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Kitabı oku: «Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique», sayfa 17

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ÉCLAIRCISSEMENTS SUR DIVERS ARTICLES INDIQUÉS DANS CET OUVRAGE. ARTICLE PREMIER. SUR LA FLORIDE

Et sur le livre de Bernard Romans, intitulé A concise natural and moral History of east and west Florida; New-York, 1776, sold by Aitken, in-12.

Courte Histoire naturelle et morale de la Floride orientale et occidentale.

«L’auteur, qui a passé plusieurs années dans le pays en observateur et en médecin éclairé, distingue deux climats en Floride; l’un qu’il appelle climat de nord, lequel s’étend du 31° au 27° 40´ latitude; l’autre, le climat de sud, qui s’étend du 27° 40´ au 25°: il fonde cette distinction sur ce que dans l’un les gelées sont habituelles pendant l’hiver, tandis que dans l’autre elles sont extraordinairement rares: il eût été simple et plus clair de dire qu’il gèle dans tout le parallèle du continent, et qu’il ne gèle point dans la presqu’île propre.

«Dans ce pays l’air est pur et clair. L’on ne voit de brouillards que sur la rivière Saint-John; mais les rosées sont excessives. Le printemps et l’automne sont extraordinairement secs; l’automne très-variable du chaud au frais. Le commencement de l’hiver, c’est-à-dire janvier, est humide et tempétueux; février et mars sont secs et sereins; de la fin de septembre à la fin de juin, il n’y a peut-être pas au monde de climat plus doux; mais juillet, août et septembre sont excessivement chauds; et cependant les variations du froid au chaud sont bien moindres qu’en Caroline, et la gelée bien plus rare.

«En toute saison, à midi, le soleil est cuisant; jamais le froid n’affecte même l’oranger chinois, dont le fruit est exquis. Saint-Augustin est sur la frontière des deux climats.

«Sur la côte est ou atlantique, règne le vent alisé d’est. Sur la côte ouest ou du golfe mexicain, les brises de mer venant de l’ouest au nord-ouest rafraîchissent en été toute la presqu’île. Tous les genres de fruits y prospèrent sans y être desséchés de chaleur ou de froid. Dans toute la presqu’île la pluie s’annonce 24 et 48 heures d’avance, par l’excès de la rosée ou par son manque total. Les vents y sont également moins variables qu’un peu plus au nord en remontant vers le continent. Pendant une grande partie du printemps, de même que pendant l’été et le début de l’automne et dans la première partie de l’hiver, ils sont au quart de nord-est; à la fin de l’hiver et dans le commencement du printemps, ils sont ouest et nord-ouest.

«Les quinze à vingt jours qui précèdent l’équinoxe d’automne et les deux ou trois mois qui le suivent, sont redoutables en Floride et dans la mer adjacente; c’est-à-dire, que du commencement de septembre jusqu’au solstice d’hiver, il arrive fréquemment de violentes tempêtes. B. Romans n’a jamais ouï parler de grands accidents à l’équinoxe de printemps. Les terribles ouragans de 1769 arrivèrent le 29 octobre et jours suivants; celui de 1772 fut les 30, 31 août, 1er, 2 et 3 septembre: il souffla d’abord sud-est et est à Mobile; en allant plus ouest il était nord-nord-est. Notez que depuis Pensacola il ne fut pas sensible dans l’est. Le vent fit gonfler toutes les rivières; et, par un cas étrange, il fit pousser une seconde moisson de feuilles et de fruits aux mûriers.

«Les vents sud et sud-ouest donnent un air épais et fâcheux aux poumons: il en est de même de cet air étouffé dont on se plaint si fort en juillet et août.—Les vents, depuis le sud-est jusqu’au nord-est, sont humides et frais et donnent de fréquentes ondées qui rendent le sable même fertile. De l’est au nord les vents sont frais et agréables; du nord au nord-ouest ils sont presque froids. Le thermomètre est habituellement entre 84 et 88° Fah. (22½ à 25° R.) à l’ombre, là où l’air circule. Pendant juillet et août il est à 94° (27½ R.); mais au soleil, il est promptement à 114° (36½ R.). Il ne tombe jamais de plus de deux degrés au-dessous du point de la gelée. Il est impossible de se figurer combien l’air est charmant depuis la fin de septembre jusqu’à la fin de juin. La côte orientale de la presqu’île est plus chaude que l’occidentale, et que tout le climat nord dont le rivage est exposé aux piquants vents de l’hiver.

«La pointe de Floride, à sa partie d’ouest, est très-sujette aux rafales et aux tornados, depuis mai jusqu’en août; ils viennent chaque jour du sud-sud-ouest et du sud-ouest; mais ils passent vite.» (Voyez la carte des vents, où la théorie des courants de l’air s’accorde précisément à placer les tournoiements à cet endroit.)

«Le docteur Mackensie, médecin (différent du voyageur) a beaucoup parlé de la moisissure, de la rouillure et de la liquéfaction du sel, du sucre, etc. Tout cela, il est vrai, se voit plus à Saint-Augustin qu’ailleurs; et cependant il n’est pas de lieu plus sain dans tous ces parages. L’on y vit très-vieux et très-sain. Les Havanais y viennent comme à leur Montpellier.

«Le climat nord, c’est-à-dire la partie ouest et continentale de Floride, a les mêmes caractères que la partie nord de la péninsule; mais il y fait des vents plus froids. L’on a beaucoup parlé de l’épidémie de la Mobile en 1765: la vraie cause fut l’excessive intempérance des soldats. Les Anglais, même les médecins, conseillent dans tous ces climats de boire le verre de vin; mais on fait ce verre trop large et trop fréquent.

«Le plus dangereux de tous les inconvénients en Amérique, n’est ni le chaud, ni l’humide, ni le froid, c’est le terrible et subit changement des extrêmes qui vous donne 30° (14° R.) de différence en 12 heures, et cela est pire au nord qu’au sud. Le sol de Floride est généralement un sable blanc qui a par-dessous lui une couche d’argile blanche. Le rivage de la mer est sans arbres; l’intérieur est plein de pins.

«Oldmixon, dans son ouvrage du British empire, est le seul qui ait dit des choses raisonnables sur le caractère des sauvages. Tous les Européens, avec leurs rêves de la belle nature, n’ont dit que d’absurdes folies.»

Bernard Romans, dans les pages 38 et suivantes, peint les sauvages tels que je les ai vus; sales, ivrognes, fainéants, voleurs, d’un orgueil excessif, d’une vanité facile à blesser, et alors cruels, altérés de sang, implacables dans leur haine, atroces dans leur vengeance, etc., etc. Il représente les Chicasaws pires que les autres. «Les Chactas valent mieux; ils ont de la bonne foi, quelque idée de propriété mobilière et personnelle. Ils sont plus laborieux que tous les autres. Ils vendent tout aux passants; mais ils sont adonnés au jeu.» (L’auteur déduit de cela même l’idée qu’ils ont du mien et du tien.) «Le suicide n’est pas rare chez eux ni chez les autres. Ils sont aussi pédérastes que les Chicasaws, et les Chicasaws le sont autant que les Grecs. (Ces honnêtes gens-là auraient bien besoin du missionnaire Atala.)


«Tous ces sauvages s’arrachent la barbe avec des petites pincettes ou avec des coquilles.

«Les enfants lancent à 20 et 30 yards (mètres) des flèches longues d’un pied, qui sont garnies de coton sur les 4 pouces du gros bout. Ils usent pour cet effet de sarbacanes de 8 pieds, et ils tuent des oiseaux et des écureuils.

«Au reste, le pays des Creeks est de la plus excellente terre et du plus agréable paysage, susceptible de toute production.

«Celui des Chactas est très-bon aussi; mais celui des Chicasaws est une haute plaine sèche, ayant peu d’eau et mauvaise. Leur nord jusqu’à l’Ohio est très-montueux.»

L’auteur a joint trois gravures, représentant les traits physionomiques de ces trois peuples; et quoiqu’elles paraissent avoir été exécutées sur bois ou sur étain, le caractère n’est pas mal saisi.

Tout le livre de Bernard Romans est d’un détail intéressant sur leurs mœurs, leurs manières, et sur les productions du sol.

Il traite avec intelligence des maladies du pays, réfute les assertions du docteur Lind, en ce qu’elles ont d’exagéré; il convient de l’excessive humidité rouillante et moisissante à Saint-John et à Saint-Augustin, et pourtant Saint-Augustin est très-sain, parce qu’il n’a pas les marais de Saint-John.

Les grandes variations subites du chaud au froid, avec de fortes rosées, sitôt après le coucher du soleil, sont le cas de Saint-John, de la rivière Nassau, de Mobile et de Campbelton; mais à Pensacola et à son est, à New-Orléans et sur le Mississipi, il ne les a point vues, et l’on ne s’en plaint pas. Ces variations d’ailleurs, et cette humidité, ne sont pas comparables à celles de la Géorgie, et surtout des Carolines. L’on s’en préserve avec du feu dans la maison, et un vêtement de laine le soir. Il n’y a de marais saumaches qu’à Saint-John, tandis que la Géorgie et les Carolines en sont infectées, ainsi que de mosquites et de puantes exhalaisons.

Les mouches et les mosquites n’abondent qu’aux rizières et aux indigoteries. Il faut convenir que le Mississipi en est couvert au delà de toute idée. L’on n’y vit que sous la mosquetière. Ils disparaissent à mesure que l’on cultive. En résultat, B. Romans conseille aux gens replets, aux biberons, aux gloutons d’Europe et aux pléthoriques, de ne pas venir ici sans changer entièrement de régime.

Les fièvres sont très-répandues depuis la fin de juin jusqu’au milieu d’octobre, c’est-à-dire précisément après les grandes pluies, combinées avec les violentes chaleurs. Elles sont plus tenaces près des rizières et des indigoteries. Il entre dans de très-bons détails sur cet article, dans les pages 131 et suivantes.

Les marais doux ou saumaches sont malsains, mais non pas les marais d’eaux salées. Au reste, la figure et le teint des habitants suffisent à indiquer leurs maladies.

«Les mosquites ne sont pas si abondants sur les eaux fraîches et sur le courant du Mississipi, qu’au bas de la rivière et sur toute la plage maritime, où ils sont intolérables;» (mais ils le sont tellement dans les bois le long du fleuve depuis l’Ohio, que le soir quand on allume le feu il faut les écarter de l’homme qui prend ce soin, car ils l’aveugleraient).

Le tétanos est terrible en Floride, et il est commun aux gens qui abusent des liqueurs et qui couchent au frais.

Enfin l’auteur parle du naufrage de M. Viaud et de madame Lacouture, comme d’un fait réel et positif qui eut lieu sur le rivage d’Apalachicola; mais ils en ont fait un roman. Les œufs qu’ils trouvèrent ne furent pas des œufs de dinde, mais de tortue. Il cite des personnes qui ont secouru ces deux naufragés.

Il est fâcheux pour la science que ce ne soit pas le livre de Bernard Romans qui ait été traduit à la place de celui de Bartram.

ARTICLE II. SUR L’HISTOIRE DE NEWHAMPSPHIRE

Par Jérémie Belknap, Membre de la Société philosophique de Philadelphie;

Et sur l’Histoire du Vermont, par Samuel Williams, membre de la Société météorologique d’Allemagne, et de la Société philosophique de Philadelphie.

§ I

L’ouvrage de M. Belknap, intitulé The History of Newhampshire que j’ai plusieurs fois cité, et qui n’est point traduit en français, est composé de trois volume in-8º, imprimés à Boston. Dans les deux premiers, l’auteur n’a eu pour but que de faire connaître les événements historiques de la colonie de cet État, depuis son premier établissement; le tableau qu’il en présente est d’autant plus curieux, que l’on y trouve l’origine d’une foule d’usages qui, alors établis par des lois coactives et très-sévèrement exécutées, ont tourné en habitudes, et composent aujourd’hui plusieurs parties du caractère des Anglo-américains.—L’on y voit l’esprit intolérant des premiers colons, prescrire par des réglements rigoureux les formules de communication, soit entre hommes, soit entre les deux sexes; la manière de faire l’amour avant de se marier, le maintien et la contenance, soit dehors, soit dedans la maison, comment on doit porter la tête, les bras, les yeux, causer, marcher, etc., etc. (d’où sont venus le ton cérémonieux, l’air grave et silencieux, et toute l’étiquette guindée qui règne encore dans la société des femmes des États-Unis). Il était défendu aux femmes de montrer les bras et le cou; les manches devaient être fermées aux poignets, le corset clos jusqu’au menton; les hommes devaient avoir les cheveux coupés courts, pour ne pas ressembler aux femmes; il leur était défendu de porter des santés, comme étant un acte de libation païenne; défendu même de faire de la bière dans le jour du samedi, de peur qu’elle ne travaillât le dimanche: tous ces délits étaient susceptibles de dénonciation, et la dénonciation emportait peine; ainsi régnait une véritable inquisition terroriste, et les esprits durent contracter toutes les habitudes que donne la persécution; habitudes de silence, de réserve dans le discours, de dissimulation, de combinaisons d’idées et de plans, d’énergie dans la volonté, et de résistance lorsqu’enfin la patience est à bout. Comme ouvrage moral, ces deux premiers volumes sont intéressants à consulter, vu le soin qu’à pris l’écrivain de recueillir des faits constatés. Mais la quantité d’autres détails en rendrait peut-être la traduction trop longue pour nous autres Français, auxquels ils sont étrangers.

Il n’en est pas ainsi du troisième volume, qui est une description méthodique du climat, du sol, de ses produits naturels et artificiels, de la navigation, du commerce, de l’agriculture, et de tout l’état du pays. L’on peut comparer ce volume à celui de M. Jefferson sur la Virginie: l’un et l’autre sont des statistiques aussi exactes, aussi instructives qu’il est permis aux forces et aux moyens de simples particuliers d’en produire. M. Jefferson, en publiant dès 1782, a eu le mérite de surmonter les principales difficultés, en traçant le premier plan d’un travail alors inusité. M. Belknap, en publiant le sien en 1792, après 22 ans d’observation, a celui d’avoir profité de ce que les progrès de la science ont accumulé de faits et de méthode: son livre (volume troisième), composé de 480 pages, gros caractère, y compris l’appendice, serait susceptible de quelques réductions, à raison de divers détails qui nous sont superflus; et quoique l’auteur y paie un double tribut à son caractère d’Américain et de ministre du saint Évangile, en déclamant quelquefois contre les philosophes et contre les voyageurs européens, cet ouvrage n’en est pas moins l’un des plus philosophiquement instructifs, dont on puisse faire présent à notre langue sur les États-Unis.

§ II

J’en dirai autant de l’Histoire du Vermont, par M. Samuel Williams; elle forme un volume in-8º d’environ 400 pages, d’un caractère plus fin (petit-romain), y compris aussi un appendice sur divers sujets.—L’ouvrage est partagé en 17 chapitres d’une division méthodique.—Situation, limites, superficie, sol, aspect du pays, montagnes, leurs hauteurs, leurs directions, les cavernes, sources, etc., rivières et lacs, climat et saisons, productions végétales et animales, sont les sujets des six premiers chapitres. Le septième et le huitième traitent des sauvages, de leur caractère, de leur éducation, de leur état moral et politique. Les neuf, dix et onze détaillent tous les incidents de la formation de l’État de Vermont et de l’origine de ses premiers colons. Les six autres, sous le titre d’État de la Société, font connaître, 1º l’emploi du temps en arts et en commerce; 2º les coutumes et usages, comprenant l’éducation, le mariage, la vie civile, etc.; 3º la religion et l’importance du principe de la parfaite égalité des cultes (l’auteur est ministre du saint Évangile); 4º le gouvernement du pays; 5º la population; 6º la liberté, qu’il dit être bien moins le produit du gouvernement américain que de la condition et situation du peuple.

L’on pourrait quelquefois trouver que l’auteur entre dans trop de détails, d’explications et de digressions; mais il en résulte tant de faits et d’observations utiles et instructifs, que je regarde ce livre comme l’un de ceux qui ont le plus répandu de connaissances physiques dans le peuple des États-Unis. J’en avais fait exécuter la traduction littérale, ainsi que du troisième volume de Belknap, dans l’intention de la franciser153 à mon premier loisir, et de la publier: mais outre que ce travail excéderait maintenant mes forces, j’apprends qu’il est entrepris par une personne qui ne doit pas tarder d’en enrichir le public.

ARTICLE III. GALLIPOLIS, OU COLONIE DES FRANÇAIS SUR L’OHIO

L’ON ne doit pas encore avoir oublié à Paris une certaine compagnie du Sioto qui, en 1790, ouvrit avec beaucoup d’éclat une vente de terres dans le plus beau canton des États-Unis, à six livres l’acre. Son programme, distribué avec profusion, promettait tout ce que l’on a coutume de promettre en pareil cas: «un climat délicieux et sain; à peine des gelées en hiver;—une rivière, nommée par excellence la belle Rivière154, riche en poissons excellents et monstrueux; des forêts superbes, d’un arbre qui distille le sucre (l’érable à sucre), et d’un arbuste qui donne de la chandelle (myrica cerifera);—du gros gibier en abondance, sans loups, renards, lions, ni tigres; une extrême facilité de nourrir dans les bois des bestiaux de toute espèce; les porcs seuls devaient, d’un couple unique, produire sans soins en trois ans 300 individus; et dans un tel pays l’on ne serait sujet ni à la taille, ni à la capitation, ni à la milice, ni aux logements de guerre, etc., etc., etc.» Il est vrai que les distributeurs de tant de bienfaits ne disaient pas que ces belles forêts étaient un obstacle préliminaire à tout genre de culture; qu’il fallait abattre les arbres un à un, les brûler, nettoyer le terrain avec des peines et des frais considérables; que pendant au moins une année il fallait tirer de loin toute espèce de vivres; que la chasse et la pêche, qui sont un plaisir quand on a bien déjeuné, sont de très-dures corvées dans un pays désert et sauvage; ils ne disaient pas surtout que ces terres excellentes étaient dans le voisinage d’une espèce d’animaux féroces, pires que les loups et les tigres, les hommes appelés sauvages alors en guerre avec les États-Unis.—En un mot, qu’au cours actuel des marchés d’Amérique, ces terres ne valaient effectivement que six à sept sous l’acre; et qu’aucun acheteur du pays n’en eût offert davantage:—mais en France, mais à Paris, alors surtout, qu’une sorte de contagion d’enthousiasme et de crédulité s’était emparée des esprits, le tableau était trop brillant, les inconvénients étaient trop distants, pour que la séduction n’eût pas son effet; les conseils, l’exemple même de personnes riches et supposées instruites, ajoutèrent à la persuasion; l’on ne parla dans les cercles de Paris que de la vie champêtre et libre que l’on pouvait mener aux bords du Sioto: enfin, la publication du Voyage de M. Brissot, qui précisément à cette époque revenait des États-Unis, acheva de consolider l’opinion: les acquéreurs se multiplièrent, principalement dans les classes moyennes et honnêtes où les mœurs sont toujours les meilleures.—Des individus, des familles entières vendirent leurs fonds, et crurent faire un marché excellent d’acheter des terres à six francs l’arpent, parce qu’autour de Paris le moindre prix des bonnes était de cinq ou six cents. Muni de ces titres, chaque propriétaire partit à son gré, s’embarqua dans le cours de 1791, l’un au Havre, l’autre à Bordeaux, d’autres à Nantes, à la Rochelle, et le public parisien, toujours occupé ou distrait, n’a plus entendu parler de cette affaire.

Dès mon arrivée à Philadelphie, en octobre 1795, j’en demandai des nouvelles; mais je n’en pus obtenir de suffisantes.—L’on me dit seulement d’une manière vague, que cette colonie devait être sur l’Ohio en terres sauvages, et qu’elle n’avait pas prospéré. L’été suivant je dirigeai ma route par la Virginie, et après avoir fait plus de 120 lieues de Philadelphie à Blue-Ridge près Staunton; après avoir traversé plus de 80 lieues de pays montueux et presque désert, depuis Blue-Ridge jusqu’au delà du chaînon de Gauley ou Great Laurel; puis encore avoir descendu 22 lieues en canot la rivière du Grand-Kanhawa, encore plus déserte depuis l’Elk jusqu’à son embouchure dans l’Ohio, je me trouvai le 9 juillet 1796, au village de Pointe-Plaisante, distant d’une lieue et demie de Gallipolis: là, j’eus des nouvelles positives de cette ville des Français, puisque tel est le sens du nom grec qu’il leur a plu de se donner; l’empressement de voir des compatriotes, d’entendre parler ma langue, que déja je désapprenais dans un pays tout anglais, me fit désirer de m’y rendre sur-le-champ: et le colonel Lewis, parent du général Washington, m’en facilita les moyens; mais pendant ma route, au déclin du jour, songeant que j’allais voir des Français déçus de leurs espérances, mécontents de leur sort, blessés dans leur amour-propre, et peut-être humiliés de leur situation devant un ex-constituant, qui pouvait l’avoir pronostiquée à quelques-uns, je trouvai des raisons de calmer mon impatience. La nuit commençait lorsque j’atteignis le village de Gallipolis; je pus reconnaître seulement deux rangs de petites maisons blanches, placées sur la banquette de l’Ohio, qui en cet endroit est encaissé de 50 pieds à pic: les eaux étant très-basses, je grimpai cette banquette par un talus rapide, pratiqué dans l’écore. L’on me conduisit à une hutte de troncs d’arbres (log-house), qui a le nom d’auberge.—Les Français que j’y trouvai me firent quelques questions, mais bien moins que je n’en attendais, et je pus m’apercevoir de la justesse de ma réflexion antérieure.

Le lendemain mon premier soin fut de visiter le local: je fus frappé de son aspect sauvage, du teint hâve, de la figure maigre, de l’air malade et souffrant de tous ses habitants.—Ils ne recherchaient point ma conversation. Leurs maisons, quoique blanchies, n’étaient que des huttes de troncs (log-houses), mastiquées de terre grasse, couvertes de bardeaux, et par conséquent mal abritées et humides. Le village forme un carré long, composé de deux rangs de maisons bâties en file contiguë, sans doute afin de brûler toutes par un seul accident fréquent aux États-Unis: c’est la compagnie qui a commis cette faute grossière parmi une foule d’autres. Quelques jardins clos d’épines et nus d’arbres, mais passablement fournis de légumes, adossent le village au nord-ouest; derrière ces jardins, et au-delà de quelques taillis, est un gros ruisseau qui coule presque parallèlement au fleuve où il se verse, et forme une presqu’île de tout le sol du village. Ce ruisseau, en eaux basses, est plein de boues noirâtres, et quand l’Ohio déborde, il reflue et nourrit de fâcheux marécages. Du côté du sud-est, l’on a sous les yeux le vaste lit de l’Ohio; mais les coteaux en face et au nord, les vallées à l’est et à l’ouest, ne présentent à la vue que l’universelle forêt. Au-dessus du village, le sol d’argile retient opiniâtrement les eaux, et forme encore des marécages malsains en automne.—Chaque année les fièvres intermittentes s’établissent dès la fin de juillet, et durent jusqu’en novembre.—Je ne trouvai personne dans cette colonie qui m’eût été précédemment connu; mais comme les Français refusent rarement leur confiance à qui leur témoigne de l’intérêt, j’obtins de trois ou quatre Parisiens qui m’en inspirèrent, des renseignements dont la substance est: «qu’environ cinq cents colons, tous artistes ou artisans, ou bourgeois aisés et de bonnes mœurs, arrivèrent dans le cours de 1791 et 1792 aux ports de New-York, Philadelphie et Baltimore; ils avaient payé chacun cinq à six cents livres de passage, et leurs voyages par terre, tant en France que dans les États-Unis, leur en avaient coûté pour le moins autant; ainsi épars sans direction centrale, sans rassemblement combiné, ils s’acheminèrent sur des renseignements presque vagues vers Pittsburg et le cours inférieur de l’Ohio où le terrain était désigné; après bien du temps et des frais perdus en fausses routes, ils parvinrent à un point géographique, où la compagnie de Sioto faisait construire des baraques: bientôt après, cette compagnie de Sioto faillit envers la compagnie d’Ohio, vendeur et propriétaire primitif, qui ne se tint point liée par les actes de son débiteur, et refusa aux Français la terre que déja ils avaient payée: il s’ensuivit un grave procès d’autant plus fâcheux pour les colons, que leur argent était déja dévoré. Pour comble de malheur, les États-Unis étaient en guerre avec les sauvages, qui contestaient cette partie du pays, et qui, fiers d’avoir dissipé l’armée du général Saint-Clair sur le grand Miâmi (4 novembre 1791), bloquèrent les colons de Gallipolis pendant 1792 et 1793, en enlevèrent quatre et en scalpèrent un cinquième, qui a survécu à cette horrible opération; le découragement s’empara des esprits.—Le plus grand nombre abandonna l’entreprise et se dispersa, partie dans le pays peuplé, partie en Louisiane; enfin, après quatre ans de vexations et de litiges de toute espèce, ceux qui demeurèrent obtinrent de la compagnie d’Ohio un terrain de neuf cent douze acres pour une nouvelle somme de onze cents piastres.—Cette faveur fut due surtout à la bienveillance de l’un des membres de la compagnie, le fils du général Putnam, qui y ajouta un service encore plus important pour la communauté, celui de refuser l’offre de douze cents piastres que firent deux des colons, dans le dessein d’accaparer le tout, et de rançonner ensuite à leur gré leurs infortunés compagnons.—(Quel nom donner à cette lâche avarice, qui ne sait se faire de richesse que de la misère d’autrui…?)—Par un autre bonheur, à la même époque, le congrès de 1795, mû d’un sentiment de compassion et d’équité, décréta un don de vingt mille acres, à prendre en face de Sandy-Creek, pour ces pauvres Français dépouillés:» et cet acte est d’autant plus digne d’une respectueuse gratitude, que déja prévalaient dans ce corps les sentiments d’animosité qui éclatèrent l’année suivante contre le gouvernement et le peuple français. De ces vingt mille acres, quatre mille appartiennent à celui ou à ceux dont les soins avaient promu le don, et le reste dut se répartir entre quatre-vingt-deux à quatre-vingt-quatre têtes subsistantes du nombre premier.

Il n’y avait qu’un an lors de mon passage que tous ces arrangements venaient d’être conclus, et déja l’industrie s’était ranimée de manière à faire sentir et regretter tout ce qu’elle eût opéré, sans des contre-temps si longs et si cruels; néanmoins, l’existence des colons était loin d’être agréable; chaque famille était obligée de vaquer à tous les travaux pénibles d’un établissement nouveau; l’on n’y trouvait qu’à des prix grévants ces bras mercenaires dont l’utilité n’est bien sentie que là où ils manquent. Il était dur à des gens élevés dans la vie aisée de Paris, d’être obligés de semer, de sarcler, de scier le blé, de faire les gerbes, de les porter au logis, de cultiver le maïs, l’avoine, le tabac, les melons d’eau ou pastèques, par des chaleurs de 24 à 28 degrés; il est vrai que toute culture réussissait à souhait, même le coton; pendant l’automne et l’hiver, la livre de daim coûtait un sou ou six liards; le pain, de deux à quatre sous; mais l’argent était d’une excessive rareté. L’érable à sucre exploité en février, donnait à quelques familles qui couraient les bois, jusqu’à cent livres de grosse cassonade noire, souvent brûlée, toujours mélasseuse. L’on trouve dans les îles du fleuve une espèce de vigne basse à grain rond, rouge et assez doux, que l’on suppose venue des plants que les Français avaient faits au fort Duquesne, et dont les semences ont été répandues par la friandise des ours; mais son vin, que l’on m’a qualifié de méchant surêne, diffère peu de celui des vignes indigènes qui croissent dans les bois jusqu’à soixante pieds de hauteur, et qui ne produisent qu’un raisin noir, petit, dur et sec. Les porcs ont été d’une bonne ressource, et ces colons ont appris des Américains à les préparer si parfaitement, que dans ma route ultérieure je consommai un jambon entier, que je crus avoir été cuit, et qui se trouva être cru et seulement fumé; quelquefois on les préfère tels, et on a toute raison; car la partie maigre de leur viande, lorsqu’on ne la sale pas trop, ou qu’on la fait dessaler à point, est reconnue pour être plus légère et moins maladive en pays chaud que la viande de bœuf.

Telle est la situation de la colonie projetée au Sioto; il y a un peu loin de là au bonheur poétique chanté par le cultivateur américain, et aux délices de la capitale future de l’empire d’Ohio prophétisé par un autre écrivain. Si les faiseurs de pareils romans pouvaient s’entendre panégyriser sur place, sûrement ils se dégoûteraient de ce banal talent de rhétorique, qui dans le cas présent a détruit l’aisance de cinq cents familles. Partout aux États-Unis, j’ai entendu, de la part des Français, des plaintes amères à ce sujet. Cependant, pour être entièrement juste, il faut avouer que tous les torts ne sont pas d’un seul côté; car si l’on observe que plusieurs expériences notoires auraient dû mettre en garde contre la séduction; qu’en promettant des avantages exagérés, les auteurs n’avaient cependant pas prétendu à une extravagante crédulité, ni exclu les précautions de la prudence; et si j’ajoute que malgré cet exemple, et depuis mon retour à Paris, il s’est encore trouvé des spéculateurs de ce genre qui n’ont pas désiré, qui ont même évité d’être éclairés, l’on sera obligé de convenir que ce sont les dupes, qui à force d’engouement et de niaise crédulité, provoquent et créent l’art des charlatans.

J’aurais voulu emporter l’idée que cette colonie pourrait s’affermir et prospérer; mais outre le vice radical de sa situation trop mal choisie, il m’a paru que les impressions de découragement avaient encore trop de motifs subsistants pour pouvoir s’effacer; d’ailleurs j’ai cru m’apercevoir dans mes voyages aux États-Unis, que les Français n’ont pas la même aptitude à y former des établissements agricoles, que les immigrants d’Angleterre, d’Irlande et d’Allemagne.—De quatorze à quinze exemples de farmers ou cultivateurs français que j’ai ouï citer sur le continent, deux ou trois seulement promettaient de réussir; et quant aux établissements en masse de villages, tels que Gallipolis, tous ceux que les Français avaient ci-devant entrepris ou formés sur les frontières de Canada ou de Louisiane, et qui ont été abandonnés à leurs seules forces, ont langui et fini par se détruire, tandis que de simples individus irlandais, écossais, ou allemands, s’enfonçant seuls avec leur femme dans les forêts, et jusque sur le sol des sauvages, ont généralement réussi à fonder des fermes et des villages solides. A l’appui de mon opinion ou plutôt des faits, je vais citer l’exemple de la colonie française du Poste-Vincennes sur la Wabash, que je visitai après Gallipolis;—et dans cette visite je portai des dispositions d’autant plus propres à bien observer, qu’outre l’intérêt de la question générale, j’avois l’intérêt particulier et personnel de savoir quel genre d’asile le sol si vanté du Mississipi et de la Haute-Louisiane pouvait, dans un besoin éventuel, offrir à des Français d’Europe amis d’une sage liberté.

153.Je fais cette remarque, parce que la seule bonne méthode que je connaisse, consiste à traduire d’abord le plus littéralement et le plus près possible du sens et de la valeur des mots.—Or, comme dans cette opération il arrive ordinairement que les expressions et les constructions de la langue étrangère écartent celles qui sont propres à notre langue naturelle, il faut laisser reposer ce premier jet, et ne le reprendre que lorsque l’on a presque oublié l’original; alors relisant ce mauvais français, les formes naturelles du style viennent se présenter d’elles mêmes, et l’on peut faire un excellent travail. Ce serait déja beaucoup d’en faire un bon, car il est bien peu de traductions qui méritent cette épithète.
154.C’est le nom que les Canadiens et les géographes français donnent à l’Ohio. L’on y pêche entre autres poissons du Cat-fish, qui pèse quatre-vingts et quatre-vingt-dix livres.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
424 s. 24 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain