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Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II», sayfa 18

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CHAPITRE IV.
Récit de Diodore

D’après tout ce que nous avons vu du désordre et des contradictions de la liste d’Africanus, copiste apparent de Manéthon, nous avons droit de croire que la dynastie des pasteurs a été la borne historique des savants de Memphis, et cela par la double raison que ces étrangers auront détruit les archives nationales, et que l’école de Memphis, ne trouvant au-delà de leur époque que des rois thébains, les aura négligés par esprit de parti pour sa métropole. Si nous avions la liste complète de ces rois, trouvée par Ératosthènes, et copiée par Apollodore, peut-être y trouverions-nous le moyen de renouer le fil de succession par l’entremise de la 18e dynastie: à son défaut, il faut nous adresser à Diodore.

Cet auteur, qui lût et compulsa un grand nombre de livres sur ces matières, dans la bibliothèque d’Alexandrie, eut de grands moyens de s’instruire et de nous instruire avec lui: malheureusement il s’est moins appliqué à la précision qu’à l’étendue.—Cet historien nous donne comme résultat de ses recherches, et comme un fait non contesté de son temps, «que le royaume de Thèbes fut le premier civilisé et le plus célèbre de toute l’Égypte. La ville de Thèbes, dit-il263, fut fondée, selon quelques-uns, par le dieu Osiris même, qui lui donna le nom de sa mère; mais ni les auteurs ni les prêtres ne sont d’accord à ce sujet, plusieurs assurant que cette ville a été bâtie bien plus tard, par un roi nommé Busiris

Nous laissons à part ce que Diodore dit avec Hérodote, Manéthon et la vielle chronique, du règne des dieux, qui dura des milliers d’années, 10,000, selon les uns, 18,000 et même 23,000 selon d’autres, depuis Osiris ou le soleil, jusqu’à Alexandre… Ce sont là des allégories astrologiques, de même que l’invention prétendue de toutes les sciences, par un dieu ou homme nommé Hermès.—Mais Diodore parle historiquement, lorsqu’il peint l’état primitif des anciens habitants de l’Égypte, et leur vie sauvage entièrement semblable à celle des nègres et des Caraïbes des temps modernes264. «Alors, dit-il, ceux-là étaient rois qui inventaient les choses et les moyens utiles aux besoins de la vie: le sceptre ne passait pas au fils du régnant, mais à celui qui avait rendu le plus de services (comme dans l’ancienne Chine).

«Parmi les rois d’Égypte, la plupart ont été indigènes, quelques-uns furent étrangers: on compte, entre autres, quatre Éthiopiens qui ont régné 36 ans, non pas de suite, mais par intervalles.»

Nous avons vu Hérodote en compter 18: il semble que Diodore n’aurait connu que ceux postérieurs à Sabako.

«Les rois, avant Kambyses, ont été au nombre de 470, et 5 reines.»

Voici une grave différence, puisque ce serait au-delà de cent plus qu’Hérodote. Diodore suit Manéthon ou s’en rapproche.

«Après les dieux, le premier roi fut Menas», que Diodore fait régner à Thèbes et non à Memphis (qui en effet ne dut pas exister). Il est singulier que ce Menas ou Menès se retrouve premier homme-roi à Memphis, à Thèbes, en Crète, sous le nom de Minos, dans l’Inde sous celui de Ménou. Il est singulier encore que Manéthon, dans Africanus, ait noté qu’il fut tué par un cheval de rivière (hippopotamos) nomme Isp. Comment une bête sauvage a-t-elle eu un nom propre? Il y a ici de l’allégorie: l’hippopotame fut l’emblème de Typhon, ce génie du mal, qui tua Osiris, génie du bien; Menès doit être un nom d’Osiris, peut-être même le nom le plus ancien. Osiris fut, comme Bacchus, le dieu de l’abondance et de la joie; «Menès, comme Osiris, enseigna aux hommes toutes les commodités, tout le luxe de la vie, la bonne chère, les beaux meubles, les bonnes étoffes, etc.:» l’identité est sensible. Quant au nom du cheval, Isp, comment se fait-il qu’il soit le mot persan asp, un cheval? Manéthon aurait-il copié un auteur perse, qui, après Kambyses, aurait traduit un livre égyptien?

Le nom de Menas fut aboli, nous dit Diodore, par un roi d’Égypte qui, pendant une guerre qu’il fit aux Arabes du désert, trouva de si grands inconvénients dans le luxe et l’épicurisme inventé par Menas, qu’il maudit son nom, et fit inscrire cette malédiction en lettres sacrées dans le temple de Ioupiter à Thèbes. Ne serait-ce pas à dater de cette époque que le nom d’Osiris aurait prévalu? Mais pourquoi man en langue sanscrite signifie-t-il homme, et en chaldæo-hébreu, intelligence?

«Après Ménas, d’autres rois, dit Diodore, se succédèrent pendant 1,400 ans, sans rien faire de remarquable; puis régna Busiris, premier du nom; puis son 8e successeur, nommé aussi Busiris, bâtit la grande ville de Thèbes avec cette magnificence qui l’a rendue la plus célèbre des temps anciens.»

Faire bâtir Thèbes quand on dit qu’elle existait depuis 1,400 ans, est une contradiction manifeste; mais aujourd’hui que les savants français de l’expédition d’Égypte nous ont fait connaître géométriquement le local de Thèbes; qu’ils nous y font distinguer 4 et même 5 enceintes différentes, où la nature et l’emploi des matériaux, les uns de briques, les autres de pierre, le style et l’art des constructions, les unes petites et simples, les autres grandes et compliquées, attestent des époques diverses, nous concevons que là, plus qu’ailleurs, il a existé une gradation d’industrie et de puissance qui, selon les besoins ou les fantaisies du temps, a plusieurs fois déplacé l’habitation des rois et de leur cour, et qui, par l’agglomération qui se fait toujours autour de ces foyers d’activité, a formé plusieurs cités que leur voisinage réciproque a fait comprendre sous le même nom… D’après ce que Diodore dit de la grandeur des temples, des palais et autres ouvrages de Bousiris, l’on pourrait lui attribuer l’enceinte dite Karnâq265, mais ne quittons pas notre fil chronologique.

Après Busiris II, plusieurs de ses successeurs embellirent la ville de Thèbes. Ici Diodore place d’intéressants détails sur un roi Osymandua, dont il ne détermine point l’époque.

Le huitième successeur d’Osymandua porta le nom d’Uchoreus comme son père: ce fut lui qui bâtit Memphis.

Diodore entre dans des détails qui diffèrent peu de ceux d’Hérodote… «Uchoreus rendit le séjour de cette nouvelle ville si commode, si délicieux, que presque tous ses successeurs le préférèrent à celui de Thèbes, dont la splendeur baissa de jour en jour, tandis que celle de Memphis ne cessa de croître jusqu’à la fondation d’Alexandrie.

«Douze générations après Uchoreus, régna Moïris qui construisit le lac célèbre dont parle Hérodote; 7 générations après Moïris, régna Sésoosis (le Sésostris d’Hérodote), devenu si célébre par ses conquêtes.»

Nous voici arrivés à un point à peu près connu, et nous pourrions nous en servir pour calculer et mettre en ordre les faits cités par Diodore; mais parce qu’il nous importe de savoir quel degré de confiance mérite ce compilateur souvent négligent et superficiel, nous préférons de descendre à une époque plus tardive et plus sûre qui nous fournisse des moyens positifs d’apprécier son degré d’instruction et d’exactitude.

Diodore parlant de la conquête de l’Égypte par Kambyse, fils de Kyrus, assigne cet événement à l’an 3 de la 63e olympiade, ce qui répond à l’an 526 avant J.-C. Il y a ici erreur apparente d’une année, puisque tous les critiques modernes sont d’accord que Kambyse n’entra qu’en l’an 525; mais parce que l’année olympique s’ouvrait au solstice d’été, et que Kambyses put n’entrer que dans le mois de février subséquent, c’est-à-dire après le commencement de l’année romaine et de l’année chaldéenne qui nous servent de guide, l’erreur n’est ni réelle, ni grave: admettons l’an 526, et voyons comment Diodore dispose les faits antérieurs.

SELON DIODORE,

Il y a eu 470 rois en Égypte, depuis Menas jusqu’à Kambyses. Quatre de ces rois furent Éthiopiens, et régnèrent, non de suite, mais par intervalles.

1 Menas, premier roi homme et non dieu, régna à Thèbes (et non à Memphis).

2 Après Menas, des rois obscurs se succédèrent pendant 1400 ans............................... ci 1400 ans;

3 Busiris I succède.

4 Busiris II, son 8e successeur, bâtit Thèbes et y élève les grands monuments qui subsistent encore.

5 Après Busiris II, règne une série de rois non définie.

6 Puis Osymandua.

7 Le 8e successeur, nommé Uchoreus, fonde Memphis à l’ouest du Nil.

12 générations après Uchoreus, règne Moïris, qui construit le lac.

7 générations après Moïris règne Sésoosis [Sésostris]266, qui conquiert l’Asie............................. 33 ans.

Son fils Sésoosis II.

Nombre indéfini de successeurs obscurs.

Après eux vient Amosis, tyran.

Amosis, tyran, chassé par

Actisanes, éthiopien.

Mendès ou Marrus bâtit le labyrinthe.

Interrègne de 5 générations.

Protée ou Ketés est élu roi.

Remphis, le riche en or.

7 générations.

Nileus fait de très-grands ouvrages au fleuve qui prend son nom.

8 générations.

Chembès bâtit la grande pyramide.

Chephren, son frère.

Mykerinus, fils de Chembès.

Bocchoris le sage.

Plusieurs générations.

Sabako, éthiopien.

Interrègne.......................................... 2 ans

12 rois, dont Psammétik est un.

Ils font un grand ouvrage, et régnent............... 15

1 Psammétik (règne omis).

2

3

4 génération. Apriès.......... 22

Amasis..........  55 av. J.-C.

Kambyses, perse, l’an......... 526

«Avant Kambyses, dit-il267, avait régné Amasis pendant 55 ans.»

Il y a ici omission totale du fils d’Amasis, Psamménit, qui lui succéda, régna 6 mois et périt, avec des détails intéressants mentionnés par Hérodote.

Ensuite pourquoi Diodore porte-t-il à 55 ans le règne d’Amasis qui, selon Hérodote, ne fut que de 44? Notez que Diodore paraît n’être que le copiste d’Hérodote depuis le règne de Protée: Amasis aurait donc commencé en 581.

Avant Amasis avait régné Apriès pendant 22 ans (il aurait commencé en l’an 603).

«Quatre générations avant Apriès avait régné Psammitichus268

Pourquoi Diodore omet-il encore ici la durée de ce règne important? et de plus, pourquoi cette expression vague quatre générations? Ne dirait-on pas qu’il y eut 4 règnes entre les 2 rois nommés, et qu’à raison de 30 ans par génération, selon le système de Diodore, on dut compter 120 ans? En ce cas Psammitichus serait rejeté à l’an 723; mais cette année sera-t-elle le commencement ou la fin de son règne? Notre embarras serait grand si Hérodote ne nous eût décrit les règnes d’Apriès, fils de Psammis; de Psammis, fils de Nékos; de Nékos, fils de Psammétik, avec toutes leurs circonstances d’action et de durée: on voit bien ici quatre générations, mais qui eût deviné que Diodore y comprenait les deux termes qu’il donne pour limites? Cette négligence rompt déjà le fil chronologique que nous attendions de lui; mais supposons que pour ses quatre générations, il ait compté 120 ans, selon sa méthode, le règne de Psammitichus aura commencé l’an 701.

«Avant lui, avait eu lieu pendant 15 ans269, une oligarchie de 12 régents ou rois dont il avait été l’un.»

Cette oligarchie avait donc commencé en l’an 716, et elle avait succédé à une anarchie de 2 ans, qui elle-même succéda au règne de l’Éthiopien Sabako. Ce règne aurait donc fini en l’an 718. Nous avons contre cette date les témoignages des Juifs et des listes copiées de Manéthon: encore si Diodore nous donnait la durée du règne de Sabako; mais il l’omet nettement, et se contente de dire qu’il était venu régner en Égypte plusieurs temps après Bocchoris (le sage). Voilà notre fil de dates encore interrompu.

«Or Bocchoris avait succédé270 à Mykerin, dit aussi Mecherin (règne omis), lequel avait succédé à son oncle Chephren, qui régna 56 ans et bâtit l’une des grandes pyramides; et Chephren avait succédé à son frère Chembès, lequel régna 50 ans, et bâtit la plus grande de toutes les pyramides connues.»

Nous avons ici les rois Mykerin, Chephren et Cheops d’Hérodote, et dans les détails que récite Diodore, il se montre purement l’écho de cet auteur; mais il ne nous donne aucun moyen de rétablir la série chronologique rompue depuis Psammitichus: seulement il observe que depuis l’érection de la grande pyramide (de Chembès ou Cheops), jusqu’à l’année où il écrivait, plusieurs savants égyptiens comptaient une durée de 1,000 ans, ce qui correspond à l’année 1056 avant J.-C.; et cependant, dit-il, d’autres prétendent qu’il s’est écoulé 3,400 ans.

Nous pensons que cette seconde opinion doit s’entendre de quelque pyramide bien plus ancienne, et dont l’érection eut un but réellement astronomique, ainsi que la pyramide de Bel, érigée à Babyl-on vers cette époque.

Antérieurement à Chembès, Diodore place le roi Remphis, «lequel n’eut d’autres soins que d’amasser d’immenses trésors. On prétend qu’il entassa jusqu’à 400,000 talents, tant en or qu’en argent (à 3,000 fr. le talent, c’est 1,200,000,000 francs).»

Ce Remphis est évidemment le Rampsinit d’Hérodote. «Après Remphis, pendant 7 générations, régnèrent des rois fainéants, livrés aux voluptés… Il faut cependant en excepter Nileus, qui, selon les annales sacerdotales, fit creuser des canaux, élever des digues, et exécuter une foule d’autres ouvrages tellement utiles à la navigation, qu’alors le fleuve reçut le nom de Nil, au lieu du nom d’Ægyptus qu’il portait auparavant.»

«Le huitième roi fut Chembès....»

(Il nous semble qu’ici Chembès est le huitième depuis Remphis et non depuis Nileus, comme le veulent quelques traducteurs: ce terme 8 est une suite, un complément des 7 générations mentionnées auparavant.

«Or Remphis avait été le successeur et le fils d’un roi que les Égyptiens nomment Ketès, et les grecs Protée, qui fut contemporain de la guerre de Troie» (dont l’époque est fixée par Diodore à l’an 1188 avant notre ère, c’est-à-dire 1138 ans avant lui-même). Diodore est encore ici copiste d’Hérodote. Il semblerait, d’après cela, que peu de règnes avant Protée devrait venir Sésostris; point du tout: Diodore recourant à quelque autre historien, soit Manéthon, soit Hécatée, introduit une série de rois, dont il ne cite que 4 ou 5, avec des détails qui éveillent contre lui nos soupçons.

«Le fils de Sésoosis (il nomme ainsi Sésostris), en lui succédant, prit le nom de son père..... Il devint aveugle, etc. Il eut pour successeurs une immense série de rois qui ne firent rien de remarquable. Enfin, après plusieurs siècles, le pouvoir passa aux mains d’Amasis qui en usa tyranniquement: il fit mourir les uns, confisqua le bien des autres, traita tout le monde avec insolence..... Le peuple supporta l’oppression qu’il ne pouvait empêcher; mais un roi des Éthiopiens, nommé Actisanes, étant venu attaquer Amasis, les Égyptiens saisirent l’occasion de lui montrer leur haine, et se soumirent sans combat à l’étranger. Actisanes usa de la victoire avec douceur et bonté. Il ne voulut pas même que l’on punît de mort les criminels (en justice); et cependant, comme il ne voulut pas les laisser impunis, il fit couper le nez à ceux qui furent légalement convaincus, et il les envoya habiter et coloniser un lieu désert, que pour cette raison l’on a nommé rhinocolure (narines coupées).

«Après la mort d’Actisanes, les Égyptiens, devenus libres, se nommèrent un roi, appelé Mendès par les uns, et Marras par les autres. Ce prince ne s’illustra point par la guerre, mais il fit construire un ouvrage aussi admirable pour l’art que pour la masse: cet ouvrage fut le labyrinthe devenu si célèbre, même parmi les Grecs.

«Après la mort de Mendès, 5 générations s’étant écoulées dans l’anarchie, un homme des basses classes du peuple fut élu roi. Les Égypttiens le nomment Ketès, et les Grecs Protée, qui fut contemporain de la guerre de Troie, etc.» (comme nous l’avons dit plus haut).

Remarquez que Diodore place la guerre de Troie vers l’an 1188. Comment compte-t-il une immense série de rois entre cette guerre et le règne de Sésostris, quand Hérodote, Porphyre, Strabon et plusieurs autres anciens nous indiquent ces deux époques comme assez rapprochées? En examinant son récit, nous pensons découvrir la source de son erreur dans un défaut de jugement et dans la négligence habituelle de cet auteur qui, empruntant ses récits de diverses mains, en a fait de vicieuses combinaisons, et qui, dans le cas présent, ne s’est pas aperçu qu’il employait deux fois des temps et des rois qui sont en partie les mêmes.

En effet, si l’on compare les deux parties de sa liste, qui sont, l’une entre Bocchoris et Psammétik, l’autre entre Amasis et Mendès, on verra que les personnages et les faits sont absolument les mêmes, quoique sous des noms différents. Le tableau ci-après rend cette identité sensible.


Il est sensible dans ce tableau, qu’Actisanes et Sabako sont un seul et même personnage, cité par des auteurs divers, sous deux noms différents. Sabako peut être son nom éthiopien, et l’autre, un nom égyptien ou composé grec: non-seulement ses actions caractéristiques sont les mêmes, les faits antécédents et les subséquents sont encore identiques. «Il règne avec douceur et justice; il «abolit la peine de mort; il se retire volontairement; les Égyptiens restent libres; ils se font un roi ou un gouvernement spontané sous lequel est bâti le labyrinthe, etc.....» Avant l’invasion de l’Éthiopien régnait un tyran. Hérodote ne le dit pas positivement d’Anusis, mais il ne dit rien de contraire; et entre ce nom d’Anousis, et celui d’Amosis ou Amasis, il y a tant d’analogie, que l’on a droit de supposer l’altération d’une lettre par les copistes: il est vrai que Diodore représente Bocchoris comme un sage271 et un législateur, antérieur de plusieurs temps à Sabako; tandis que les listes font brûler vif Bocchoris, sans doute pour cause de tyrannie; mais, outre que ce nom a pu être commun à plusieurs princes, les dissonances des auteurs sur cette circonstance prouvent seulement leur peu de soin et d’instruction. C’est un reproche dont ne peut se laver le compilateur Diodore; il est clair qu’il a composé son récit de morceaux tirés de divers historiens, l’un évidemment Hérodote, et l’autre Manéthon, comme nous allons le voir, et peut-être Hécatée, ou quelque Grec du temps des Ptolomées; malheureusement pour lui et pour nous, n’ayant pas pris le temps, ou n’ayant pas eu l’art d’analyser et de comparer, il a commis ici les mêmes fautes que dans sa Chronologie des Mèdes et des Assyriens, en doublant des faits et des personnages qui essentiellement sont les mêmes: il faut donc supprimer de sa liste tout ce qu’il dit des successeurs du fils de Sésostris ou Sésoosis, jusqu’à Protée, et alors on voit qu’il reste purement copiste d’Hérodote en cette période.....

Mais où a-t-il pris cette immense série de rois entre Sésostris et l’Amosis ou Anousis de Sabako? Nous trouvons la solution de cette énigme dans la liste qu’Africanus nous présente comme copiée de Manéthon.

En effet, après y avoir supposé que Sésostris fut le 3e prince de la 12e dynastie, cet auteur lui donne pour successeurs, d’abord 50 rois diospolites ou thébains (dynastie 13e), puis un nombre indéfini de rois xoithes (dynastie 14e), plus les 6 rois pasteurs arabes qui envahirent l’Égypte (dynastie 15e), plus les pasteurs grecs au nombre de 32 (dynastie 16e), et encore d’autres rois pasteurs et thébains, au nombre de 43 (dynastie 17e); enfin les 16 rois connus de la dynastie 18e, laquelle précéda le vrai Sésostris, Séthos de Manéthon, etc.

Ainsi voilà bien plus de 157 règnes cités, sans compter les inconnus de la dynastie 14e, et tous ceux qui se placent entre Sésostris-Séthos et Sabako: nous ne pouvons douter que ce ne soit ici la source où a puisé Diodore, et alors il est démontré, 1° qu’il a partagé l’erreur dont nous avons convaincu Africanus par le propre texte de Manéthon en Josèphe, au sujet de l’époque de Sésostris, rejetée par-delà l’an 2600 avant J.-C.; 2° que Manéthon lui-même est atteint et convaincu de cette erreur, puisque Diodore qui a écrit 280 ans avant Africanus, nous retrace le même système que ce prêtre. Nous devons donc regarder Manéthon, non pas comme l’auteur premier, comme l’inventeur prémédité de tout ce système de confusion, mais comme le compilateur malhabile et ignorant qui ayant eu en sa possession des archives de diverses villes, des chroniques de diverses mains, rédigées peut-être en idiomes divers, n’a pas eu le tact d’y reconnaître des faits foncièrement les mêmes, présentés sous des formes un peu différentes. De telles méprises sont grossières, sans doute; mais si l’on considère que les manuscrits anciens furent souvent écrits énigmatiquement, par suite de l’esprit mystérieux et jaloux des prêtres et des gouvernants; que, bornés à très-peu de copies, ils n’étaient soumis à aucun contrôle; que plus tard les copistes les altérèrent habituellement et impunément; que tout travail de collation et de correction devint d’une grande difficulté; qu’à des époques tardives, des compilateurs, tels que Ktésias et Manéthon, se prévalant des notions presque exclusives qu’ils eurent chacun en leur genre, s’en firent un moyen de faveur et de fortune près des princes, on concevra, comment et jusqu’à quel point de tels abus ont été faciles. Maintenant que celui de notre sujet est signalé et reconnu, revenons au point d’où nous sommes partis, au règne de Sésostris, considéré comme moyen de calculer et de mettre en ordre les règnes antérieurs mentionnés par Diodore.

Cet auteur nous a dit (ci-devant, pag. 378) que le roi Moïris, qui creusa le célèbre lac de son nom, avait vécu 7 générations avant Sésostris; c’est-à-dire, selon sa méthode, qu’il y aurait eu cinq règnes entre ces deux princes: s’il était exact en ce récit, Moïris serait le 12e roi de la dynastie 18e, nommé Acherrès; la différence de nom ne serait pas une difficulté, puisqu’il est constant que la plupart des rois eurent plusieurs noms, ou surnoms épithétiques provenants de leurs actions ou de leur caractère; mais parce que Diodore ajoute que 12 générations avant Moïris le roi Uchoreus avait bâti de fond en comble Memphis la neuve, en détournant le Nil, en comblant son lit, etc., nous avons le droit de lui opposer un de ses propres guides, Manéthon, qui, dans le passage très-détaillé que cite Josèphe, et dans toutes les listes de ses copistes, établit toujours la dynastie 18e comme ayant précédé immédiatement le règne de Séthos bien indiqué par Josèphe et par Manéthon, pour être Sésostris, chef de la dynastie 19e..... Or, s’il est prouvé, comme nous le croyons, qu’avant le sixième roi de la dynastie 18e, c’est-à-dire avant Tethmos, les rois de Thèbes ne régnèrent point sur l’ancienne Memphis; que cette capitale et toute la Basse-Égypte furent alors sous la domination des pasteurs, et précédemment sous celle des rois indigènes: s’il est prouvé que c’est Tethmos, qui, le premier des rois de Thèbes, régna sur l’ancienne Memphis, et cela, douze générations avant Sésostris (en style de Diodore); il s’ensuit que Memphis-la-Neuve n’a pu être bâtie que par l’un des successeurs de Tethmos; que par conséquent Uchoreus et Moïris doivent se trouver dans les dix princes qui séparent Tethmos de Sésostris, et que les dix-sept générations entre ce dernier et Uchoreus, rentrent dans la classe de celles dont nous avons vu Diodore être si prodigue dans tout son récit. Nous répéterons donc ce que nous avons dit plus haut, «que Uchoreus a dû être Achoris, 10e roi de la dynastie 18e, et que Moïris doit avoir été Acherrès, et peut-être encore mieux Ramessès, aïeul de Sésostris272, lequel, par la longueur de son règne, offre le temps nécessaire à de grands ouvrages, tandis que par son rapprochement de Sésostris, il remplit l’indication d’Hérodote sur la contiguïté de ce dernier prince et de Moïris.»

Maintenant si nous partons de cette hypothèse, et que nous disions avec Diodore, que «huit générations avant Uchoreus-Achoris, avait régné à Thèbes un prince nommé par les Thébains Osymandua,» ce roi se trouvera être ou Chebron ou Amenoph I (2e ou 3e rois de la dynastie 18e), lesquels régnèrent à Thèbes, tandis que les pasteurs régnaient dans l’ancienne Memphis.

Cet Osymandua dut être un prince riche, puissant et ami des arts, puisqu’il fit construire à Thèbes un zodiaque de 360 coudées de circonférence sur une coudée de largeur ou hauteur, tout en or massif, et qu’il eut une bibliothèque nombreuse, à laquelle il fit mettre pour inscription: Médecine ou Pharmacie de l’âme. Il fit aussi bâtir un palais dont les ruines viennent d’être splendidement ressuscitées par les savants français de l’expédition d’Égypte. Sur les murs de ce palais «les prêtres thébains, au temps de Ptolomée Lagus273; montraient aux voyageurs grecs des sculptures d’un travail exquis, qui, entre autres scènes, représentaient une guerre mémorable que fit (ou soutint) Osymandua contre des étrangers révoltés. Sur un premier mur on voyait ce roi attaquant une muraille baignée par un fleuve, et combattant à la tête de ses troupes, escorté d’un lion terrible qui le défend: les uns disent que ce fut réellement un lion privé que posséda le prince; d’autres soutiennent que ce n’est qu’un emblème par lequel Osymandua, qui fut aussi vaniteux que brave, a voulu figurer son propre caractère. Sur un second mur, on lui présente des prisonniers qui n’ont ni mains ni parties génitales, pour signifier, dit-on, que dans le danger, ces hommes n’ont eu que des cœurs de femmes et des mains faibles et incapables.—Les prêtres disaient encore que l’armée d’Osymandua, dans cette expédition, avait été composée de 400,000 piétons et de 20,000 cavaliers; qu’il l’avait divisée en quatre corps, commandés par ses fils; enfin ils ajoutaient que ces étrangers révoltés furent les Bactriens

Si ce dernier mot ne résout pas l’énigme, il va la compliquer beaucoup… En effet, d’après l’autorité d’Hérodote et des prêtres de son temps, il était de foi historique en Égypte, qu’aucun roi du pays ne s’était illustré par des guerres étrangères avant Sésostris, et cependant ici Diodore nous présente un roi qui, dans son système généalogique, aurait précédé Sésostris de 27 générations, et ce roi aurait fait contre un pays aussi lointain que la Bactriane, deux expéditions, deux guerres! Car dès-lors que les Bactriens sont des révoltés, il faut admettre qu’antécédemment il a fallu les attaquer, les soumettre: comment un fait si marquant eût-il été totalement oublié? et à quelle époque, en quel temps avant Sésostris a-t-il pu arriver? Aurait-il précédé l’invasion des pasteurs? cela choque toute vraisemblance. Aurait-il été subséquent? il tombe dans une période connue qui ne saurait l’admettre. D’après ces préliminaires, méditant notre texte, voici ce qui nous a paru être, sinon la vérité, du moins la vraisemblance.

D’abord nous remarquons ces mots: un roi que les habitants de Thèbes nomment Osymandua. Les Thébains ou Hauts-Égyptiens, en beaucoup de choses, et notamment en dialecte, différèrent des Memphites ou Bas-Égyptiens274. Ils auront pu donner un nom différent à un roi qui leur aurait été commun, et qui serait foncièrement le même. Voyons si les circonstances citées ne nous le feraient pas reconnaître.

«Osymandua fait la guerre aux Bactriens.»

Sésostris la fit aux Mèdes et aux Perses, qui furent leurs voisins.

«L’armée d’Osymandua est de 400,000 piétons et de 20,000 cavaliers.»

L’armée de Sésostris fut de 600,000.

«Les prisonniers sont présentés à Osymandua, privés de leurs mains et de l’organe viril, pour désigner leur faiblesse, leur incapacité.»

Sur les monuments de Sésostris on voyait l’image sculptée de l’organe viril, pour désigner les peuples qui s’étaient bravement défendus, et celui du sexe féminin, pour désigner ceux qui s’étaient d’abord soumis.

«L’un des traits caractéristiques d’Osymandua fut l’orgueil, la vanité

Pline a dit de Sésostris, tanta superbia elatus, roi bouffi de tant d’orgueil.

«Osymandua avait fait faire sa statue dans l’attitude d’un homme assis, et cela d’une seule pierre si grande, que le pied avait sept coudées de longueur. C’était la plus grande de toutes celles d’Égypte..... Les statues de sa mère et de sa fille, aussi d’un seul morceau, mais moins grandes, étaient appuyées contre ses genoux, l’une à droite, l’autre à gauche.»

Sésostris fit placer à Memphis, dans le temple de Phtha, sa statue et celle de sa femme, l’une et l’autre de 30 coudées de hauteur, et d’un seul bloc de pierre; il y joignit celles de ses fils, hautes de 20 coudées.

Sur la statue d’Osymandua était cette inscription:

«Je suis Osymandua, roi des rois: si quelqu’un veut connaître ma puissance et où je repose, qu’il démolisse quelqu’un de mes ouvrages!»

Sur les monuments militaires de Sésostris on lisait:

«Sésostris, roi des rois, seigneur des seigneurs, a subjugué ce pays par la force de ses armes.»

Pourquoi tant d’analogie d’actions et de caractère? N’indiquent-elles pas un seul et même personnage? La différence de nom n’y fait rien: nous avons vu nombre de ces rois anciens en avoir plusieurs: nous savons que Sésostris lui-même en porte cinq, et entre autres celui de Ramessés ou Ramsis, qui diffère de celui-là autant qu’Osymandua? Ce nom de Ramessés, nous devient même la preuve positive que Sésostris régna dans Thèbes, y habita temporairement, et y fit construire de ces grands ouvrages destinés à immortaliser son nom. Écoutons Tacite275 lorsque, parlant du voyage que Germanicus fit dans la Haute-Égypte, il décrit l’étonnement de ce prince à la vue «des prodigieux monuments de Thèbes, et entre autres, des immenses obélisques, chargés d’inscriptions qui exprimaient son ancienne puissance. Le plus ancien des prêtres, interrogé par Germanicus sur le sens littéral des mots égyptiens, interpréta que, jadis le pays eut 700,000 hommes portant les armes; qu’avec cette armée Rhamsés subjugua la Libye, l’Éthiopie, les Mèdes, les Perses, les Bactriens et les Scythes; qu’il conquit également la Syrie, l’Arménie, la Cappàdoce, la Bithynie et la Lycie jusqu’à la mer276. Le prêtre lut ensuite quels tributs (annuels) avaient été imposés aux peuples vaincus, tant en or qu’en argent; le nombre des armes, des chevaux et des offrandes faites aux dieux, en ivoire et en aromates; enfin les quantités de blé et de denrées fournies, qui égalaient tout ce que lèvent les Romains et les Parthes au faîte de leur puissance.»

Voilà trait pour trait le conquérant Sésostris, tel que nous le peignent tous les historiens: ainsi nous avons la certitude que, dans la répartition de ses monuments, il n’oublia pas Thèbes, qui, à raison de son antique suprématie et de la beauté des carrières voisines, dut avoir un attrait particulier pour lui. Dans cette inscription nous avons une mention spéciale des Bactriens cités dans l’histoire d’Osymandua: l’armée de celui-ci n’est que de 400,000 hommes; mais il peut avoir existé ce cas où les Bactriens s’étant révoltés, Sésostris, irrité, aura porté sur eux 400,000 hommes, avec une rapidité qui n’aura exigé que quelques mois de campagne. D’ailleurs, comment imaginer qu’un homme du caractère de Sésostris eût souffert sous ses yeux une statue, la plus finie, la plus grande de toutes celles de l’Égypte, si elle n’eût été la sienne? Nous sommes donc portés à penser que tout ce palais, vu par les voyageurs grecs du temps de Ptolémée Lagus, et restauré en ce moment sous nos yeux par les savants voyageurs français, a été un ouvrage spécial de Sésostris, qui lui a donné cette forme singulière dont ils font la remarque, et que l’on ne trouve dans aucune autre construction. Ce prince régnant à la fois sur Memphis et Thèbes, aura partagé ses faveurs entre ces deux métropoles, et nous avons tout droit d’attribuer à sa magnificence les 100 écuries royales distribuées par relais égaux entre ces deux cités, et fournies chacune de 200 chevaux toujours prêts à partir, et formant ensemble le nombre des 20,000 chevaux de l’expédition d’Osymandua: notez que Memphis n’étant pas encore bâtie, selon Diodore, au temps de ce dernier, il n’a pu établir ces relais, qui eussent été sans objet. Concluons qu’Osymandua n’a dû être qu’un nom épithétique donné à Sésostris par les Thébains, à raison de quelque qualité ou action de ce prince, qui les aura plus frappés. En pareil cas les Arabes l’eussent appelé le père du cercle d’or; et puisque le mot mand, mund et mandala a signifié dans beaucoup de langues anciennes le cercle céleste et zodiacal, peut-être en langage thébain Osymandua a-t-il signifié quelque chose de semblable à roi du monde.

263.Lib. I, page 18, édition de Wesseling.
264.Voyez page 52 et suivantes.
265.Diodore prouve qu’il a puisé à de bonnes sources, quand il dit que selon plusieurs historiens, les prétendues 100 portes n’ont été que de grands vestibules de temples ou de palais. C’est précisément l’équivoque du mot arabe bâb, porte et vestibule, désignant figurativement un palais. Tout son récit sur Thèbes est du plus grand intérêt, à suivre sur les plans de cette ville par les savants français.
266.Sésos-tris paraît se composer de Sésoos, qui ne diffère point de Sethos prononce à la grecque.
267.Diodore, édition de Wesseling, lib. I, p. 79.
268.Diodore, pag. 78, n° 68.
269.Diodore, lib. I, page 76, n° 66.
270.Ibid., édit. de Wesseling, p. 72, 73, 74.
271.Ce doit être lui dont le père Gnephactus maudit la mémoire de Menas.
272.On a lieu de croire que ce fut ce Ramessès qui força les Hébreux de bâtir les villes de Ramessès et de Phitom, autre analogie.
273.Diod. sicul., lib. I, p. 57.
274.Après tant de siècles de réunion ils en diffèrent encore.
275.Tacite, Annal., lib. II, année 772.
276.Remarquez bien que sur ce monument autographe, il n’est pas donné le plus léger indice des puissantes cités de Ninive et de Babylone.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
382 s. 21 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain