Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Discours civiques», sayfa 6

Yazı tipi:

XVIII. JUSTIFICATION DE SA CONDUITE EN BELGIQUE

(30 mars 1793)

Dans la séance du 30 mars, un membre[30] de la Convention demanda l’exécution du décret ordonnant à Danton de rendre compte de l’état de la Belgique au moment de son départ. «Il importe, ajoutait-il, que nous connaissions toutes les opérations de nos commissaires Gironde contre le conventionnel». Il demanda aussitôt la parole et prononça ce long discours où il se justifia d’une façon éclatante des reproches sournois et hypocrites que Mme Roland réédita depuis dans son libelle.

* * *

Citoyens, vous aviez, par un décret, ordonné que, Camus et moi, seuls des commissaires près l’armée de la Belgique, qui se trouvent actuellement dans la Convention, rendions compte de ce que nous avions vu et fait dans la Belgique. Le changement des circonstances, les lettres nouvelles parvenues à votre Comité de défense générale, ont rendu ce rapport moins important, quant à ce qui concerne la situation des armées, puisque cette situation a changé; elles ont nécessité des mesures provisoires que vous avez décrétées. J’étais prêt et je le suis encore à m’expliquer amplement, et sur l’historique de la Belgique, et sur les généraux, et sur l’armée, et sur la conduite des commissaires. Il est temps que tout soit connu. Si la saine raison, si le salut de la patrie et celui de l’armée a obligé vos commissaires d’être en quelque sorte stationnaires, aujourd’hui le temps de bannir toute espèce de politique est arrivé; il l’est d’autant plus que je m’aperçois qu’on a insinué dans l’Assemblée que les malheurs de la Belgique pouvaient avoir été plus ou moins amenés par l’influence, les fautes et même les crimes de vos commissaires.

Eh bien, je prends à cette tribune l’engagement solennel de tout dire, de tout révéler, de répondre à tout. J’appellerai tous les contradicteurs possibles d’un bout de la République à l’autre; j’appellerai le Conseil exécutif, les commissaires nationaux; j’appellerai tous mes collègues en témoignage. Et après cette vaste explication, quand on aura bien sondé l’abîme dans lequel on a voulu nous plonger, on reconnaîtra que ceux-là qui ont travaillé la réunion, qui ont demandé des renforts, qui se sont empressés de vous annoncer nos échecs pour hâter l’envoi des secours, s’ils n’obtiennent pas l’honorable fruit de leurs travaux, sont au moins bien fortement in inculpables. Je rendrai, je pourrai me tromper sur quelques détails, les comptes qui me sont demandés; mais je puis annoncer à l’avance qu’il y aura unanimité dans le témoignage de vos commissaires sur les principaux objets de ces rapports.

Je demande que la séance de demain soit consacrée à un rapport préliminaire, car il y aura beaucoup de personnes a entendre, beaucoup de chefs à interroger. On verra si nous avons manqué d’amour pour le peuple, lorsque nous n’avons pas voulu tout à coup priver l’armée des talents militaires dont elle avait besoin, dans des hommes dont cependant nous combattions les opinions politiques, ou si nous n’avons pas au contraire sauvé cette armée.

On verra, par exemple, que, si nous avions donné à cette fameuse lettre qui a été lue partout, excepté dans cette enceinte, les suites que nous aurions pu lui donner, dès qu’elle nous a été connue, on verra que, si nous n’avions pas, dans cette circonstance, mis dans notre conduite la prudence que nous dictaient les événements, l’armée, dénuée de chefs, se serait repliée sur nos frontières avec un tel désordre, que l’ennemi serait entré avec elle dans nos places fortes.

Je ne demande ni grâce, ni indulgence. J’ai fait mon devoir dans ce moment de nouvelle révolution, comme je l’ai fait au 10 août. Et, à cet égard, comme je viens d’entendre des hommes qui, sans doute sans connaître les faits, mettant en avant des opinions dictées par la prévention, me disent que je rende mes comptes, je déclare que j’ai rendu les miens et que je suis prêt à les rendre encore. Je demande que le Conseil exécutif soit consulté sur toutes les parties de ma conduite ministérielle. Qu’on me mette en opposition avec ce ci-devant ministre qui, par des réticences, a voulu jeter des soupçons sur moi.

J’ai fait quelques instants le sacrifice de ma réputation pour mieux payer mon contingent à la République, en ne m’occupant que de la servir. Mais j’appelle aujourd’hui sur moi toutes les explications, tous les genres d’accusation, car je suis résolu à tout dire.

Ainsi préparez-vous à être aussi francs jusque dans vos haines, et francs dans vos passions, car je les attends. Toutes ces discussions pourront peut-être tourner encore au profit de la chose publique. Nos maux viennent de nos divisions; eh bien, connaissons-nous tous. Car comment se fait-il qu’une portion des représentants du peuple traite l’autre de conjurés? Que ceux-ci accusent les premiers de vouloir les faire massacrer? Il a été un temps pour les passions; elles sont malheureusement dans l’ordre de la nature; mais il faut enfin que tout s’explique, que tout le monde se juge et se reconnaisse. Le peuple, il faut le dire, ne sait plus où reposer sa confiance; faites donc que l’on sache si vous êtes un composé de deux partis, une assemblée d’hommes travaillés de soupçons respectifs, ou si vous tendez tous au salut de la patrie. Voulez-vous la réunion? Concourez d’un commun accord aux mesures sévères et fermes que réclame le peuple indigné des trahisons dont il a été si longtemps victime. Instruisez, armez les citoyens; ce n’est pas assez d’avoir des armées aux frontières, il faut au sein de la République une colonne centrale qui fasse front aux ennemis du dedans, pour reporter ensuite la guerre au dehors.

Non seulement je répondrai catégoriquement aux inculpations qui m’ont été et me seront faites ici, dans cette Assemblée qui a l’univers pour galerie, mais je dirai tout ce que je sais sur les opérations de la Belgique, persuadé que la connaissance approfondie du mal peut seule nous en faire découvrir le remède. Ainsi, s’il est un seul d’entre vous qui ait le moindre soupçon sur ma conduite, comme ministre; s’il en est un seul qui désire des comptes itératifs, lorsque déjà toutes les pièces sont déposées dans vos comités; s’il en est un seul qui ait des soupçons sur mon administration, relativement aux dépenses secrètes de révolution, qu’il monte demain à la tribune, que tout se découvre, que tout soit mis à nu, et, libres de défiances, nous passerons ensuite à l’examen de notre situation politique[31].

Ces défiances, quand on veut se rapprocher, sont-elles donc si difficiles à faire disparaître? Je le dis, il s’en faut qu’il y ait dans cette Assemblée les conspirations qu’on se prête. Trop longtemps, il est vrai, un amour mutuel de vengeance, inspiré par les préventions, a retardé la marche de la Convention, et diminué son énergie, en la divisant souvent. Telle opinion forte a été repoussée par tel ou tel coté, par cela seul qu’elle ne lui appartenait pas. Qu’enfin donc le danger vous rallie. Songez que vous vous trouvez dans la crise la plus terrible; vous avez une armée entièrement désorganisée, et c’est la plus importante, car d’elle dépendait le salut public, si le vaste projet de ruiner en Hollande le commerce de l’Angleterre eût réussi. Il faut connaître ceux qui peuvent avoir trempé dans la conspiration qui a fait manquer ce projet; les têtes de ceux qui ont influé, soit comme généraux, soit comme représentants du peuple sur le sort de cette armée, ces têtes doivent tomber les premières.

D’accord sur les bases de la conduite que nous devons tenir, nous le serons facilement sur les résultats. Interrogeons, entendons, comparons, tirons la vérité du chaos; alors nous saurons distinguer ce qui appartient aux passions et ce qui est le fruit des erreurs; nous connaîtrons où a été la véritable politique nationale, l’amour de son pays, et l’on ne dira plus qu’un tel est un ambitieux, un usurpateur, parce qu’il a un tempérament plus chaud et des formes plus robustes. Non, la France ne sera pas ré asservie, elle pourra être embranlée, mais le peuple, comme le Jupiter de l’Olympe, d’un seul signe fera rentrer dans le néant tous les ennemis.

Je demande que demain le Conseil exécutif nous fasse un rapport préliminaire; je demande à m’expliquer ensuite, car le peuple doit être instruit de tout. Les nouvelles reçues hier des armées transpirent déjà. C’est en soulevant petit à petit le voile, c’est en renonçant aux palliatifs que nous préviendrons l’explosion que pourrait produire l’excès de mécontentement. Je demande que le Conseil exécutif, pièces en main, nous rende compte de ses différents agents. Que la vérité colore le civisme et le courage; que nous ayons encore l’espoir de sauver la République, et de ramener à un centre commun ceux qui se sont un moment laissé égarer par leurs passions.

Citoyens, nous n’avons pas un instant à perdre. L’Europe entière pousse fortement la conspiration. Vous voyez que ceux-là qui ont prêché plus persévéramment la nécessité du recrutement qui s’opère enfin pour le salut de la République; que ceux qui ont demandé le tribunal révolutionnaire; que ceux qui ont provoqué l’envoi des commissaires dans les départements pour y souffler l’esprit public, sont présentés presque comme des conspirateurs. On se plaint de misérables détails. Et des corps administratifs n’ont-ils pas demandé ma tète? Ma tète!…. elle est encore là, elle y restera. Que chacun emploie celle qu’il a reçue de la nature, non pour servir de petites passions, mais pour servir la République.

Je somme celui qui pourrait me supposer des projets d’ambition, de dilapidation, de forfaiture quelconque, de s’expliquer demain franchement sur ces soupçons, sous peine d’être réputé calomniateur. Cependant je vous en atteste tous, dès le commencement de la Révolution, j’ai été peint sous les couleurs les plus odieuses.

Je suis resté inébranlable, j’ai marché à pas fermes vers la liberté. On verra qui touchera au terme où le peuple arrivera, après avoir écrasé tous les ennemis. Mais puisque aujourd’hui l’union, et par conséquent une confiance réciproque, nous est nécessaire, je demande à entrer, après le rapport du Conseil exécutif, dans toutes explications qu’on jugera.

XIX. SUR LA TRAHISON DE DUMOURIEZ ET LA MISSION EN BELGIQUE

(1er avril 1793)

La trahison de Dumouriez, dont les opérations avaient, à plusieurs reprises, été défendues par Danton, créa pour celui-ci une nouvelle source d’accusations. Après un discours de Cambacérès, au nom du Comité de défense générale, une défense de Sillery, réclamant l’examen de ses papiers pour se disculper d’une complicité supposée avec Dumouriez, et quelques mots de Fonfrède et de Robespierre, Penières monta à la tribune pour dénoncer un fait que le Moniteur (n° 93) relate en ces termes:

PENIÈRES.—Quelques jours après l’arrivée de Danton et de Delacroix de la Belgique, une lettre écrite par Dumouriez fut envoyée au Comité de défense générale, sans avoir été lue à l’Assemblée. (PLUSIEURS MEMBRES.—Cela n’est pas vrai!) La lettre fut apportée au Comité de défense générale, où Danton fut appelé pour en entendre la lecture; Bréard, qui était alors président, dit qu’il était de son devoir d’en donner connaissance à l’Assemblée. Delacroix lui répondit en ces termes: «Quant à moi, si j’étais président, je ne balancerais pas un moment à exposer ma responsabilité, et la lettre ne serait pas lue; car si un décret d’accusation devait être porté contre Dumouriez, j’aimerais mieux que ma tête tombât que la sienne: Dumouriez est utile à l’armée». Après cette explication, il fut arrêté que le lendemain on ferait renvoyer cette lettre au comité, sans en faire la lecture. Après que ce renvoi fut décrété, Danton nous dit qu’il repartirait avec Delacroix et qu’il promettait de faire rétracter Dumouriez; et il ajouta que, dans le cas où Dumouriez s’y refuserait, il demanderait lui-même le décret d’accusation contre lui. Qu’est-il arrivé? Danton, de retour de la Belgique, ne se présenta ni à l’Assemblée ni au comité. Je lui demande en ce moment: pourquoi, ayant promis de faire rétracter Dumouriez, et ne l’ayant pas fait, n’a-t-il pas demandé contre lui le décret d’accusation.

* * *

Bréard ayant, en quelques mots, expliqué son rôle en cet incident, Danton monta à la tribune pour justifier sa conduite envers Dumouriez, sa mission en Belgique, et confondre ses calomniateurs. A plusieurs reprises son discours fut interrompu. Force nous est donc de suivre le texte du Moniteur (n° 93 et 94) pour donner une physionomie exacte de la séance, et de reproduire toutes les interruptions pour suivre la défense de Danton.

* * *

Je commence par bien préciser l’interpellation faite, elle se réduit à ceci: «Vous avez dit, Danton, que, si vous ne parveniez pas à faire écrire a Dumouriez une lettre qui détruisit l’effet de la première, vous demanderiez contre lui le décret d’accusation. Cette lettre n’ayant point eu lieu, pourquoi n’avez-vous pas tenu votre promesse?»

Voilà la manière dont je suis interpellé. Je vais donner les éclaircissements qui me sont demandés. D’abord, j’ai fait ce que j’avais annoncé: la Convention a reçu une lettre par laquelle Dumouriez demandait qu’il ne fût fait de rapport sur sa première qu’après que la Convention aurait entendu les renseignements que devaient lui donner ses commissaires. Cette lettre ne nous satisfit pas, et, après avoir conféré avec lui, nous acquîmes la conviction qu’il n’y avait plus rien à attendre de Dumouriez pour la République.

Arrivé à Paris à neuf heures du soir, je ne vins pas au comité; mais le lendemain j’ai dit que Dumouriez était devenu tellement atroce, qu’il avait dit que la Convention était composée de trois cents imbéciles et de quatre cents brigands. J’ai demandé que tout fût dévoilé; ainsi tous ceux qui s’y sont trouvés ont dû voir que mon avis était qu’il fallait arracher Dumouriez à son armée.

Mais ce fait ne suffit pas, il importe que la Convention et la nation entière sachent la conduite qu’ont tenue vos commissaires à l’égard de Dumouriez, et il est étrange que ceux qui, constamment, ont été en opposition de principes avec lui soient aujourd’hui accusés comme ses complices.

Qu’a voulu Dumouriez? Établir un système financier dans la Belgique. Qu’a voulu Dumouriez? Point de réunion. Quels sont ceux qui ont fait les réunions? Vos commissaires. La réunion du Hainaut, dit Dumouriez, s’est faite à coups de sabre. Ce sont vos commissaires qui l’ont faite. C’est nous que Dumouriez accuse des malheurs de la Belgique; c’est nous qu’il accuse d’avoir fait couler le sang dans le Hainaut et, par une fatalité inconcevable, c’est nous qu’on accuse de protéger Dumouriez!

J’ai dit que Dumouriez avait conçu un plan superbe d’invasion de la Hollande: si ce plan eût réussi, il aurait peut-être épargné bien des crimes à Dumouriez; peut-être l’aurait-il voulu faire tourner a son profit; mais l’Angleterre n’en aurait pas été moins abaissée et la Hollande conquise.

Voilà le système de Dumouriez: Dumouriez se plaint des sociétés populaires et du tribunal extraordinaire; il dit que bientôt Danton n’aura plus de crédit que dans la banlieue de Paris.

UNE VOIX.—Ce sont les décrets de l’Assemblée, et non vous.

On m’observe que je suis dans l’erreur; je passe à un autre fait plus important: c’est que Dumouriez a dit à l’armée que si Danton et Delacroix y reparaissaient, il les ferait arrêter. Citoyens, les faits parlent d’eux-mêmes; on voit facilement que la commission a fait son devoir.

Dumouriez s’est rendu criminel, mais ses complices seront bientôt connus. J’ai déjà annoncé que Dumouriez a été égaré par les impulsions qu’il a reçues de Paris, et qu’il était aigri par les écrits qui présentaient les citoyens les plus énergiques comme des scélérats. La plupart de ces écrits sont sortis de cette enceinte; je demande que la Convention nomme une commission pour débrouiller ce chaos et pour connaître les auteurs de ce complot. Quand on verra comment nous avons combattu les projets de Dumouriez, quand on verra que vous avez ratifié tous les arrêtés que nous avons pris, il ne restera plus aucun soupçon sur notre conduite.

Citoyens, ce n’est point assez de découvrir d’où viennent nos maux; il faut leur appliquer un remède immédiat. Vous avez, il est vrai, ordonné un recrutement, mais cette mesure est trop lente; je crois que l’Assemblée doit nommer un comité de la guerre, chargé de créer une armée improvisée. Les ennemis veulent se porter sur Paris; leur complice vous l’a dévoilé; je demande qu’il soit pris des mesures pour qu’un camp de cinquante mille hommes soit formé à vingt lieues de Paris; ce camp fera échouer les projets de nos ennemis, et pourra au besoin servir a compléter les armées. Je demande aussi que mes collègues dans la Belgique soient rappelés sur-le-champ.

PLUSIEURS MEMBRES.—Cela est fait.

Je demande enfin que le Conseil exécutif rende un compte exact de nos opérations dans la Belgique: l’Assemblée acquerra les lumières qui lui sont nécessaires, et elle verra que nous avons toujours été en contradiction avec Dumouriez.

Si vos commissaires avaient fait enlever Dumouriez au moment où il était à la tète de son armée, on aurait rejeté sur eux la désorganisation de cette armée. Vos commissaires, quoique investis d’un grand pouvoir, n’ont rien pour assurer le succès de leurs opérations; les soldats ne nous prennent, en arrivant aux armées, que pour de simples secrétaires de commission; il aurait fallu que la Convention donnât à ceux qu’elle charge de promulguer ses lois à la tête des armées une sorte de décoration moitié civile et moitié militaire.

Que pouvaient faire de plus vos commissaires, sinon de dire: il y a urgence, il faut arracher promptement Dumouriez de la tête de son armée? Si nous avions voulu employer la force, elle nous eût manqué; car quel général, au moment où Dumouriez exécutait sa retraite, et lorsqu’il était entouré d’une armée qui lui était dévouée, eût voulu exécuter nos ordres? Dumouriez était constamment jour et nuit à cheval, et jamais il n’y a eu deux lieues de retraite sans un combat: ainsi il nous était impossible de le faire arrêter. Nous avons fait notre devoir, et j’appelle sur ma tête toutes les dénonciations, sûr que ma tête loin de tomber sera la tête de Méduse qui fera trembler tous les aristocrates.

LASOURCE.—Ce n’est point une accusation formelle que je vais porter contre Danton; mais ce sont des conjectures que je vais soumettre à l’Assemblée. Je ne sais point déguiser ce que je pense, ainsi je vais dire franchement l’idée que la conduite de Delacroix et de Danton a fait naître dans mon esprit.

Dumouriez a ourdi un plan de contre-révolution; l’a-t-il ourdi seul, oui ou non?

Danton a dit qu’il n’avait pu, qu’il n’avait osé sévir contre Dumouriez, parce qu’au moment où il se battait, aucun officier général n’aurait voulu exécuter ses ordres. Je réponds à Danton qu’il est bien étonnant qu’il n’ait osé prendre aucune mesure contre Dumouriez, tandis qu’il nous a dit que l’armée était tellement républicaine, que, malgré la confiance qu’elle avait dans son général, si elle lisait dans un journal que Dumouriez a été décrété d’accusation, elle l’amènerait elle-même à la barre de l’Assemblée.

Danton vient de dire qu’il avait assuré le comité que la République n’avait rien à espérer de Dumouriez. J’observe à l’Assemblée que Dumouriez avait perdu la tête en politique, mais qu’il conservait tous ses talents militaires; alors Robespierre demanda que la conduite de Dumouriez fût examinée; Danton s’y opposa et dit qu’il ne fallait prendre aucune mesure contre lui avant que la retraite de la Belgique fût entièrement effectuée. Son opinion fut adoptée.

Voilà les faits, voici comme je raisonne.

MAURE.—Je demande à dire un fait, c’est qu’on a proposé d’envoyer Gensonné qui avait tout pouvoir sur Dumouriez, afin de traiter avec lui du salut de la patrie.

PLUSIEURS MEMBRES.—C’est vrai.

LASOURCE.—Voici comment je raisonne. Je dis qu’il y avait un plan de formé pour rétablir la royauté, et que Dumouriez était à la tête de ce plan. Que fallait-il faire pour le faire réussir? Il fallait maintenir Dumouriez à la tête de son armée. Danton est venu à la tribune, et a fait le plus grand éloge de Dumouriez. S’il y avait un plan de formé pour faire réussir les projets de Dumouriez, que fallait-il faire? Il fallait se populariser. Qu’a fait Delacroix? Delacroix, en arrivant de la Belgique, a affecté un patriotisme exagéré dont jusqu’à ce moment il n’avait donné aucun exemple. (De violents murmures se font entendre.) Et pour mieux dire, Delacroix se déclara Montagnard. L’avait-il fait jusqu’alors? Non. Il tonna contre les citoyens qui ont voté l’appel au peuple et contre ceux qu’on désigne sous le nom d’hommes d’État. L’avait-il fait jusqu’alors? Non.

Pour faire réussir la conspiration tramée par Dumouriez, il fallait acquérir la confiance populaire, il fallait tenir les deux extrémités du fil. Delacroix reste dans la Belgique; Danton vient ici; il y vient pour prendre des mesures de sûreté générale; il assiste au comité, il se tait.

DANTON.—Cela est faux!

PLUSIEURS VOIX.—C’est faux!

LASOURCE.—Ensuite Danton, interpellé de rendre compte des motifs qui lui ont fait abandonner la Belgique, parle d’une manière insignifiante. Comment se fait-il qu’après avoir rendu son compte Danton reste à Paris? Avait-il donné sa démission? Non. Si son intention était de ne pas retourner dans la Belgique, il fallait qu’il le dit, afin que l’Assemblée le remplaçât; et dans le cas contraire, il devait y retourner.

Pour faire réussir la conspiration de Dumouriez, que fallait-il faire? Il fallait faire perdre à la Convention la confiance publique. Que fait Danton? Danton paraît à la tribune, et là il reproche à l’Assemblée d’être au-dessous de ses devoirs; il annonce une nouvelle insurrection; il dit que le peuple est prêt à se lever, et cependant le peuple était tranquille. Il n’y avait pas de marche plus sûre pour amener Dumouriez à ses fins que de ravaler la Convention et de faire valoir Dumouriez; c’est ce qu’a fait Danton.

Pour protéger la conspiration, il fallait exagérer les dangers de la patrie, c’est ce qu’ont fait Delacroix et Danton. On savait qu’en parlant de revers, il en résulterait deux choses: la première, que les âmes timides se cacheraient; la seconde, que le peuple, en fureur de se voir trahi, se porterait à des mouvements qu’il est impossible de retenir.

En criant sans cesse contre la faction des hommes d’État, ne semble-t-il pas qu’on se ménageait un mouvement, tandis que Dumouriez se serait avancé à la tête de son armée?

Citoyens, voilà les nuages que j’ai vus dans la conduite de vos commissaires. Je demande, comme Danton, que vous nommiez une commission ad hoc pour examiner les faits et découvrir les coupables. Cela fait, je vous propose une mesure de salut public. Je crois que la conduite de Dumouriez, mal connue de son armée, pourrait produire quelques mouvements funestes. Il faut qu’elle et la France entière sachent les mesures que vous avez prises; car Dumouriez est, comme le fut jadis Lafayette, l’idole de la République. (De violents murmures et des cris: Non, non! s’élèvent dans toutes les parties de la salle.) Pour les inquiétudes que nos revers ont pu faire naître dans l’âme des Français, il faut que la nation sache que, si l’armée a été battue, c’est qu’elle a été trahie; il faut que la nation sache que, tant que son général a voulu la liberté, l’armée a marché à des triomphes.

Je termine par une observation: vous voyez maintenant à découvert le projet de ceux qui parlaient au peuple de couper des têtes, vous voyez s’ils ne voulaient pas la royauté. Je sais bien que le peuple ne la voulait pas, mais il était trompé. On lui parle sans cesse de se lever. Eh bien! peuple français, lève-toi, suis le conseil de tes perfides ennemis, forge-toi des chaînes, car c’est la liberté qu’on veut perdre, et non pas quelques membres de la Convention.

Et vous, mes collègues, souvenez-vous que le sort de la liberté est entre vos mains; souvenez-vous que le peuple veut la justice. Il a vu assez longtemps le Capitole et le trône, il veut voir maintenant la roche Tarpéienne et l’échafaud. (Applaudissements.) Le tribunal que vous avez créé ne marche pas encore; je demande:

1° Qu’il rende compte tous les trois jours des procès qu’il a jugés et de ceux qu’il instruit; de cette manière on saura s’il a fait justice.

2° Je demande que les citoyens Égalité et Sillery, qui sont inculpés, mais que je suis loin de croire coupables, soient mis en état d’arrestation chez eux.

3° Je demande que la commission demandée par Danton soit à l’instant organisée.

4° Que le procès-verbal qui vous a été lu soit imprimé, envoyé aux départements et aux armées, qu’une adresse soit jointe a ce procès-verbal; ce moyen est puissant; car, lorsque le peuple voit une adresse de l’Assemblée nationale, il croit voir un oracle. Je demande enfin, pour prouver à la nation que nous ne capitulerons jamais avec un tyran, que chacun d’entre nous prenne l’engagement de donner la mort à celui qui tenterait de se faire roi ou dictateur. (Une acclamation unanime se fait entendre. Les applaudissements et les cris: Oui, oui! se répètent à plusieurs reprises. L’assemblée entière est levée; tout les membres, dont l’attitude du serment, répètent celui de Lasource. Les tribunes applaudissent.)

BIROTEAU.—Je demande la parole pour un fait personnel.

Au comité de défense générale, où l’on agita les moyens de sauver la patrie, Fabre d’Eglantine, qu’on connaît très lié avec Danton, qui, dans une séance précédente, avait fait son éloge, Fabre d’Églantine, dis-je, annonce qu’il avait un moyen de sauver la République, mais qu’il n’osait pas en faire part, attendu qu’on calomniait sans cesse les opinions. On le rassura, en lui disant que les opinions étaient libres, et que d’ailleurs tout ce qui se disait au comité y demeurait enseveli. Alors Fabre d’Églantine à mots couverts proposa un roi. (De violents murmures se font entendre.)

PLUSIEURS MEMBRES s’écrient à la fois:—Cela n’est pas vrai!

DANTON.—C’est une scélératesse: vous avez pris la défense du roi, et vous voulez rejeter vos crimes sur nous.

BIROTEAU.—Je vais rendre les propres paroles de Fabre avec la réponse qu’on lui fit. Il dit: (De nouveaux murmures s’élèvent.)

DELMAS.—Je demande la parole au nom du salut public.

Citoyens, je me suis recueilli; j’ai écouté tout ce qui a été dit à cette tribune. Mon opinion est que l’explication qu’on provoque dans ce moment doit perdre la République. Le peuple vous a envoyés pour sauver la chose publique; vous le pouvez; mais il faut éloigner cette explication; et moi aussi j’ai des soupçons, mais ce n’est pas le moment de les éclaircir.

Je demande que l’on nomme la commission proposée par Lasource; qu’on la charge de recueillir tous les faits, et ensuite on les fera connaître au peuple français.

DANTON.—Je somme Cambon, sans personnalités, sans s’écarter de la proposition qui vient d’être décrétée, de s’expliquer sur un fait d’argent, sur cent mille écus qu’on annonce avoir été remis à Danton et à Delacroix, et de dire la conduite que la commission a tenue relativement à la réunion….

* * *

La proposition de Delmas est adoptée unanimement.

* * *

PLUSIEURS VOIX.—Le renvoi à la commission!

Cette proposition est décrétée.

Danton retourne à sa place; toute l’extrême gauche se lève, et l’invite à retourner à la tribune pour être entendu. (Des applaudissements s’élèvent dans les tribunes et se prolongent pendant quelques instants.) Danton s’élance à la tribune. (Les applaudissements des tribunes continuent avec ceux d’une grande partie de l’Assemblée.)_

Le président se couvre pour rétablir l’ordre et le silence. (Le calme renaît.)

LE PRÉSIDENT.—Citoyens, je demande la parole, et je vous prie de m’écouter en silence.

Différentes propositions ont été faites: on avait provoqué une explication sur des faits qui inculpaient des membres de la Convention. Delmas a demandé la nomination d’une commission chargée d’examiner les faits et d’en rendre compte à l’Assemblée. Cette proposition a été adoptée à l’unanimité. Danton s’y était rendu, maintenant il demande la parole pour des explications; je consulte l’Assemblée.

TOUTE LA PARTIE GAUCHE.—Non, non! il a la parole de droit.

Un grand nombre de membres de l’autre côté réclament avec la même chaleur le maintien du décret.—(L’Assemblée est longtemps agitée.)

LASOURCE.—Je demande que Danton soit entendu, et je déclare qu’il n’est entré dans mon procédé aucune passion.

LE PRÉSIDENT.—Citoyens, dans cette crise affligeante le voeu de l’Assemblée ne sera pas équivoque. Je vais le prendre.

L’Assemblée, consultée, accorde la parole à Danton, à une très grande majorité.

DANTON.—Je dois commencer par vous rendre hommage comme vraiment amis du salut du peuple, citoyens qui êtes placés à cette montagne (se tournant vers l’amphithéâtre de l’extrémité gauche); vous avez mieux jugé que moi. J’ai cru longtemps que, quelle que fût l’impétuosité de mon caractère, je devais tempérer les moyens que la nature m’a départis; je devais employer dans les circonstances difficiles où m’a placé ma mission la modération que m’ont paru commander les événements. Vous m’accusiez de faiblesse, vous aviez raison, je le reconnais devant la France entière. Nous, faits pour dénoncer ceux qui, par impéritie ou scélératesse, ont constamment voulu que le tyran échappât au glaive de la loi…. (Un très grand nombre de membres se lèvent en criant: Oui, oui! et en indiquant du geste les membres placés dans la partie droite.—Des rumeurs et des récriminations violentes s’élèvent dans cette partie.) Eh bien! ce sont ces mêmes hommes…. (Les murmures continuent à la droite de la tribune.—L’orateur se tournant vers les interrupteurs.) Vous me répondrez, vous me répondrez…. Citoyens, ce sont, dis-je, ces mêmes hommes qui prennent aujourd’hui l’attitude insolente de dénonciateurs…. (Grangeneuve interrompt.—Les murmures d’une grande partie de l’Assemblée couvrent sa voix.)

GRANGENEUVE.—Je demande à faire une interpellation à Danton….

UN GRAND NOMBRE DE VOIX.—Vous n’avez pas la parole…. A l’Abbaye!

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 ağustos 2016
Hacim:
210 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre