Kitabı oku: «Les Ruines, ou méditation sur les révolutions des empires», sayfa 21
Pag. 215, lig. 13. (Ramener l'âge d'or sur la terre.) Voilà la raison de tous ces oracles païens que l'on a appliqués à Jésus, et, entre autres, de la quatrième églogue de Virgile et des vers sibyllins si célèbres chez les anciens.
Pag. 216 lig. 21. (Au bout des six mille ans prétendus.) Lisez à ce sujet le chapitre 17 du tome I des Recherches nouvelles sur l'Histoire ancienne, où est expliquée la Mythologie de la création. La version des Septante comptait cinq mille et près de six cents ans; et ce calcul était le plus suivi: on sait combien, dans les premiers siècles de l'Église, cette opinion de la fin du monde agita les esprits. Par la suite, les saints conciles s'étant rassurés, ils la taxèrent d'hérésie dans la secte des millénaires; ce qui forme un cas bien singulier; car, d'après les propres Évangiles que nous suivons, il est évident que Jésus eût été un millénaire, c'est-à-dire un hérétique.
Pag. 217, lig. 22. (Figuré par la constellation du serpent.) «Les Perses, dit Chardin, appellent la constellation du serpent Ophiuchus, serpent d'Ève;» et ceser pent Ophiuchus ou Ophioneus jouait le même rôle dans la théologie des Phéniciens; car Phérécydes, leur disciple et le maître de Pythagore, disait: «qu'Ophioneus serpentinus avait été le chef des rebelles à Jupiter.» Voy. Mars. Ficin. Apol. Socrat., p. m, 797, col. 2. Et j'ajouterai qu'oephah (par aïn) signifie en hébreu vipère, serpent.
Au sens physique, séduire, seducere, n'est qu'attirer à soi, mener avec soi.
Voy. dans Hyde, pag. 111, édit. de 1760, De religione veterum Persarum, le tableau de Mithra, cité ici.
Pag. 218, ligne 12. (Persée monte de l'autre côté.) Bien plus, la tête de Méduse, cette tête de femme jadis si belle, que Persée coupa et qu'il tient à la main, n'est que celle de la Vierge, dont la tête tombe sous l'horizon précisément lorsque Persée se lève; et les serpents qui l'entourent sont Ophiuchus et le dragon polaire, qui alors occupent le zénith. Ceci nous indique la manière dont les anciens astrologues ont composé toutes leurs figures et toutes leurs fables; ils prenaient les constellations qui se trouvaient en même temps sur la bande de l'horizon, et en assemblant les parties, ils en formaient des groupes qui leur servaient d'almanach, en caractères hiéroglyphiques: voilà le secret de tous leurs tableaux, et la solution de tous les monstres mythologiques. La Vierge est encore Andromède délivrée par Persée de la baleine qui la poursuit (pro-sequitur).
Ibid., lig. 26. (Allaité par une vierge chaste.) Tel était le tableau de la sphère persique, cité par Aben-Ezra, dans le Coelum poeticum de Blaeu, pag. 71. «La case du premier décan de la Vierge, dit cet écrivain, représente cette belle vierge à longue chevelure, assise dans un fauteuil, deux épis dans une main, allaitant un enfant appelé Iésus par quelques nations, et Christ en grec.»
Il existe à la Bibliothèque du Roi un manuscrit arabe, nº 1165, dans lequel sont peints les douze signes, et celui de la vierge représente une jeune fille ayant à côté d'elle un enfant; d'ailleurs, toute la scène de la naissance de Jésus se trouve rassemblée dans le ciel voisin. L'étable est la constellation du cocher et de la chèvre, jadis le bouc; constellation appelée proesepe Jovis Heniochi, étable d'Iou; et ce mot Iou se retrouve dans le nom d'Iou-seph (Joseph). Non loin est l'âne de Typhon (la grande ourse), et le bœuf ou taureau, accompagnements antiques de la crèche. Pierre, portier, est Janus avec ses clefs et son front chauve: les douze apôtres sont les génies des douze mois, etc. Cette vierge a joué les rôles les plus variés dans toutes les mythologies; elle a été l'Isis des Égyptiens, laquelle disait dans l'inscription citée par Julien: Le fruit que j'ai enfanté est le soleil. La plupart des traits cités par Plutarque lui sont relatifs, de même que ceux d'Osiris conviennent à Bootes. Aussi les sept étoiles principales de l'ourse, appelées chariot de David, s'appelaient-elles chariot d'Osiris (voy. Kirker); et la couronne qu'il a derrière lui était formée de lierre, appelé chen-Osiris, arbre d'Osiris. La Vierge a aussi été Cérès, dont les mystères furent les mêmes que ceux d'Isis et de Mithra; elle a été la Diane d'Éphèse; la grande déesse de Syrie, Cybèle traînée par les lions; Minerve, mère de Bacchus; Astrée, vierge pure, qui fut enlevée au ciel à la fin de l'âge d'or; Thémis aux pieds de qui est la balance qu'on lui mit en main; la Sibylle de Virgile, qui descend aux enfers ou sous l'hémisphère avec son rameau à la main, etc.
Pag. 219, lig. 2. (Vivrait abaissé, humble.) Ce mot humble vient du latin humi-lis, humi-jacens, couché ou penché à terre; et toujours le sens physique se montre la racine du sens abstrait et moral.
Ibid., lig. 16. (Renaissait ou résurgeait dans la voûte des cieux.) Resurgere, se lever une seconde fois, n'a signifié revenir à la vie que par une métaphore hardie; et l'on voit l'effet perpétuel des sens équivoques de tous les mots employés dans les traditions.
Ibid., lig. 20. (Chris, c'est-à-dire le conservateur.) Selon leur usage constant, les Grecs ont rendu par x ou jota espagnol le hâ aspiré des Orientaux, qui disaient hàris; en hébreu, héres s'entend du soleil; mais en arabe, le mot radical signifie garder, conserver, et hâris, gardien, conservateur. C'est l'épithète propre de Vichenou; et ceci démontre à la fois l'identité des trinités indienne et chrétienne, et leur commune origine. Il est évident que c'est un même système, qui, divisé en deux branches, l'une à l'orient, l'autre à l'occident, a pris deux formes diverses: son tronc principal est le système pythagoricien de l'ame du monde, ou Ioupiter. Cette épithète de piter ou père ayant passé au Démi-Ourgos des platoniciens, il en naquit une équivoque qui fit chercher le fils. Pour les philosophes, ce fut l'entendement, nous et logos, dont les Latins firent leur verbum; et l'on touche ici au doigt et à l'œil l'origine du père éternel et du verbe son fils, qui procède de lui (mens ex Deo nata, dit Macrobe); l'anima ou spiritus mundi fut le Saint-Esprit; et voilà pourquoi Mânes, Basilide, Valentin, et d'autres prétendus hérétiques des premiers siècles, qui remontaient aux sources, disaient que Dieu le père était la lumière inaccessible et suprême du ciel (premier cercle, l'aplanès); que le fils était la lumière seconde résidante dans le soleil, et le Saint-Esprit l'air qui enveloppe la terre. (Voy. Beausobre, t. ii, p. 586.) De là, chez les Syriens, son emblème de pigeon, oiseau de Vénus Uranie, c'est-à-dire de l'air. «Les Syriens (dit Nigidius in Germanico) disent qu'une colombe couva plusieurs jours dans l'Euphrate un œuf de poisson, d'où naquit Vénus.» Aussi ne mangent-ils pas de pigeon, dit Sextus Empiricus, Inst. Pyrrh., lib. iii, c. 23; et ceci nous indique une période commencée au signe des poissons (solstice d'hiver). Remarquons d'ailleurs que si Chris vient de Harisch par un chin, il signifiera fabricateur; épithète propre du soleil. Ces variantes, qui ont dû embarrasser les anciens, prouvent toujours également qu'il est le véritable type de Jésus, ainsi qu'on l'avait déja aperçu dès le temps de Tertullien. «Plusieurs,» dit cet écrivain, «pensent, avec plus de vraisemblance, que le soleil est notre Dieu; et ils nous renvoient à la religion des Perses.» (Apologétique, c. 16.)
Ibid., lig. 26. (L'une des périodes solaires). Voy. l'ode curieuse de Martianus Capella au soleil, traduite par Gébelin, volume du Calendrier, pag. 547 et 548.
Pag. 228, lig. 17. (Des sacrifices humains.) Lisez la froide déclamation d'Eusèbe, Proep. ev., lib. I, pag. ii, qui prétend que depuis que Christ est venu, il n'y a plus eu ni guerres, ni tyrans, ni anthropophages, ni pédérastes, ni incestueux, ni sauvages mangeant leurs parents, etc. Quand on lit ces premiers docteurs de l'Église, on ne cesse de s'étonner de leur mauvaise foi ou de leur aveuglement. Un travail curieux serait de publier aujourd'hui un demi-volume de leurs passages les plus remarquables, pour mettre en évidence leur folie. La vérité est que le christianisme n'a rien inventé en morale, et que tout son mérite a été de mettre en pratique des principes dont le succès a été dû aux circonstances du temps; c'est-à-dire que le despotisme orgueilleux et dur des Romains, dans ses diverses branches militaires, judiciaires et administratives, ayant lassé la patience des peuples, il se fit, dans les classes inférieures ou populaires, un mouvement de réaction absolument semblable à celui qui, depuis vingt-cinq ans, a lieu en Europe de la part des peuples contre l'oppression des deux castes dites sacerdotale et féodale.
Pag. 230, lig. 19. (Association d'hommes assermentés pour nous faire la guerre.) C'était l'ordre de Malte, dont les chevaliers faisaient vœu de tuer ou de réduire en esclavage des musulmans, pour la gloire de Dieu.
Pag. 232, lig. 12. (Un tarif de crimes.) Tant qu'il existera des moyens de se purger de tout crime, de se racheter de tout châtiment avec de l'argent ou de frivoles pratiques; tant que les grands et les rois croiront se faire absoudre de leurs oppressions et de leurs homicides en bâtissant des temples, en faisant des fondations; tant que les particuliers croiront pouvoir tromper et voler, pourvu qu'ils jeûnent le carême, qu'ils aillent à confesse, qu'ils reçoivent l'extrème-onction, il est impossible qu'il existe aucune morale privée ou publique, aucune saine législation pratique. Au reste, pour voir les effets de ces doctrines, lisez l'Histoire de la puissance temporelle des Papes, 2 vol. in-8º, Paris, 1811.
Ibid., lig. 19. (Jusque dans le sanctuaire du lit nuptial.) La confession est une très-ancienne invention des prêtres, qui n'ont pas manqué de saisir ce moyen de gouverner.... Elle était pratiquée dans les mystères égyptiens, grecs, phrygiens, persans, etc. Plutarque nous a conservé le mot remarquable d'un Spartiate qu'un prêtre voulait confesser. Est-ce à toi ou à Dieu que je me confesserai? À Dieu, répondit le prêtre. En ce cas, dit le Spartiate, homme, retire-toi. (Dits remarquables des Lacédémoniens.) Les premiers chrétiens confessèrent leurs fautes publiquement comme les esséniens. Ensuite commencèrent de s'établir des prêtres, avec l'autorité d'absoudre du péché d'idolâtrie.... Au temps de Théodose, une femme s'étant publiquement confessée d'avoir eu commerce avec un diacre, l'évêque Nectaire, et son successeur Chrysostôme, permirent de communier sans confession. Ce ne fut qu'au septième siècle que les abbés des couvents imposèrent aux moines et moinesses la confession deux fois l'année; et ce ne fut que plus tard encore que les évêques de Rome la généralisèrent. Quant aux musulmans, qui ont en horreur cette pratique, et qui n'accordent aux femmes ni un caractère moral, ni presque une ame, ils ne peuvent concevoir qu'un honnête homme puisse entendre le récit des actions et des pensées les plus secrètes d'une fille ou d'une femme. Nous, Français, chez qui l'éducation et les sentimens rendent beaucoup de femmes meilleures que les hommes, ne pourrions-nous pas nous étonner qu'une honnête femme pût les soumettre à l'impertinente curiosité d'un moine ou d'un prêtre?
Pag. 233, lig. 1. (Corporations ennemies de la société.) Veut-on connaître l'esprit général des prêtres envers les autres hommes, qu'ils désignent toujours par le nom de peuple, écoutons les docteurs de l'Église eux-mêmes. «Le peuple, dit l'évêque Synnésius (in Calvit., pag. 515), veut absolument qu'on le trompe; on ne peut en agir autrement avec lui.... Les anciens prêtres d'Égypte en ont toujours usé ainsi; c'est pour cela qu'ils s'enfermaient dans leurs temples, et y composaient, à son insu, leurs mystères; (et oubliant ce qu'il vient de dire) si le peuple eût été du secret, il se serait fâché qu'on le trompât. Cependant, comment faire autrement avec le peuple, puisqu'il est peuple? Pour moi, je serai toujours philosophe avec moi, mais je serai prêtre avec le peuple.»
«Il ne faut que du babil pour en imposer au peuple, écrivait Grégoire de Nazianze à Jérôme. (Hieron. ad Nep.) Moins il comprend, plus il admire.... Nos Pères et docteurs ont souvent dit, non ce qu'ils pensaient, mais ce que leur faisaient dire les circonstances et le besoin.»
«On cherchait, dit Sanchoniaton, à exciter l'admiration par le merveilleux.» (Proep. ev., lib. iii.) Tel fut le régime de toute l'antiquité; tel est encore celui des brahmes et des lamas, qui retrace parfaitement celui des prêtres d'Égypte. Pour excuser ce système de fourberie et de mensonge, on dit qu'il serait dangereux d'éclairer le peuple, parce qu'il abuserait de ses lumières. Est-ce à dire qu'instruction et friponnerie sont synonymes? Non; mais comme le peuple est malheureux par la sottise, l'ignorance, et la cupidité de ceux qui le mènent et l'endoctrinent, ceux-ci ne veulent pas qu'il y voie clair. Sans doute il serait dangereux d'attaquer de front la croyance erronée d'une nation; mais il est un art philanthropique et médical de préparer les yeux à la lumière, comme les bras à la liberté. Si jamais il se forme une corporation dans ce sens, elle étonnera le monde par ses succès.
Pag. 234, lig. 3. (Devins, magiciens. Qu'est-ce qu'un) magicien, dans le sens que le peuple donne à ce mot? C'est un homme qui, par des paroles et de gestes, prétend agir sur les êtres surnaturels, et les forcer de descendre à sa voix, d'obéir à ses ordres. Voilà ce qu'ont fait tous les anciens prêtres, ce que font encore ceux de tous les idolâtres, et ce qui, de notre part, leur mérite le nom de magiciens. Maintenant quand un prêtre chrétien prétend faire descendre Dieu du ciel, le fixer sur un morceau de levain, et rendre, avec ce talisman, les ames pures et en état de grace, que fait-il lui-même, sinon un acte de magie? Et quelle différence y a-t-il entre lui et un chaman tartare, qui invoque les génies, ou un brahme indien, qui fait descendre Vichenou dans un vase d'eau, pour chasser les mauvais esprits? Mais telle est la magie de l'habitude et de l'éducation, que nous trouvons simple et raisonnable en nous, ce qui dans autrui nous paraît extravagant et absurde....
Ibid., lig. 25. (Denrées du plus grand prix.) Ce serait une curieuse histoire que l'histoire comparée des agnus du pape et des pastilles du grand-lama! En étendant cette idée à toutes les pratiques religieuses, il y a un très-bon ouvrage à faire: ce serait d'accoler par colonnes les traits analogues ou contrastants de croyance et de superstition de tous les peuples. Un autre genre de superstition dont il serait également utile de les guérir, est le respect exagéré pour les grands; et, pour cet effet, il suffirait d'écrire les détails de la vie privée de ceux qui gouvernent le monde, princes, courtisans et ministres. Il n'est point de travail plus philosophique que celui-là: aussi avons-nous vu quels cris ils jetèrent quand on publia les Anecdotes de la cour de Berlin. Que serait-ce si nous avions celles de chaque cour? Si le peuple voyait à découvert toutes les misères et toutes les turpitudes de ses idoles, il ne serait pas tenté de désirer leurs fausses jouissances, dont l'aspect mensonger le tourmente, et l'empêche de jouir du bonheur plus vrai de sa condition.
FIN DES NOTES
LETTRE AU DOCTEUR PRIESTLEY
REPONSE DE VOLNEY AU DOCTEUR PRIESTLEY, 37
Sur un pamphet intitulé: Observations sur les progrès de l'infidélité, avec des remarques critiques sur les écrits de divers incrédules modernes, et particulièrement sur LES RUINES de m. de Volney, portant cette épigraphe:
L'esprit peu pénétrant se tient volontiers à la surface des choses: il n'aime pas à les creuser, parce qu'il redoute le travail, la peine, et quelquefois il redoute plus encore la vérité.
J'ai reçu dans son temps, M. le docteur, votre brochure sur les Progrès de l'infidélité, ainsi que le billet, sans date, qui l'accompagnait. Ma réponse a été différée par des incidents d'affaires et même de santé que sûrement vous excuserez. D'ailleurs ce délai n'a pas d'inconvénients: l'affaire qui est entre nous n'est pas de celles qui pressent. Le monde n'en irait pas moins bien avec ou sans ma réponse, comme avec ou sans votre livre. J'aurais même pu me dispenser de vous répondre du tout, et j'y eusse été autorisé par la manière dont vous avez posé la question entre nous, et par l'opinion assez généralement reçue que dans certaines occasions, et avec certaines personnes la plus noble réponse est le silence. Vous-même paraissez l'avoir senti, vu l'extrême précaution que vous avez prise de m'interdire cette ressource; mais comme dans nos mœurs françaises une réponse quelconque est toujours un acte de civilité, je n'ai point voulu perdre, vis-à-vis de vous, l'avantage de la politesse; d'ailleurs, quoique le silence soit quelquefois très-expressif, tout le monde n'entend pas son éloquence; et le public, qui n'a pas le temps d'approfondir des débats souvent de peu d'intérêt, a le droit raisonnable d'exiger du moins un premier éclaircissement, sauf ensuite, si la question dégénère en clameurs opiniâtres d'un amour-propre blessé, d'accorder le droit de se taire à celui en qui il devient un acte de modération.
J'ai donc lu vos remarques critiques sur mon livre des Ruines que vous classez charitablement au rang des écrits des incrédules modernes; et puisque vous voulez absolument que je vous exprime devant le public mes opinions, je vais remplir cette tâche peu agréable avec le plus de brièveté qu'il me sera possible, pour économiser le temps de nos lecteurs communs.
D'abord, M. le docteur, il me paraît résulter clairement de votre brochure que c'est bien moins mon livre que vous avez eu dessein d'attaquer, que mon caractère moral et ma propre personne; et afin que le public prononce à cet égard avec connaissance de cause, je vais lui soumettre ici divers passages propres à l'éclairer.
1º Vous dites, page 12 de la préface de vos sermons: «Au reste il y a des incrédules plus ignorants que M. Paine, tels que MM. Volney, Lequinio et autres en France qui prétendent, etc.»
2º Dans la préface de vos Observations sur les progrès de l'infidélité: «Je puis dire avec vérité que dans les écrits de Hume, de M. Gibbon, de Voltaire, de M. Volney, il n'y a pas un seul bon raisonnement: tous sont remplis d'erreurs grossières et de faux exposés.»
Idem, page 38: «Si M. Volney eût donné quelque attention à l'histoire des premiers temps du christianisme, jamais il n'eût douté, etc. Mais il est aussi inutile de raisonner avec un tel homme, qu'avec un Chinois ou même un Hottentot.»
Idem, page 119: «M. Volney, si nous en jugeons par ses nombreuses citations d'écrivains anciens dans toutes les langues savantes de l'ancien monde oriental et occidental, doit les savoir toutes; car il ne parle jamais de traduction: cependant, à juger de son savoir par cet échantillon, il ne peut avoir la plus petite teinture de l'hébreu ni même du grec38.»
Enfin, après m'avoir placardé et affiché dans votre titre même pour un infidèle et un incrédule; après m'avoir indiqué dans votre épigraphe pour l'un de ces esprits superficiels qui ne savent pas trouver, qui même ne veulent pas voir la vérité, vous dites, page 124, immédiatement à la suite d'un article où vous avez parlé de moi sous toutes ces dénominations: «De nos jours le progrès de l'infidélité est accompagné d'une circonstance qui, dans aucun autre temps, n'avait été aussi fréquente, du moins en Angleterre, savoir que les incrédules, en fait de révélation, commencent par nier l'existence et la Providence de Dieu, c'est-à-dire deviennent proprement athées.»
De manière que, selon vous, je suis un Hottentot, un Chinois, un incrédule, un athée, un ignorant, un homme de mauvaise foi, qui n'écrit que des faussetés et des sottises, etc., etc.
Or, je vous demande, M. le docteur, qu'importait tout cela au fond de la question? qu'a de commun mon livre avec ma personne? et puis, comment voulez-vous traiter avec un homme de si mauvaise compagnie?
En second lieu, l'invitation ou plutôt la sommation que vous me faites d'indiquer au public les méprises où je croirai que vous êtes tombé à l'égard de mes opinions, m'offre plusieurs remarques.
1º Vous supposez que le public attache une haute importance à vos méprises et à mes opinions. Mais je ne puis agir sur une supposition, ne suis-je pas un incrédule?
2º Vous dites que le public attendra cela de moi. Où sont vos pouvoirs de faire agir et parler le public? est-ce là aussi une révélation?
3º Vous voulez que je redresse vos méprises: je ne m'en connais point l'obligation; je ne vous les ai pas reprochées. Sans doute il n'est pas exact de m'attribuer à choix ou indistinctement, comme vous l'avez fait, toutes les opinions semées dans mon livre, parce qu'ayant fait parler des personnages très-divers, j'ai dû leur donner des langages très-différents à raison de leurs différents caractères. Le rôle qui m'y appartient, puisque j'y parle moi-même, est celui du voyageur assis sur les ruines, méditant sur les causes des malheurs de l'humanité. Pour être conséquent, vous eussiez dû m'attribuer celui du sauvage hottentot ou samoyède qui argumente contre les docteurs, chap. 23, et je l'eusse accepté. Vous avez préféré celui de l'érudit historien, chap. 22; mais je ne puis voir là une méprise: j'y vois au contraire un projet insidieusement calculé, d'engager entre vous et moi, devant le public américain, un duel d'amour-propre dans lequel vous exciteriez tout l'intérêt des spectateurs, en soutenant la cause qu'ils approuvent, tandis que celle que vous m'imposez ne m'attirerait, même dans son succès, que des sentiments disgracieux. Telle est l'astuce de votre plan, que, m'attaquant comme incrédule à l'existence de Jésus, vous vous conciliez d'emblée la faveur de toutes les sectes chrétiennes, quoique, dans le fait, votre propre incrédulité à sa nature divine ne ruine pas moins le christianisme que l'opinion profane qui ne voit pas dans l'histoire les témoignages exigés par les lois anglaises, pour constater l'existence d'un fait; et que d'ailleurs il y ait un orgueil d'un genre extraordinaire dans la comparaison tacite, mais palpable, que vous faites de vous à saint Paul et à Jésus-Christ, par la ressemblance des mêmes travaux pour les mêmes objets. Préface, p. x.
Cependant, comme en fait d'attaque, la première impression a toujours un grand avantage, vous avez droit de vous promettre encore d'obtenir la couronne de l'apostolat: malheureusement pour votre plan, je ne me sens aucune disposition pour celle du martyre; et quelque glorieux qu'il me fût de tomber sous les coups de celui qui a terrassé Hume, Gibbon, Voltaire, et même Frédéric II, je me trouve obligé de refuser son cartel théologique, et cela pour une foule de bonnes raisons:
1º Parce que les querelles religieuses sont interminables, attendu que les préjugés de l'enfance et de l'éducation en excluent presque invinciblement une raison impartiale; que de plus, la vanité des champions se trouve, par la publicité même, intéressée à ne jamais se désister d'une première assertion; entêtement qui engendre l'esprit de secte et de faction.
2º Parce que personne au monde n'a le droit de me demander compte de mes opinions religieuses; que toute inquisition, à cet égard, est une prétention à la souveraineté, un premier pas à la persécution; et que la tolérance de ce pays, que vous invoquez, a bien moins pour but d'engager à parler que d'inviter à se taire.
3º Parce qu'en supposant que j'aie l'opinion que vous m'attribuez, je ne veux pas engager ma vanité à ne jamais s'en dédire, ni m'ôter la ressource de me convertir un jour sur un plus ample informé.
4º Parce que, en soutenant votre propre thèse, M. le docteur, si vous alliez être battu devant l'auditoire chrétien, ce serait un scandale effroyable; et je n'aime point le scandale, même pour faire le bien.
5º Parce que, dans notre combat métaphysique, les armes seraient par trop inégales; parlant votre langue naturelle qu'à peine je bégaye, vous feriez des volumes quand je ne ferais que des pages, et le public qui ne nous lirait point, prendrait le poids des livres pour celui des raisons.
6º Parce qu'encore, étant doué du don de la foi à une assez honnête dose, vous croiriez en un quart d'heure plus d'articles que ma logique n'en analyserait dans une semaine.
7º Parce que, si vous alliez m'obliger d'assister à vos sermons, comme à lire votre livre, le public dévot ne croirait jamais qu'un homme poudré et vêtu comme tout autre mondain, pût avoir raison contre un homme à grand chapeau39, à cheveux plats, à face mortifiée, quoique l'Évangile, en parlant des Pharisiens de ce temps-là, dise qu'il faut se parfumer quand on jeûne40.
8º Parce qu'une dispute serait toute jouissance pour vous qui n'avez rien autre chose à faire, tandis qu'elle serait toute perte pour moi qui puis employer mon temps d'une manière autrement utile.
Je ne vous ferai donc point ma confession, M. le docteur, sur l'objet religieux de votre question; mais, en revanche, je puis vous dire mon avis comme littérateur sur le fond même de votre livre. Ayant lu autrefois beaucoup d'ouvrages théologiques, j'étais curieux de savoir si, par quelque procédé chimique, vous aviez aussi découvert des êtres réels dans ce monde d'êtres invisibles: malheureusement je me trouve obligé de déclarer au public, qui, selon votre expression, préface, p. xix, espère d'être instruit, d'être conduit à la vérité et non à l'erreur par moi, que je n'y ai pas vu un seul argument neuf, mais seulement la répétition de tout ce qu'ont dit et rebattu des milliers de gros volumes, dont tout le fruit a été de procurer à leurs auteurs une courte mention dans le dictionnaire des hérésies. Vous supposez partout comme prouvé ce qui est en question, avec cette circonstance singulière, que faisant feu, comme le dit Gibbon, de votre double batterie contre ceux qui croient trop et contre ceux qui ne croient pas assez, vous donnez pour mesure précise de la vérité votre propre sensation, en sorte qu'il faudra avoir tout juste votre taille pour, passer par la porte de la nouvelle Jérusalem que vous bâtissez à Northumberland.
Après cela votre réputation comme théologien eût pu me devenir un problème; mais je me suis rappelé le principe de l'association des idées, si bien développé par Locke, que vous estimez, et que par cette raison je me trouve heureux de vous citer, quoique ce soit à lui que je doive ce pernicieux usage de ma raison qui me fait refuser de croire ce que je ne comprends pas: j'ai donc compris que le public, ayant d'abord attaché l'idée du talent au nom de M. Priestley, docteur en chimie, avait continué de l'unir et de l'associer au nom de M. Priestley, devenu docteur en théologie; ce qui pourtant n'est pas la même chose, et ce qui est un mécanisme d'autant plus vicieux qu'il pourrait par la suite donner lieu à l'inverse41. Heureusement, vous avez vous-même élevé une barrière de séparation entre vos admirateurs, en avertissant, des la première page de votre pamphlet actuel, qu'il était spécialement destiné aux croyants. Pour coopérer à ce but judicieux, je dois néanmoins vous faire observer qu'il est deux passages essentiels à en retrancher, vu qu'ils donnent une grande prise aux arguments des incrédules.
Vous dites, préface, page xii: «Ce qui est manifestement contraire à la raison naturelle ne peut être reçu par elle:» Et page 62. «Quant à l'intellect, les hommes et les animaux naissent dans le même état, ayant les mêmes sens externes, qui sont les seuls canaux de toutes les idées, et par conséquent la source de toutes les connaissances et de toutes les habitudes, morales qu'ils acquièrent.»
Or, si vous admettez, avec Locke et avec nous autres infidèles, que chacun a le droit de rejeter ce qui répugne à sa raison naturelle, et que toutes nos idées, toutes nos connaissances ne s'acquièrent que par l'intermède de nos sens, que devient le système de la révélation, et tout cet ordre de choses du temps passé si contradictoire à l'état présent, excepté quand on le considère comme un rêve de l'esprit humain ignorant et superstitieux? Avec vos deux seules phrases, M. le docteur, je renverserais tout l'édifice de votre foi.
Mais ne redoutez point de ma part cette abondance de zèle: par la raison que je n'ai point la fantaisie du martyre, je n'ai point non plus celle des conversions; elle appartient à ces tempéraments ardents, ou plutôt acrimonieux, qui prennent la violence de leur persuasion pour l'enthousiasme de la vérité; la manie de faire du bruit, pour la passion de la gloire; et pour l'amour du prochain, la haine de ses opinions et le désir secret de le gouverner. Pour moi, qui n'ai point reçu de la nature les qualités inquiètes d'un apôtre, et qui n'eus point en Europe le caractère d'un dissenteur, je ne suis venu en Amérique, ni pour agiter les consciences, ni pour fonder une secte, pas même pour établir une colonie où, sous prétexte de religion, je me ferais un petit empire. On ne m'a vu évangéliser mes idées, ni dans les temples, ni dans les places publiques, et je n'ai point exercé ce charlatanisme de bienfaisance par lequel un prédicateur connu42, mettant à contribution la générosité du public, s'est procuré ici les honneurs d'un auditoire plus nombreux, et le mérite de distribuer, à son gré, un argent qui ne lui coûte rien, et qui lui attire une gratitude et des remercîments dérobés à la main des vrais donateurs.
Comme étranger ou comme citoyen, ami sincère de la paix, je ne porte dans la société, ni l'esprit de dissension, ni le désir de causer des secousses; et parce que je respecte en chacun ce que je veux qu'il respecte en moi, le nom de la liberté n'est pour moi que le synonyme de la justice: comme homme, soit modération, soit paresse, spectateur du monde plutôt qu'acteur, je suis de jour en jour moins tenté de conduire les ames et les corps des autres: n'est-ce pas assez pour chacun de gouverner ses fantaisies et ses propres passions? Si par l'une de ces fantaisies, croyant être utile, je publie quelquefois mes pensées, je le fais sans entêtement, et sans exiger cette foi implicite dont vous voudriez bien me communiquer le ridicule, page 123.
(Note de l'éditeur.)
Mais, quand vous jeûnez, parfumez-vous la tête et lavez-vous le visage. Saint Matthieu, chap. VII, vers. 16 et 17.