Kitabı oku: «Leçons d'histoire», sayfa 14
Nº VI
Pag. 243.—L'ombre de Samuel évoquée par la magicienne de Aïn-dor. Sam. liv. 1er, chap. 28.
Cette scène est si curieuse, que le lecteur nous saura gré de lui en donner le récit textuel.
«Samuel était mort, Saül avait chassé les devins et les magiciens; or, les Philistins s'étant assemblés en armes, vinrent camper à Sunam; Saül rassembla Israël, et campa à Gelba, et voyant les dispositions des Philistins, il conçut de grandes craintes, et il interrogea Dieu (Iehouh): et Dieu ne répondit ni par songes, ni par urim ou oracles de prêtres, ni par prophètes.» (Voyez à ce sujet le Dictionnaire de la Bible, par dom Calmet, tom. IV, art. urim et thumim, où l'on voit que le prêtre rendait l'oracle par l'inspection des pierres précieuses qui, à ses yeux, jetaient ou ne jetaient pas d'éclat.) «Et Saül dit à ses serviteurs: Cherchez-moi une femme maîtresse des évocations, que je l'interroge; ils lui répondirent: Il y en a une à Aïn-dor (la fontaine de Dor); Saül changea ses vêtements, en prit d'autres, et s'y achemina avec deux hommes; ils arrivèrent de nuit chez cette femme, et il lui dit: Devinez-moi, je vous prie, par les esprits ou revenants, et faites-moi monter qui je vais vous dire; la femme répondit: Vous savez ce qu'a fait Saül qui a détruit les devins et gens de mon art, pourquoi me tendez-vous un piége pour me faire mourir? et Saül lui jura par Iehouh en lui disant: Vive Dieu, il ne vous arrivera pas de mal: la femme reprit: Qui vous ferais-je monter? Saül dit: Faites monter Samuel; et (bientôt) la femme vit Samuel, et elle s'écria: Pourquoi m'avez-vous trompée? Vous êtes Saül; et le roi dit: Ne craignez point, qui avez-vous vu?—J'ai vu Élahim (les Dieux) montants (du sein) de la terre. (Notez bien qu'ici le mot Élahim gouverne le pluriel montants.) Saül dit: Quelle est sa forme? elle reprit: Un vieillard couvert d'un manteau; et Saül reconnut que c'était Samuel, et il s'inclina vers la terre; et Samuel dit à Saül: Pourquoi m'avez-vous troublé en me faisant monter? Saül répondit: Je suis dans les angoisses, les Philistins me combattent; Dieu (Élahim) s'est retiré de moi, il ne me répond ni par les prophètes, ni par les songes; je vous ai invoqué pour m'éclairer sur ce que je dois faire; et Samuel répondit: Pourquoi m'interrogez-vous quand Dieu s'est retiré de vous et qu'il s'est fait votre rival comme je vous l'ai dit? Il a rompu le pouvoir de votre main et l'a donné à David, parce que vous n'avez point écouté sa voix, et que vous l'avez irrité pour Amalek (le texte dit irrité son nez); Dieu vous livrera aujourd'hui avec Israël, aux Philistins;, demain vous et vos fils vous serez avec moi. A ces mots Saül de sa haute taille tomba subitement par terre, saisi de terreur; il fut sans force, il n'avait pas mangé de pain, ni ce jour, ni la nuit (précédente); et la femme vint à lui, et comme elle le vit épouvanté, elle lui dit: Votre servante vous a entendu, elle a mis son ame dans sa main; elle vous prie d'entendre ses paroles, elle vous offre une bouchée de pain, afin que vous mangiez; vous reprendrez des forces, et vous retournerez (chez vous.) Saül refusa et dit: Je ne mangerai point; et ses serviteurs et cette femme le contraignirent: il se rendit à leurs prières; il se releva de terre et s'assit sur le lit (matelas posé par terre); et la femme avait un veau qu'elle engraissait, elle se hâta de l'égorger; elle prit de la farine, fit cuire des gâteaux ou galettes (non levées faute de temps), elle présenta ces aliments à Saül et à ses serviteurs; ils mangèrent, ils se levèrent et s'en allèrent pendant cette nuit.»—(Le chapitre finit.)
Cette scène a été le sujet de beaucoup de raisonnements de la part de divers écrivains chrétiens, anciens et modernes; presque tous y ont vu l'opération du diable au moyen duquel ils expliquent tout ce qui n'est pas divin dans leur ligne. Le hollandais Van Dale et le philosophe français Fontenelle, s'en sont particulièrement occupés; mais à leur époque, il n'y a eu ni assez de connaissances physiques, ni assez de liberté d'écrire pour qu'ils pussent clairement s'expliquer; il est bien clair aujourd'hui que cette femme n'a usé que des prestiges naturels dont nos physiciens modernes ont retrouvé la science secrète: elle n'a pas eu besoin d'une grande magie pour reconnaître le roi Saül si connu de tout Israël, pour sa taille qui dominait le vulgaire de toute la tête; ni pour faire apparaître une ombre au moyen de ces lanternes sourdes placées dans un réduit caché, d'où elles projettent sur un mur ou sur une toile tendue, un spectre lumineux dessiné par une feuille de métal ou de bois accolée à la lampe; l'antiquité de ce meuble est attestée par les ruines d'Herculanum, où on l'a trouvé comme une leçon pour nous de ne pas dénier aux anciens la connaissance de tout ce que nous ne voyons pas. Que de choses les jongleurs de toute robe ont eu intérêt de cacher! Cette femme n'a pas eu besoin d'une grande magie pour cacher quelque complice qui a fait le dialogue (si elle ne l'a pas fait elle-même), ni pour subjuguer l'esprit de trois hommes dépeints si superstitieux, si crédules, si épouvantés; et comment ces tours de gobelet n'auraient-ils pas réussi à cette époque de profonde ignorance, lorsqu'au milieu de nous, au dix-huitième siècle, l'on a vu sous le nom de loge égyptienne, des associations ou confréries d'hommes de haute qualité, des comtes, des marquis, des princes, en France, en Italie, en Allemagne, se laisser illuminer par les fourberies de quelques imposteurs (de Cagliostro par exemple), et cela, au point de croire que l'ombre de Sésostris ou de Nekepsos, ou de Sémiramis, pouvait venir assister à leurs banquets nocturnes? On parle beaucoup de la crédulité du peuple, on devrait dire de l'homme ignorant, qui, pour être vêtu d'habits divers, tantôt de haillons, tantôt de galons, de percale ou de bure, n'en est pas moins toujours le même animal ridicule par ses prétentions, pitoyable par sa faiblesse; heureux quand ses passions irritées n'en font pas une bête féroce, dangereuse surtout lorsqu'elle cache la griffe du tigre sous le velours des formes religieuses.
NOUVEAUX ÉCLAIRCISSEMENTS SUR LES PROPHÈTES MENTIONNÉS
AU § VIII, page 192
Les usages et les mœurs des peuples asiatiques, et spécialement des races arabes au temps ancien et même actuel sont si peu connus en général de nous autres occidentaux, que beaucoup de lecteurs ont pu ou pourront croire que notre voyageur historien s'est livré à quelques idées systématiques dans ce qu'il a dit, § VIII, de la Confrérie des Prophètes. Nous regardons comme un devoir de confirmer la justesse de ses vues à cet égard, en joignant ici le témoignage d'un autre voyageur récent qui, dans une brochure intitulée: Notice sur la cour du grand-seigneur, suivie d'un Essai historique sur la religion mahométane74, a publié des faits notoires déja cités par d'autres historiens, tels que Paul Rica, qui démontrent, dans l'état présent, le miroir authentique et fidèle de l'état passé. Nous allons copier quelques articles de la page 148.
DES SANTONS, AIFAQUIS, SCHEIKS, HOGIS ET TALISMANS
«Les trois premiers ordres sont parmi les Turks les plus éminents dans le sacerdoce, et ils l'exercent avec beaucoup d'autorité; les hogis et talismans tiennent le rang de diacres et sous-diacres.» Les santons assistent à l'office (de la mosquée), récitent les prières, expliquent des textes du Koran, et sont quelquefois d'une telle véhémence, qu'ils manient les esprits au gré de leurs passions. On en vit un grand exemple en 1564, lorsque Soliman II hésitait d'aller assiéger Malte. Un de ces santons, prêchant un vendredi devant le sultan, parla avec tant de force, que le peuple, transporté de haine contre les chrétiens, demanda la guerre à grands cris, et contraignit Soliman de la promettre sur-le-champ. On sait combien de milliers de soldats y périrent, et combien fut honteuse la retraite de Soliman.
En 1600, vivait dans la ville d'Alep un vieillard septuagénaire de l'ordre des santons, qui s'était acquis une telle réputation de sainteté, qu'elle attirait un grand concours de peuple dans sa maison, quoique son humeur sauvage en rendît l'accès difficile. Les grands de l'empire en avaient seuls l'entrée; mais croyant en recevoir des bénédictions, ils n'en recevaient que de fortes réprimandes.
Ce vieillard avait passé douze années entières dans sa maison sans en sortir, et depuis trois ans il n'avait pas seulement dépassé le seuil de la porte de sa chambre, quand un vœu qu'il avait fait interrompit sa solitude et le força à faire un voyage à Jérusalem. Le bruit s'en répand bientôt dans les environs d'Alep; le peuple accourt pour le voir partir, et se rend en foule sur son passage, aux portes de la ville, dans les rues, devant sa maison: il parut, monté sur une mule que son fils menait par la bride, et tenant les yeux fermés pour être plus recueilli dans ses méditations; il s'éleva un cri universel d'admiration. Les spectateurs se séparant ensuite en trois bandes, marchèrent devant lui, et l'accompagnèrent par honneur à trois lieues de la ville. Le pacha d'Alep était de cette troupe, suivi de deux cents chevaux; et celui du Caire vint au-devant de lui avec un appareil pompeux. Ces deux pachas abordèrent notre santon au milieu de la campagne, et lui soutinrent les bras, jusqu'à ce qu'il les eût priés de se retirer. Les lieux par où il passait étaient couverts d'hommes accourus de tous côtés pour voir un saint.
DES MOINES TURKS
Les moines turks se partagent en quatre classes; les géomailers, les dervis, les calenders et les torlaquis.
Les géomailers sont des jeunes gens de bonne maison, polis, formés aux usages du monde: ils voyagent en Barbarie, en Égypte, en Arabie, en Perse et même dans les Indes orientales. Ils sont vêtus d'une saye de pourpre violette qui leur descend jusqu'aux genoux, et portent une longue ceinture d'or et de soie, au bout de laquelle sont suspendues des cymbales d'argent, dont le son joint à leur voix, forme une agréable harmonie. Une peau de lion ou de léopard, nouée avec les deux pattes de devant sur leur poitrine, leur sert de manteau. Ils ont pour chaussure des sandales de corde; ils vont tête nue, et laissent croître leurs cheveux qu'ils ont soin de parfumer. Un livre d'amour plein de chansons qu'ils ont composées en langue arabe ou persane, est le seul qu'ils lisent. Par les chansons et la musique de leurs cymbales, ils amusent les artisans qu'ils obligent ainsi de leur donner de l'argent. Ils sont tous aussi savants qu'il est possible aux Turcs de l'être. Aussi écrivent-ils les relations de leurs voyages, et leurs discours sont-ils propres à séduire les jolies femmes, qui d'ailleurs ont beaucoup d'inclination pour eux.
Les dervis sont vêtus de deux peaux de mouton ou de chèvre, séchées au soleil; ils vont tête et pieds nus, se rasent les cheveux, la barbe et tout le poil du reste du corps, et se brûlent les tempes avec un fer chaud, ou un morceau de jaspe de diverses couleurs. Ils habitent hors des villes, dans les faubourgs et dans les villages. Ils voyagent au retour du printemps ou pendant l'automne; et partout où ils passent, ils laissent des marques de leur lubricité. S'ils rencontrent en leur chemin un passant qu'ils jugent un peu aisé, ils lui demandent l'aumône en l'honneur d'Hali, gendre de Mahomet; s'il refuse, ils lui coupent la gorge, en l'assommant avec une petite hache qu'ils portent à la ceinture. Ils violent les femmes qu'ils trouvent à l'écart, et se livrent entre eux aux excès les plus monstrueux.
Le chef lieu de leur ordre est dans l'Asie mineure. Il est bâti tout près de la tombe d'un personnage de leur secte, dont ils célèbrent la mémoire et révèrent les ossements. Leur général loge dans ce monastère qui contient cinq cents religieux: ils l'appellent ASSAMBABA, c'est-à-dire père des pères. Le vendredi est leur jour de fête. Après l'office, ils se rendent dans les prairies qui environnent leur monastère; ils y dressent des tables, et se livrent aux plaisirs de la bonne chère. Le général est assis au milieu d'eux. Après le repas, ils se lèvent et font leur prière d'actions de graces. Ensuite deux jeunes garçons leur apportent d'une certaine poudre enivrante, et des feuilles d'une plante qu'ils nomment mastach. Après en avoir pris, ils passent bientôt de la joie à la fureur. Dans cet état, ils allument un grand feu, et, se tenant par la main, ils dansent autour, et parviennent à un tel degré d'exaltation, qu'ils se déchirent la peau de mille manières et y tracent avec leurs couteaux diverses figures, comme des fleurs ou la figure d'un cœur, ou des paroles analogues à leurs amours.
A ces extravagances, ils ajoutent une certaine danse qu'ils exécutent en tournoyant avec une incroyable vitesse. Ils se forment en cercle; un de la troupe commence à battre un tambourin et à se mettre à tourner. Les autres le suivent, et tournent si rapidement qu'il est impossible de discerner leurs traits. Tant que dure ce mouvement, ils récitent lentement certaines prières, jusqu'à ce que les forces venant à leur manquer, ils tombent à terre comme morts. Quand ils se sont relevés, ils recueillent les aumônes des assistants.
Malgré tous leurs exercices religieux, les dervis sont méprisés à Constantinople; on les regarde même comme des hommes dangereux. Néanmoins, les habitants de cette ville ne refusant l'aumône à personne, ils y trouvent de quoi remplir leurs besaces aussi bien qu'ailleurs.
Les calenders sont moins vicieux que les dervis. Ils sont vêtus d'une petite robe courte, sans manches, peu différente d'un cilice, étant tissue de poil de cheval ou de chameau, mêlé avec de la laine. Ils se rasent le poil et se couvrent la tête d'un bonnet de feutre à la grecque, bordé à l'entour de franges longues de quatre doigts, faites de crin de cheval. Ils portent au cou un gros anneau de fer, en signe de l'obéissance qu'il rendent à leurs supérieurs. Leurs oreilles sont ornées d'anneaux du même métal. Ils font gloire du célibat, et portent d'énormes anneaux de fer qui les mettent dans l'impossibilité d'en enfreindre les lois. Ils demeurent dans de petites chapelles nommées techie.
Ces moines ne sont pas plus exempts d'ambition que les autres hommes; et leurs anneaux de fer, et leur cilice, et leur grand bonnet, n'empêchent pas qu'ils n'entrent dans les révoltes contre l'autorité du souverain. En 1526, l'empereur Soliman étant occupé à la guerre de Hongrie, les calenders se prévalurent de son absence pour se joindre aux dervis, et sous la conduite d'un nommé Zélébis, s'emparèrent de plusieurs places de l'Asie mineure. Le peuple entra avec une sorte de fureur dans leur révolte, et nombre de soldats s'enrôlèrent sous leurs drapeaux. Au retour de son expédition, Soliman, pour éteindre ce feu qui menaçait le reste de l'Asie d'un embrasement général, envoya en diligence contre les rebelles, le pacha Ibrahim, avec une partie de l'armée qui avait triomphé de la Hongrie. Les moines attendirent ce général avec toutes leurs forces et lui présentèrent la bataille. Quoiqu'ils ne fussent pas accoutumés aux exercices militaires, ils combattirent avec tant de courage, qu'ils arrêtèrent tout court les braves et vieux soldats de Soliman, et que la victoire resta indécise jusqu'à ce que le pacha, outré de la résistance de cette canaille, s'empara de l'enseigne la plus remarquable de son armée, et la jeta au milieu des ennemis, en criant à ses soldats: Laissez ces moines vous ravir l'honneur de vos victoires, et qu'ils se glorifient maintenant d'avoir vaincu les vainqueurs des Hongrois. A peine eut-il achevé, que les troupes, animées d'une ardeur incroyable, se précipitent sur les moines, les enfoncent, leur arrachent l'enseigne que le pacha leur avait jetée, et les taillent en pièces. Le chef de la révolte fut tué; et au lieu de retourner dans leur monastère, les moines qui échappèrent au carnage cherchèrent un asile dans les cavernes et les déserts.
Les torlaquis s'habillent à peu de chose près comme les dervis; ils portent un bonnet de feutre sans bord, de la forme d'un pain de sucre cannelé; le reste de leur corps est nu: ils ne savent ni lire, ni écrire, sont grossiers, fainéants, et passent leur vie dans une honteuse mendicité. Ils fréquentent les bains, les cabarets et les maisons de débauche pour y trouver un dîner ou attraper quelques pièces d'argent, tout en marmottant des prières. A la campagne ou dans les bois, s'ils rencontrent un passant bien vêtu, ils le dépouillent, ils lui enlèvent son argent, et lui assurent que la volonté de Dieu est qu'il aille nu comme eux. Ils se mêlent aussi de prédire l'avenir; et, pour tromper le bas peuple, ils regardent dans les mains, comme font nos diseuses de bonne aventure. Ils mènent ordinairement avec eux un vieillard de leur ordre, fourbe habile, à qui ils affectent de rendre des honneurs presque divins. Quand ils arrivent dans un village, ils le logent dans la meilleure maison, et se rangent autour de lui, observant ses gestes et ses paroles. Le vieillard, après avoir affecté un grand air de sainteté et marmotté quelques prières, se lève tout à coup, et, jetant de profonds soupirs, invite ses collègues à sortir promptement du village qui, dit-il, va être détruit, en punition des péchés de ceux qui l'habitent; le peuple épouvanté, accourt de toutes parts, et comble les torlaquis d'aumônes, pour qu'ils obtiennent la miséricorde divine.
AUTRES RELIGIEUX TURKS
Outre les religieux dont nous venons de parler, les Turks ont encore certains solitaires qui ne sont sujets aux lois d'aucun iman ni général d'ordre, mais qui vivent en leur particulier, se logent dans des espèces de boutiques, en couvrent le pavé de peaux de bêtes sauvages, et tapissent les murailles de différentes espèces de cornes. Au milieu de cette loge ils placent un escabeau, le couvrent d'un tapis vert, et mettent dessus un chandelier de laiton sans lumière: ils traînent avec eux un cerf, un loup, un ours ou un aigle, symboles de leur renonciation au monde. Cependant ils vivent au milieu des grandes villes et des villages les plus peuplés; on en voit beaucoup à Andrinople. Dans cette boutique, où ils ont pris leur logement, ils reçoivent de l'argent et des vivres que la charité turke leur envoie: s'ils n'y font pas leurs affaires, ils se promènent dans les rues avec un des animaux dont on a parlé plus haut, au cou duquel ils ont suspendu une clochette pour avertir les habitants de leur donner l'aumône.
Il ne faut pas oublier les pèlerins de la Mecque, qui, après un si saint voyage, se dévouent le reste de leur vie à porter de l'eau par les carrefours, et à donner à boire à qui le désire. A cet effet, ils portent, pendue en écharpe, une outre de cuir couverte d'un drap de couleur, où sont brodées des feuilles de plusieurs sortes; ils ont à la main une tasse de laiton dorée et damasquinée, dont le fond est orné de jaspe ou de calcédoine, pour rendre l'eau plus agréable à la vue. Tandis qu'ils la versent, ils exhortent ceux qui la reçoivent à mépriser les vanités de la vie, à penser à la mort; ils ne demandent aucune récompense pour ce service, mais ils reçoivent l'argent qu'on leur donne, et répandent de l'eau de senteur sur la barbe de celui qui le leur offre. Il ne faut pas croire néanmoins à leur parfait désintéressement; car on les voit quelquefois attroupés en grand nombre et demandant une rétribution à tous ceux qu'ils rencontrent, en l'honneur de quelque saint dont ils célèbrent la fête ce jour-là.
On voit par ces tableaux comment de tout temps un esprit d'astuce et de fourberie a suscité dans les états mal policés, chez les peuples crédules et superstitieux, des associations de fripons et d'escrocs qui, sous le manteau de la religion et les grimaces de la piété, ont su s'affranchir de la morale commune, et lever sur la multitude et même sur l'autorité militaire et civile, des contributions arbitraires au profit de leur passions et de leurs vices. Comme les hommes placés dans les mêmes circonstances, prennent presque toujours des habitudes semblables, on ne peut douter que chez les Hébreux il n'y ait eu des confréries d'un genre analogue, et que ces prédiseurs ou prophètes qui se montraient nus en public, même par les processions, comme le fit si notoirement David, n'aient eu beaucoup d'analogie avec les moines musulmans que nous venons de citer; surtout lorsque la religion et les rites musulmans ne sont, pour ainsi dire, que le judaïsme modifié.