Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 16
CHAPITRE XXV
Le baron de Vicq, l'abbé de Saint-Ambroise et la galerie de Marie de Médicis. – Rubens à Paris, se lie avec Peiresc, M. de Valavès et les frères Dupuy, et entretient avec eux une active correspondance.
1624 – 1627
Peu de temps après cette lettre, Peiresc trouva l'occasion qu'il cherchait depuis longtemps de voir Rubens, et de lier avec lui connaissance autrement que par lettres. On sait qu'après avoir fait construire le palais du Luxembourg, sur le modèle du palais Pitti de Florence, la reine Marie de Médicis résolut, vers 1621, de le faire décorer de peintures représentant l'histoire de sa vie. Les archiducs Albert et Isabelle avaient alors pour ambassadeur à la cour de France le baron de Vicq, ami et grand admirateur de Rubens. Cet envoyé vanta le talent du peintre flamand, et l'éloge qu'il en fit fut chaudement appuyé par l'aumônier de la reine, Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise, grand amateur et collectionneur d'estampes, bon connaisseur en fait de peintures, et au demeurant homme de goût et de savoir, dont Philippe de Champaigne a fait le portrait, qui a été gravé par L. Vosterman349. La reine résolut donc de charger Rubens des peintures du Luxembourg, et elle pria le baron de Vicq de faire connaître son désir à l'artiste. Rubens s'empressa de répondre à cet appel, en se rendant à Paris au commencement de l'année suivante. Présenté à Marie de Médicis par l'ambassadeur flamand, il accepta le périlleux honneur de représenter, à l'aide de l'histoire et de l'allégorie, les principaux événements de la vie agitée de cette princesse. Pour la mettre à même d'apprécier son imagination et le style dans lequel il entendait exécuter son sujet, le peintre fit des esquisses ou cartons en grisaille, qu'il donna plus tard à l'abbé de Saint-Ambroise, chez lequel de Piles put les voir. Malheureusement, ces cartons ne sont pas restés en France: dix-huit d'entre eux sont aujourd'hui au musée de Munich, et on ignore ce que les trois autres sont devenus350. Dès qu'il fut de retour à Anvers, Rubens se mit à l'œuvre avec sa verve et son ardeur accoutumées; et quatre ans ne s'étaient pas écoulés, qu'il avait entièrement achevé les vingt et une compositions capitales qui font aujourd'hui l'un des principaux ornements de la grande galerie du Louvre. Vers le commencement de 1625, selon la correspondance de Rubens, ainsi que le démontre la notice sur cet artiste de M. Villot351, elles étaient disposées dans la galerie du Luxembourg aux places qu'elles y ont conservées jusqu'à l'époque de notre première révolution.
L'exécution de ces grandes et brillantes toiles avait obligé Rubens à faire plusieurs voyages à Paris. C'est pendant l'un de ses premiers séjours dans cette ville, au commencement de 1622, qu'il y rencontra Peiresc, et qu'il acheva de resserrer avec lui des relations commencées par la correspondance du savant magistrat français avec Gevaërts. Peiresc fut tellement charmé de ses entretiens avec Rubens, qu'il ne put s'empêcher d'écrire à Gevaërts, de Paris, le 26 février 1622, la lettre suivante, qui peint bien son amour pour les lettres et les arts, et qui montre également quelle impression favorable Rubens laissait de sa personne, de son instruction et de son amabilité aux hommes les plus compétents pour le bien juger. – «Monsieur, la bienveillance de M. Rubens, que vous m'avez procurée, m'a comblé de tant de bonheur et de contentement, que je vous en devrai des remercîments tout le temps de ma vie, ne pouvant assez me louer de son honnêteté, ni célébrer assez dignement l'éminence de sa vertu et de ses grandes parties, tant en l'érudition profonde et connaissance merveilleuse de la bonne antiquité, qu'en la dextérité et rare conduite dans les affaires du monde, non plus que l'excellence de sa main, et la grande douceur de sa conversation, en laquelle j'ai eu le plus agréable entretien que j'eusse eu de fort longtemps, durant le peu de séjour qu'il a fait ici. Je vous porte une grande envie d'avoir la commodité que vous avez d'en jouir d'ordinaire comme vous pouvez, même à cette heure que vous avez acquis une charge nouvelle dans Anvers, laquelle vous en approchera davantage que vous n'espériez. Je vous félicite de bon cœur l'un et l'autre bien, et prie Dieu qu'il vous en fasse longuement jouir; vous suppliant de me continuer les mêmes bons offices en son endroit, et me conserver en l'honneur de ses bonnes grâces et des vôtres352.»
C'est pendant son séjour à Paris que Rubens se lia également avec M. de Valavès, frère de Peiresc, ainsi qu'avec les deux frères Jacques et Pierre Dupuy, le premier, garde de la bibliothèque du roi, l'autre, conseiller du roi et ensuite garde de sa bibliothèque. Lorsqu'il fut revenu définitivement à Anvers, Rubens continua d'entretenir avec ces savants une active et très-intéressante correspondance, roulant sur des sujets d'érudition, d'histoire et de philologie, et plus souvent encore sur des monuments de l'antiquité, tels que médailles, camées et autres objets d'art, dont il faisait un échange avec Peiresc et son frère, ou encore sur des découvertes alors récentes faites à Rome353. Les lettres de l'artiste montrent la variété de ses connaissances et l'étonnante activité de son esprit. Après les avoir lues, il est permis d'affirmer que Rubens était un savant de premier ordre, capable de rivaliser avec les érudits de profession les plus remarquables de son siècle, et l'emportant même sur eux par la facilité avec laquelle il parlait et écrivait les principales langues modernes de l'Europe354. On peut dire que sa main savait se servir aussi bien de la plume que du pinceau, et que le temps qu'il donnait à l'art n'était pas perdu pour les lettres, puisque, tout en peignant, il se faisait lire les plus beaux passages des principaux écrivains de l'antiquité, spécialement d'Homère, Virgile et Plutarque355. C'est donc avec raison que Peiresc félicitait Gevaërts de posséder un tel ami, et lui portait envie «d'avoir la commodité d'en jouir d'ordinaire.»
CHAPITRE XXVI
Second voyage de Rubens en Espagne. – Il fait, pour Gevaërts, des recherches dans les manuscrits grecs de Marc-Aurèle, à l'Escurial. Intelligence supérieure de Rubens. – Passages d'une de ses lettres à Gevaërts, où il lui recommande son fils Albert, après la mort d'Isabelle Brant.
1628 – 1629
On sait que Rubens, mêlé d'abord aux négociations qui se poursuivaient en Hollande entre l'Espagne, l'Angleterre et les Provinces-Unies, fut, en 1628, envoyé à Madrid auprès du roi Philippe IV, qui avait manifesté à l'infante Isabelle le désir de le voir. Gevaërts, qui préparait alors un commentaire sur les Pensées de Marc-Aurèle, voulut profiter du voyage de son ami pour s'assurer s'il ne pourrait pas trouver quelque texte inédit ou inconnu de cet auteur dans les manuscrits de la bibliothèque de l'Escurial; il chargea donc Rubens de faire cette recherche, et de collectionner avec soin ces manuscrits. Bien que l'artiste fût très-préoccupé de sa mission politique, principal objet de son voyage, et que, d'un autre côté, il fût obligé, pour satisfaire le roi et les principaux seigneurs de sa cour, d'employer presque toutes ses journées à peindre soit des portraits, soit des tableaux de sa composition; il sut néanmoins trouver le temps de rendre ce service à Gevaërts. Voici la lettre qu'il lui écrivait à ce sujet, le 29 décembre 1628, quelque temps après son arrivée à Madrid. On y voit qu'il avait été feuilleter les manuscrits grecs et les livres de la bibliothèque de San-Lorenzo, pour y trouver le texte complet des douze livres du traité de Marc-Aurèle Antonin.
«J'ai fait, lui écrit-il, quelque diligence pour savoir s'il serait possible de trouver dans les bibliothèques particulières quelque chose de plus que ce qui est connu jusqu'ici de votre Marcus, mais je n'ai encore rien obtenu. Il ne manque cependant pas de gens qui affirment avoir vu dans le célèbre trésor de Saint-Laurent deux manuscrits portant le titre du divin Marcus. Mais, d'après les circonstances, d'après le volume et l'apparence des manuscrits, car j'avais affaire à un homme qui ne savait pas un mot de grec, je n'en augure rien de nouveau ni d'important; je pense même que le tout est connu et ne compose que les œuvres de Marcus depuis longtemps publiées. Il ne m'appartient pas de rechercher si l'on peut, en collationnant les textes, en tirer quelque lumière ou un déluge de gloses (aut sordium eluvies); le temps, mon genre de vie, mes études, m'enchaînent d'un autre côté, et, de plus, mon génie particulier m'éloigne de ce profond sanctuaire des Muses… Je voudrais voir le volume des inscriptions d'Afrique, non-seulement pour votre Marcus et dans le désir de vous rendre service (ce que d'autres peuvent faire et même avec plus d'exactitude), mais pour satisfaire à mes goûts particuliers356.» – Ainsi ce grand artiste était également un érudit de premier ordre, capable, comme Juste-Lipse, de discuter et commenter les textes les plus obscurs des manuscrits grecs ou latins. Nous ne croyons pas qu'il ait jamais existé un artiste aussi profondément, aussi universellement instruit que Rubens, ni mieux doué du côté de l'intelligence. Sous ce rapport, Léonard de Vinci et Michel-Ange peuvent seuls être mis en comparaison avec lui; et si Michel-Ange est supérieur à tous, c'est parce qu'il était aussi grand poëte qu'artiste également éminent dans la statuaire, la peinture et l'architecture. Ce qu'il y a de remarquable, à l'éternel honneur de l'art, c'est que ces trois grands hommes d'un si prodigieux génie furent également au nombre des plus honnêtes de leur siècle, comme Raphaël, Corrège, Titien, Albert Durer, Poussin, Lesueur et tant d'autres. Preuve éclatante que l'amour et l'étude de l'art élèvent l'âme, la soutiennent, par l'idéal, à la source des sentiments vrais et désintéressés, loin des vils désirs que font naître l'ambition et l'amour des richesses, ces deux grands mobiles qui dirigent la plupart des hommes. Si Rubens consentit à servir d'agent secret à l'archiduchesse Isabelle, au roi d'Espagne et au roi d'Angleterre pour nouer des négociations délicates, on ne doit pas oublier que le but de ces négociations était d'obtenir la fin de la guerre qui désolait depuis si longtemps une grande partie de l'Europe. En plaçant sa mission sous le patronage de sa réputation d'artiste, les rois honoraient son génie, et Rubens rendait à son pays et à l'humanité un service signalé, puisqu'il faisait servir l'art à rétablir la paix du monde, pax optima rerum.
Avant son départ pour l'Espagne, il avait perdu, le 29 septembre 1626357, sa première femme Isabelle Brant, dont la mort lui causa un très-vif chagrin. Il en avait eu deux enfants, Albert et Nicolas, ce dernier très-jeune encore au décès de sa mère. En quittant la ville d'Anvers, Rubens avait vivement recommandé ses enfants à son fidèle Gevaërts. Dans sa lettre du 29 décembre 1628, il lui dit: «Je vous supplie de prendre mon petit Albert, cet autre moi-même, non pas dans votre sanctuaire, mais dans votre musée. J'aime cet enfant, et c'est à vous, le meilleur de mes amis, à vous le pontife des Muses, que je le recommande vraiment, pour que vous en preniez soin, de concert avec mon beau-père et mon frère Brant, soit pendant ma vie, soit après ma mort.»
CHAPITRE XXVII
De Madrid, Rubens revient à Anvers et repart pour l'Angleterre. – Impression que produit sur lui la vue de ce pays. – Lettre à Gevaërts à l'occasion de la mort de la femme de ce dernier. – Il déplore les lenteurs qui retardent la paix. – Ses relations avec les familles Van Halmale et Clarisse, d'Anvers.
1629 – 1630
Rubens quitta Madrid le 26 avril 1629, traversa Paris, sans s'y arrêter, le 12 mai, et quelques jours après il était à Bruxelles. Mais l'infante le fit repartir presque immédiatement pour l'Angleterre. Tout en y poursuivant la conclusion de la paix, notre peintre fit plusieurs portraits, et composa, pour le comte d'Arundel358 et d'autres grands seigneurs, quelques grands tableaux qui excitèrent l'admiration des connaisseurs, alors peu nombreux dans ce pays. Mais ce n'est point pendant son séjour à Londres, comme on l'a cru longtemps, que Rubens exécuta les fameuses peintures du plafond de White-Hall. Il résulte de documents authentiques, publiés récemment par M. Carpenter359, que ces toiles furent peintes par Rubens à Anvers, et terminées en 1637; il reçut trois mille livres sterling pour ces compositions, et le roi d'Angleterre lui donna en outre une chaîne et une médaille en or.
La vue de l'Angleterre produisit sur Rubens une impression profonde, si l'on en juge par ce passage d'une de ses lettres adressée à Pierre Dupuy, de Londres, le 8 août 1629:
«Si j'avais, dans ma jeunesse, visité en si peu de temps des contrées et des cours si différentes, cela m'aurait été alors bien plus utile qu'à l'âge où je suis. Mon corps serait un peu plus robuste pour endurer les incommodités de la poste, et mon esprit, par l'expérience et la connaissance des peuples les plus divers, aurait pu se rendre capable de plus grandes choses dans l'avenir. Au lieu que mon corps consume aujourd'hui ce qui lui reste de forces, et que je n'aurai plus le temps de jouir du fruit de tant de fatigues. Je n'y aurai gagné que de pouvoir mourir plus savant. – Pourtant, je me console en songeant avec délices à toutes les belles choses que j'ai rencontrées sur ma route. Cette île, par exemple, me paraît un théâtre tout à fait digne de la curiosité d'un homme de goût, non-seulement à cause de l'agrément du pays et de la beauté de la nation, non-seulement à cause de l'apparence extérieure, qui m'a paru d'une recherche extrême, et qui annonce un peuple riche et heureux au sein de la paix; mais encore par la quantité incroyable d'excellents tableaux, de statues et d'inscriptions antiques qui se trouvent dans cette cour360.»
Rubens fit à Londres un assez long séjour. Depuis son départ d'Anvers, Gevaërts avait perdu sa femme; précédemment, la mort lui avait enlevé, à l'âge de douze ans, le fils unique issu de ce mariage: «Eximiæ spei puer, dit son épitaphe361, qui parenti luctum et desiderium incomparabile reliquit.» C'était sans doute pour combattre cette douleur inguérissable, que Gevaërts avait entrepris d'étudier et de méditer les œuvres de Marc-Aurèle. Mais Rubens, qui connaissait bien le cœur humain, ne paraît pas convaincu que les préceptes du prince philosophe auront le pouvoir de consoler son ami. – «Je crains, lui écrit-il de Londres le 15 septembre 1629362, de vous rappeler la perte de votre chère compagne; j'aurais dû le faire immédiatement; et maintenant, ce ne sera plus autre chose qu'un devoir d'obligation très-intempestif, et un renouvellement importun de votre douleur, puisqu'il vaut mieux engager à oublier qu'à rappeler sans cesse le passé. Si l'on doit espérer de la philosophie quelque consolation, il vous en reste une source abondante dans votre intérieur. Je vous renvoie au riche trésor de votre Antoninus, où vous avez, en conservateur libéral, de quoi distribuer même à vos amis. Je n'ajouterai plus que ce pauvre genre de consolation, c'est que nous sommes à une époque où la vie n'est possible qu'en se débarrassant de tout ce qui accable, ainsi que fait le marin lorsqu'il navigue au milieu des tempêtes363.» Au commencement de cette lettre, il s'excuse d'avoir tardé à lui écrire depuis son arrivée à Londres: – «Vous avez l'habitude de me prévenir toujours et de me surpasser en courtoisie, sans vouloir faire attention à mes fautes, ni au peu d'empressement que je mets à vous honorer et à vous servir comme je le devrais. Dieu sait pourtant que je manque seulement à votre égard dans les démonstrations extérieures, et que j'ai toujours pour vous la même estime et la même affection cordiale, ainsi que je vous le prouverai par des faits dès que vous me procurerez pour vous servir une occasion que j'attends avec impatience. J'espère au moins que mon fils, qui a eu aussi une grande part à vos faveurs, et qui doit à la bonne instruction que vous lui avez donnée la meilleure partie de lui-même, sera mon héritier et s'acquittera de toutes mes obligations envers vous. J'aurai pour lui d'autant plus d'estime que vous lui en montrerez davantage, car votre jugement a plus de poids en cela que le mien. Pourtant, j'ai toujours trouvé en lui de la bonne volonté. Il m'est très-agréable d'apprendre que, grâce à Dieu, il est maintenant rétabli, et je vous remercie infiniment de cette bonne nouvelle, ainsi que de l'honneur et de la consolation que vous lui avez apportée en le visitant pendant sa maladie. Il est jeune, et si la nature suit son cours, il ne mourra pas avant nous. Dieu veuille lui accorder de vivre honorablement! car, comme dit la fable, il n'importe pas de vivre longtemps, mais de bien vivre: «Neque enim quamdiu, sed quam bene agatur fabula refert.»
Dans une autre lettre à Gevaërts, de Londres, le 23 novembre 1629, Rubens laisse voir tout son chagrin des lenteurs qui retardaient les négociations relatives à la paix entre l'Angleterre et l'Espagne. – «Nous aspirons maintenant après l'arrivée de don Carlos Coloma (l'ambassadeur d'Espagne), qui s'est fait précéder de ses bagages à Dunkerque, et nous n'attendons que l'avis du départ de l'ambassadeur d'Angleterre pour l'Espagne; il a maintenant reçu l'ordre de se mettre en route. J'espère donc que nous pourrons bientôt venir en personne vous servir, vous et nos autres amis… On parle ici beaucoup de la trêve, et les avis de Hollande donnent presque tous l'espoir du succès. Malgré le plaisir que me fait éprouver la naissance de notre prince d'Espagne364, je dois avouer que la nouvelle de notre paix ou trêve m'en ferait éprouver beaucoup plus que toutes les autres affaires du monde. Mon retour ne m'en serait que plus agréable, et je resterais désormais dans ma maison.» Il termine en priant Gevaërts «de vouloir bien faire ses humbles et sincères salutations à M. Rockox, ainsi qu'à MM. Halmale et Clarisse, en leur témoignant toute son affection365.»
Hendrick Van Halmale, échevin d'Anvers366, était sans doute parent de Paul Halmale, sénateur d'Anvers, que Théodore Galle appelle: Artis scultoriæ cultor et patronus, et auquel il a dédié sa gravure de l'Ecce homo, d'après Rubens367. Quant à la famille Clarisse, elle était très-liée avec celle du peintre. Philippe Rubens a célébré dans une ode le mariage de Marie Clarisse avec Jean Wover368. La famille Clarisse se composait de Louis Clarisse, sénateur d'Anvers, et de Marie Nerot, sa femme; de Roger Clarisse, urbis ab elemosynis, ou, comme on dirait aujourd'hui, membre du bureau de bienfaisance d'Anvers, et de Madeleine Schotte, sa femme. C'est du moins ce que l'on peut inférer de la gravure de Lucas Vorsterman, qui leur est dédiée, et qui reproduit le Nolite timere, ou l'apparition de Jésus-Christ aux saintes femmes, d'après Rubens. Le peintre aura sans doute représenté dans ce tableau les deux dames Clarisse. L'une d'elles, sur le premier plan, cherche à s'envelopper dans un voile, pour éviter les rayons lumineux qui s'échappent du corps de Jésus-Christ; elles sont suivies d'autres femmes. On retrouve ici au naturel les traits doux et agréables des Flamandes, que Rubens prenait constamment pour types de la beauté féminine, mais qui n'ont rien de l'idéal de Raphaël, ou de la grâce vénitienne du Titien.
CHAPITRE XXVIII
Retour de Rubens à Anvers. – Son second mariage avec Héléna Forment. – Il s'éloigne des affaires publiques, et consacre tout son temps au travail et à ses amis. – Ses sentiments intimes exposés dans ses lettres à Peiresc.
1630 – 1636
Rubens était de retour à Anvers avant le mois d'août 1630, ainsi qu'on le voit par une lettre du 8 de ce mois, écrite par lui de cette ville à Peiresc. La paix entre l'Espagne et l'Angleterre n'était pas encore signée, mais les bases en avaient été arrêtées de telle sorte, que sa conclusion n'était plus douteuse. Elle fut proclamée le 5 décembre 1630, et définitivement signée ou ratifiée le 17 du même mois. À cette occasion, le roi Charles Ier, d'Angleterre, bien digne d'apprécier le génie et le caractère de l'envoyé d'Isabelle, le créa chevalier369, et lui donna en même temps la magnifique épée dont il s'était servi pour sa réception.
Ainsi comblé d'honneurs et satisfait du succès de sa mission, Rubens, aspirant à jouir dans sa patrie de la considération qu'il s'était acquise par tant de travaux, résolut de se donner une seconde compagne. Bien qu'âgé de cinquante-trois ans, séduit, en véritable artiste, par la beauté remarquable d'une de ses compatriotes, il épousa, le 6 décembre 1630, la jeune Hélène Forment, qui atteignait à peine sa seizième année, et dont il a immortalisé les traits dans un grand nombre de toiles.
Depuis cette époque, Rubens s'éloigna peu à peu des affaires publiques. À part une mission qu'il avait acceptée de l'infante, en 1633, pour négocier de la paix en Hollande, mission arrêtée par les états avant même l'entrée de Rubens dans les Provinces-Unies, l'artiste vécut, soit à Anvers, soit à sa terre de Steen, près de Malines, occupé, autant que la goutte dont il souffrait depuis longtemps le lui permettait, de ses peintures et de ses études sur l'antiquité; jouissant de la société de ses amis, et avant tout de l'intimité de Rockox et de Gevaërts. Il continuait également d'entretenir sa correspondance avec Peiresc et Pierre Dupuy, et à éclaircir avec eux les doutes qu'il avait sur certains objets dont les anciens faisaient usage, tels que trépieds, chaudrons, tables, candélabres, etc., etc. Il passait en revue les nouvelles découvertes d'antiquités, encourageait les dessins du jeune graveur Mellan, et, fidèle à son amour pour la paix, n'oubliait pas d'exprimer ses regrets sur le sac de Mantoue, prise le 22 juillet 1630, par les Impériaux, qui avaient mis à mort la plus grande partie des habitants: «Ce qui m'afflige infiniment, dit Rubens, ayant servi bien des années la maison de Gonzague, et joui dans ma jeunesse du séjour délicieux de ce pays; sic erat in fatis370.»
Dans une autre lettre du 16 août 1635, écrite en italien, Rubens, après avoir entretenu Peiresc d'un procès qu'il était forcé de soutenir à Paris, à l'occasion du privilége de la vente en France de ses gravures, lui fait connaître qu'il espère arriver à un arrangement avec son adversaire, et il ajoute: – «Je suis homme de paix, et j'abhorre comme la peste la chicane et toute autre espèce de discussions, et j'estime que le vœu de tout honnête homme doit être de pouvoir vivre avec tranquillité d'esprit, aussi bien en public que chez soi, de rendre service le plus possible et de ne faire tort à personne. Je regrette que les rois et les princes ne soient point de cette humeur; nam:
Quidquid illi delirant plectuntur Achivi. 371
Dans la dernière lettre que Rubens écrivit à Peiresc, de Steen, le 4 septembre 1636, l'artiste se montre très-reconnaissant de l'envoi que Peiresc lui avait fait d'un dessin colorié des Noces Aldobrandines, «peinture antique qui fut trouvée à Rome dans ma jeunesse, dit Rubens, et admirée, adorée même comme unique, par tous les amis de l'art et de l'antiquité.» – Il informe Peiresc qu'il a vu à Anvers un très-fort volume intitulé: Roma sotterranea372, «lequel lui a paru être un grand ouvrage extrêmement religieux, car il représente la simplicité de la religion primitive, qui, si elle a surpassé le reste du monde par sa piété et la vérité de sa religion, le cède au paganisme antique, dont elle est à une distance infinie, sous le rapport de la grâce et de l'élégance. J'ai vu aussi des lettres de Rome qui annoncent la publication de la galerie Giustiniana373, aux frais du marquis Giustiniano. On en parle comme d'un très-bel ouvrage… Mais je ne doute pas que chaque fait nouveau n'arrive à votre musée dans toute sa fraîcheur. C'est pourquoi, ne trouvant pas à vous entretenir d'autre sujet, je vous baise humblement les mains, priant le ciel de vous accorder longue vie et santé, avec toutes sortes de prospérité et de contentement.» – Ces vœux ne devaient point être exaucés: Peiresc mourut à Aix, le 24 juin 1637, dans les bras de Gassendi, et Rubens ne fut pas le dernier à regretter la perte de cet illustre magistrat, omnium elegantiarum amator.