Kitabı oku: «Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 1», sayfa 17
La simplicité, ou, si l'on veut, la pauvreté du commun des Bedouins, est proportionnée à celle de leurs chefs. Tous les biens d'une famille consistent en un mobilier, dont voici à peu près l'inventaire: quelques chameaux mâles et femelles, des chèvres, des poules, une jument et son harnais, une tente, une lance de treize pieds de long, un sabre courbe, un fusil rouillé à pierre ou à rouet, une pipe, un moulin portatif, une marmite, un seau de cuir, une poêlette à griller le café, une natte, quelques vêtements, un manteau de laine noire; enfin, pour tous bijoux, quelques anneaux de verre ou d'argent que la femme porte aux jambes et au bras. Si rien de tout cela ne manque, le ménage est riche. Ce qui manque au pauvre, et ce qu'il désire le plus, est la jument: en effet, cet animal est le grand moyen de fortune; c'est avec la jument que le Bedouin va en course contre les tribus ennemies, ou en maraude dans les campagnes et sur les chemins. La jument est préférée au cheval, parce qu'elle ne hennit point, parce qu'elle est plus docile, et qu'elle a du lait qui, dans l'occasion, apaise la soif et même la faim de son maître.
Ainsi restreints au plus étroit nécessaire, les Arabes ont aussi peu d'industrie que de besoins; tous leurs arts se réduisent à ourdir des tentes grossières, à faire des nattes et du beurre. Tout leur commerce consiste à échanger des chameaux, des chevreaux, des chevaux mâles et des laitages, contre des armes, des vêtements, quelque peu de riz ou de blé, et contre de l'argent qu'ils enfouissent. Leurs sciences sont absolument nulles; ils n'ont aucune idée ni de l'astronomie, ni de la géométrie, ni de la médecine. Ils n'ont aucun livre, et rien n'est si rare, même parmi les chaiks, que de savoir lire. Toute leur littérature consiste à réciter des contes et des histoires, dans le genre des Mille et une nuits. Ils ont une passion particulière pour ces narrations; elles remplissent une grande partie de leurs loisirs, qui sont très-longs. Le soir ils s'asseyent à terre à la porte des tentes, ou sous leur couvert, s'il fait froid, et là, rangés en cercle autour d'un petit feu de fiente, la pipe à la bouche, et les jambes croisées, ils commencent d'abord par rêver en silence, puis, à l'improviste, quelqu'un débute par un il y avait au temps passé, et il continue jusqu'à la fin les aventures d'un jeune chaik et d'une jeune Bedouine: il raconte comment le jeune homme aperçut d'abord sa maîtresse à la dérobée, et comme il en devint éperdument amoureux; il dépeint trait par trait la jeune beauté, vante ses yeux noirs, grands et doux comme ceux d'une gazelle; son regard mélancolique et passionné; ses sourcils courbés comme deux arcs d'ébène; sa taille droite et souple comme une lance: il n'omet ni sa démarche légère comme celle d'une jeune pouline, ni ses paupières noircies de kohl, ni ses lèvres peintes de bleu, ni ses ongles teints de henné couleur d'or, ni sa gorge semblable à une couple de grenades, ni ses paroles douces comme le miel. Il conte le martyre du jeune amant, qui se consume tellement de désirs et d'amour, que son corps ne donne plus d'ombre. Enfin, après avoir détaillé ses tentatives pour voir sa maîtresse, les obstacles des parents, les enlèvements des ennemis, la captivité survenue aux deux amants, etc., il termine, à la satisfaction de l'auditoire, par les ramener unis et heureux à la tente paternelle; et chacun de payer à son éloquence le ma cha allah206 qu'il a mérité. Les Bedouins ont aussi des chansons d'amour, qui ont plus de naturel et de sentiment que celles des Turks et des habitants des villes; sans doute parce que ceux-là ayant des mœurs chastes, connaissent l'amour; pendant que ceux-ci, livrés à la débauche, ne connaissent que la jouissance.
En considérant que la condition des Bedouins, surtout dans l'intérieur du désert, ressemble à beaucoup d'égards à celle des sauvages de l'Amérique, je me suis quelquefois demandé pourquoi ils n'avaient point la même férocité; pourquoi, éprouvant de grandes disettes, l'usage de la chair humaine était inouï parmi eux; pourquoi, en un mot, leurs mœurs sont plus douces et plus sociables. Voici les raisons que me donne l'analyse des faits.
Il semblerait d'abord que l'Amérique étant riche en pâturages, en lacs et en forêts, ses habitants dussent avoir plus de facilité pour la vie pastorale que pour toute autre. Mais si l'on observe que ces forêts, en offrant un refuge aisé aux animaux, les soustraient au pouvoir de l'homme, on jugera que le sauvage a été conduit par la nature du sol, à être chasseur, et non pasteur. Dans cet état, toutes ses habitudes ont concouru à lui donner un caractère violent. Les grandes fatigues de la chasse ont endurci son corps; les faims extrêmes, suivies tout-à-coup de l'abondance du gibier, l'ont rendu vorace. L'habitude de verser du sang et de déchirer sa proie, l'a familiarisé avec le meurtre et avec le spectacle de la douleur. Si la faim l'a persécuté, il a désiré la chair; et trouvant à sa portée celle de son semblable, il a dû en manger; il a pu se résoudre à le tuer pour s'en repaître. La première épreuve faite, il s'en est fait une habitude; il est devenu anthropophage, sanguinaire, atroce; et son ame a pris l'insensibilité de tous ses organes.
La position de l'Arabe est bien différente. Jeté sur de vastes plaines rases, sans eau, sans forêts, il n'a pu, faute de gibier et de poisson, être chasseur ou pêcheur. Le chameau a déterminé sa vie au genre pastoral, et tout son caractère s'en est composé. Trouvant sous sa main une nourriture légère, mais suffisante et constante, il a pris l'habitude de la frugalité; content de son lait et de ses dattes, il n'a point désiré la chair, il n'a point versé le sang: ses mains ne se sont point accoutumées au meurtre, ni ses oreilles aux cris de la douleur: il a conservé un cœur humain et sensible.
Lorsque ce sauvage pasteur connut l'usage du cheval, son état changea un peu de forme. La facilité de parcourir rapidement de grands espaces le rendit vagabond: il était avide par disette, il devint voleur par cupidité; et tel est resté son caractère. Pillard plutôt que guerrier, l'Arabe n'a point un courage sanguinaire; il n'attaque que pour dépouiller; et si on lui résiste, il ne juge pas qu'un peu de butin vaille la peine de se faire tuer. Il faut verser son sang pour l'irriter; mais alors on le trouve aussi opiniâtre à se venger, qu'il a été prudent à se compromettre.
On a souvent reproché aux Arabes cet esprit de rapine; mais, sans vouloir l'excuser, on ne fait point assez d'attention qu'il n'a lieu que pour l'étranger réputé ennemi, et par conséquent il est fondé sur le droit public de la plupart des peuples. Quant à l'intérieur de leur société, il y règne une bonne foi, un désintéressement, une générosité qui feraient honneur aux hommes les plus civilisés. Quoi de plus noble que ce droit d'asile établi chez toutes les tribus! Un étranger, un ennemi même, a-t-il touché la tente du Bedouin, sa personne devient, pour ainsi dire, inviolable. Ce serait une lâcheté, une honte éternelle, de satisfaire même une juste vengeance aux dépens de l'hospitalité. Le Bedouin a-t-il consenti à manger le pain et le sel avec son hôte, rien au monde ne peut le lui faire trahir. La puissance du sultan ne serait pas capable de retirer un réfugié207 d'une tribu, à moins de l'exterminer tout entière. Ce Bedouin, si avide hors de son camp, n'y a pas plus tôt remis le pied, qu'il devient libéral et généreux. Quelque peu qu'il ait, il est toujours prêt à le partager. Il a même la délicatesse de ne pas attendre qu'on le lui demande: s'il prend son repas, il affecte de s'asseoir à la porte de sa tente, afin d'inviter les passants; sa générosité est si vraie, qu'il ne la regarde pas comme un mérite, mais comme un devoir: aussi prend-il sur le bien des autres le droit qu'il leur donne sur le sien. A voir la manière dont en usent les Arabes entre eux, on croirait qu'ils vivent en communauté de biens. Cependant ils connaissent la propriété; mais elle n'a point chez eux cette dureté que l'extension des faux besoins du luxe lui a donnée chez les peuples agricoles. On pourra dire qu'ils doivent cette modération à l'impossibilité de multiplier beaucoup leurs jouissances; mais si les vertus de la foule des hommes ne sont dues qu'à la nécessité des circonstances, peut-être les Arabes n'en sont-ils pas moins dignes d'estime: ils sont du moins heureux que cette nécessité établisse chez eux un état de choses qui a paru aux plus sages législateurs la perfection de la police, je veux dire une sorte d'égalité ou de rapprochement dans le partage des biens et l'ordre des conditions. Privé d'une multitude de jouissances que la nature a prodiguées à d'autres pays, ils ont moins de moyens de se corrompre et de s'avilir. Il est moins facile à leurs chaiks de se former une faction qui asservisse et appauvrisse la masse de la nation. Chaque individu pouvant se suffire à lui-même, en garde mieux son caractère, son indépendance; et la pauvreté particulière devient la cause et le garant de la liberté publique.
Cette liberté s'étend jusque sur les choses de religion: il y a cette différence remarquable entre les Arabes des villes et ceux du désert, que pendant que les premiers portent le double joug du despotisme politique et du despotisme religieux, ceux-là vivent dans une franchise absolue de l'un et de l'autre: il est vrai que sur les frontières des Turks, les Bedouins gardent par politique des apparences musulmanes; mais elles sont si peu rigoureuses, et leur dévotion est si relâchée, qu'ils passent généralement pour des infidèles, sans loi et sans prophètes. Ils disent même assez volontiers que la religion de Mahomet n'a point été faite pour eux: «Car, ajoutent-ils, comment faire des ablutions, puisque nous n'avons point d'eau? Comment faire des aumônes, puisque nous ne sommes pas riches? Pourquoi jeûner le ramadan, puisque nous jeûnons toute l'année? Et pourquoi aller à la Mekke, si Dieu est partout?» Du reste, chacun agit et pense comme il veut, et il règne chez eux la plus parfaite tolérance. Elle se peint très-bien dans un propos que me tenait un jour un de leurs chaiks, nommé Ahmed, fils de Bâhir, chef de la tribu des Ouahidié. «Pourquoi, me disait ce chaik, veux-tu retourner chez les Francs? Puisque tu n'as pas d'aversion pour nos mœurs, puisque tu sais porter la lance et courir un cheval comme un Bedouin, reste parmi nous. Nous te donnerons des pelisses, une tente, une honnête et jeune Bédouine, et une bonne jument de race. Tu vivras dans notre maison.... Mais ne sais-tu pas, lui répondis-je, que né parmi les Francs, j'ai été élevé dans leur religion? Comment les Arabes verront-ils un infidèle, ou que penseront-ils d'un apostat?.... Et toi-même, répliqua-t-il, ne vois-tu pas que les Arabes vivent sans soucis du prophète et du livre (le Qôran)? Chacun parmi nous suit la route de sa conscience. Les actions sont devant les hommes; mais la religion est devant Dieu.» Un autre chaik, conversant un jour avec moi, m'adressa par mégarde la formule triviale: Écoute, et prie sur le prophète; au lieu de la réponse ordinaire, J'ai prié; je répondis en souriant: J'écoute. Il s'aperçut de sa méprise, et sourit à son tour. Un Turk de Jérusalem qui était présent, prit la chose plus sérieusement. «O chaik, lui dit-il, comment peux-tu adresser les paroles des vrais croyants à un infidèle? La langue est légère, répondit le chaik, encore que le cœur soit blanc (pur); mais toi qui connais les coutumes des Arabes, comment peux-tu offenser un étranger avec qui nous avons mangé le pain et le sel? Puis se tournant vers moi: Tous ces peuples du Frankestan dont tu m'as parlé, qui sont hors de la loi du prophète, sont-ils plus nombreux que les musulmans? On pense, lui répondis-je, qu'ils sont 5 ou 6 fois plus nombreux, même en comptant les Arabes.... Dieu est juste, reprit-il, il pèsera dans ses balances208.»
Il faut l'avouer, il est peu de nations policées qui aient une morale aussi généralement estimable que les Arabes bedouins; et il est remarquable que les mêmes vertus se retrouvent presque également chez les hordes turkmanes, et chez les Kourdes; en sorte qu'elles semblent attachées à la vie pastorale. Il est d'ailleurs singulier que ce soit chez ce genre d'hommes que la religion a le moins déformes extérieures, au point que l'on n'a jamais vu chez les Bedouins, les Turkmans, ou les Kourdes, ni prêtres, ni temples, ni culte régulier. Mais il est temps de continuer la description des autres peuples de la Syrie, et de porter nos considérations sur un état social tout différent de celui que nous quittons, sur l'état des peuples agricoles et sédentaires.
CHAPITRE III.
Des peuples agricoles de la Syrie
§ I.
Des Ansârié
LE premier peuple agricole qu'il faut distinguer dans la Syrie du reste de ses habitants, est celui que l'on appelle dans le pays du nom pluriel d'Ansârié, rendu sur les cartes de Delisle par celui d'Ensyriens, et sur celles de d'Anville par celui de Nassaris. Le terrain qu'occupent ces Ansârié, est la chaîne de montagnes qui s'étend depuis Antâkié, jusqu'au ruisseau dit Nahr-el-Kébir, ou la Grande rivière. Leur origine est un fait historique peu connu, et cependant assez instructif. Je vais le rapporter tel que le cite un écrivain qui a puisé aux sources primitives209.
»L'an des Grecs 1202 (c'est-à-dire, 891 de J-C.), il y avait dans les environs de Koufa, au village de Nasar, un vieillard que ses jeûnes, ses prières assidues et sa pauvreté faisaient passer pour un saint: plusieurs gens du peuple s'étant déclarés ses partisans, il choisit parmi eux 12 sujets pour répandre sa doctrine. Mais le commandant du lieu, alarmé de ses mouvements, fit saisir le vieillard, et le fit mettre en prison. Dans ce revers, son état toucha une fille esclave du geôlier, et elle se proposa de le délivrer. Il s'en présenta bientôt une occasion qu'elle ne manqua pas de saisir. Un jour que le geôlier s'était couché ivre, et dormait d'un profond sommeil, elle prit tout doucement les clefs qu'il tenait sous son oreiller, et après avoir ouvert la porte au vieillard, elle vint les remettre en place, sans que son maître s'en aperçut: le lendemain, lorsque le geolier vint pour visiter son prisonnier, il fut d'autant plus étonné de trouver le lieu vide, qu'il ne vit aucune trace de violence. Il crut alors que le vieillard avait été délivré par un ange, et il s'empressa de répandre ce bruit pour éviter la répréhension qu'il méritait. De son côté, le vieillard raconta la même chose à ses disciples, et il se livra plus que jamais à la prédication de ses idées. Il écrivit même un livre dans lequel on lit entre autres choses: Moi un tel, du village de Nasar, j'ai vu Christ, qui est la parole de Dieu, qui est Ahmad, fils de Mohammad, fils de Hanafa, de la race d'Ali, qui est aussi Gabriel; et il m'a dit: Tu es celui qui lit (avec intelligence); tu es l'homme qui dit vrai; tu es le chameau qui préserve les fidèles de la colère; tu es la bête de charge qui porte leur fardeau; tu es l'esprit (saint), et Jean, fils de Zacharie. Va, et prêche aux hommes qu'ils fassent 4 génuflexions en priant; à savoir, deux avant le lever du soleil, et deux avant son coucher, en tournant le visage vers Jérusalem; et qu'ils disent trois fois: Dieu tout-puissant, Dieu très-haut, Dieu très-grand; qu'ils n'observent plus que la 2e et 3e fête; qu'ils ne jeûnent que deux jours par an; qu'ils ne se lavent point le prépuce, et qu'ils ne boivent point de bière, mais du vin tant qu'il en voudront; enfin, qu'ils s'abstiennent de la chair des bêtes carnassières. Ce vieillard étant passé en Syrie, répandit ces opinions chez les gens de la campagne et du peuple, qui le crurent en foule; et après quelques années, il s'évada, sans qu'on ait su ce qu'il devint».
Telle fut l'origine de ce Ansâriens, qui se trouvèrent, pour la plupart, être des habitants de ces montagnes dont nous avons parlé. Un peu plus d'un siècle après cette époque, les Croisés portant la guerre dans ces cantons, et marchant de Marrah par l'Oronte vers le Liban, rencontrèrent de ces Nasiréens, dont ils tuèrent un grand nombre. Guillaume de Tyr210, qui rapporte ce fait, les confond avec les assassins, et peut-être ont-ils eu des traits communs. Quant à ce qu'il ajoute que le terme assassins avait cours chez les Francs comme chez les Arabes, sans pouvoir en expliquer l'origine, il est facile d'en résoudre le problème. Dans l'usage vulgaire de la langue arabe, Hassâsin211 signifie des voleurs de nuit, des gens qui tuent en guet-apens; on emploie ce terme encore aujourd'hui dans ce sens au Kaire et dans la Syrie: par cette raison il convint aux Bâténiens, qui tuaient par surprise; les Croisés qui le trouvèrent en Syrie au moment que cette secte faisait le plus de bruit, durent en adopter l'usage. Ce qu'ils ont raconté du vieux de la Montagne, est une mauvaise traduction de la phrase Chaik-el-Djebal, qu'il faut expliquer seigneur des montagnes; et par-là, les Arabes ont désigné le chef des Bâténiens, dont le siége principal était à l'orient du Kourdestan, dans les montagnes de l'ancienne Médie.
Les Ansârié sont, comme je l'ai dit, divisés en plusieurs peuplades ou sectes; on y distingue les Chamsiés, ou adorateurs du soleil; les Kelbîé, ou adorateurs du chien; et les Quadmousié, qu'on assure rendre un culte particulier à l'organe qui, dans les femmes, correspond à Priape212. Niebuhr, à qui l'on a fait les mêmes récits qu'à moi, n'a pu les croire, parce que, dit-il, il n'est pas probable que des hommes se dégradent à ce point; mais cette manière de raisonner est démentie, et par l'histoire de tous les peuples, qui prouve que l'esprit humain est capable des écarts les plus extravagants, et même par l'état actuel de la plupart des pays, et surtout de ceux de l'Orient, où l'on trouve un degré d'ignorance et de crédulité propre à recevoir ce qu'il y a de plus absurde. Les cultes bizarres dont nous parlons, sont d'autant plus croyables chez les Ansârié, qu'ils paraissent s'y être conservés par une transmission continue des siècles anciens où ils régnèrent. Les historiens213 remarquent que malgré le voisinage d'Antioche, le christianisme ne pénétra qu'avec la plus grande peine dans ces cantons; il y comptait peu de prosélytes, même après le règne de Julien: de là, jusqu'à l'invasion des Arabes, il eut peu le temps de s'établir; car il n'en est pas toujours des révolutions d'opinions dans les campagnes comme dans les villes. Dans celles ci, la communication facile et continue répand plus promptement les idées, et décide en peu de temps de leur sort par une chute ou un triomphe marqué. Les progrès que cette religion put faire chez ces montagnards grossiers, ne servirent qu'à aplanir les routes au mahométisme, plus analogue à leurs goûts; et il résulta des dogmes anciens et modernes, un mélange informe auquel le vieillard de Nasar dut son succès. Cent cinquante ans après lui, Mohammad-el-Dourzi ayant à son tour fait une secte, les Ansâriens n'en admirent point le principal article, qui était la divinité du kalife Hakem: par cette raison, ils sont demeurés distincts des Druzes, quoiqu'ils aient d'ailleurs divers traits de ressemblance avec eux. Plusieurs des Ansârié croient à la métempsycose; d'autres rejettent l'immortalité de l'ame; et en général, dans l'anarchie civile et religieuse, dans l'ignorance et la grossièreté qui règnent chez eux, ces paysans se font telles idées qu'ils jugent à propos, et suivent la secte qui leur plaît, ou n'en suivent point du tout.
Leurs pays est divisé en 3 districts principaux, tenus à ferme par des chefs appelés Moqaddamim. Ils reportent leur tribut au pacha de Tripoli, dont ils reçoivent leur titre chaque année. Leurs montagnes sont communément moins escarpées que celles du Liban; elles sont en conséquence plus propres à la culture, mais aussi elles sont plus ouvertes aux Turks; et c'est par cette raison sans doute qu'avec une plus grande fécondité en grain, en tabac à fumer, en vigne et en olives, elles sont cependant moins peuplées que celles de leurs voisins les Maronites et les Druzes, dont il faut nous occuper.
Exclamation d'éloge, comme si l'on disait, admirablement bien.
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Les Arabes font une distinction de leurs hôtes, en hôte mostadjir, ou implorant protection; et en hôte matnoub, ou qui plante sa tente au rang des autres, c'est-à-dire qui se naturalise.
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Niebuhr rapporte dans sa Description de l'Arabie, tome II, page 208, édition de Paris, que depuis 30 ans il s'est élevé dans le Najd une nouvelle religion, dont les principes sont analogues aux dispositions d'esprit dont je parle. «Ces principes sont, dit ce voyageur, que Dieu seul doit être invoqué et adoré comme auteur de tout; qu'on ne doit faire mention d'aucun prophète en priant, parce que cela touche à l'idolâtrie; que Moïse, Jésus-Christ, Mahomet, etc., sont à la vérité de grands hommes, dont les actions sont édifiantes; mais que nul livre n'a été inspiré par l'ange Gabriel, ou par tout autre esprit céleste. Enfin, que les vœux faits dans un péril menaçant ne sont d'aucun mérite ni d'aucune obligation.
«Je ne sais, ajoute Niebuhr, jusqu'où l'on peut compter sur le rapport du Bedouin qui m'a raconté ces choses. Peut-être était-ce sa façon même de penser; car les Bedouins se disent bien mahométans, mais ils ne s'embarrassent ordinairement ni de Mohammed ni du Qôran.»
Cette insurrection a eu pour auteurs deux Arabes, qui, après avoir voyagé, pour affaires de commerce, dans la Perse et le Malabar, ont formé des raisonnements sur la diversité des religions qu'ils ont vues, et en ont déduit cette tolérance générale. L'un d'eux, nommé Abel-el-Ouaheb, s'était formé dans le Najd un état indépendant dès 1760: le second, appelé Mekrâmi, chaik de Nadjerân, avait adopté les mêmes opinions, et par sa valeur il s'était élevé à une assez grande puissance dans ces contrées. Ces deux exemples me rendent encore plus probable une conjecture que j'avais déja formée, que rien n'est plus facile que d'opérer une grande révolution politique et religieuse dans l'Asie.
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Assemani, Bibliothèque orientale.
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Liv. XX, chap. 30.
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La racine Hass, par une H majeure, signifie tuer, assassiner, écouter pour surprendre; mais le composé hassâs manque dans Golius.
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On assure qu'ils ont des assemblées nocturnes, où après quelques lectures ils éteignent la lumière, et se mêlent comme les anciens Gnostiques.
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Oriens Christ., tom. II, pag. 680.
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