Kitabı oku: «Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange», sayfa 23
XIX
Circonstances qui déterminèrent Jauréguy à attenter à la vie du prince d'Orange
(De Thou, Hist. univ., t. VI, p. 178 à 180.)
«Depuis la proscription du prince d'Orange, Jean d'Ysunca, Biscayen, natif de la ville de Victoria, qui avoit été autrefois commissaire des vivres aux Pays-Bas, cherchoit continuellement quelque moyen d'avancer sa fortune. Pendant qu'il étoit occupé de cette pensée, il apprit que Gaspard d'Annastro, son compatriote, qui faisoit depuis longtemps la banque à Anvers, étoit sur le point de faire banqueroute. Il crut que dans le désordre où étoient ses affaires il ne seroit pas difficile de l'engager à quelque coup hardi.
»Il y avoit environ dix mois qu'il lui avoit écrit de Lisbonne, et il l'avoit depuis fait solliciter par ses émissaires d'entreprendre une chose qui lui seroit, disoit-il, aussi honorable qu'utile, qui tourneroit à la gloire de Dieu, que le prince d'Orange attaquoit par son hérésie, et à la tranquillité des Pays-Bas qu'il troubloit par sa révolte. Et, pour l'encourager, il lui envoya un brevet du roi, qui lui promettoit, après l'action, quatre-vingt mille ducats, argent comptant, une commanderie de Saint-Jacques, et une fortune éclatante.
»Annastro, effrayé du péril auquel il s'exposeroit, balança longtemps; mais enfin ses malheurs augmentant tous les jours, il prend conseil de son désespoir, s'ouvre à son caissier, nommé Antoine de Venero, natif de Bilbao, et, après lui avoir découvert le mauvais état de ses affaires, il lui communiqua la proposition d'Ysunca. Il fondoit en larmes en lui parlant; et Venero, touché des malheurs de son maître, laissa aussi tomber des larmes. Cependant la proposition lui fit horreur, soit par la vue du péril, soit par un motif de conscience.
»Annastro, voyant que Venero ne s'offroit point à le servir, lui demanda s'il croyoit que Jean de Jauréguy fût disposé à entreprendre un coup pareil. Ce Jauréguy, qui servoit à la banque, étoit un jeune homme d'environ vingt ans, d'un caractère sombre et opiniâtre; ce qui faisoit juger à son maître que, s'il se déterminoit une fois, il ne reculeroit pas.
»Venero lui en fit un scrupule, et lui demanda si, en conscience, il pouvoit exposer un jeune étourdi à une mort certaine. Mais Annastro soutint que, le prince d'Orange ayant été déclaré criminel de leze-majesté et proscrit par le prince qui a droit de suppléer à la loi, il étoit permis à tout le monde de le tuer, comme un homme justement condamné, qu'il avoit consulté les théologiens d'Espagne et qu'ils lui avoient répondu qu'il n'y avoit point de difficulté; qu'ainsi il ne lui restoit aucun scrupule sur cet article.
»Aussitôt, ayant renvoyé Venero, il fait venir Jauréguy et, jetant un grand soupir, à son abord: « – Si je ne connaissois, dit-il, votre fidélité, votre constance et votre piété sincère, je ne m'adresserois pas à vous, dans l'état malheureux où sont les affaires publiques et les miennes. Vous voyez encore mes yeux tout rouges et baignés de pleurs, et je crois que vous n'en ignorez pas la cause; car je remarque depuis longtemps que vous êtes sensible aux outrages que l'on fait à notre souverain, et que, quoique vous soyez né en Espagne aussi bien que moi, vous ne laissez pas d'être touché des maux de ces provinces, qui sont à notre égard, comme une seconde patrie. J'ai vû d'ailleurs que vous plaigniez sincèrement mon sort et que vous étiez touché de me voir réduit à un état si malheureux par la faute et par le malheur d'autrui. Il y a longtemps que je cherche quelque moyen de me tirer de l'abyme où je suis: mais enfin voici une occasion que m'offre la Providence. Vous pouvez, si vous avez du courage, délivrer votre roi, votre patrie, et votre maître. Considérez qui est la cause et l'auteur de tous nos maux: c'est sans doute le prince d'Orange, qui, après avoir violé la foi qu'il devoit à Dieu, vient de renoncer hautement à celle qu'il avoit jurée à son roi. Quoique proscrit, comme il le méritoit, il a eu l'insolence de publier un écrit injurieux, où il ose attaquer le nom et la majesté de son prince; et, pour comble d'attentat, après avoir fasciné les esprits par ses manières populaires, il vient de donner aux habitans du pays un prince étranger pour souverain. Notre roi l'a donc justement condamné à mort. C'est de cet homme qu'il faut nous défaire, si nous voulons nous acquitter de ce que nous devons à Dieu, au roi et à la patrie. Le roi promet de grandes récompenses; mais j'en suis moins touché, quoiqu'elles puissent être utiles pour mes affaires et pour les vôtres, que du devoir que notre conscience nous impose. Il me semble qu'elle nous reproche notre lâcheté, disons plus, notre perfidie, si nous laissons vivre plus longtemps un tyran, ennemi de Dieu et des hommes, et qui est né pour le malheur et pour la ruine de ces provinces.»
»En parlant ainsi, il fondoit en larmes, et, jugeant à la mine du jeune homme et à son regard fixe, qu'il entroit dans ses vues, il se jeta à son cou et l'embrassa étroitement.
»Jauréguy aussitôt lui répondit avec un air intrépide: « – Je suis tout prêt; me voilà affermi dans un dessein que je méditois depuis longtemps. Je méprise le péril et les conditions; je n'en veux aucune, et je suis résolu à mourir. Voyez seulement de quelle arme je dois me servir. Comme je n'ai pas l'usage des armes à feu, je serai plus sûr avec le fer. Je ne vous demande qu'une grâce: c'est de prier Dieu pour moi, d'obtenir du roi qu'il fasse du bien à mon père, et qu'il ne laisse pas mourir ce vieillard dans la misère.
» – Je loue votre résolution et votre fermeté, interrompit Annastro; mais il faut que vous ayez une meilleure idée du succès: j'espère que vous vivrez et que vous jouirez de la gloire qu'une si belle action vous promet. Comptez sur l'efficacité des prières et des vœux dont je vais vous montrer des copies.»
»Aussitôt il remplit ses tablettes d'enchantemens et de billets superstitieux, conçus en forme de prières; mais surtout il y glisse un écrit sur lequel il comptoit beaucoup plus que les prétendus secrets de la magie; et il eut soin de le disposer de manière qu'on ne pouvoit s'empêcher de le lire dès qu'on tenoit les tablettes. Par cet écrit on promettoit, au nom du roi, que si le magistrat de quelque ville que ce fût traitoit bien celui qui auroit tué le prince d'Orange, cette ville obtiendroit du roi toutes les grâces qu'elle voudroit demander. Annastro, qui craignoit quelque remords de la part de ce jeune furieux, dès qu'il seroit de sang-froid, étoit bien aise de lui faire espérer l'impunité.
»Cette ruse lui réussit; et Jauréguy, persistant dans sa résolution, entreprit de l'exécuter, au dimanche, 18 de mars.
»Annastro était sorti de la ville, le mardi d'auparavant: ayant passé à Bruges, à Dunkerque et à Gravelines, il s'étoit rendu à Tournai.
»Le jour que Jauréguy avoit pris étant arrivé, il se confessa à Antoine Timmermann, autrefois dominicain, qui avait coutume de dire la messe en secret dans la maison d'Annastro et de faire des conférences de piété pour lui et de ses domestiques. A la fin de sa confession, ce forcené ajouta qu'il avoit résolu de tuer le prince d'Orange, pour délivrer les Pays-Bas de la tyrannie et de l'hérésie. Timmermann approuva ce dessein, pourvu que ce ne fût point l'avarice qui conduisît sa main, mais la gloire de Dieu, le service du roi, et le bien de sa patrie. A cette condition, il fut absous de ses péchés, et, après la messe, il reçut l'Eucharistie.
Jauréguy dit ensuite à Venero qu'il alloit exécuter son projet, il but un coup d'un vin étranger, et se rendit à la citadelle, où logeoit le prince d'Orange.»