Kitabı oku: «Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange», sayfa 15
»Monsieur le président, je ne puis sinon recevoir très grand contentement de veoir, qu'à présent que Monseigneur mon père a esté esclaircy de la vérité de tout ce qui s'est passé pour mon regard, il m'a fait paroistre, tant l'affection paternelle qu'il me porte, comme sa singulière prudence. En quoy, vous estant conformé à sa volonté, j'ay subject, comme je me sens obligée à mondit seigneur mon père, d'estre satisfaite aussy de vostre part; joinct que mon conseiller X… m'a rendu bien ample tesmoignage des bons offices que vous m'avez faicts, et que vous avez prins la peine de vous employer en ceste dépesche, laquelle est dressée comme ne l'eûsse sceu désirer; dont je vous remercie bien affectionnément, et comme je vous congnoys de longtemps entièrement dédié à mondit seigneur mon père et portant bonne affection à ceux qui ont cest honneur de luy toucher de sy près comme moi, etc., etc.»
Si, par sa déclaration du 25 juin 1581, le duc de Montpensier se réhabilita comme père, en restituant à la princesse la place qu'elle eût dû toujours occuper dans sa famille, de son côté, la duchesse Catherine de Lorraine, se montra, à la même époque, comme belle-mère et comme aïeule, sous un jour favorable dans ses rapports avec Charlotte de Bourbon et l'aînée de ses filles. C'est là un fait généralement ignoré jusqu'ici, et dont la révélation frappera d'étonnement, sans doute, tous ceux qui ne connaissent, au sujet de la seconde duchesse de Montpensier, que les intrigues, les excitations criminelles et les insignes violences auxquelles elle se livra, plus tard, dans les saturnales de la Ligue. Mais il n'en faut pas moins rendre à cette femme, dont le nom n'a réveillé jusqu'ici que de tristes souvenirs, la justice de déclarer: qu'il fut un temps où, encore étrangère à de coupables passions, et accessible à de salutaires influences, elle se sentit attirée vers la princesse d'Orange et rendit hommage à ses hautes qualités, en faisant délicatement remonter jusqu'à elle les éloges qu'elle prodiguait à sa fille aînée.
La petite Louise-Julienne, charmante enfant, formée, comme le furent ses sœurs, à l'image de la princesse, sa mère, n'avait que cinq ans, lorsque la duchesse de Montpensier, qui, soit dit en passant, était une aïeule d'une jeunesse exceptionnelle, attendu qu'à peine venait-elle d'atteindre sa vingt-huitième année, lui écrivit ce qui suit260:
«A ma petite-fille, madamoiselle Loyse de Nassau,
»Ma petite-fille, par les récitz qui m'ont esté faictz de vous, et combien vous estes jolye, saige et accompaignée de perfections, en vostre petit ange, je me suis bien aperçue que c'est pour l'envie que vous avez de faire congnoistre que vous estes vraiment l'aisnée de mes autres petites filles, voz sœurs, et que vous seriez marrie qu'elles eussent rien gaigné sur vous, en ce qui est de vertu et digne de vous; ce qui me donne occasion d'augmenter particulièrement, en vostre endroict, la singulière affection et amytié que je porte à vous et à vosdictes sœurs, et de desirer aussy d'estre continuée en l'amitié que vous tesmoignez envers moy, par la bonne souvenance que vous en avez. Afin doncques que je y sois plus souvent ramentue, je vous envoie un petit présent d'ung phœnix, lequel je vous prie vouloir accepter d'aussy bon cœur que je le vous donne; et soubhaiste que vous le gardiez bien, pour l'amour de moy, qui recevray aussi à beaucoup de plaisir que me rafraîchissiez souvent en la mémoire de monsieur vostre père et de madame vostre mère, et me maintenir en l'heur de leurs bonnes grâces, comme se recommande affectueusement à la vostre,
»Vostre bien affectionnée grant mère.»Catherine de Lorraine.»De Champigny, ce 15e jour de juillet 1581.»
Écrire ainsi, c'était de la part de la duchesse de Montpensier, se montrer fidèle, cette fois, aux exemples de bonté et d'aimables prévenances que lui avait légués sa vénérable grand'mère la duchesse de Ferrare, Renée de France.
Il y a lieu de croire qu'une lettre du duc de Montpensier à Louise-Julienne accompagna celle de la duchesse. Quoi qu'il en ait pu être, on verra plus loin en quels termes bienveillants le duc correspondait avec sa petite-fille et filleule, dont il savait que le cœur, sous l'inspiration maternelle, s'était tourné vers lui.
L'amour de Charlotte de Bourbon pour ses enfants ne se traduisait pas seulement par la direction élevée qu'avant tout elle imprimait à leur cœur et à leur intelligence et par le soin assidu qu'elle prenait de leur santé; il se manifestait aussi par la vigilance éclairée qu'elle apportait au soutien de leurs intérêts personnels dans la gestion de ressources pécuniaires qui leur appartenaient en propre.
Cette vigilance, dont nous avons déjà fourni un exemple261, ressort, de nouveau, de deux lettres que Josse Borluut, premier échevin de la ville de Gand, reçut de la princesse, en 1581, au sujet de la rente accordée, en 1579, par les quatre membres de Flandre à Flandrine de Nassau.
La première des lettres dont il s'agit portait262:
«Monsieur de Borluut, le président Taffin m'a bien et au long déclaré les bons offices que vous avez faits et la peine qu'avez prinse pour obtenir le paiement de la rente de ma fille Flandrine, nonobstant les difficultez qui se sont présentées, à cause de la répartition entre messieurs les quatre membres. Et certes, depuis le commencement de nostre cognoissance, j'ay par effect cogneu et expérimenté vostre prompte volonté et affection à faire plaisir à monseigneur le prince et à moy. De quoy nous nous tiendrons tousjours bien obligez envers vous. – Or, entr'autres points qu'il m'a discourus, l'ouverture par vous faicte me plaist grandement, savoir: que, pour mettre, une fois, fin aux difficultez et débats à cause de ladite répartition, aussi qu'il ne soit besoing d'importuner, à chacune fois, messieurs les quatre membres, pour le fournissement de leur part et portion, cest expédient se pourroit trouver, de transporter à madite fille la terre et seigneurie de Loochrist, aiant appartenu à l'abbé de Saint-Bavon, si comme la maison, bassecourt, fossez et jardinages, et en fonds de terre et héritages, en valeur jusqu'à la concurrence d'iceux 2m fl. par an. Si cela me pouvoit advenir, je me tiendrais, et ma petite fille, de tant plus obligée tant envers vous, pour si bons et agréables offices, qu'envers messieurs de la ville de Gand, en particulier, à cause de leur consentement et agréation, et, en général, envers messieurs les quatre membres, de la bénéficence desquels ladite rente est procédée, sans jamais mettre en oubly une accommodation venue si bien à propos. – Oultre ce, comme j'entends dudit président que ladite seigneurie de L. est de grande valeur et estendue, qu'il y a bien XIII bonniers de terre qu'on a délibéré et résolu de desmembrer et vendre par pièces et portions, pour satisfaire au paiement de quelques debtes particulières; mais veu que l'héritage est la plupart bien planté, l'on feroit beaucoup plus de proffict de le vendre en une masse, car cela est le parement de son estime et valeur. Ce qui me faict vous déclarer comme j'ay envoyé en France, passé longtemps, vers monsieur mon père, affin d'estre satisfaicte, comme mes sœurs, de la succession des biens paternels et maternels. J'ay doncq une bien grande envie et desir d'emploïer le plus que je pourray en l'achapt desdites terres, en donnant la valeur, selon qu'elles seroient appréciées, ou selon le pris qu'elles pourroient estre vendues. Par quoy je vous prie bien affectueusement m'adviser comment en cela je pourrais procéder. – Mais il faudroit, pour quelque peu de temps, supercéder ladite vente, pour le moins jusques à ce que j'auroys nouvelles de France, que j'attends de jour à autre; que lors je sçauray au vray ce que je pourrai emploier; ou jusques à ce que monsieur mon mary vienne à Gand, que j'espère sera de bref. – Or, le plus prouffitable et avantageux seroit, pour les créditeurs et pour les vendeurs, d'avoir affaire avec un seul qu'avec plusieurs, veu mesmes que le commun, en ces temps si calamiteux et estranges, ne viendront à achepter qu'à fort vil pris; et, si les créditeurs le prennent en paiement de ce qu'on leur doibt, ce sera à leur grand advantage et au mescontentement de la commune. Si cela ne se peut impétrer, qu'il vous plaise tenir la main à ce que ladite maison, bassecour, granges, fossez et jardinages ne soient délaissez, soubz telle estimation qu'on trouvera raisonnable; à quoy je ne faudray de satisfaire promptement, et que ladite rente de ma fille Flandrine soit emploiée ès terres et héritages les plus proches de ladite maison, jusques à la concurrence des deniers capitaux portant XXXIIm fl.; à quoy j'adjousteray le plus que je pourray. Vous me ferez en ce que dessus un très singulier plaisir, lequel je ne fauldray de recognoistre, etc., etc. – (P. – S.). Monsieur mon mary trouve plus considérable d'engaiger lesdites terres que de les vendre absolutement; à quoy je serois aussi contente d'entendre. Quand il sera près de vous, ce qui, j'espère, sera de bref, il vous pourra amplement dire les causes et raisons.»
La seconde lettre de la princesse, à six jours de distance de la précédente, était ainsi conçue263:
«Monsieur de Borluut, j'ay reçu la lettre que m'avez escrite par le sieur Lucas Deynart, et entendu de lui les bons offices qu'il vous a plu me faire, en retardement de la vendition de la maison et biens de Loochrist, selon que je vous en avoy prié par mes précédentes lettres, pour en faire accommoder ma fille Flandrine, pour autant que peut porter la rente qu'il a pleu à messieurs les quatre membres lui donner. Je ne vous en puis assez affectueusement remercier, et vous supplie, monsieur de Borluut, de nous continuer en ceci vostre bonne volonté de tenir la main à ce que nous puissions avoir autant de terre, à l'entour dudit Loochrist, que pourront s'étendre les deux mille florins de ladite rente, sans qu'il soit fait difficulté particulière pour la maison; car, encores qu'elle seroit à nous, messeigneurs les quatre membres en pourront disposer comme du leur, en ce qui concerne le bien du pays, auquel le particulier doibt tousjours estre postposé. Ledit sieur Lucas Deynart vous fera entendre sur ce plus particulièrement l'intention de monsieur mon mary et la mienne, et aussy de nos autres nouvelles, ce qui me gardera de vous en escrire; seulement je vous assureray que, l'occasion se présentant, nous n'oublirons point à nous revencher de l'obligation que nous vous avons et que vous augmentez journellement par vos bons offices, etc., etc.»
Tandis qu'une sérieuse union, trop longtemps différée par le duc de Montpensier, venait enfin de s'établir entre lui et ses enfants, une rupture définitive allait éclater entre le roi d'Espagne et les énergiques provinces auxquelles, parmi celles des Pays-Bas, sa domination tyrannique était devenue insupportable.
Cette rupture fut, dans le cours du mois de juillet 1581, immédiatement précédée d'un acte solennel, qui apporta un notable changement dans la position de Guillaume de Nassau. Les provinces de Hollande et de Zélande, à qui la suprématie du duc d'Anjou eût déplu, étaient demeurées étrangères au traité conclu avec lui, le 29 septembre 1580. Usant de la liberté qu'elles s'étaient réservée, quant au choix d'un protecteur suprême, elles conférèrent le pouvoir souverain au prince d'Orange, par une déclaration du 24 juillet 1581, applicable au territoire et aux habitants de chacune d'elles. Le prince n'accepta que provisoirement ce pouvoir.
Six mois auparavant, le duc d'Anjou avait accepté la souveraineté des autres provinces unies. Mais il ne suffisait pas que l'attribution de cette souveraineté impliquât simplement la déchéance de Philippe II; il fallait, de toute nécessité, que cette déchéance fut expressément déclarée.
En conséquence, le 26 juillet 1581, les députés des Provinces-Unies, assemblés à La Haye, formulèrent une déclaration d'indépendance264, à laquelle fut donnée le nom d'acte d'abjuration.
Le préambule de cette déclaration portait:
«Les estats généraux des provinces unies des Pays-Bas, à tous ceux qui ces présentes verront, ou lire oyront, salut!
»Comme il est à un chacun notoire, qu'un seigneur et prince du pays est ordonné de Dieu, souverain et chef de ses sujets, pour les défendre et conserver de toutes injures forces et violences, tout ainsi qu'un pasteur, pour la défense et garde de ses brebis, et que les sujectz ne sont pas créés de Dieu pour le prince, pour luy obéir en tout ce qu'il luy plaît commander, soit selon ou contre Dieu, raisonnablement, ny pour le servir comme esclaves, mais plus tost le prince pour les sujectz, sans lesquels il ne peut estre prince, afin de les gouverner selon droit et raison, les contre-garder et aymer comme un père ses enfans, ou un pasteur ses brebis, qui met son corps et sa vie en danger pour les défendre et garantir.
»Si le prince faut en cela, et, qu'au lieu de conserver ses sujectz, il se met à les outrager, opprimer, priver de leurs priviléges et anciennes coustumes, à leur commander et s'en vouloir servir comme d'esclaves: on ne le doit alors pas tenir ou respecter pour prince et seigneur, ains le réputer pour un tyran. Et ne sont aussi les sujectz, selon droit et raison, obligez de le recognoistre pour leur prince, de manière que, sans en rien mesprendre, signament quand il se fait avec délibération et autorité des estats du pays, on le peut franchement abandonner et, en son lieu, choisir un autre pour chef et seigneur, qui les deffende; chose qui principalement a lieu quand les sujectz par humbles prières, requestes et remontrances n'ont jamais sceu adoucir leur prince, ny le destourner de ses entreprises et concepts tyranniques; en sorte qu'il ne leur soit resté autre moyen que celuy-là, pour conserver et défendre leur liberté ancienne, de leurs femmes, enfans et postérité, pour lesquels, selon la loy de nature, ils sont obligez d'exposer vies et biens, ainsi que, pour semblables occasions, on a vû, par diverses fois, advenir en divers pays et en divers temps, dont les exemples en sont encores tout récens et assez cognus.
»Ce qui principalement doit avoir lieu et place en ces pays, lesquels, d'ancienneté, ont esté et doivent estre gouvernez ensuyvant les serments faicts par leurs princes, quand ils les reçoivent, conformément à leurs priviléges et anciennes coustumes, sans aucun pouvoir de les enfreindre. Joinct aussy que la plupart des dictes provinces ont tousjours reçeu et admis leurs princes et seigneurs, à certaines conditions et par contracts et accords jurez, lesquels si le prince vient à violer, il est, selon droict, décheu de la supériorité du pays.»
Viennent ensuite l'exposé des événements dont les Pays-Bas ont été le théâtre, dans le cours des vingt-cinq dernières années, et l'articulation des accusations dirigées contre la domination de Philippe II265. Après quoi, les états généraux terminent en ces termes:
«Sçavoir faisons que, toutes les choses susdites considérées, et pressez de l'extrême nécessité, comme dit est, avons, par commun accord, délibération et consentement déclairé et déclarons, par cestes, le roy d'Espaigne, ipso jure, decheu de sa seigneurie, principauté, jurisdiction et héritage de ces dits pays; et que sommes délibérez de ne le plus recognoistre en choses quelconques concernant le prince, jurisdiction ou domaines de ces Pays-Bas, ny de plus user ou permettre qu'autres usent doresnavant de son nom, comme souverain seigneur d'iceux.
»Suyvant quoy, nous déclairons tous officiers, seigneurs particuliers, vassaux et tous autres habitans de ces pays, de quelque condition ou qualité qu'ils soyent, estre d'icy en avant deschargez du serment qu'ils ont faict, en quelque manière que ce soit, au roy d'Espaigne, comme seigneur de ces pays, ou de ce qu'ils pourraient à luy estre obligez.
»Et d'autant que, pour les raisons susdites, la plupart desdites provinces unies, par commun accord et consentement de leurs membres, se sont rendues sous la seigneurie et gouvernement du sérénissime prince, le duc d'Anjou, sous certaines conditions contractées et accordez avec Son Alteze, et que le sérénissime archiduc d'Autriche Matthias, a résigné en nos mains le gouvernement général de ces pays, ce qui par nous a esté accepté, ordonnons et commandons à tous justiciers, officiers, et tous autres qu'il appartiendra, que doresnavant ilz délaissent et n'usent plus du nom, titres, grand ny petit sceau, contre-sceau, ny cachets du roy d'Espaigne; et, qu'en lieu d'iceux, tandis que monseigneur le duc d'Anjou, pour ses urgentes affaires concernant le bien et prospérité de ces pays, est encore absent, pour autant que touche les provinces ayant contracté avec son Alteze, et touchant les autres, par forme de provision, ilz useront du titre et nom du chef et conseil du pays; et entretant, que lesdits chefs et conseillers ne seront de fait dénommez, appelez et réellement établis en l'exercice de leurs charges et estats, useront de nostre nom; réservé qu'en Hollande et Zélande, on usera, comme par cy-devant, du nom de monseigneur le prince d'Orange et des estats d'icelles provinces, jusques à ce que ledit conseil sera, comme dit, effectuellement constitué; que lors ilz se régleront en suyvant ce qu'ils ont accordé touchant les instructions dressées sur ledit conseil et accords faits avec sadite Alteze.»
Cependant, Guillaume de Nassau, ne voyant pas encore s'avancer de France, dans la direction des Pays-Bas, les troupes dont l'envoi lui avait été promis par le duc d'Anjou, écrivit, en juillet, à son conseiller Despruneaux266: «J'ay esté bien aise d'avoir entendu de vos nouvelles par M. de Marchais, et eusse esté plus aise de les avoir eues par vous mesme, si la commodité du service de Son Alteze l'eust peu permettre; mais, puisqu'il luy a pleu en disposer autrement, je ne puis que je ne le trouve bon, comme toutes autres choses qui concernent son service et l'advancement de Sa Grandeur. Seulement je vous prieray ne laisser couler aucune occasion sans nous advertir de ce qui se passe pardelà, car il est nécessaire que nous soyons au vray informez, parce que nous ne pouvons autrement dresser nos conseils si certainement; et, combien que je ne doubte que vous ne faciez vostre plein devoir, je ne laisserai toutefois de vous prier d'advancer le plus que vous pourrez l'armée, considérant le temps qu'il y a que tout ce peuple s'y attend. Au reste, je serai bien aise que vous regardiez où j'aurai moïen de m'emploier pour vous, car vous me trouverez toujours prêt à le faire de très bonne affection.»
Le duc d'Anjou, au milieu de l'été, se présenta enfin, avec ses troupes, devant Cambrai, dont il fit lever le siège; il approvisionna la ville et en augmenta la garnison; après quoy, laissant la majeure partie de son infanterie au service des états généraux, sous les ordres du prince d'Epinoy, gouverneur de Tournai, il partit pour l'Angleterre, afin d'y donner suite à son projet de mariage avec la reine Elisabeth.
Les états généraux envoyèrent alors, en Angleterre, Dohain et J. Junius, afin de presser le duc de se rendre dans les Pays-Bas.
De son côté, le prince d'Orange, accompagné du prince d'Epinoy s'en alla en Zélande pour y attendre le duc d'Anjou, et disposer tout ce qui était nécessaire pour la continuation de la guerre.
Plusieurs mois devaient s'écouler encore, avant que le duc d'Anjou se rendît au vœu des états généraux, en quittant l'Angleterre.
Il importe d'exposer ce qui se passa, durant ces mêmes mois, au foyer domestique de Guillaume de Nassau.
CHAPITRE X
Premier testament de Charlotte de Bourbon rédigé le 12 novembre 1581. – Acte de libéralité du 13 novembre. – Autre acte de libéralité du 15 novembre. – Second testament du 18 novembre. – Naissance d'Amélie de Nassau. Son baptême. – Lettre de Guillaume au prince de Condé. – Lettre du duc de Montpensier à sa petite-fille Louise-Julienne. – Arrivée de François de Bourbon à Anvers. – Lettre de lui à son père sur la réception du duc d'Anjou comme duc de Brabant. – Relations du comte de Leicester, à Anvers, avec le prince et la princesse d'Orange. – Lettres qu'ils lui écrivent lors de son retour en Angleterre.
On ne saurait assez entourer d'une respectueuse sympathie l'expression de la foi, des sentiments et des dernières volontés d'une mère chrétienne, alors qu'on la trouve consignée dans un ensemble d'écrits conçus et rédigés sous le regard de Dieu.
L'étude de la noble vie de Charlotte de Bourbon peut heureusement s'appuyer sur la possession d'écrits de cette nature. Quoi de plus touchant, que d'y voir cette jeune mère, pressentant peut-être une fin prochaine, rendre grâce à Dieu du bienfait suprême d'un salut gratuitement accordé, appeler sa bénédiction sur des êtres chéris, leur léguer des gages de sa tendresse et étendre sa généreuse sollicitude sur diverses personnes dont elle apprécie le dévouement!
Ce fut à l'approche d'un événement de famille dont l'issue pouvait être un sujet de deuil, aussi bien qu'un sujet de joie, que Charlotte de Bourbon crut devoir formuler, dans divers écrits, des déclarations et des dispositions, dont la teneur doit être fidèlement reproduite ici.
La princesse était alors dans un état avancé de grossesse. Obligé de se rendre à Gand, son mari venait de la laisser à Anvers.
Répondant au désir qu'elle lui avait exprimé d'être autorisée par lui, conformément aux usages de l'époque, à faire tels testaments et codicilles qu'elle jugerait à propos de rédiger, le prince lui adressa, de Gand, l'autorisation suivante267:
«Guillaume, par la grâce de Dieu, prince d'Orange, comte de Nassau, etc., à tous ceux qui ces présentes verront, salut!
»Comme nous avons esté requis par nostre chère et bien-aimée épouse et compaigne de luy accorder et donner puissance et authorité de faire et ordonner son testament et disposition de dernière volonté, nous, pour le bon amour et inclination naturelle que nous luy portons, inclinans à son désir, luy avons volontairement accordé de pouvoir faire testament, un ou plusieurs, faire codicilles, et disposer entièrement de ses biens, tant meubles qu'immeubles, les laisser, léguer et donner par donation à cause de mort, par forme de testament, légat ou fidéicommis, à telle personne que bon luy semblera.
»En tesmoing de quoy avons fait expédier ces présentes soubz nostre seing et sceel de nos armes.
»Fait en la ville de Gand, ce 14e jour de novembre, l'an 1581.
»Guillaume de Nassau
»Par ordonnance de Son Excellence:
»Valicome.»
Un premier testament de la princesse, en date du 12 novembre 1581, porte268:
«Pour ce qu'il n'est rien plus incertain que la vie, et plus certain que la mort, après avoir supplié nostre Dieu, père éternel de tous ses esleus, de me faire la grâce, qu'à quelque heure qu'il luy plaise de m'apeler, et de quelque maladie que ce soit, il me veuille donner congnoissance de luy jusqu'à la fin, accompagnée d'ungue vraie et vive foi, avec espérance en sa miséricorde, par Jésus-Christ, nostre Seigneur; aussy qu'il luy plaise m'oster tout regret et affection des choses terrestres, desquelles néant moins, d'aultant qu'il n'en deffend point le soing et prévoïance, je désire, devant qu'il luy plaise de m'appeler, faire déclaracion de ma voullonté à monsieur le prince, mon mari, m'aseurant que, pour l'amitié qu'il me porte, il ne l'aura point désagréable.
»En premier donc, je luy supplie très humblement que des cinq filles que Dieu nous a données ensemble, et l'enfant dont j'espaire, moïennant sa grâce, estre délivrée heureusement, il en veuille prendre grant soin, les fesant instruire en la crainte de Dieu et religion crestienne; et oultre cela, qu'il plaise à mondit seigneur faire ungue plus claire et spécialle déclaracion du bien qu'il luy plaira leur laisser qu'elle n'est contenue en nostre contrat de mariage, aïant égard, que de prétensions quy sont en France, il n'y a point grant aparance d'en pouvoir jouir, affin qu'il luy plaira d'y pourvoir de quelque autre costé, et de leur lesser le bien qu'il leur vouldra faire, clair et net, aultant qu'il sera possible; à quoy il semble que mondit seigneur le prince, mon mari, peut, de son vivant, donner ordre, le tout dépendant en ungue bonne partie de la déclaracion de sa voullonté, puisqu'il s'est réservé de la pouvoir déclarer par son testament.
»Je supplie aussy très humblement monseigneur le prince mon mari, de pourchasser vers le roy les quarante mille livres qui me sont deubs de la pension qu'il a pleu à Sa Majesté de m'acorder, laquelle je supplie très humblement d'avoir tousjours mes enfans pour recommandés, et se souvenir que, comme ressentant le debvoir de très humble subjecte et servante, je n'ay jamais prins alliance à mondit seigneur le prince, mon mari, sans premièrement le faire entendre à Sa Majesté et aussy Son Altesse; qui me faict espérer que cella les rendra tant plus favorables envers mes enffans; dont je leur fais très humble requeste, et à monseigneur mon père, d'emploïer sa faveur à cest affaire et selon le bien et l'honneur qu'il y a plû déjà me faire, qu'il luy plaise continuer ceste bonté et amour paternelle envers mes enfans; comme je fais aussy pareille et très humble requeste à madame ma belle-mère et à monsieur mon frère, affin qu'il leur plaise les avoir tousjours pour recommandés.
»Je supplie aussy très humblement monsieur le prince, mon mari, d'avoir tous mes serviteurs et servantes pour recommandés, et me permettre d'user de quelque libéralité envers eux, comme il s'en suit:
»Au sieur de Tontorft et à sa fame, douze cents florins contant, et deux cents livres de rente, leur vie durant, en considération des bons services que j'ai resceus d'eux, et mesme sadite fame qui m'a servie avec tel soing et fidélité, l'espace de vingt ans, que j'ay grande occasion de m'en contenter, quy me faict supplier très humblement mondit seigneur le prince d'y avoir esgard et retenir ledit Tontorft à son service, avec le trestement de quatre cents florins par an, qu'il luy plaist luy donner à ceste heure, et se souvenir de luy faire passer lettres de deux cents florins par an, qu'il luy a pleu luy promettre, sa vie durant. Je désire qu'il luy plaise retenir sa fame près de nos enfans, avec le trestement ordinaire que je luy donne.
»Je lesse aussy au sieur de Minay trois cents livres de rente, sa vie durant, oultre douze cents livres, pour ungue fois, que je luy ay déjà ordonné, en recognoissance du service quy m'a faict, m'aiant accompagné de France en Allemaigne et secourue, trois ans, à Heydelberg, pour m'assister en mes affaires; quy me faict supplier très humblement monsieur le prince, mon mari, de luy lesser sa vie durant, la conduite des terres de Montfort, Cuisseaux et Beaurepere, assises en la Duché de Bourgogne, avec quelque honorable traictement.
»A mademoiselle de la Montaine, je luy lesse quatre cents florins et cent livres de rente, sa vie durant, suppliant monseigneur le prince de la lesser aussi aussi auprès de nos enfans avec son trestement ordinaire.
»A mademoiselle de Secretan, je luy lesse deux cents florins.
»A Marie de Sainte-Aldegonde, à Heurne et à Berlau, à chacune je lesse trois cents florins.
»A Cécile, ma fame de chambre, deux cents florins.
»A Jaqueline, ma fille de chambre, deux cent florins.
»A ma sage-fame, deux cents florins.
»A la nourrice, oultre ses gages, soixante florins.
»Aux cinq servantes de mes enfans, à chacune vingt florins.
»A la servante de Madame Tontorft, cinquante florins.
»Aux sieurs de Villiers, ministre, et Taffin, le ministre, je lesse à chacun quatre cents florins.
»Au sieur président Taffin, aussy, je luy laisse quatre cents florins, pour quelque petit témoignage de la bonne voullonté que je luy porte.
»Me tenant obligée à eux des bons services et bons offices que j'en ai resceus, m'asseurant quy les continueront à l'endroict de mes enfans.
»A Frommassière, gentilhomme ordinaire de nostre maison, je luy lesse trois cents florins.
»A Pierre Aruval, mon secrétaire, deux cents florins.
»A Piere, mon tailleur, soixante florins.
»A mestre Hanri, servant tant pour la garde de la table, que du garde-manger, cinquante florins.
»A France, servant à mon cartier, cinquante florins.
»Au cocher, palefrenier et garçon de mon écurie, à chacun ungue année de leur gage.
»A Jolitens, deux cents florins.
»Aussy il se trouvera ung mémoire signé de ma main, d'aultres petites debtes, à quoy il plaira à monseigneur le prince de satisfaire, s'il advenoit que je n'y aie point donné ordre.
»Comme aussy, il plaira à monseigneur d'avoir esgard que j'ay bien employé sept mille florins de la rente de mes filles Elizabeth et Flandrine, dont le président Taffin a fait estat jusqu'à environ quatre mille. Et du reste, madame Tontorft a ung mémoire à quoy je les ay emploïé, qui est tout pour la nécessité de la maison ou extraordinaire, par le commandement de mondit seigneur, mon mari, que je supplie très humblement que le tout soit emploïé au proufit des enffans, soit en les deschargeant et satisfaisant aux deniers que j'ordonne par ce présent testament; à quoy en oultre, j'oblige la rente que monseigneur le duc de Montpensier, mon père, m'a accordée, en cas quy n'y seroit aultrement pourveu par mondit seigneur, mon mari, de la bonne voullonté duquel je m'asseure pour l'honneur, amitié et bon traitement que j'en ai tousjours resceu; mais quant à la rente viagère, j'entends qu'elle soit assignée sur la rente des quatrevingt mille livres que mondit seigneur mon père m'a assignée.
»Fait à Envers, ce 12 novembre 1581.»Charlotte de Bourbon»
Un écrit du 13 novembre 1581 contient, en deux colonnes distinctes, ce qui suit269:
Un autre écrit, du 15 novembre, également en deux colonnes, contient ce qui suit270:
Le 18 novembre 1581, la princesse rédigea un second testament qui, loin d'infirmer, soit celui du 12 novembre, soit les écrits des 13 et 15 du même mois, en maintint, au contraire, expressément les dispositions.
Voici le texte de ce second testament271.
«Au nom de Dieu, le père, le fils et le Saint-Esprit, amen.
»Comme ainsy soit qu'à toute personne est ordonné de mourir, et qu'il n'y a rien plus incertain que le jour de la mort, et qu'il est expédient, pour attendre ce jour-là avec plus de repos et contentement d'esprit, de disposer, de bonne heure, et ce, pendant que Dieu en donne le moïen, de sa maison, en faisant déclaration de ce que l'on desire estre gardé et observé après la mort, et singulièrement en la conduite et gouvernement de ses enfans, et assignation des biens que Dieu donne;