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XIV. SUR LES DEVOIRS DE CHACUN ENVERS LA PATRIE EN DANGER
(10 mars 1793)
L’émotion des terribles nouvelles pesait sur la Convention dans la séance du 10 mars. L’ennemi occupait Liège et forçait à la levée du siège de Maëstricht. Le découragement avait succédée l’enthousiasme des premiers jours. Nous tenons le discours que Danton prononça à cette occasion pour le plus admirable morceau d’éloquence civique. Jamais appel plus vibrant, plus électrique ne fut lancé à la nation par l’homme qui s’effaçait devant le danger de la patrie. Le dédain qu’il eut toujours pour sa défense personnelle se manifeste une fois encore ici: «Que m’importe d’être appelé buveur de sang!…. Conquérons la liberté!» Vingt jours plus tard, la trahison de Dumouriez était chose faite.
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Les considérations générales qui vous ont été présentées sont vraies; mais il s’agit moins en ce moment d’examiner les causes des événements désastreux qui peuvent nous frapper, que d’y appliquer promptement le remède. Quand l’édifice est en feu, je ne m’attache pas aux fripons qui enlèvent les meubles, j’éteins l’incendie. Je dis que vous devez être convaincus plus que jamais, par la lecture des dépêches de Dumouriez, que vous n’avez pas un instant à perdre pour sauver la République.
Dumouriez avait conçu un plan qui honore son génie. Je dois lui rendre même une justice bien plus éclatante que celle que je lui rendis dernièrement. Il y a trois mois qu’il a annoncé au pouvoir exécutif, à votre comité de défense générale, que, si nous n’avions pas assez d’audace pour envahir la Hollande au milieu de l’hiver, pour déclarer sur-le-champ la guerre à l’Angleterre, qui nous la faisait depuis longtemps, nous doublerons les difficultés de la campagne, en laissant aux forces ennemies le temps de se déployer. Puisque l’on a méconnu ce trait de génie, il faut réparer nos fautes.
Dumouriez ne s’est pas découragé; il est au milieu de la Hollande, il y trouvera des munitions; pour renverser tous nos ennemis, il ne lui faut que des Français, et la France est remplie de citoyens. Voulons-nous être libres? Si nous ne le voulons plus, périssons, car nous l’avions juré. Si nous le voulons, marchons tous pour défendre notre indépendance. Nos ennemis font leurs derniers efforts.
Pitt sent bien qu’ayant tout à perdre, il n’a rien à épargner. Prenons la Hollande, et Carthagène est détruite, et l’Angleterre ne peut plus vivre que pour la liberté…. Que la Hollande soit conquise à la liberté, et l’aristocratie commerciale elle-même, qui domine en ce moment le peuple anglais, s’élèvera contre le gouvernement qui l’aura entraînée dans cette guerre du despotisme contre un peuple libre. Elle renversera ce ministère stupide qui a cru que les talents de l’ancien régime pouvaient étouffer le génie de la liberté qui plane sur la France. Ce ministère renversé par l’intérêt du commerce, le parti de la liberté se montrera, car il n’est pas mort; et si vous saisissez vos devoirs, si vos commissaires partent à l’instant, si vous donnez la main à l’étranger qui soupire après la destruction de toute espèce de tyrannie, la France est sauvée et le monde est libre.
Faites donc partir vos commissaires: soutenez-les par votre énergie; qu’ils partent ce soir, cette nuit même; qu’ils disent à la classe opulente: il faut que l’aristocratie de l’Europe, succombant sous nos efforts, paye notre dette, ou que vous la payiez; le peuple n’a que du sang; il le prodigue. Allons, misérables, prodiguez vos richesses. Voyez, citoyens, les belles destinées qui vous attendent. Quoi! vous avez une nation entière pour levier, la raison pour point d’appui, et vous n’avez pas encore bouleversé le monde. Il faut pour cela du caractère, et la vérité est qu’on en a manqué. Je mets de côté toutes les passions, elles me sont toutes parfaitement étrangères, excepté celle du bien public. Dans des circonstances plus difficiles, quand l’ennemi était aux portes de Paris, j’ai dit à ceux qui gouvernaient alors: Vos discussions sont misérables, je ne connais que l’ennemi.
Vous qui me fatiguez de vos contestations particulières, au lieu de vous occuper du salut de la République, je vous répudie tous comme traîtres à la patrie. Je vous mets tous sur la même ligne. Je leur disais: Eh que m’importe ma réputation! que la France soit libre et que mon nom soit flétri! Que m’importe d’être appelé buveur de sang! Eh bien, buvons le sang des ennemis de l’humanité, s’il le faut; combattons, conquérons la liberté.
On parait craindre que le départ des commissaires affaiblisse l’un ou l’autre parti de la Convention. Vaines terreurs! Portez votre énergie partout. Le plus beau ministère est d’annoncer au peuple que la dette terrible qui pèse sur lui sera desséchée aux dépens de ses ennemis, ou que le riche la paiera avant peu. La situation nationale est cruelle; le signe représentatif n’est plus en équilibre dans la circulation; la journée de l’ouvrier est au-dessous du nécessaire; il faut un grand moyen correctif. Conquérons la Hollande; ranimons en Angleterre le parti républicain; faisons marcher la France, et nous irons glorieux à la postérité. Remplissez ces grandes destinées; point de débats; point de querelles, et la patrie est sauvée.
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Danton, outre le discours sur le Tribunal révolutionnaire que l’on trouvera plus loin, intervint dans les débats de cette séance pour demander la comparution, à la barre de la Convention, du général Stengel qui, né sujet palatin, se refusait à porter les armes contre sa patrie et demandait à être employé dans un autre poste.
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Je suis bien éloigné de croire Stengel républicain; je ne crois pas qu’il doive commander nos armées. Mais je pense qu’avant de le décréter d’accusation, il faut qu’il vous soit fait un rapport ou que vous l’entendiez vous-mêmes à la barre. Il faut de la raison et de l’inflexibilité; il faut que l’impunité, portée jusqu’à présent trop loin, cesse; mais il ne faut pas porter de décret d’accusation au hasard. Je demande que le ministre de la guerre soit chargé de faire traduire à la barre Stengel et Lanoue.
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La Convention décréta que Stengel et Lanoue comparaîtraient à sa barre.
XV. SUR L’INSTITUTION D’UN TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE
(10 mars 1793)
La conspiration de l’ennemi intérieur se combinant avec les dangers extérieurs exigeait des mesures sévères, terribles. Tandis que la nation armée se portait aux frontières, il importait d’empêcher, au lendemain de possibles désastres, le retour des événements sanglants qui avaient marqué les premiers jours de septembre, au lendemain de l’invasion. C’est dans cet esprit que Danton proposa la création d’un tribunal révolutionnaire.
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Je somme tous les bons citoyens de ne pas quitter leurs postes. (Tous les membres se remettent en place, un calme profond règne dans toute l’Assemblée.) Quoi, citoyens! au moment où notre position est telle, que si Maranda était battu, et cela n’est pas impossible, Dumouriez enveloppé serait obligé de mettre bas les armes, vous pourriez vous séparer sans prendre les grandes mesures qu’exige le salut de la chose publique? Je sens à quel point il est important de prendre des mesures judiciaires qui punissent les contre-révolutionnaires; car c’est pour eux que ce tribunal est nécessaire; c’est pour eux que ce tribunal doit suppléer au tribunal suprême de la vengeance du peuple. Les ennemis de la liberté lèvent un front audacieux; partout confondus, ils sont partout provocateurs. En voyant le citoyen honnête occupé dans ses foyers, l’artisan occupé dans ses ateliers, ils ont la stupidité de se croire en majorité: eh bien, arrachez-les vous-mêmes à la vengeance populaire, l’humanité vous l’ordonne.
Rien n’est plus difficile que de définir un crime politique; mais si un homme du peuple, pour un crime particulier, en reçoit à l’instant le châtiment; s’il est si difficile d’atteindre un crime politique, n’est-il pas nécessaire que des lois extraordinaires, prises hors du corps social, épouvantent les rebelles et atteignent les coupables? Ici le salut du peuple exige de grands moyens et des mesures terribles. Je ne vois pas de milieu entre les formes ordinaires et un tribunal révolutionnaire. L’histoire atteste cette vérité; et puisqu’on a osé, dans cette Assemblée, rappeler ces journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi, je dirai, moi, que si un tribunal eût alors existé, le peuple auquel on a si souvent, si cruellement reproché ces journées, ne les aurait pas ensanglantées; je dirai, et j’aurai l’assentiment de tous ceux qui ont été les témoins de ces terribles événements, que nulle puissance humaine n’était dans le cas d’arrêter le débordement de la vengeance nationale. Profitons des fautes de nos prédécesseurs.
Faisons ce que n’a pas fait l’Assemblée législative; soyons terribles pour dispenser le peuple de l’être; organisons un tribunal, non pas bien, cela est impossible, mais le moins mal qu’il se pourra, afin que le glaive de la loi pèse sur la tête de tous ses ennemis.
Ce grand oeuvre terminé, je vous rappelle aux armes, aux commissaires que vous devez faire partir, au ministère que vous devez organiser; car nous ne pouvons le dissimuler, il nous faut des ministres; et celui de la marine, par exemple, dans un pays où tout peut être créé, parce que tous les éléments s’y trouvent, avec toutes les qualités d’un bon citoyen, n’a pas créé de marine; nos frégates ne sont pas sorties et l’Angleterre enlève nos corsaires. Eh bien, le moment est arrivé, soyons prodigues d’hommes et d’argent; déployons tous les moyens de la puissance nationale, mais ne mettons la direction de ces moyens qu’entre les mains d’hommes dont le contact nécessaire et habituel avec vous vous assure l’ensemble et l’exécution des mesures que vous avez combinées pour le salut de la République. Vous n’êtes pas un corps constitué, car vous pouvez tout constituer vous-mêmes. Prenez-y garde, citoyens, vous répondez au peuple de nos armées, de son sang, de ses assignats; car si ses défaites atténuaient tellement la valeur de cette monnaie que les moyens d’existence fussent anéantis dans ses mains, qui pourrait arrêter les effets de son ressentiment et de sa vengeance? Si, dès le moment que je vous l’ai demandé, vous eussiez fait le développement de forces nécessaires, aujourd’hui l’ennemi serait repoussé loin de nos frontières.
Je demande donc que le tribunal révolutionnaire soit organisé, séance tenante, que le pouvoir exécutif, dans la nouvelle organisation, reçoive les moyens d’action et d’énergie qui lui sont nécessaires. Je ne demande pas que rien soit désorganisé, je ne propose que des moyens d’amélioration.
Je demande que la Convention juge mes raisonnements et méprise les qualifications injurieuses et flétrissantes qu’on ose me donner. Je demande qu’aussitôt que les mesures de sûreté générale seront prises, vos commissaires partent à l’instant, qu’on ne reproduise plus l’objection qu’ils siègent dans tel ou tel côté de cette salle. Qu’ils se répandent dans les départements, qu’ils y échauffent les citoyens, qu’ils y raniment l’amour de la liberté, et que, s’ils ont regret de ne pas participer à des décrets utiles, ou de ne pouvoir s’opposer à des décrets mauvais, ils se souviennent que leur absence a été le salut de la patrie.
Je me résume donc: ce soir, organisation du tribunal, organisation du pouvoir exécutif; demain, mouvement militaire; que, demain, vos commissaires soient partis; que la France entière se lève, coure aux armes, marche à l’ennemi; que la Hollande soit envahie; que la Belgique soit libre; que le commerce d’Angleterre soit ruiné; que les amis de la liberté triomphent de cette contrée; que nos armes, partout victorieuses, apportent aux peuples la délivrance et le bonheur; que le monde soit vengé.
XVI. SUR LA DÉMISSION DE BEURNONVILLE
(11 mars 1793)
Nommé ministre de la Guerre le 4 février 1793, Beurnonville donna sa démission le 11 mars suivant. A ce propos, plusieurs membres de la Convention voulurent lui demander les motifs de son départ. Danton s’y opposa, insistant dans son discours sur la cohésion et l’unité réclamées par le gouvernement républicain, faisant appel au civisme de tous pour le salut public. On sait qu’envoyé à la suite de sa démission auprès de Dumouriez, Beurnonville fut livré par lui aux Autrichiens qui le retinrent en otage jusqu’au 12 brumaire an IV.
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Avant de rendre au ministre de la Guerre la justice que lui doit tout Français qui aime son pays, et qui sait apprécier ceux qui ont combattu vaillamment pour lui, je dois cette déclaration positive de mes principes et de mes sentiments: que, s’il est dans mes opinions que la nature des choses et les circonstances exigent que la Convention se réserve la faculté de prendre partout, et même dans son sein, des ministres, je déclare en même temps, et je le jure par la patrie, que, moi, je n’accepterai jamais une place dans le ministère, tant que j’aurai l’honneur d’être membre de la Convention nationale. Je le déclare, dis-je, sans fausse modestie; car, je l’avoue, je crois valoir un autre citoyen français. Je le déclare avec le désir ardent que mon opinion individuelle ne devienne pas celle de tous mes collègues; car je tiens pour incontestable que vous feriez une chose funeste à la chose publique, si vous ne vous réserviez pas cette faculté. Après un tel aveu, je vous somme tous, citoyens, de descendre dans le fond de votre conscience. Quel est celui d’entre vous qui ne sent pas la nécessité d’une plus grande cohésion, de rapports plus directs, d’un rapprochement plus immédiat, plus quotidien, entre les agents du pouvoir exécutif révolutionnaire, chargé de défendre la liberté contre toute l’Europe, et vous qui êtes chargés de la direction suprême de la législation civile et de la défense de là République? Vous avez la nation à votre disposition, vous êtes une Convention nationale, vous n’êtes pas un corps constitué, mais un corps chargé de constituer tous les pouvoirs, de fonder tous les principes de notre République; vous n’en violerez donc aucun, rien ne sera renversé, si, exerçant toute la latitude de vos pouvoirs, vous prenez le talent partout où il existe pour le placer partout où il peut être utile. Si je me récuse dans les choix que vous pourrez faire, c’est que, dans mon poste, je me crois encore utile à pousser, à faire marcher la Révolution; c’est que je me réserve encore la faculté de dénoncer les ministres qui, par malveillance et par impéritie, trahiraient notre confiance. Ainsi mettons-nous donc bien tous dans la tête que presque tous, que tous, nous voulons le salut public. Que les défiances particulières ne nous arrêtent pas dans notre marche, puisque nous avons un but commun. Quant à moi, je ne calomnierai jamais personne; je suis sans fiel, non par vertu, mais par tempérament. La haine est étrangère à mon caractère…. Je n’en ai pas besoin; ainsi je ne puis être suspect, même à ceux qui ont fait profession de me haïr. Je vous rappelle à l’infinité de vos devoirs. Je n’entends pas désorganiser le ministère; je ne parle pas de la nécessité de prendre des ministres dans votre sein, mais de la nécessité de vous en réserver la faculté.
–J’arrive à la discussion particulière qui s’est élevée sur la lettre de démission envoyée par le ministre de la Guerre.
On veut lui demander les motifs de sa démission: certes, jamais on ne pourra dire que c’est par faiblesse. Celui qui a combattu si bien les ennemis, braverait l’erreur populaire avec le même courage; il mourrait à son poste sans sourciller; tel est Beurnonville, tel nous devons le proclamer. Mais la nature, variée dans ses faveurs, distribue aux hommes différents genres de talents; tel est capable de commander une armée, d’échauffer le soldat, de maintenir la discipline qui n’a pas les formes populaires conciliatrices, nécessaires dans les circonstances critiques et orageuses, quand on veut le bien. Celui qui donne sa démission a dû se consulter sous ces différents rapports; il ne serait pas même de la dignité de la Convention de lui faire les questions qu’on propose. Beurnonville a su se juger; il peut encore vaincre nos ennemis sur le champ de bataille; mais il n’a pas les formes familières qui, dans les places administratives, appellent la confiance des hommes peu éclairés; car le peuple est ombrageux, et l’expérience de nos révolutions lui a bien acquis le droit de craindre pour sa liberté.
Je ne doute pas que Beurnonville n’ait géré en bon citoyen; il doit être excepté de la rigueur de la loi qui défend à tout ministre de quitter Paris, avant d’avoir rendu ses comptes; et nous ne perdrons pas l’espérance de voir Beurnonville allant aux armées, y conduisant des renforts, remporter avec elles de nouveaux triomphes.
XVII. SUR LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE
(27 mars 1793)
Créé le 10 mars, le Tribunal criminel extraordinaire n’était pas encore entré en activité. Danton s’éleva avec force contre ce retard et rappela dans son discours les devoirs assumés par le gouvernement révolutionnaire. Le lendemain, 28 mars, la Convention décrétait que le Tribunal entrerait en activité le même jour et pour ce l’autorisait à juger au nombre de dix jurés.
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Je déclare avoir recommandé aux ministres d’excellents patriotes, d’excellents révolutionnaires. Il n’y a aucune loi qui puisse ôter à un représentant du peuple sa pensée. La loi ancienne qu’on veut rappeler était absurde; elle a été révoquée par la révolution. Il faut enfin que la Convention nationale soit un corps révolutionnaire; il faut qu’elle soit peuple; il est temps qu’elle déclare la guerre aux ennemis intérieurs. Quoi! la guerre civile est allumée de toutes parts, et la Convention reste immobile! Un tribunal révolutionnaire a été créé qui devait punir tous les conspirateurs, et ce tribunal n’est pas encore en activité! Que dira donc ce peuple! car il est prêt à se lever en masse; il le doit, il le sent. Il dira: Quoi donc! des passions misérables agitent nos représentants, et cependant les contre-révolutionnaires tuent la liberté.
Je dois enfin vous dire la vérité, je vous la dirai sans mélange; que m’importent toutes les chimères que l’on peut répandre contre moi, pourvu que je puisse servir la patrie! Oui, citoyens; vous ne faites pas votre devoir. Vous dites que le peuple est égaré; mais pourquoi vous éloignez-vous de ce peuple? Rapprochez-vous de lui, il entendra la voix de la raison. La révolution ne peut marcher, ne peut être consolidée qu’avec le peuple. Le peuple en est l’instrument, c’est à vous de vous en servir. En vain dites-vous que les sociétés populaires fourmillent de dénonciateurs absurdes, de dénonciateurs atroces. Eh bien, que n’y allez-vous? Une nation en révolution est comme l’airain qui bout et se régénère dans le creuset. La statue de la liberté n’est pas fondue. Ce métal bouillonne; si vous n’en surveillez le fourneau, vous serez tous brûlés. Comment se fait-il que vous ne sentiez pas que c’est aujourd’hui qu’il faut que la Convention décrète que tout homme du peuple aura une pique aux frais de la nation. Les riches la paieront, ils la paieront en vertu d’une loi; les propriétés ne seront pas violées. Il faut décréter encore que, dans les départements où la révolution s’est manifestée, quiconque a l’audace d’appeler cette contre-révolution sera mis hors la loi. A Rome, Valerius Publicola eut le courage de proposer une loi qui portait peine de mort contre quiconque appellerait la tyrannie. Eh bien, moi, je déclare que, puisque dans les rues, dans les places publiques, les patriotes sont insultés; puisque, dans les spectacles, on applaudit avec fureur aux applications qui se rapportent avec les malheurs de la patrie; je déclare, dis-je, que quiconque oserait appeler la destruction de la liberté, ne périra que de ma main, dusse-je après porter ma tête sur l’échafaud, heureux d’avoir donné un exemple de vertu à ma patrie. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur la motion qui m’a donné lieu de parler. Je demande que, dans toute la République, un citoyen ait une pique aux frais de la nation. Je demande que le tribunal extraordinaire soit mis en activité. Je demande que la Convention déclare au peuple français, à l’Europe, à l’univers qu’elle est un corps révolutionnaire, qu’elle est résolue de maintenir la liberté, d’étouffer les serpents qui déchirent le sein de la patrie.
Montrez-vous révolutionnaires; montrez-vous peuple, et alors la liberté n’est plus en péril. Les nations qui veulent être grandes doivent, comme les héros, être élevées à l’école du malheur. Sans doute nous avons eu des revers; mais si, au mois de septembre, on vous eût dit: «la tête du tyran tombera sous le glaive des lois, l’ennemi sera chassé du territoire de la République; 100.000 hommes seront à Mayence; nous aurons une armée à Tournai», vous eussiez vu la liberté triomphante. Eh bien, telle est encore notre position. Nous avons perdu un temps précieux. Il faut le réparer. On a cru que la révolution était faite. On a crié aux factieux. Eh bien, ce sont ces factieux qui tombent sous le poignard des assassins.
Et toi, Lepeletier, quand tu périssais victime de ta haine pour les tyrans, on criait aussi que tu étais un factieux. Il faut sortir de cette léthargie politique. Marseille sait déjà que Paris n’a jamais voulu opprimer la République, n’a jamais voulu que la liberté. Marseille s’est déclarée la montagne de la République. Elle se gonflera, cette montagne, elle roulera les rochers de la liberté, et les ennemis de la liberté seront écrasés. Je ne veux pas rappeler de fâcheux débats. Je ne veux pas faire l’historique des haines dirigées contre les patriotes. Je ne dirai qu’un mot.
Je vous dirai que Roland écrivait à Dumouriez (et c’est ce général qui nous a montré la lettre, à Lacroix et à moi): «Il faut vous liguer avec nous pour écraser ce parti de Paris, et surtout ce Danton». Jugez si une imagination frappée au point de tracer de pareils tableaux a dû avoir une grande influence sur toute la République. Mais tirons le rideau sur le passé. Il faut nous réunir. C’est cette réunion qui devrait établir la liberté d’un pôle à l’autre, aux deux tropiques et sur la ligne de la Convention. Je ne demande pas d’ambassades particulières. Quant à moi, je fais serment de mourir pour défendre mon plus cruel ennemi. Je demande que ce sentiment sacré enflamme toutes les âmes. Il faut tuer les ennemis intérieurs pour triompher des ennemis extérieurs. Vous deviendrez victimes de vos passions ou de votre ignorance, si vous ne sauvez la République. La République, elle est immortelle! L’ennemi pourra bien faire encore quelques progrès; il pourrait prendre encore quelques-unes de nos places, mais il s’y consumerait lui-même. Que nos échecs tournent à notre avantage! que le Français, en touchant la terre de son pays, comme le géant de la fable, reprenne de nouvelles forces.
J’insiste sur ce qui est plus qu’une loi, sur ce que la nécessité vous commande, soyez peuple. Que tout homme qui porte encore dans son coeur une étincelle de liberté, ne s’éloigne pas du peuple. Nous ne sommes pas ses pères, nous sommes ses enfants. Exposons-lui nos besoins et ses ressources, disons qu’il sera inviolable, s’il veut être uni. Qu’on se rappelle l’époque mémorable et terrible du mois d’août. Toutes les passions se croisaient. Paris ne voulait pas sortir de ses murs. J’ai, moi, car il faut bien quelquefois se citer, j’ai amené le conseil exécutif à se réunir à la mairie avec tous les magistrats du peuple. Le peuple vit notre réunion, il la seconda, et l’ennemi a été vaincu. Si on se réunit, si on aime les sociétés populaires, si on y assiste, malgré ce qu’il peut y avoir en elles de défectueux, car il n’y a rien de parfait sur la terre, la France reprendra sa force, redeviendra victorieuse, et bientôt les despotes se repentiront de ces triomphes éphémères qui n’auront été que plus funestes pour eux.