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Kitabı oku: «Les Ruines, ou méditation sur les révolutions des empires», sayfa 15

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«Prêtres menteurs, répondirent des missionnaires, c'est vous qui abusez de la crédulité des nations ignorantes pour les subjuguer; c'est vous qui de votre ministère faites un art d'imposture et de fourberie: vous avez converti la religion en un négoce d'avarice et de cupidité. Vous feignez d'être en communication avec des esprits, et ils ne rendent pour oracles que vos volontés; vous prétendez lire dans les astres, et le destin ne décrète que vos désirs; vous faites parler les idoles, et les dieux ne sont que les instruments de vos passions; vous avez inventé les sacrifices et les libations pour attirer à vous le lait des troupeaux, la chair et la graisse des victimes; et, sous le manteau de la piété, vous dévorez les offrandes des dieux, qui ne mangent point, et la substance des peuples, qui travaillent

«Et vous, répliquèrent les brames, les bonzes, les chamans, vous vendez aux vivants crédules de vaines prières pour les ames des morts; avec vos indulgences et vos absolutions, vous vous êtes arrogé la puissance et les fonctions de Dieu même; et faisant un trafic de ses graces et de ses pardons, vous avez mis le ciel à l'encan, et fondé, par votre système d'expiation, un tarif de crimes qui a perverti toutes les consciences.»

«Ajoutez, dirent les imans, que ces hommes ont inventé la plus profonde des scélératesses: l'obligation absurde et impie de leur raconter les secrets les plus intimes des actions, des pensées, des velléités (la confession); en sorte que leur curiosité insolente a porté son inquisition jusque dans le sanctuaire sacré du lit nuptial, dans l'asile inviolable du cœur.»

Alors de reproche en reproche, les docteurs des différents cultes commencèrent à révéler tous les délits de leur ministère, tous les vices cachés de leur état; et il se trouva que chez tous les peuples l'esprit des prêtres, leur système de conduite, leurs actions, leurs mœurs étaient absolument les mêmes;

Que partout ils avaient composé des associations secrètes, des corporations ennemies du reste de la société;

Que partout ils s'étaient attribué des prérogatives, des immunités, au moyen desquelles ils vivaient à l'abri de tous les fardeaux des autres classes;

Que partout ils n'essuyaient ni les fatigues du laboureur, ni les dangers du militaire, ni les revers du commerçant;

Que partout ils vivaient célibataires, afin de s'épargner jusqu'aux embarras domestiques;

Que partout, sous le manteau de la pauvreté, ils trouvaient le secret d'être riches et de se procurer toutes les jouissances;

Que, sous le nom de mendicité, ils percevaient des impôts plus forts que les princes;

Que, sous celui de dons et offrandes, ils se procuraient des revenus certains et exempts de frais;

Que, sous celui de recueillement et de dévotion, ils vivaient dans l'oisiveté et dans la licence;

Qu'ils avaient fait de l'aumône une vertu, afin de vivre tranquillement du travail d'autrui;

Qu'ils avaient inventé des cérémonies du culte, afin d'attirer sur eux le respect du peuple, en jouant le rôle des dieux dont ils se disaient les interprètes et les médiateurs, pour s'en attribuer toute la puissance; que, dans ce dessein, selon les lumières ou l'ignorance des peuples, ils s'étaient faits tour à tour astrologues, tireurs d'horoscopes, devins, magiciens, nécromanciens, charlatans, médecins, courtisans, confesseurs de princes, toujours tendant au but de gouverner pour leur propre avantage;

Que tantôt ils avaient élevé le pouvoir des rois et consacré leurs personnes, pour s'attirer leurs faveurs ou participer à leur puissance;

Et que tantôt ils avaient prêché le meurtre des tyrans (se réservant de spécifier la tyrannie), afin de se venger de leur mépris ou de leur désobéissance;

Que toujours ils avaient appelé impiété ce qui nuisait à leurs intérêts; qu'ils résistaient à toute instruction publique, pour exercer le monopole de la science; qu'enfin en tout temps, en tout lieu, ils avaient trouvé le secret de vivre en paix au milieu de l'anarchie qu'ils causaient, en sûreté sous le despotisme qu'ils favorisaient, en repos au milieu du travail qu'ils prêchaient, dans l'abondance au sein de la disette; et cela, en exerçant le commerce singulier de vendre des paroles et des gestes à des gens crédules, qui les paient comme des denrées du plus grand prix.

Alors les peuples, saisis de fureur, voulurent mettre en pièces les hommes qui les avaient abusés; mais le législateur arrêtant ce mouvement de violence, et s'adressant aux chefs et aux docteurs:

«Quoi! leur dit-il, instituteurs des peuples, est-ce donc ainsi que vous les avez trompés?»

Et les prêtres troublés répondirent: «Ô législateur! nous sommes hommes; et les peuples sont si superstitieux! ils ont eux-mêmes provoqué nos erreurs.»

Et les rois dirent: «Ô législateur! les peuples sont si serviles et si ignorants! eux-mêmes se sont prosternés devant le joug, qu'à peine nous osions leur montrer.»

Alors le législateur se tournant vers les peuples:

«Peuples! leur dit-il, souvenez-vous de ce que vous venez d'entendre: ce sont deux profondes vérités. Oui, vous-mêmes causez les maux dont vous vous plaignez; c'est vous qui encouragez les tyrans par une lâche adulation de leur puissance, par un engouement imprudent de leurs fausses bontés, par l'avilissement dans l'obéissance, par la licence dans la liberté, par l'accueil crédule de toute imposture: sur qui punirez-vous les fautes de votre ignorance et de votre cupidité?»

Et les peuples interdits demeurèrent dans un morne silence.

CHAPITRE XXIV.
Solution du problème des contradictions

Et le législateur reprenant la parole, dit: «Ô nations! nous avons entendu les débats de vos opinions; et les dissentiments qui vous partagent nous ont fourni plusieurs réflexions, et nous présentent plusieurs questions à éclaircir et à vous proposer.

«D'abord, considérant la diversité et l'opposition des croyances auxquelles vous êtes attachés, nous vous demandons sur quels motifs vous en fondez la persuasion: est-ce par un choix réfléchi que vous suivez l'étendard d'un prophète plutôt que celui d'un autre? Avant d'adopter telle doctrine plutôt que telle autre, les avez-vous d'abord comparées? en avez-vous fait un mûr examen? ou bien ne les avez-vous reçues que du hasard de la naissance, que de l'empire de l'habitude et de l'éducation? Ne naissez-vous pas chrétiens sur les bords du Tibre, musulmans sur ceux de l'Euphrate, idolâtres aux rives de l'Indus, comme vous naissez blonds dans les régions froides, et brûlés sous le soleil africain? Et si vos opinions sont l'effet de votre position fortuite sur la terre, de la parenté, de l'imitation, comment le hasard vous devient-il un motif de conviction, un argument de vérité?

«En second lieu, lorsque nous méditons sur l'exclusion respective et l'intolérance arbitraire de vos prétentions, nous sommes effrayés des conséquences qui découlent de vos propres principes. Peuples! qui vous dévouez tous réciproquement aux traits de la colère céleste, supposez qu'en ce moment l'Être universel que vous révérez, descendit des cieux sur cette multitude, et qu'investi de toute sa puissance, il s'assît sur ce trône pour vous juger tous; supposez qu'il vous dît: «Mortels! c'est votre propre justice que je vais exercer sur vous. Oui, de tant de cultes qui vous partagent, un seul aujourd'hui sera préféré; tous les autres, toute cette multitude d'étendards, de peuples, de prophètes, seront condamnés à une perte éternelle; et ce n'est point assez.... parmi les sectes du culte choisi, une seule peut me plaire, et toutes les autres seront condamnées; mais ce n'est point encore assez: de ce petit groupe réservé, il faut que j'exclue tous ceux qui n'ont pas rempli les conditions qu'imposent ses préceptes: ô hommes! à quel petit nombre d'élus avez-vous borné votre race! à quelle pénurie de bienfaits réduisez-vous mon immense bonté? à quelle solitude d'admirateurs condamnez-vous ma grandeur et ma gloire?»

Et le législateur se levant: «N'importe; vous l'avez voulu; peuples! voilà l'urne où vos noms sont placés: un seul sortira.... Osez tirer cette loterie terrible....» Et les peuples, saisis de frayeur, s'écrièrent: Non, non; nous sommes tous frères, tous égaux; nous ne pouvons nous condamner.

Alors le législateur s'étant rassis, reprit: «Ô hommes! qui disputez sur tant de sujets, prêtez une oreille attentive à un problème que vous m'offrez, et que vous devez résoudre vous-mêmes.» Et les peuples ayant prêté une grande attention, le législateur leva un bras vers le ciel; et montrant le soleil: Peuples, dit-il, ce soleil qui vous éclaire vous paraît-il carré ou triangulaire? Non, répondirent-ils unanimement, il est rond.

Puis prenant la balance d'or qui était sur l'autel: Cet or que vous maniez tous les jours, est-il plus pesant qu'un même volume de cuivre? Oui, répondirent unanimement tous les peuples, l'or est plus pesant que le cuivre....

Et le législateur prenant l'épée: Ce fer est-il moins dur que du plomb? Non, dirent les peuples.

Le sucre est-il doux et le fiel amer?—Oui.

Aimez-vous tous le plaisir, et haïssez-vous la douleur?—Oui.

Ainsi vous êtes tous d'accord sur ces objets et sur une foule d'autres semblables.

Maintenant, dites, y a-t-il un gouffre au centre de la terre et des habitants dans la lune?

À cette question, ce fut une rumeur universelle; et chacun y répondant diversement, les uns disaient oui, d'autres disaient non; ceux-ci, que cela était probable; ceux-là, que la question était oiseuse, ridicule; et d'autres, que cela était bon à savoir: et ce fut une discordance générale.

Après quelque temps, le législateur ayant rétabli le silence: «Peuples, dit-il, expliquez-nous ce problème. Je vous ai proposé plusieurs questions, sur lesquelles vous avez tous été d'accord, sans distinction de race ni de secte: hommes blancs, hommes noirs, sectateurs de Mahomet ou de Moïse, adorateurs de Boudda ou de Iêsous, vous avez tous fait la même réponse. Je vous en propose une autre, et vous êtes tous discordants! Pourquoi cette unanimité dans un cas, et cette discordance dans un autre?

Et le groupe des hommes simples et sauvages prenant la parole, répondit: «La raison en est simple: dans le premier cas, nous voyons, nous sentons les objets, nous en parlons par sensation; dans le second, ils sont hors de la portée de nos sens; nous n'en parlons que par conjecture.»

«Vous avez résolu le problème, dit le législateur; ainsi, votre propre aveu établit cette première vérité:

«Que toutes les fois que les objets peuvent être soumis à vos sens, vous êtes d'accord dans votre prononcé;

«Et que vous ne différez d'opinion, de sentiment, que quand les objets sont absents et hors de votre portée.

«Or, de ce premier fait en découle un second, également clair et digne de remarque. De ce que vous êtes d'accord sur ce que vous connaissez avec certitude, il s'ensuit que vous n'êtes discordants que sur ce que vous ne connaissez pas bien, sur ce dont vous n'êtes pas assurés; c'est-à-dire que vous vous disputez, que vous vous querellez, que vous vous battez pour ce qui est incertain, pour ce dont vous doutez. Ô hommes! n'est-ce pas là folie?

«Et n'est-il pas alors démontré que ce n'est point pour la vérité que vous contestez; que ce n'est point sa cause que vous défendez, mais celle de vos affections, de vos préjugés; que ce n'est point l'objet tel qu'il est en lui que vous voulez prouver, mais l'objet tel que vous le voyez; c'est-à-dire que vous voulez faire prévaloir, non pas l'évidence de la chose, mais l'opinion de votre personne, votre manière de voir et de juger. C'est une puissance que vous voulez exercer, un intérêt que vous voulez satisfaire, une prérogative que vous vous arrogez; c'est la lutte de votre vanité. Or, comme chacun de vous, en se comparant à tout autre, se trouve son égal, son semblable, il résiste par le sentiment d'un même droit. Et vos disputes, vos combats, votre intolérance, sont l'effet de ce droit que vous vous déniez, et de la conscience inhérente de votre égalité.

«Or, le seul moyen d'être d'accord est de revenir à la nature, et de prendre pour arbitre et régulateur l'ordre de choses qu'elle-même a posé; et alors votre accord prouve encore cette autre vérité:

«Que les êtres réels ont en eux-mêmes une manière d'exister identique, constante, uniforme, et qu'il existe dans vos organes une manière semblable d'en être affectés.

«Mais en même temps, à raison de la mobilité de ces organes par votre volonté, vous pouvez concevoir des affections différentes, et vous trouver avec les mêmes objets dans des rapports divers, en sorte que vous êtes à leur égard comme une glace réfléchissante, capable de les rendre tels qu'ils sont en effet, mais capable aussi de les défigurer et de les altérer.

«D'où il suit que, toutes les fois que vous percevez les objets tels qu'ils sont, vous êtes d'accord entre vous et avec eux-mêmes, et cette similitude entre vos sensations et la manière dont existent les êtres, est ce qui constitue pour vous leur vérité;

«Qu'au contraire, toutes les fois que vous différez d'opinions, votre dissentiment est la preuve que vous ne représentez pas les objets tels qu'ils sont, que vous les changez.

«Et de là se déduit encore, que les causes de vos dissentiments n'existent pas dans les objets eux-mêmes, mais dans vos esprits, dans la manière dont vous percevez ou dont vous jugez.

«Pour établir l'unanimité d'opinion, il faut donc préalablement bien établir la certitude, bien constater que les tableaux que se peint l'esprit sont exactement ressemblants à leurs modèles; qu'il réfléchit les objets correctement tels qu'ils existent. Or, cet effet ne peut s'obtenir qu'autant que ces objets peuvent être rapportés au témoignage, et soumis à l'examen des sens. Tout ce qui ne peut subir cette épreuve est par-là même impossible à juger; il n'existe à son égard aucune règle, aucun terme de comparaison, aucun moyen de certitude.

«D'où il faut conclure que, pour vivre en concorde et en paix, il faut consentir à ne point prononcer sur de tels objets, à ne leur attacher aucune importance; en un mot, qu'il faut tracer une ligne de démarcation entre les objets vérifiables et ceux qui ne peuvent être vérifiés, et séparer d'une barrière inviolable le monde des êtres fantastiques du monde des réalités; c'est-à-dire qu'il faut ôter tout effet civil aux opinions théologiques et religieuses.

«Voilà, ô peuples! le but que s'est proposé une grande nation affranchie de ses fers et de ses préjugés; voilà l'ouvrage que nous avions entrepris sous ses regards et par ses ordres, quand vos rois et vos prêtres sont venus le troubler.... Ô rois et prêtres! vous pouvez suspendre encore quelque temps la publication solennelle des lois de la nature, mais il n'est plus en votre pouvoir de les anéantir ou de les renverser.»

Alors un cri immense s'éleva de toutes les parties de l'assemblée; et l'universalité des peuples, par un mouvement unanime, témoignant son adhésion aux paroles du législateur: «Reprenez, lui dirent-ils, votre saint et sublime ouvrage, et portez-le à sa perfection! Recherchez des lois que la nature a posées en nous pour nous diriger, et dressez-en l'authentique et immuable code; mais que ce ne soit plus pour une seule nation, pour une seule famille: que ce soit pour nous tous sans exception! Soyez le législateur de tout le genre humain, ainsi que vous serez l'interprète de la même nature; montrez-nous la ligne qui sépare le monde des chimères de celui des réalités, et enseignez-nous, après tant de religions et d'erreurs, la religion de l'évidence et de la vérité!»

Alors le législateur, ayant repris la recherche et l'examen des attributs physiques et constitutifs de l'homme, des mouvements et des affections qui le régissent dans l'état individuel et social, développa en ces mots les lois sur lesquelles la nature elle-même a fondé son bonheur.

LA LOI NATURELLE, OU PRINCIPES PHYSIQUES DE LA MORALE,
DÉDUITS DE L'ORGANISATION DE L'HOMME ET DE L'UNIVERS

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR

Si les livres se prisent par leur poids, celui-ci sera compté pour peu de chose; s'ils s'estiment par leur contenu, peut-être sera-t-il placé au rang des plus importants.

En général, rien de plus important qu'un bon livre élémentaire; mais aussi rien de plus difficile à composer et même à lire: pourquoi cela? parce que tout devant y être analyse et définition, tout doit y-être dit avec vérité et précision: si la vérité et la précision manquent, le but est manqué; si elles existent, il devient abstrait par sa force même.

Le premier de ces défauts a été sensible jusqu'à ce jour dans tous les livres de morale: on n'y trouve qu'un chaos de maximes décousues, de préceptes sans causes, d'actions sans motifs. Les pédants du genre humain l'ont traité comme un petit enfant: ils lui ont prescrit d'être sage par la frayeur des esprits et des revenants. Maintenant que le genre humain grandit, il est temps de lui parler raison, il est temps de prouver aux hommes que les mobiles de leur perfectionnement se tirent de leur organisation même, de l'intérêt de leurs passions, et de tout ce qui compose leur existence. Il est temps de démontrer que la morale est une science physique et géométrique, soumise aux règles et au calcul des autres sciences exactes; et tel est l'avantage du système exposé dans ce livre, que les bases de la moralité y étant fondées sur la nature même des choses, elle est fixe et immuable comme elles; tandis que dans tous les systèmes théologiques la morale étant assise sur des opinions arbitraires, non démontrables et souvent absurdes, elle change, s'affaiblit, périt avec elles, et laisse les hommes dans une dépravation absolue. Il est vrai que, par la raison même que notre système se fonde sur des faits et non sur des rêves, il trouvera plus de difficulté à se répandre et à s'établir; mais il tirera des forces de cette lutte même, et tôt ou tard l'éternelle religion de la nature renversera les religions passagères de l'esprit humain.

Ce livre fut publié pour la première fois en 1793, sous le titre de Catéchisme du Citoyen français: il avait d'abord été destiné à être un livre national; mais il pourrait également bien s'intituler Catéchisme du bon sens et des honnêtes gens; il faut espérer qu'il deviendra un livre commun à toute l'Europe. Il est possible que dans sa brièveté il n'ait pas suffisamment rempli le but d'un livre classique populaire; mais l'auteur sera satisfait s'il a du moins le mérite d'indiquer le moyen d'en faire de meilleurs.

LA LOI NATURELLE, OU PRINCIPES PHYSIQUES DE LA MORALE

CHAPITRE PREMIER.
De la loi naturelle

D. Qu'est-ce que la loi naturelle?

R. C'est l'ordre régulier et constant des faits, par lequel Dieu régit l'univers; ordre que sa sagesse présente aux sens et à la raison des hommes, pour servir à leurs actions de règle égale et commune, et pour les guider, sans distinction de pays ni de secte, vers la perfection et le bonheur.

D. Définissez-moi clairement le mot loi.

R. Le mot loi, pris littéralement, signifie lecture32, parce que, dans l'origine, les ordonnances et règlements étaient la lecture par excellence que l'on faisait au peuple, afin qu'il les observât et n'encourût pas les peines portées contre leur infraction: d'où il suit que l'usage originel expliquant l'idée véritable, la loi se définit:

«Un ordre ou une défense d'agir, avec la clause expresse d'une peine attachée à l'infraction, ou d'une récompense attachée à l'observation de cet ordre.»

D. Est-ce qu'il existe de tels ordres dans la nature?

R. Oui.

D. Que signifie ce mot nature?

R. Le mot nature prend trois sens divers:

1º Il désigne l'univers, le monde matériel: on dit, dans ce premier sens, la beauté de la nature, la richesse de la nature, c'est-à-dire les objets du ciel et de la terre offerts à nos regards;

2º Il désigne la puissance qui anime, qui meut l'univers, en la considérant comme un être distinct, comme l'ame est au corps; on dit, dans ce second sens: «Les intentions de la nature, les «secrets incompréhensibles de la nature.»

3º Il désigne les opérations partielles de cette puissance dans chaque être ou dans chaque classe d'êtres; et l'on dit, dans ce troisième sens: «C'est une énigme que la nature de l'homme; chaque être agit selon sa nature

Or, comme les actions de chaque être ou de chaque espèce d'êtres sont soumises à des règles constantes et générales, qui ne peuvent être enfreintes sans que l'ordre général où particulier soit interverti et troublé, l'on donne à ces règles d'actions et de mouvements le nom de lois naturelles ou lois de la nature.

D. Donnez-moi des exemples de ces lois.

R. C'est une loi de la nature, que le soleil éclaire successivement la surface du globe terrestre;—que sa présence y excite la lumière et la chaleur;—que la chaleur agissant sur l'eau forme des vapeurs;—que ces vapeurs élevées en nuages dans les régions de l'air s'y résolvent en pluies ou en neiges, qui renouvellent sans cesse les eaux des sources et des fleuves.

C'est une loi de la nature, que l'eau coule de haut en bas; qu'elle cherche son niveau; qu'elle soit plus pesante que l'air;—que tous les corps tendent, vers la terre;—que la flamme s'élève vers les cieux; qu'elle désorganise les végétaux et les animaux;—que l'air soit nécessaire à la vie de certains animaux; que, dans certaines circonstances, l'eau les suffoque et les tue; que certains sucs de plantes, certains minéraux attaquent leurs organes, détruisent leur vie, et ainsi d'une foule d'autres faits.

Or, parce que tous ces faits et leurs semblables sont immuables, constants, réguliers, il en résulte pour l'homme autant de véritables ordres de s'y conformer, avec la clause expresse d'une peine attachée à leur infraction, ou d'un bien-être attaché à leur observation; de manière que si l'homme prétend voir clair dans les ténèbres, s'il contrarie la marche des saisons, l'action des éléments; s'il prétend vivre dans l'eau sans se noyer, toucher la flamme sans se brûler, se priver d'air sans s'étouffer, boire des poisons sans se détruire, il reçoit de chacune de ces infractions aux lois naturelles une punition corporelle et proportionnée à sa faute;—qu'au contraire, s'il observe et pratique chacune de ces lois dans les rapports exacts et réguliers qu'elles ont avec lui, il conserve son existence, et la rend aussi heureuse qu'elle peut l'être; et parce que toutes ces lois, considérées relativement à l'espèce humaine, ont pour but unique et commun de la conserver et de la rendre heureuse, on est convenu d'en rassembler l'idée sous un même mot, et de les appeler collectivement la loi naturelle.

32.Du latin lex, lectio: Alcoran signifie aussi la lecture, et n'est qu'une traduction littérale du mot loi.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
401 s. 3 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain