article du texte qui nous manque, il en déduit les sommes totale de 511, sans nous faire connaître les sommes partielles qui la composent. Pour nous figurer ce qu’a pu contenir ce texte, il faut se rappeler que dans l’article antérieur, Manéthon a dit que les pasteurs rois étaient nommés Yksos, que ce nom était composé de deux mots égyptiens, yk signifiant roi, et sos pasteur, mais que dans d’autres livres il avait trouvé le mot hyk et hak avec aspiration signifiant captif en ce dernier cas, il paraît que Manéthon aurait eu en vue les Hébreux, qui de leur aveu furent à la fois captifs ou prisonniers des Égyptiens, et pasteurs d’origine chaldéene, c’est-à-dire Arabes; comme les pasteurs rois. Cette dernière circonstance a pu contribuer à quelque confusion; et parce qu’ensuite Manéthon, lorsqu’il explique l’origine des Hébreux et leur sortie d’Égypte sous Moïse, qu’il nomme Osarsiph241, prétend qu’ils furent une tourbe populaire composée de lépreux et de gens impurs de toute espèce au nombre de 80,000, chassés par le roi Amenoph père de Sethos, sur l’ordre d’un oracle, le juif Josèphe, indigné de la comparaison, quitte son texte pour argumenter contre lui et prouver que ses ancêtres furent les pasteurs rois: cette prétention est inadmissible; mais il est probable que Manéthon, après avoir parlé des pasteurs captifs, avait résumé en masse tout le temps écoulé depuis leur expulsion par Aménoph jusqu’à l’entrée des pasteurs rois sous Timaos, et qu’il avait évalué ce temps à la somme de 511 ans. Voilà sans doute ce qu’a voulu dire Josèphe; et en effet, si l’on part de l’an 1400, où régnait le roi Aménoph, selon les listes, ces 511 ans remontent à l’an 1911, comme date originelle de l’invasion des pasteurs; mais parce qu’il y a eu double emploi des cent premières années de la dynastie de Tethmosis, il ne faut compter que 1811, et l’Eusèbe du Syncelle donne 1830 pour date de l’entrée des pasteurs rois. L’Eusèbe du Chronicon donne 1807, ce qui se rapproche suffisamment. D’ailleurs plus nous scruterons Manéthon, plus nous verrons qu’il n’a point eu d’idées nettes sur son sujet en général, ni en particulier sur celui que nous traitons. Les erreurs, les contradictions, les discordances de ses copistes en font foi, et Diodore complétera la preuve.

L’historien Josèphe, dans son argumentation contre ce prêtre, nous fournit d’autres preuves d’erreur pour leur compte commun. Mais on a peine à concevoir l’excès de sa distraction dans la liste des rois qu’il dit avoir succédé à Tethmos, expulseur des rois pasteurs. «Après cette expulsion242, dit-il, Tethmos régna 25 ans, puis après lui régna son fils Chebron, etc.» Suivez la liste, qu’il dit copiée de Manéthon:

LISTE DE JOSÈPHE (DYNASTIE 18e).

Après avoir chassé les pasteurs rois,


«Or, dit-il en se résumant, comment Manéthon peut-il placer sous Aménoph la sortie des pasteurs vers Hiérusalem, quand il a placé cette sortie 518 ans plus haut sous Tethmos?»

Nous trouvons ici deux fautes: 1° Josèphe nous a dit 511 ans, et maintenant il nous dit 518; mais ce qui est bien plus grave, il a dit, ou fait dire à son auteur «que les pasteurs et leurs successeurs possédèrent l’Égypte pendant 511 ans:» lesquels par conséquent doivent se compter depuis leur entrée (en possession), et maintenant il veut les compter depuis leur sortie ou expulsion. Ce n’est pas tout: il accuse Manéthon d’introduire un faux Aménoph sans date connue; et cependant Manéthon exprime qu’Aménoph fut père de Séthos (Sésostris) qui à l’époque de l’expulsion était âgé de 5 ans, ce qui le classe suffisamment.

«Or, ajoute-t-il, depuis Tethmos jusqu’à Séthos, les années intermédiaires sont au nombre de 393.»

Ce n’est donc plus 511 ni 518, ce n’est pas même le nombre donné par la liste, lequel est 320, portant un déficit de 73 ans; mais ce qui est pis, c’est que cette liste, comparée à ses analogues dans Africanus et Eusèbe, accuse et convainc Josèphe d’une méprise inconcevable, en ce qu’il place à la tête de la dynastie le roi expulseur qui n’en fut que le 7e; qu’il le confond sous le nom de Tethmosis, avec Amosis, vrai roi 1er régnant 25 ans; et qu’il ne le reconnaît point dans Tmosis, fils de Misphragmutos, écrit par lui plus haut, Alisphragmutos. Attribuera-t-on de telles erreurs à des copistes? quel fonds faire sur les manuscrits ou sur l’auteur? combien le juif Josèphe, avec quelque esprit de critique, nous eût-il évité d’embarras! Il nous y laisse entièrement pour les dates d’entrée et de sortie des pasteurs. Voyons si dans le texte qu’il a cité de Manéthon quelques circonstances peuvent nous diriger à cet égard.

§ II.
Analyse du texte cité par Josèphe

«Jadis nous eûmes un roi nommé Timaos

Pourquoi ce nom ne paraît-il sur aucune liste? ne serait-ce pas que les pasteurs ayant tout saccagé, les archives de Memphis auraient été détruites? cela trouverait sa preuve dans le désordre et la nullité des listes antérieures, comme nous le verrons.

«Et du temps de Timaos il vint du côté d’orient (par l’isthme de Suez) une race d’hommes de condition ignoble (des pâtres très-méprisés par les laboureurs d’Égypte), et ces hommes remplis d’audace soumirent le pays sans combat et avec la plus grande facilité.»

(Donc les Égyptiens, isolés du monde et entièrement livrés à l’agriculture, avaient jusque-là vécu dans une paix profonde. Donc ils étaient encore en ces siècles d’obscurité dont parle Hérodote, avant qu’aucun roi se fût rendu célèbre par de grands ouvrages ou par des guerres au dedans ou au dehors.)

«Et ce peuple étranger, que quelques auteurs disent Arabe, traita les Égyptiens avec la plus grande cruauté, tuant les chefs, détruisant les villes, renversant les temples, réduisant le peuple en servitude

Nous demandons ce que devinrent les monuments historiques pendant deux siècles que dura cette tyrannie.

«Après les premiers désordres, les pasteurs se nommèrent un roi.»

[Ils n’en avaient donc pas auparavant; ils vivaient donc par tribus indépendantes (quoique associées), à la manière des Arabes.]

«Et ce roi, nommé Salatis, résida dans Memphis.»

Dans laquelle? car il y eut deux Memphis: l’une ancienne et première, située à l’orient du Nil, et du côté d’Arabie, selon l’aveu d’Hérodote et de Diodore; l’autre, de fondation postérieure et de plein jet, par un monarque puissant que Diodore nomme Uchoreus, qui fit le grand travail qu’Hérodote attribue mal à propos à Menés. Salatis dut résider dans l’ancienne et première Mèmphis, qui, par sa position, fut plus exposée aux pasteurs. La seconde Memphis eût été plus résistante à cause de ses fossés et de ses remparts; sans compter que ces fossés et ces remparts ne durent pas encore exister à cette époque d’état pacifique, négligent, anti-militaire. Leur idée ne fut probablement suggérée que par ce malheur et par ses suites.

Mais pourquoi ne nous dit-on pas un mot d’Héliopolis, ville non moins importante, et qui étant sur la route de Memphis, eût dû être attaquée et prise avant celle-ci? Ne doit-on pas conclure qu’elle n’existait pas encore? alors ne seraient-ce pas ces pasteurs qui, fortifiant la frontière orientale, auraient bâti cette ville dédiée à leur dieu Soleil? Cette hypothèse cadrerait avec un passage de Pline243, qui dit qu’Héliopolis fut fondée par les Arabes, tels qu’ont dit ceux-ci: alors encore, si les Juifs placent à Héliopolis (qu’ils nomment On) le roi égyptien lors de leur entrée en Égypte, cette entrée est donc postérieure aux pasteurs; et si le conquérant Sésostris, lorsqu’il éleva une muraille sur cette frontière, prit pour point d’appui Péluse d’un côté, et Héliopolis de l’autre, il trouva donc cette dernière ville existante; son règne fut donc postérieur à la fondation d’Héliopolis et au règne des pasteurs comme à leur expulsion..... Notons ce fait.

«Or Salatis placé à Memphis, soumit au tribut la province supérieure et la province inférieurs

Si Salatis, après avoir pris Memphis, y fit sa résidence, il y a apparence que cette ville était déjà la capitale du pays… Alors on entend sans peine que la province inférieure fut la Basse-Égypte, le Delta. Mais que signifie la province supérieure? entendrons-nous toute la Haute-Égypte et le royaume de Thèbes? cela ne se doit pas; car si une ville de l’importance et de la célébrité de Thèbes eût été prise, Manéthon n’eût pas manqué d’en faire mention; et de plus on ne verrait pas dans son récit subséquent, les rois de Thèbes figurer comme chefs de la ligue qui se forma contre les pasteurs, et de la guerre opiniâtre qui les expulsa. La province supérieure fut donc seulement l’Heptanomis, cette portion de l’Égypte qui de tout temps a formé l’une de ces 3 grandes divisions, et nous avons droit de penser que les pasteurs furent arrêtés vers Osiout par l’opposition des rois de Thèbes et par les obstacles naturels du sol, qui de tout temps ont formé une ligne de séparation entre la Haute et la Basse-Égypte, et défendu la frontière du Saïd contre les attaques venues d’en bas.

«Et les rois de la Tbébaïde s’étant ligués avec ceux du reste de l’Égypte, ils entreprirent une guerre longue et violente.»

Voici bien clairement exprimés d’autres rois d’Égypte que ceux de Memphis et de Thèbes; il y avait donc au temps des pasteurs, plusieurs royaumes grands ou petits en Égypte. Nos érudits veulent nier le fait; mais leurs arguments démentis par le raisonnement, par la nature des choses et par des témoignages positifs, ne méritent point que l’on s’y arrête. Il suffit d’observer que dans un temps postérieur le petit pays de Kanaan comptait 30 à 32 rois ou roitelets, qui furent soumis par Josué, pour concevoir qu’un pays tel que le Delta, plus étendu que la Palestine, et morcelé par des bras de fleuve, par des marais et par des déserts, a dû avoir et conserver long-temps des chefs ou rois qui; soit indépendants, soit vassaux du roi de Memphis, auront échappé ou résisté aux pasteurs, auront invoqué le secours des rois de Thèbes, demeurés puissants, et les auront secondés contre l’ennemi commun de la nation.

L’on voit que dans cette anecdote des rois pasteurs, l’Égypte nous est représentée dans l’état de faiblesse et d’inexpérience dont Hérodote parle, comme ayant précédé les temps où des rois égyptiens se rendirent célèbres par de grands ouvrages et par des guerres étrangères.—Par conséquent Mœris n’avait point encore creusé son immense lac; Sésostris n’avait point fait ses immenses conquêtes, et c’est l’indication positive de Manéthon, en Josèphe, lorsque celui-ci, copiant sa liste des successeurs de Tethmos, nomme Ramessés dit Miami, puis son fils Amenoph, puis ses enfants Armaïs et Sethos-is, dit aussi Ramessés (comme son aïeul), lequel eut de puissantes et nombreuses armées de terre et de mer. Tout ce que Josèphe dit de ce Sethos-is démontre qu’il fut Sésostris lui-même, comme nous l’avons déjà dit.

Mais quel fut précisément le siècle des pasteurs? un mot de Manéthon nous donne à cet égard plutôt une lueur qu’une lumière: «Salatis, dit-il, fortifia surtout la frontière d’Orient, dans la crainte des Assyriens alors tout-puissants en Asie…» D’où Manéthon a-t-il tiré ce motif? il n’a pas eu en main les archives de Salatis; les Égyptiens n’auront pas écrit de mémoires à cette époque de persécution… C’est donc une idée de Manéthon lui-même, qui, disciple des Grecs, voulant leur plaire et ayant en main l’histoire des Assyriens, par Ktésias, a cru faire ici acte d’érudition et de discernement, en comparant les temps obscurs de son pays à une époque étrangère plus connue… Cela ne nous donne pas de date précise, mais nous y trouvons une limite au-dessus de laquelle l’invasion des pasteurs ne peut plus se placer…; cette limite est la fondation de l’empire assyrien par Ninus: selon Ktésias, ce prince aurait régné vers les années 2000 à 2100 avant J.-C.244 L’invasion des pasteurs, selon Manéthon, est donc postérieure à cette date, et elle peut l’être de beaucoup d’années; mais qui de Josèphe, ou de l’ancienne chronique, ou des listes d’Eusèbe et d’Africanus, est l’interprète de Manéthon? toutes leurs données diffèrent entre elles: selon la chronique, ce fut l’an 1851; selon Eusèbe en son Chronicon, ce fut l’an 1807, et 1830 en sa liste du Syncelle; selon Africanus, ce serait en 2612. (Voyez la liste.)

Ici ce copiste est encore une fois atteint et convaincu d’erreur et d’infidélité, si Manéthon lui-même ne l’est de contradiction: car cette date de 2612 excède de plus de cinq siècles le règne de Ninus; par conséquent elle anticipe de toute cette somme sur l’extrême limite donnée par le prêtre égyptien; et de près de 800 ans sur les dates d’Eusèbe et de l’ancienne chronique. Il en résulte incontestablement que les dynasties 16e et 17e de prétendus pasteurs grecs et anonymes, sont démontrées fausses par témoignage positif, comme nous les avions démontrées absurdes par simple raisonnement: ainsi les 153 ans de la 17e dynastie et les 518 de la 16e, ne sont que du remplissage dont Africanus pourrait avoir pris l’idée en Josèphe, à l’article que nous avons censuré, s’il ne l’a prise dans Manéthon même. Quelle confiance pouvons-nous désormais avoir en ce copiste? et cependant nous ne sommes pas à la dernière erreur ou contradiction démontrable.

En remontant dans sa liste à la dynastie 12e, nous sommes choqué d’y trouver le célèbre conquérant Sésostris cité comme 3e prince, avec des circonstances qui viennent plutôt d’Hérodote que de Manéthon. Nous avons vu ce dernier auteur le placer sous le nom de Sethos au même rang, et par conséquent à la même époque que les listes d’Eusèbe et d’Africanus, en tête de la dynastie 19e: nous avons vu Hérodote s’accorder avec ces témoignages en le plaçant dans le même siècle. Nous remarquons qu’il y aurait une contradiction, un chaos inexplicable à supposer que l’Égypte, élevée au plus haut degré de puissance politique et d’art militaire sous Sésostris, fût retombée au degré de faiblesse et d’ignorance où la trouvèrent les pasteurs. Comment un tel anachronisme peut-il donc se présenter dans la liste d’Africanus245, copiste de Manéthon, et, ce qui est plus étrange, dans celle de Diodore son successeur, ainsi que nous le verrons? ceci est un vrai problème littéraire qui nous a long-temps embarrassé: quelle qu’ait pu être sa cause originelle, il en eut une, et il est intéressant de la trouver; après bien des indications, principalement sur la moralité et les moyens d’instruction de nos auteurs, il nous a semblé découvrir le mot de l’énigme dans la confiance accordée par Manéthon à Ktésias, et dans les circonstances politiques et littéraires où les Égyptiens et les Perses se sont respectivement trouvés au temps de cet auteur.

Nous avons considéré que lorsque les Égyptiens, en l’an 413 avant J.-C., secouèrent le joug des Perses, il ne put manquer d’y avoir récrimination de la part du grand roi et de ses diplomates qui, selon l’usage de tous les temps et de tous les puissants, ne manquèrent pas de crier à la rébellion contre l’autorité légitime. Les Égyptiens durent opposer à cette inculpation deux réponses solides: 1° leur état d’indépendance naturelle avant que Kambyses les eût injustement subjugués; 2° leur état même de suprématie avant l’existence de l’empire perse, puisqu’il était prouvé par leurs annales, que le conquérant Sésostris avait soumis au tribut tous les peuples de cette partie de l’Asie avant l’existence de l’empire assyrien même.—Cet ordre de faits était vrai dans le sens où l’a présenté Hérodote qui, comme nous l’avons vu, a placé Sésostris au-delà de l’an 1300, et Ninus vers l’an 1230 ou 36 seulement: en faveur de cette opinion était le silence même des monuments et des traditions qui jamais n’avaient dit ou insinué que Sésostris eût pris les imprenables cités de Ninive et de Babylone, ou qu’elles eussent résisté à cet invincible guerrier, alternative, également remarquable, dont le souvenir eût été conservé: ils durent même ajouter ce que nous lisons en Cedrenus,246 savoir, que Sésostris laissa une colonie de 15,000 Scythes dans le pays des Perses qui s’y mêlèrent. L’orgueil de la cour du grand roi dut être infiniment choqué de ces allégations; mais comme de tout temps la diplomatie eut des ressources, principalement dans les gouvernements despotiques, quelque courtisan délié imagina un moyen efficace de démentir ou d’éluder ces faits, en élevant le règne de Ninus au-delà du temps de Sésostris, à une époque obscure et inattaquable. Cela se pouvait d’autant plus aisément, que la chancellerie perse, que nous avons vue en activité sous Kyrus, sous Kambyses et sous Darius247, possédait seule les archives des Mèdes et des Assyriens. Elle put donc fabriquer des listes de rois et des durées de règnes, selon son besoin et son gré. C’est cette fraude que nous avons indiquée en notre 1er volume (pag 484), quand nous avons démontré le doublement des rois mèdes par Ktésias, et que nous avons fortement inculpé cet auteur, d’une opération semblable sur la liste des rois d’Assyrie; nous eûmes dès-lors le soupçon que nous renouvelons ici; mais en réfléchissant sur ces expressions de Diodore, «que Ktésias, particulièrement favorisé des bonnes grâces d’Artaxercès, eut en main les archives royales, et après avoir recherché avec soin tous les faits, les mit en ordre, etc.;» nous sommes maintenant porté à croire que ce Grec, adroit et souple mercenaire, a lui-même été le conseiller et l’auteur de la fraude: quoi qu’il en soit, elle nous paraît positive; son époque a dû être entre les années 380 et 390, où Ktésias fut en faveur, par conséquent une vingtaine d’années après l’insurrection des Égyptiens. Ceux-ci ayant connu cet argument inopiné, durent éprouver de l’embarras; mais parce que l’esprit des anciens cabinets se ressemblait (ainsi que celui des temples), les diplomates du Pharaon régnant (probablement Nectanebus Ier.) s’avisèrent du même expédient, et ils combinèrent à leur tour cet échafaudage de listes qui rejette Sésostris plusieurs siècles avant Ninus: de là ces deux systèmes de chronologie qui ont divisé les auteurs anciens et déconcerté les modernes: l’un, que nous appelons l’ancien, que nous trouvons dans Hérodote, et même dans l’ancienne Chronique; l’autre, le système nouveau, qui nous est présenté par Diodore et par Africanus, copistes de Manéthon. Nous ne saurions regarder le prêtre égyptien comme son inventeur; mais il nous semble que, doué de peu de critique, il l’a compilé sans le comprendre, et que c’est de lui que Diodore l’a emprunté.

Il nous semble encore que Manéthon lui-même appuie notre conjecture sur sa nouveauté, en donnant l’épithète d’ancienne à la Chronique anonyme jointe par lui à son livre d’où le Syncelle l’a tirée par l’entremise d’Africanus248. Quelques érudits ont voulu qu’elle fût de composition tardive et postérieure à Nectanebus II, c’est-à-dire à l’an 350, où se terminait aussi l’ouvrage de Manéthon; mais il est prouvé par nombre d’exemples, que les manuscrits anciens de chroniques pareilles ont reçu des additions et des continuations posthumes à leur premier auteur, et cela de la main des savants qui les possédèrent ou qui en donnèrent des copies… Ainsi la mention de Nectanebus II ne prouve rien; et si l’on considère, d’une part, que Manéthon dut avoir ses raisons d’appeler ancienne la chronique dont nous parlons, et d’autre part, qu’elle diffère essentiellement du plan de cet écrivain, en ce qu’au-dessus de la seizième dynastie, c’est-à-dire, un peu au-dessus des pasteurs, elle n’admet ou ne connaît aucun fait historique (comme pour indiquer que la persécution de ces tyrans en aurait effacé la trace); que, de plus, dans les dynasties inférieures, elle se rapproche du plan d’Hérodote; l’on sera porté à croire qu’elle a été rédigée un peu après Kambyses, lorsque le règne tolérant de Darius Hystasp permit aux savants Égyptiens de recueillir les débris de leurs monuments, brûlés ou dispersés par le féroce fils de Kyrus. De telles idées viennent en de telles circonstances: alors elle a précédé Manéthon de près de 240 ans, et par-là elle a mérité, relativement à lui, le titre d’ancienne, surtout s’il a eu, comme nous le croyons, quelque indice que le système signalé par nous n’existait pas auparavant; Quoi qu’il en soit de nos conjectures, en revenant au point primitif de notre discussion, il reste prouvé par les témoignages combinés de tous les anciens, que le règne de Sésostris, antérieur à celui de Ninus, n’a pu être que postérieur à l’invasion des pasteurs.—Ce second chef se démontre par le raisonnement. En effet, d’après le tableau du règne de ce conquérant, il est impossible, comme nous l’avons déjà dit, de concevoir comment l’Égypte serait retombée dans l’état de faiblesse, d’avilissement où la trouvèrent les pasteurs..... Tout, dans cette hypothèse, marche en sens inverse du cours naturel des choses politiques; tout suit, au contraire, un cours naturel, en admettant que l’époque d’ignorance et d’esclavage précéda et même prépara l’époque de l’affranchissement et de l’énergie militaire qui, depuis, alla croissant et se développant.

Au moment où arrivent les pasteurs, nous voyons l’Égypte, par suite de son état primitif de morcellement en peuplades sauvages, divisée encore en plusieurs états, et certainement en deux royaumes principaux ayant pour capitales Thèbes et Memphis l’ancienne. La population, toute agricole, est, comme celle de la Chaldée au temps de Ninus, inexpérimentée à l’art de la guerre: l’étranger aguerri soumet sans peine celle du Delta et l’accable de cruautés. Il est probable que cette persécution fut une époque d’émigration à laquelle se rapporteraient certaines colonies égyptiennes en Grèce, en Italie, en Babylonie, mentionnées par les monuments et par les historiens.—Thèbes résista par sa position topographique, et par la puissance de ses rois, qui déjà paraissent avoir élevé les masses gigantesques de ses temples et de ses palais: c’est l’indication de Diodore. La Basse-Égypte saccagée, asservie, privée de tous ses chefs, dut tourner ses regards vers les rois Thébains qui étaient de sa langue et même de son sang. Ils devinrent ses protecteurs naturels, ses rois nationaux.—Leur pays fut le lieu de refuge; leur puissance fut le moyen libérateur qu’on invoqua.—Il dut exister une guerre sourde et constante.—Les bras s’aguerrirent, les courages se formèrent; de premiers succès élevèrent l’espérance; une guerre ouverte éclata: sa longueur, son opiniâtreté donnèrent aux Memphites les habitudes militaires qui leur manquaient; toute l’Égypte devint guerrière. De son côté, la race hardie des pasteurs dut défendre sa proie pied à pied. Un premier effort l’ayant chassée de Memphis, ils purent se défendre dans Héliopolis, puis dans Peluse où ils résistèrent à d’immenses efforts. Pendant ce temps les rois de Thèbes prenaient possession, d’abord de l’Heptanomis, puis du Delta, par droit de conquête et par assentiment national. Lorsqu’enfin ils eurent totalement chassé l’étranger, ils furent, de droit et de fait, considérés comme les maîtres légitimes de tout le pays, comme les successeurs naturels des anciens rois dont la race était extirpée: c’est donc à cette époque, c’est-à-dire, à dater du régne de Tethmos, que l’Égypte a commencé de former un seul et même empire, dont l’unité n’a plus été rompue que temporairement.—Alors ces monarques, investis d’une masse triple et quadruple de puissance, par la réunion de 7 à 8,000,000 de bras sous un même sceptre,249 et de tous les tributs du sol le plus fécond sur une étendue de 3,500 lieues carrées; ces monarques eurent les moyens et bientôt conçurent les idées de ces ouvrages, d’abord utiles et grands, puis gigantesques et extravagants, dont Hérodote trace l’ordre successif, et dont l’exécution n’eût pas été possible auparavant.

241.§ XXVI, contr. Appion, lib. I.
242.Contr. Appion, lib. I, § XXVI.
243.Hist. nat. lib. VI, p. 343 édit. de Hardouin.
244.Eusèbe, qui suit cet auteur, compte 2024; et Larcher, 2107.
245.Nous ne parlons point de la liste d’Eusèbe, parce qu’il ne paraît pas que cet auteur ait connu Manéthon autrement que par l’entremise d’Africanus.
246.Cedren. histor. compendium, pag. 20.
247.Voyez les passages d’Esdras cités en notre Ier volume des Recherches sur l’histoire ancienne, p. 441, et en celui-ci, page 134.
248.Syncelle, pages 52, 53.
249.Selon quelques auteurs, tels que Pline, Diodore, l’Égypte aurait eu jusqu’à 10,000,000 d’habitants; mais c’est beaucoup, à moins d’y joindre des dépendances au-delà des cataractes et dans les oasis.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
382 s. 21 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain