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Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)», sayfa 32

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La fig. 13 nous fait voir une de ces baies à l'extérieur; en A nous avons tracé la coupe de l'archivolte et de la claire-voie faite sur ab. Un chemin saillant passant à l'extérieur sous l'appui de ces fenêtres, et couvrant le triforium, permet de poser et de réparer les vitraux sans difficultés. Que l'on veuille bien jeter les yeux un instant sur la construction de la claire-voie de pierre, des meneaux, en un mot; on verra que la structure se compose d'une pile centrale, de deux arcs extradossés, d'un oeil indépendant, recevant, en feuillure, des redents formant une rose à six lobes. Entre l'oeil et les arcs est posé un remplissage en maçonnerie. Les redents maintiennent par leurs extrémités, comme par autant de griffes, un cercle en fer qui sert à attacher les panneaux de verre. Dans chaque espace vide, sous les arcs, monte une barre verticale croisée par des barres horizontales formant une suite de panneaux réguliers. Les vitraux sont maintenus à ces barres par des clavettes passant dans des pitons et par des feuillures taillées dans les pieds-droits et le meneau central (voy. ARMATURE). Ainsi, dès la fin du XIIe siècle (car ces fenêtres datent de cette époque ou des premières années du XIIIe), les meneaux construits étaient adoptés pour les grandes fenêtres des grands édifices religieux appartenant aux provinces françaises. Il faut reconnaître que les architectes de cette époque de transition cherchent, tâtonnent, essayent de plusieurs méthodes, en n'employant cependant que des moyens vrais, simples, en sachant parfaitement ce qu'ils veulent, mais en arrivant au but par divers chemins. À Châlons-sur-Marne, vers 1170, l'architecte du choeur de Notre-Dame voulait aussi quitter les traditions romanes et ouvrir de grands jours sous les voûtes hautes. Comment s'y prenait-il? Ayant obtenu par la plantation des piles du sanctuaire des travées fort larges, il relevait les formerets des voûtes le plus possible, en ayant le soin même de les tracer suivant une courbe brisée très-aplatie, fig. 14.



Sous ces formerets il perçait trois fenêtres, à peu près d'égale hauteur, séparées par deux pilettes. Le génie champenois, toujours en avant sur les provinces voisines, porte le constructeur à relier le fenestrage au triforium; il fait donc descendre les deux colonnettes monolithes A des pilettes séparant les baies jusque sur l'appui du triforium, et pose là deux corbelets pour recevoir leur base. Quant aux deux autres colonnettes B d'encadrement, elles descendent jusque sur les tailloirs des chapiteaux inférieurs, car on observera qu'ici il n'y a pas d'arc formeret saillant mouluré, et que la voûte vient porter directement sur le tympan supérieur C 476. L'ordonnance des fenêtres, au lieu d'être séparée de l'ordonnance du triforium, comme dans les édifices de l'Île-de-France de la même époque, s'y rattache; ce qui grandit singulièrement l'intérieur du vaisseau. Ce triforium, qui est fort petit, reprend de l'échelle parce qu'il ne devient plus qu'un appui ajouré du fenestrage. En D nous avons donné le plan des baies au niveau D', et en E la face extérieure des archivoltes des trois fenêtres qui peuvent être vitrées à l'extérieur par la galerie servant de couverture au triforium 477. À ce propos on devra observer aussi que généralement les fenêtres hautes sont vitrées du dehors, tandis que celles des collatéraux plus près du sol sont vitrées de l'intérieur. Il y a pour procéder ainsi de bonnes raisons: c'est qu'une fenêtre basse étant vitrée du dehors, il est facile à des malfaiteurs d'enlever la nuit quelques clavettes et les tringlettes, de déposer un panneau des verrières, et de s'introduire dans l'église; tandis que cette opération ne peut être tentée si les panneaux de vitres sont posés, les clavettes et tringlettes étant à l'intérieur. Mais à la partie supérieure de l'édifice on n'avait pas à redouter ce danger, tandis qu'il fallait prendre certaines précautions pour empêcher la pluie fouettant contre les verrières de s'introduire entre les panneaux: or, les panneaux étant posés à l'intérieur, les grands vents chassant la pluie contre eux, l'eau s'arrête à chaque barre transversale (barlottière) et s'infiltre facilement entre leurs joints; il y a donc avantage à vitrer les fenêtres les plus exposées au vent par le dehors; on peut ainsi ménager un recouvrement du plomb d'un panneau sur l'autre, obtenir une surface unie, sans ressauts, et n'arrêtant les gouttes de pluie sur aucun point. On pensera peut-être que nous entrons dans des détails minutieux; mais, à vrai dire, il n'y a pas de détail dans l'exécution des oeuvres d'architecture qui n'ait son importance, et les véritables artistes sont ceux qui savent apporter du soin, de l'observation et de l'étude dans les moindres choses comme dans les plus importantes: aussi les architectes du moyen âge étaient-ils de véritables artistes.

Vers le commencement du XIIIe siècle, l'architecte de la cathédrale de Chartres cherchait des combinaisons de fenêtres entièrement neuves pour éclairer la haute nef. Il s'était astreint, dans les collatéraux, aux habitudes de son temps, c'est-à-dire qu'il avait percé des fenêtres terminées par des arcs en tiers-point, ne remplissant pas l'espace compris entre les piles; il avait voulu laisser à ce soubassement l'aspect d'un mur.



Mais nous voyons que dans la partie supérieure de son édifice il change de système; d'une pile à l'autre il bande des formerets plein cintre, puis dans l'énorme espace vide qui reste à chaque travée au-dessus du triforium il élève deux larges fenêtres surmontées d'une grande rose, fig. 15 (voir la coupe C): A est le formeret faisant archivolte à l'extérieur, doublée d'un grand arc D donnant l'épaisseur de la voûte V. L'entourage de la rose R reçoit en feuillure des dalles percées de quatre feuilles, et formant de larges claveaux. En B sont tracées les portées des arcs-boutants. Il est bon de comparer ces fenêtres avec celles données ci-dessus (fig. 14) ou celles anciennes, de la nef de la cathédrale de Paris, bien peu antérieures. On reconnaît dans cette construction de Notre-Dame de Chartres une hardiesse, une puissance qui contrastent avec les tâtonnements des architectes de l'Île-de-France et de la Champagne. C'est à Chartres où l'on voit, pour la première fois, le constructeur aborder franchement la claire-voie supérieure occupant toute la largeur des travées, et prenant le formeret de la voûte comme archivolte de la fenêtre. Simplicité de conception, structure vraie et solide, appareil puissant, beauté de forme, emploi judicieux des matériaux, toutes les qualités se trouvent dans ce magnifique spécimen de l'architecture du commencement du XIIIe siècle. N'oublions pas d'ailleurs que ces arcs, ces piles, ces dalles percées, sont faits en pierre de Berchère d'une solidité à toute épreuve, facile à extraire en grands morceaux, d'une apparence grossière; ce qui ajoute encore à l'effet grandiose de l'appareil. On ne peut douter que la qualité des matériaux calcaires employés par les architectes de l'époque primitive gothique n'ait éte pour beaucoup dans l'adoption du système de construction des grandes fenêtres. Ce qu'on faisait à Chartres au commencement du XIIIe siècle, on n'aurait pu le faire avec les matériaux des bassins de l'Oise, de la Seine, de l'Aisne et de la Marne. Dans ces contrées on ne songeait pas à employer les dalles percées, on ne le pouvait pas; on accouplait les fenêtres, on les élargissait autant que possible, mais on n'osait encore les fermer avec des claires-voies de pierre. En Bourgogne, où les matériaux sont très-résistants, vers la seconde moitié du XIIe siècle, les roses se remplissaient de réseaux de dalles percées (voy. ROSE), mais non les fenêtres. À Laon, vers 1150, les architectes balançaient encore entre les formes de fenêtres de l'époque romane et celles nouvellement percées dans les édifices religieux voisins, comme la cathédrale de Noyon, comme l'église abbatiale de Saint-Denis. Dans le mur pignon du transsept de l'église abbatiale de Saint-Martin à Laon, bien que la structure de l'édifice soit déjà gothique, nous voyons des fenêtres qui n'abandonnent pas entièrement les traditions romanes (16).



Le plein cintre et l'arc brisé se mêlent, et l'école nouvelle ne se montre que dans la forme des moulures. Ici même, le plein cintre apparaît au-dessus de l'arc brisé; ce qui prouve encore combien, pendant l'époque de transition, les architectes se croyaient libres d'adopter l'un ou l'autre de ces arcs suivant les besoins de la construction. La fenêtre inférieure est fermée par un arc brisé, parce que cette fenêtre est plus large que l'autre, et que le constructeur a voulu donner plus de solidité à sa construction en faisant porter les pieds-droits de la fenêtre supérieure sur les reins d'un arc dont les coupes se rapprocheraient davantage de la ligne horizontale. Il a été évidemment préoccupé de l'effet qu'eût pu produire un jambage de fenêtre sur les claveaux d'un plein cintre entre les sommiers et la clef; l'arc brisé n'est qu'un moyen de parer au danger d'une rupture vers la partie moyenne de l'archivolte à droite et à gauche. Ne perdons pas de vue ceci: c'est que, vers le milieu du XIIe siècle, les architectes avaient vu tomber un si grand nombre d'édifices romans, surtout au moment où on avait prétendu leur donner de très-grandes dimensions, qu'ils avaient dû observer les effets de tassements et de rupture qui s'étaient produits dans les constructions, et qu'ils redoutaient sans cesse de voir se reproduire ces fâcheux effets. L'arc brisé leur paraissait un moyen excellent d'éviter des désastres; ils s'en servaient donc comme on se sert d'un nouveau procédé reconnu bon, c'est-à-dire toutefois qu'ils avaient un doute sur l'efficacité des vieilles méthodes. Il ne pouvait être donné qu'à des hommes déjà expérimentés, hardis, et sûrs de leurs moyens d'exécution, de se servir encore du plein cintre pour d'assez grandes portées, comme le fit l'architecte de Notre-Dame de Chartres.

Avec la pierre de Berchère on pouvait combiner un système de claires-voies mixte tel que celui qui fut adopté pour les fenêtres hautes de la cathédrale de Chartres, c'est-à-dire composé de claveaux formant une ossature élastique et résistante, et de dalles minces percées à jour comme les fermetures de baies antiques; mais tous les matériaux ne se prêtaient pas à l'emploi de ces procédés. En Champagne, bien que les constructeurs possédassent des matériaux de grandes dimensions, ils ne trouvaient pas, dans les carrières du pays, des bancs d'une résistance assez forte pour se permettre l'emploi de ces larges claires-voies composées de dalles de champ. Ils procédèrent autrement et firent des châssis de pierre, pour maintenir les panneaux des vitraux, au moyen d'arcs appareillés, bandés l'un dans l'autre et indépendants. Ce système apparaît complet dans la structure de fenêtres des chapelles du choeur de la cathédrale de Reims, qui ont dû être élevées vers 1215. Conformément à la méthode champenoise, les fenêtres présentent des berceaux d'arcs brisés, de larges ébrasements se terminant à l'intérieur en façon de formeret pour recevoir les remplissages des voûtes, et portant à l'extérieur un profil saillant sous lequel s'engagent deux arcs brisés et une rose reposant seulement sur ces deux arcs sans pénétrer dans les moulures de l'archivolte. Une figure est nécessaire pour expliquer cette structure très-importante en ce qu'elle nous donne la transition entre les claires-voies bâties et les claires-voies châssis.



Nous donnons donc (17) un tracé perspectif de la partie supérieure de ces fenêtres pris de l'intérieur des chapelles. On voit en A le formeret-berceau qui appartient au style gothique primitif de la Champagne, formeret dont le profil est donné en B. Sous ce berceau-formeret est bandée l'archivolte C, ne faisant que continuer la section des colonnettes D et du double biseau recevant la feuillure de la verrière. En E est un sommier qui reçoit l'un des arcs retombants sur un meneau central G. La clef de cet arc est pénétrée par la rose, qui est seulement prise entre les claveaux de l'archivolte C. À son tour la rose reçoit en feuillure les redents H qui ne portent point feuillure, mais des pitons à l'intérieur pour maintenir les panneaux des vitraux. N'oublions pas de mentionner que les colonnettes du meneau central aussi bien que celles des pieds-droits ne sont point reliées à la construction, mais sont posées en délit, suivant la méthode usitée pour la plupart des colonnettes, à la fin du XIIe siècle. Du côté extérieur, ces fenêtres donnent le tracé géométral (18).



L'archivolte C, étant un arc de décharge, se trouve naturellement soumise aux tassements et mouvements qu'eût subi la bâtisse: or, la rose étant laissée libre, maintenue seulement par le frottement entre les reins de l'archivolte, ne risque pas d'être brisée par ces tassements; elle peut être quelque peu déformée, comme le serait un cerceau de fer ou de bois que l'on presserait, mais ne saurait se rompre. C'est là une marque de prévoyance acquise par une longue observation des effets qui se manifestent dans d'aussi vastes constructions.

Toutes les fenêtres de la cathédrale de Reims sont construites d'après ce principe. Notre figure géométrale (18) indique en A la coupe de la partie supérieure de la fenêtre, B étant le berceau-formeret intérieur. On voit en C la façon dont sont incastrés les redents de la rose, maintenus à leur extrémité D par un cercle en fer et des clavettes E; en G les feuillures des vitraux posés à l'intérieur. On remarquera que cette feuillure dans l'appui, dont la coupe est tracée en I, se retourne pour rejeter sur le talus extérieur H les eaux pluviales ou de buée coulant le long des vitraux. Un détail perspectif K fait saisir cette disposition double des feuillures. En L nous avons tracé une section horizontale des meneaux et pieds-droits avec la saillie du talus circulaire M; en O la pénétration des bases des colonnettes des pieds-droits et meneaux établis sur plan droit dans ce talus (voy. CHAPELLE, fig. 36 et 37).

Que les fenêtres de la cathédrale de Reims soient étroites ou larges, elles ne possèdent toujours qu'un meneau central et deux vides; il en résulte que ces vides ont, soit 1m,20 c. de largeur, soit 2m,30 c. Pour maintenir les panneaux des vitraux dans d'aussi larges baies, il fallait des armatures en fer très-fortes. On prit donc bientôt le parti de multiplier les meneaux pour les fenêtres larges, afin d'avoir toujours des vides à peu près égaux. Au lieu d'un seul meneau on en monta trois, de façon à diviser la baie en quatre parties d'égales largeurs. Ce ne fut que vers 1240 que cette modification importante eut lieu, et dès lors, chaque fois que la nature des matériaux le permit, les meneaux ne furent plus que des châssis composés de pierres en délit et engagés en feuillure sous les archivoltes. Parmi les plus belles et les premières fenêtres de ce genre il faut mentionner celles de la Sainte-Chapelle haute du Palais à Paris.



On retrouve là, fig. 19, le principe qui commande la construction des fenêtres de la cathédrale de Reims, c'est-à-dire que le vide est divisé en deux par un meneau vertical A portant deux arcs brisés et une rose. Mais les deux grandes divisions AB sont elles-mêmes subdivisées en deux par des meneaux secondaires C qui portent aussi des arcs brisés et des roses plus petites, de sorte que les espaces à vitrer n'ont que 1m,00 de largeur. L'archivolte D (voir la coupe E) remplit à l'intérieur l'office de formeret et reçoit les remplissages des voûtes F. La seconde archivolte G sert d'arc de décharge, porte le chéneau, la balustrade extérieure et le bahut H sur lequel repose la charpente. On voit en I des gargouilles dont la queue pénètre jusqu'aux reins des voûtes pour rejeter en dehors les eaux pluviales qui tombaient sur ces voûtes avant l'achèvement de la construction et la pose de la couverture. C'est à la Sainte-Chapelle du Palais où l'on voit naître, les gâbes sur les archivoltes des fenêtres; gâbes qui sont à la fois et une décoration et un moyen de maintenir les archivoltes dans leur plan (voy. CONSTRUCTION, fig. 108). En K nous avons tracé l'ensemble de la fenêtre, qui porte en hauteur trois fois sa largeur; en L sont des chaînages en fer qui maintiennent la déviation des contre-forts, les relient entre eux et empêchent les meneaux de sortir de leur plan. D'ailleurs ces meneaux ne sont plus construits par assises, mais sont taillés dans de grandes pierres posées en délit, ce qui permettait de leur donner moins de largeur et de laisser plus de champ aux vitraux; quant à ceux-ci, leurs panneaux sont maintenus dans les fenêtres de la Sainte-Chapelle par des armatures en fer ouvragés et par des feuillures creusées au milieu de l'épaisseur des meneaux ainsi qu'il est indiqué en M. Ces fenêtres sont vitrées du dedans, et les armatures en fer, formant saillie sur les panneaux en dehors, sont posées de manière à dégager complétement les feuillures. La coupe de l'appui est tracée en N, ces appuis portant toujours un petit épaulement O à l'intérieur, pour rejeter en dehors les eaux de pluie pénétrant à travers les interstices des panneaux. Dans les fenêtres de la Sainte-Chapelle haute on voit que les arcs et découpures des meneaux sont exactement compris dans la hauteur de l'archivolte. Cette disposition avait un défaut, elle faisait paraître les colonnettes des meneaux trop hautes, ne donnait pas assez d'importance aux découpures supérieures. Les architectes du milieu du XIIIe siècle observèrent l'effet fâcheux de cette disposition, et ils descendirent bientôt les arcs des meneaux et les découpures supérieures au-dessous de la naissance des archivoltes. Mais vers la fin de la première moitié du XIIIe siècle, dans les édifices religieux, les fenêtres se combinaient, soit avec une arcature de soubassement lorsqu'elles étaient percées à rez-de-chaussée, soit avec les galeries à jour de premier étage (triforium) lorsqu'elles s'ouvraient dans la partie supérieure des hautes nefs. À la Sainte-Chapelle du Palais déjà, une arcature intérieure sert d'appui aux grandes fenêtres comme à celles de la chapelle basse (voy. ARCATURE, fig. 8). Si, dans la Sainte-Chapelle haute, cette arcature ne se relie pas absolument aux meneaux des fenêtres, cependant les divisions correspondent aux espacements des meneaux; les architectes semblaient ainsi vouloir faire partir les fenêtres du sol, c'est-à-dire ne plus composer leurs édifices que de piles et d'ajours dont une portion était cloisonnée par le bas. C'était un moyen de donner de la grandeur à l'intérieur des édifices religieux. Nous avons vu que les architectes des églises de Notre-Dame de Châlons (sur-Marne) et du choeur de Saint-Remy de Reims avaient cherché à relier les fenêtres supérieures avec le triforium. Dans la cathédrale de Reims ce principe n'avait point été suivi, mais nous voyons que dans l'Île-de-France et la Picardie on l'adopte avec franchise, du moins, pour les fenêtres supérieures.

La nef de la cathédrale d'Amiens nous présente un des premiers et des plus beaux exemples de ce parti. Dans cette nef, les fenêtres supérieures et le triforium ne forment qu'un tout, bien que ce triforium soit encore clos et qu'il adopte une ordonnance particulière. Ce nouveau mode a une telle importance, il indique si clairement le but que les architectes se proposaient d'atteindre, savoir: de supprimer entièrement les murs, ce qu'en terme de métier on appelle les tapisseries, que nous devons ici donner une figure de ces fenêtres hautes de la nef de Notre-Dame d'Amiens (20).



En A est tracée la face intérieure de l'une de ces fenêtres, et en B sa coupe sur CC'C''. Les arcs-doubleaux des grandes voûtes portent sur les colonnes D, et les arcs ogives sur les colonnettes E; c'est l'archivolte G de la fenêtre qui tient lieu de formeret. Il n'y a donc dans cette construction que des piles et des fenêtres. Le triforium est essentiellement lié à cette baie, non-seulement par sa décoration, mais aussi par sa structure. Cependant, le comble H du bas-côté étant adossé à ce triforium, une cloison I ferme la galerie, et un arc de décharge O porte le filet, le passage supérieur, et forme étrésillonnement entre les piles K qui reçoivent les colonnes de tête M des arcs-boutants. Les piles milieux sont placées au-dessus de la clef des archivoltes des collatéraux, de sorte que toutes les pesanteurs se reportent sur les piles de la nef. Le meneau central de la baie est construit en assises hautes, mais déjà les meneaux intermédiaires ne se composent que de grands morceaux de pierre en délit. Les redents des roses, grandes et petites, sont incrustés en feuillure dans l'appareil principal de la claire-voie supérieure 478. Ces baies étant d'une dimension considérable, on a jugé à propos de multiplier les barlottières en fer, de placer des montants dans le milieu de chaque intervalle, et de garnir la rose supérieure d'une puissante armature pour soulager d'autant les redents et pour résister au poids des panneaux de vitraux. Si le triforium participe déjà ici à la fenêtre, cependant il est encore un membre distinct de l'architecture, il n'est pas à claire-voie et laisse voir des portions de tapisseries entre ses archivoltes et l'appui des grandes baies. Ces ajours obscurs et ces surfaces pleines sous les grandes parties vitrées des fenêtres hautes tourmentèrent l'esprit logique des architectes du XIIIe siècle. Le triforium, en effet, n'était plus une galerie fermée passant sous les fenêtres, c'était déjà un soubassement de la fenêtre, mais un soubassement qui ne s'y reliait pas assez intimement. En disposant les combles des bas-côtés en pavillons ou en terrasses, on pouvait mettre à jour aussi la cloison du triforium; mais alors il fallait faire disparaître ces tympans pleins, ces appuis hauts, et faire décidément descendre les grandes baies des nefs jusqu'à l'appui de la galerie en ne donnant à celle-ci que les pleins absolument nécessaires pour trouver un chemin de service en R. Dans le choeur de la même cathédrale ce nouveau programme fut résolu avec certains tâtonnements: les tympans pleins au-dessus des archivoltes du triforium existent encore; on a bien cherché à les allégir en les décorant de gâbes avec crochets, mais la solution de continuité entre la fenêtre et la galerie ajourée n'en existe pas moins (voy. TRIFORIUM). C'est en Champagne et dans l'Île-de-France où le problème paraît avoir été résolu d'une manière absolue pour la première fois. La nef et les parties hautes du choeur de l'église abbatiale de Saint-Denis, bâties vers 1245 (vingt ans environ après la nef de Notre-Dame d'Amiens), nous montrent des fenêtres ne faisant plus qu'un tout avec le triforium 479. Ces fenêtres présentent d'ailleurs certaines dispositions particulières qui ont une signification au point de vue de la structure. Indiquons d'abord cette règle à laquelle on trouve peu d'exceptions: c'est que pendant le XIIIe siècle, et même au commencement du XIVe, les meneaux des fenêtres offrent toujours une division principale, de manière à fournir deux vides seulement si ces baies ont peu de largeur, et deux vides subdivisés par des meneaux secondaires si ces baies sont plus larges; ainsi les fenêtres possèdent des travées en nombre pair, deux et quatre. Ces divisions se subdivisent encore si les fenêtres atteignent une largeur extraordinaire afin de composer huit travées 480, c'est-à-dire un meneau principal, deux meneaux secondaires et quatre meneaux tertiaires, en tout sept meneaux. On reconnaît là l'emploi de ce système de cristallisation, disons-nous, vers lequel l'architecture gothique tombe par une pente fatale dès le milieu du XIIIe siècle. On conçoit, par exemple, que les architectes ayant admis que pour maintenir les panneaux de vitraux il ne fallait pas laisser plus d'un mètre environ de vide entre les meneaux, à moins d'être entraîné à placer des montants en fer entre ces meneaux comme dans l'exemple précédent; que du moment que les meneaux étaient considérés comme des châssis de pierre destinés à maintenir ces panneaux, il était illogique de doubler ces meneaux par des barres de fer verticales, ces architectes aient été bientôt entraînés à poser autant de montants verticaux de pierre qu'il y avait d'intervalles de trois pieds de large à garnir de vitraux. Soit une fenêtre de deux mètres de large à vitrer, l'architecte pose un meneau (21). Soit de quatre mètres, il pose un meneau principal et deux meneaux secondaires (22). Soit de huit mètres, il pose un meneau principal, deux meneaux secondaires et quatre tertiaires (23). Mais alors la rose A et les compartiments B deviennent si grands qu'il est impossible de les vitrer, à moins d'employer des armatures en fer très-compliquées; c'est ce qu'il faut éviter. On cherche des combinaisons de redents de pierre pour garnir ces intervalles comme nous le traçons en C, par exemple. Le châssis est alors complet, et le fer n'est qu'un accessoire, ne se pose que sous forme de barlottières armées de pitons. Nous avons dit précédemment que le défaut des fenêtres hautes de la Sainte-Chapelle du Palais était de présenter des meneaux trop longs pour les claires-voies supérieures, celles-ci ne descendant pas au-dessous de la naissance des archivoltes. L'architecte de la nef de Notre-Dame d'Amiens, avant la construction de la Sainte-Chapelle, avait déjà descendu les claires-voies supérieures au-dessous de la naissance des archivoltes-formerets (fig. 20). Mais plus on multipliait les meneaux, et plus il fallait descendre ces claires-voies, ainsi que le démontrent les deux fig. 21 et 22, ou bien il fallait, comme on le voit, fig. 23, tracer les arcs brisés intérieurs se rapprochant plus du plein cintre que dans les deux autres exemples.




Les fenêtres hautes de la nef de Notre-Dame d'Amiens possèdent un meneau central offrant plus de champ que les deux autres. En effet, le poids de la claire-voie se reporte presque entièrement sur ce meneau; cela n'avait point d'inconvénients alors que ce meneau central était encore composé ou d'assises ou de pierres hautes, mais n'étant pas de nature à se déliter. Si, au contraire, on voulait en venir à former ces meneaux de longues pierres debout pouvant se déliter, il y avait un danger sérieux à reporter toute la charge sur le pied-droit central. Les architectes des églises de Saint-Denis, de la cathédrale de Troyes et de quelques autres monuments religieux élevés au milieu du XIIIe siècle, conservèrent la disposition générale indiquée dans la fig. 20, mais donnèrent pour plus de sûreté un champ égal, sinon une égale épaisseur, aux trois montants des grandes baies: c'est-à-dire (fig. 24 481) qu'ils accolèrent deux fenêtres à un seul montant chacune.



Ainsi tous les nerfs principaux de la claire-voie conservaient le même champ, et le châssis de pierre avait sur toute sa surface une égale rigidité. En A, nous avons tracé la section du meneau central et de l'un des meneaux intermédiaires; en B, la coupe de la fenêtre faite sur son axe. Ici les redents des roses ne sont plus embrévés en feuillure comme à Amiens, mais tiennent à l'appareil général; ce qui permettait, en leur donnant plus de légèreté, d'obtenir plus de résistance et de diminuer la force des armatures en fer. Le triforium est, comme nous le disions tout à l'heure, intimement lié à la fenêtre, il est ajouré comme elle, et les tympans destinés à porter le plafond du passage C ne présentent que des surfaces pleines peu importantes. La cloison extérieure D est ajourée comme la galerie E, quoique d'une taille plus simple. C'est à cette cloison D que sont attachés les panneaux de vitraux. Les barres de fer G forment un chaînage continu passant à travers les piles et les meneaux, et reliant toute la construction. Bientôt on voulut même supprimer ces petits tympans pleins au-dessus des archivoltes du triforium, et ne plus avoir qu'une claire-voie sans autre interruption que l'assise de plafond entre le haut de la galerie et les baies. Les fenêtres et le triforium ne parurent plus être qu'une seule ouverture divisée par des meneaux et des découpures complétement ajourées. (voy. TRIFORIUM). Alors les travées des grandes nefs ne furent composées que des arcades des bas-côtés et d'un fenestrage comprenant tout l'espace laissé entre le dessus des archivoltes de ces travées et les voûtes hautes. Si les sanctuaires n'avaient point de collatéraux, on les mettait entièrement à jour au moyen d'une galerie vitrée surmontée d'un fenestrage comprenant tout le vide entre les piles. C'est ainsi qu'est construit le choeur de l'église Saint-Urbain de Troyes, qui n'offre aux regards qu'une splendide lanterne de verrières peintes reposant sur un soubassement plein, de trois à quatre mètres seulement de hauteur 482.

Nous avons donné au mot CHAPELLE, fig. 4, 5 et 6, la disposition des fenêtres de la chapelle royale du château de Saint-Germain-en-Laye, disposition qui met à jour tout l'espace compris entre les contre-forts de l'édifice en isolant les formerets de la voûte, de manière qu'à l'extérieur cette chapelle laisse voir, seulement comme parties solides, des piles et de grands fenestrages carrés. Cette tendance à laisser entièrement à jour les tapisseries des édifices religieux entre les contre-forts, de ne plus faire que des piles portant des voûtes avec une décoration translucide à la place des murs, est évidemment la préoccupation des architectes dès le milieu du XIIIe siècle. Du moment où l'on adopta les verrières colorées, la peinture murale ne pouvait produire dans les intérieurs que peu d'effet, à cause du défaut de lumière blanche et de l'éclat des vitraux; on prit donc le parti de n'avoir plus que de la peinture translucide, et on lui donna la plus grande surface possible.

476
   Voy. la coupe de ces fenêtres, avec le système général de la construction de ce choeur, à l'article CONSTRUCTION, fig. 43. À Saint-Remy de Reims, la construction des fenêtres supérieures du choeur est pareille à celle-ci.


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477
   Voy. la fig. 43 (CONSTRUCTION).


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478
   Voy. pour les détails de la construction de ces claires-voies l'article MENEAU.


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479
   Même disposition dans l'oeuvre haute du choeur de la cathédrale de Troyes, qui semble être antérieure de quelques années aux constructions du XIIIe siècle de l'église de Saint-Denis. L'architecture de la Champagne est presque toujours en avance sur celle des provinces voisines et même de l'Île-de-France.


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480
   Nous trouvons des exceptions à cette règle à la fin du XIIIe siècle dans l'église de Saint-Urbain de Troyes. On le voit, c'est toujours la Champagne qui introduit des innovations dans l'architecture.


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481
   Fenêtre supérieure du choeur de l'église abbatiale de Saint-Denis.


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482
   Voy. CONSTRUCTION, fig. 103, 104, 105 et 106.


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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
1052 s. 371 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain