Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)», sayfa 14
Clément VI en fit reconstruire quatre arches. Les Catalans et les Aragonais le coupèrent en 1395, pendant le siége du palais des Papes.
En 1418, les Avignonais firent rétablir l'arche coupée; mais soit que l'ouvrage ait été mal fait, soit que les autres parties du pont ne fussent pas entretenues, une arche s'affaissa et entraîna la chute de trois autres en 1602. En 1633, il en tomba deux autres, et pendant l'hiver de 1670, sur le grand bras, on constate encore la chute de deux arches 158. Ces arches furent tant bien que mal réparées par des ouvrages de charpenterie, mais depuis plus d'un siècle ce beau monument est réduit aux quatre arches qui tiennent au châtelet du côté de la ville. Ce pont était la seule voie permanente de communication qui existât entre le territoire papal d'Avignon et le territoire français du Languedoc. Dans des temps reculés, la ville avait étendu sa juridiction dans les îles du Rhône et en face de son territoire, sur tout le littoral de la rive droite du fleuve. Ses justiciers avaient fait dresser leurs fourches patibulaires, les unes devant la fontaine de Montaud, les autres sur le rocher, au nord du lieu des Angles, qu'on appelle encore la Justice. Tant que les rois de France possédèrent la ville d'Avignon indivisément avec les comtes de Provence, ils n'apportèrent aucun obstacle à cette extension de la juridiction de la cité; mais lorsqu'au mois de septembre 1290, Philippe le Bel, par suite du mariage de Charles, son cousin, avec Marguerite, fille du roi de Sicile, comte de Provence, lui eut cédé les droits de suzeraineté qu'il avait sur Avignon, il prétendit faire respecter dans l'avenir ses limites territoriales; en conséquence, ses officiers firent jeter, en 1307, les fondations de la tour de Villeneuve, qui ferme le pont du côté de la rive droite. Charles II, roi de Sicile, se plaignit de cet acte qu'il considérait comme un empiétement sur des droits consacrés par l'usage, en alléguant que le territoire d'Avignon s'étendait au littoral de la rive droite du Rhône. Le roi de France commit son sénéchal de Beaucaire pour faire une enquête au sujet de cette réclamation; celui-ci se transporta sur les lieux, et se disposait à entendre des témoins, lorsque les magistrats d'Avignon intervinrent, disant: Que le sénéchal ne pouvait agir au nom du roi de France dans un lieu qui était du domaine de la juridiction du roi de Sicile, comte de Provence. Rodolphe de Meruel, architecte de la tour de Villeneuve, n'en poussa qu'avec plus d'activité la construction de cette défense, et il ne paraît pas que le roi de France, une fois bien assis sur ce point, ait toléré sur la rive droite du fleuve l'exercice de la juridiction avignonaise. Cette juridiction fut exercée néanmoins pendant quelque temps dans les îles; mais après avoir si bien établi ce qu'ils considéraient comme un droit, les officiers du roi de France n'eurent garde de s'arrêter en si beau chemin, et s'opposèrent à tout acte de juridiction dans les îles 159. Si nous avons rapporté tout au long cette histoire du pont d'Avignon et des bâtiments qui le fermaient du côté de la France, c'est afin de faire connaître que les difficultés opposées par la nature n'étaient pas les seules qu'il y avait à surmonter dans les temps féodaux, s'il s'agissait de bâtir un pont. En effet, les fleuves, et souvent même de minces rivières, formaient la limite entre des territoires appartenant à divers seigneurs, et l'établissement d'un pont détruisait cette limite; chacun alors cherchait à fermer cette communication d'un territoire à l'autre par un châtelet, ou bien s'opposait simplement à son établissement. La division féodale, bien plus encore que l'impuissance des constructeurs; devenait un obstacle à l'établissement des ponts.
On ne pouvait établir des forteresses sur les ponts que sur l'autorisation des fondateurs; mais il faut croire que la nécessité fit souvent enfreindre cette condition, car nous ne connaissons pas de pont important du moyen âge qui ne soit défendu. On ne pouvait non plus y établir des péages que du consentement des fondateurs 160. Guillaume le Grand, duc d'Aquitaine, par une charte de 998, défend pour toujours de percevoir des péages au passage du Pont royal. «Eudes, comte de Chartres, de Tours et de Blois, fit une défense analogue en 1036. Il déclara qu'ayant fait bâtir un pont à Tours dans le seul but de faire une action méritoire pour le salut de son âme, il ne voulait pas qu'il y fût perçu des droits d'aucune espèce 161.» Il n'entrait vraisemblablement pas dans la pensée des fondateurs du pont d'Avignon d'y établir des défenses, au moins du côté de la rive droite, et cependant nous voyons qu'un siècle après sa construction, le roi de France plante sur cette rive une forteresse qui en défend l'entrée ou la sortie, et que les papes, cinquante ans après, bâtissent un châtelet sur la rive gauche. Ainsi ce pont, d'utilité publique s'il en fut, vit ses deux issues fermées par les deux seigneurs qui occupaient chacune des rives.
Les péages perçus au passage des ponts étaient ordinairement affectés à leur entretien; mais on comprend que ces ressources étaient souvent détournées de leur emploi; aussi la plupart de ces ponts étaient mal entretenus. La plupart de ceux qui nous restent accusent des dégradations profondes, et qui datent de plusieurs siècles: «En temps de guerre, le seigneur d'épée avait, dans bien des provinces de France, le droit de faire démolir les ponts, même ceux à la construction desquels il n'avait pas contribué; mais il fallait un cas de salut commun. Cependant il était nécessaire d'obtenir une permission spéciale du seigneur d'épée pour pouvoir réédifier ce pont démoli dans un but d'utilité momentanée 162.» C'est ainsi que beaucoup de ponts du moyen âge furent coupés, et ne furent réparés que provisoirement, ce qui contribua encore à leur ruine. Le pont de Saint-Bénezet se trouvait précisément dans ce cas. Ce qu'il en reste nous permet d'en étudier et d'en décrire la construction. Les arches avaient de 20 à 25 mètres d'ouverture, et étaient au nombre de dix-huit. Dans l'île qui sépare les deux bras du Rhône, la chaussée était percée d'arches, aussi bien que sur les deux cours d'eau. Sur le grand bras, le pont, du côté de Villeneuve, formait un angle obtus, comme pour mieux résister à l'effort du courant. Mais nous reviendrons tout à l'heure sur cette disposition générale.

Voici, figure 1, en A, le géométral d'une des arches, avec deux des piles. Il est à remarquer que sur quatre piles qui existent encore entières, il en est deux qui sont construites suivant le tracé B et deux suivant celui C. Sur l'une de celles conformes au profil C, la plus rapprochée de la ville, est bâtie la petite chapelle dédiée à Saint-Nicolas, dans laquelle étaient déposées les reliques de saint Bénezet. Le sol de cette chapelle est placé à 4m,50 au-dessous du tablier du pont, et l'on y descend par un escalier pratiqué partie en encorbellement, partie aux dépens de l'épaisseur du pont, ainsi que le fait voir le plan D 163. Pour passer devant la chapelle, il n'était laissé au tablier en E qu'une largeur de 2 mètres, compris l'épaisseur du bahut. Par une arcade on pouvait voir du tablier l'intérieur de la chapelle, et une autre arcade en contre-bas ouvrait celle-ci vers l'aval, sur l'éperon. L'autre pile, construite de même avec des trompes, ne semble pas avoir été destinée à recevoir un autre édicule 164; peut-être ne formait-elle qu'une gare bien nécessaire sur un point aussi étroit et aussi long. Ces piles avec trompes alternaient probablement avec celles qui n'en possédaient pas, et qui sont conformes au profil B. Les arches ne sont pas tracées suivant un arc de cercle, mais forment une ellipse, ainsi que le montre la figure, obtenue au moyen de trois centres. C'était un moyen de donner plus de puissance aux reins des arcs, et de permettre l'établissement des trompes avec escaliers. Les piles qui possèdent des trompes étaient percées de trois arcades, au lieu d'une seule, au-dessus des éperons (la chapelle bouchant l'arcade centrale dans la pile C). Cette précaution était bien nécessaire pour donner une issue aux crues du fleuve, car les eaux s'élèvent parfois jusqu'au niveau G 165.
En H nous donnons la section d'une arche, avec le profil en travers de la pile B. Ces arches sont construites au moyen de quatre rangées de claveaux de 70 centimètres de hauteur juxtaposés. Ce sont de véritables arcs-doubleaux parfaitement appareillés, dont les lits se suivent, mais qui ne se liaisonnent point entre eux. Ils ne sont rendus solidaires que par le massif de maçonnerie qui les surmonte et les charge. Il est à croire que les maîtres pontifes avaient voulu en cela copier un monument romain assez voisin, l'aqueduc du Gard, dont les arches maîtresses sont construites suivant ce système. En K nous présentons un tracé perspectif des trompes posées en a à deux des quatre piles existantes, avec l'arrangement de l'escalier en encorbellement qui permet de descendre dans la chapelle.
Nous ne savons aujourd'hui comment le pont d'Avignon se terminait du côté de la ville, lorsqu'il fut construit à la fin du XIIe siècle. Très-élevé au-dessus du sol des rues, il aboutissait déjà probablement à une défense d'où l'on descendait dans la cité. Au XIVe siècle, les papes le terminèrent par un nouveau châtelet très-fort qui défendait l'entrée de la ville; mais si l'on ne voulait pas entrer dans la cité, ou si les portes du châtelet se trouvaient fermées, on pouvait du tablier du pont, descendre sur le quai qui longe le rempart, par un large emmarchement placé en amont.

Du côté du Languedoc on se heurtait, en traversant le pont, contre la tour formidable de Villeneuve et ses défenses accessoires; on entrait dans l'enceinte de la forteresse, ou bien, tournant à droite et passant par une porte, on entrait dans l'enceinte extérieure de Villeneuve. La figure 2 présente un aspect général du pont d'Avignon, avec le coude qu'il formait vers le milieu du grand bras. Au bas de la figure est le châtelet actuel bâti par les papes. En A est l'île traversée par le pont, et souvent inondée; à l'extrémité supérieure, la tour de Villeneuve. Toute la construction du pont, sauf les revêtements des éperons et les arches, est faite en très-petit appareil assez semblable à celui qui revêt les tympans de l'étage supérieur de l'aqueduc du Gard. Les massifs sont bien pleins et maçonnés avec soin, le mortier excellent. La pierre provient des carrières de Villeneuve et n'est pas d'une très-bonne qualité. Il est à croire que si ce pont eût été entretenu comme le pont Saint-Esprit bâti peu après, il se fût conservé jusqu'à nos jours, car il était établi dans d'excellentes conditions, et presque toutes ses piles posaient sur le roc vif; mais, ainsi qu'on l'a vu plus haut, les hommes contribuèrent autant que les eaux terribles du Rhône à le détruire. Depuis l'époque où l'on dut renoncer à se servir de ce moyen de traverser le fleuve, on a établi en aval un pont de bois souvent endommagé par les crues du Rhône, et sur le petit bras, depuis trente ans, un pont suspendu dont la durée est fort compromise. En jetant les yeux sur notre figure 2, on observera que le pont d'Avignon ressemble assez à une passerelle de planches posée sur des bateaux. Les frères pontifes, pour résister à l'action puissante du courant du Rhône sur ce point, surtout pendant les crues, n'avaient rien imaginé de mieux que d'établir en pierre et à demeure ce que le sens vulgaire indique de faire lorsqu'on établit un pont de bateaux, et ce n'était pas trop mal imaginé.
Dans le pays de Saint-Savourin-du-Port, sur le Rhône, appartenant à l'abbaye de Cluny, un abbé de cet ordre, Jean de Tensanges, fit commencer en 1265 le pont Saint-Esprit, sur lequel on passe encore aujourd'hui. Trente années furent employées à sa construction. La largeur de son tablier est de 5 mètres, et sa longueur de 1000 mètres environ; le nombre de ses arches est de vingt-deux. Celles-ci sont plein cintre, et n'offrent pas la particularité dans leur tracé que l'on observe au pont de Saint-Bénezet. Elles sont cependant construites au moyen de rangs de claveaux juxtaposés. Dans les tympans, des arcades permettent aux crues du fleuve de trouver passage. Le pont Saint-Esprit fut la dernière oeuvre des frères hospitaliers pontifes. Dès lors le relâchement de cet ordre contribua à sa complète décadence. Il faut dire qu'à dater du XIIIe siècle, dans les constructions civiles et religieuses, les écoles des maîtres des oeuvres laïques avaient remplacé partout les corporations religieuses, les villes comme les seigneurs n'avaient plus besoin de recourir aux frères constructeurs de ponts et autres. Le pont Saint-Esprit forme un coude à l'opposite du courant sur le grand bras du Rhône, comme le pont d'Avignon. Il était encore fermé à ses deux extrémités par des portes au XVIIe siècle, et aboutissait du côté du bourg à une défense assez importante du XIVe siècle, qui, plus tard, fit corps avec la citadelle qui commandait le cours du fleuve en amont. On peut prendre une idée de ces défenses en jetant les yeux sur la gravure donnée dans la Topographie de la Gaule 166.
Parmi les ponts du XIIe siècle que nous possédons encore en France, il faut citer le vieux pont de Carcassonne, bâti par les soins de la ville en 1184. Le péage de ce pont était destiné à son entretien. Ses arches sont plein cintre, bâties par claveaux reliés, mais non juxtaposés comme ceux du pont d'Avignon. Ses éperons aigus en aval comme en amont s'élèvent jusqu'au tablier, et forment des gares fort utiles, ce tablier n'ayant pas plus de 5 mètres de largeur. Il était autrefois défendu du côté opposé à la cité (rive gauche) par une tête de pont formidable qui enveloppait à peu près tout le faubourg actuel. Une chapelle du XVe siècle est accolée à sa première culée, en amont de ce côté. Sur la rive de la cité, il se reliait aux défenses de cette forteresse par une ligne de courtines flanquées. Ce pont sert encore aujourd'hui, bien qu'il soit depuis longtemps fort mal entretenu.
Le pont vieux de Béziers date à peu près de la même époque. Les arches sont plein cintre, celle du milieu plus élevée que les autres, de sorte que le tablier forme deux pentes peu prononcées. Les tympans de ce pont sont évidés par des arcades en prévision des crues de l'Hérault, et ses piles, plates du côté d'aval, sont en éperon du côté d'amont.

Nous donnons (fig. 3) l'arche centrale de ce pont, avec son plan en A, et un détail B, indiquant la construction des avant-becs et des arches du côté d'amont. Son tablier a 5m,60 de largeur. Les tabliers des ponts d'Avignon et de Saint-Esprit sont de niveau, ce qu'explique d'ailleurs l'énorme longueur de ces ponts; mais les ponts du moyen âge, d'une longueur ordinaire, présentent ordinairement deux pentes, l'arche centrale étant plus élevée et plus large que les arches latérales, afin de faciliter la navigation, et de laisser au milieu des rivières un débouché plus large et plus élevé aux crues. Cependant il est clair que les architectes cherchaient, autant que faire se pouvait, à éviter ces pentes, et beaucoup de leurs tabliers sont presque de niveau du moment que la situation des lieux leur permettait d'établir des quais et des culées élevés. Toutefois, alors qu'ils n'étaient pas forcés d'évider les tympans en prévision de fortes crues, ils se servaient des éperons des piles pour former des gares d'évitement, et ce programme leur a fourni de bons motifs d'architecture. Les exèdres du Pont-Neuf à Paris sont une tradition de cette disposition, qui, du reste, date de l'antiquité.
Il était pourvu à l'entretien des ponts, dit M. le baron de Girardot 167, «au moyen des péages appelés pontage, pontonage, pontenaye, pontonatge, enfin billette ou branchiette, à cause du billot ou de la branche d'arbre où l'on attachait la pancarte indicative des droits à payer. Le péage se percevait pour le passage en dessus, ou pour le passage en dessous. Un droit sur le sel transporté par bateaux fournissait à l'entretien coûteux du pont Saint-Esprit et des enrochements, sans cesse renouvelés, qui préservaient les piles des affouillements à redouter, à cause de la rapidité du fleuve. Les péages sur les ponts très-anciens avaient été établis de l'autorité des seigneurs; mais, lorsque le pouvoir royal eut avancé son oeuvre de centralisation, le roi seul put en établir à son profit ou à celui des engagistes du domaine, soit des cessionnaires à titre d'inféodation ou d'octroi. Les seigneurs hauts justiciers ne furent maintenus dans leur droit, à cet égard, qu'en justifiant d'une très-ancienne possession.»
Le seigneur était tenu, moyennant le péage, d'entretenir les ponts; mais souvent le pont détruit, on continuait à percevoir le droit, sinon sur le pont, du moins sur la navigation; de sorte que des ponts en ruine qui devenaient déjà un obstacle pour les mariniers, étaient encore pour eux une occasion de payer un droit de passage. «Dans l'origine, ajoute M. le baron de Girardot, le droit de péage emportait l'obligation d'assurer aux voyageurs la sûreté de leurs personnes et de leurs effets; en cas de vol ou de meurtre, le seigneur était tenu d'indemniser la victime ou ses ayants droit. On cite les arrêts rendus dans ce sens contre le sire de Crèvecoeur en 1254, le seigneur de Vicilon en 1269, et d'autres de cette même époque; quelques-uns même contre le roi, pour des vols commis sur sa justice (1295). Toutefois cette responsabilité n'avait lieu que pour le jour et non pour la nuit.» Ceci explique comment tous les ponts du moyen âge sont munis de postes qui permettaient d'abord de percevoir le péage, puis de maintenir la police sur leur parcours et dans les environs. Beaucoup de ces tours et châtelets qui munissent les issues des ponts, et quelquefois leur milieu, sont donc de véritables corps de garde et bureaux de péage. Cependant, le plus habituellement, il faut voir dans ces logis de véritables défenses, si, par exemple, les ponts donnent accès dans des bourgs ou villes défendus. C'est ainsi que le vieux pont de Saintes, démoli aujourd'hui, mais que nous avons vu à peu près entier il y a vingt-cinq ans, formait, sur la Charente, un obstacle formidable, soit contre les bateaux arrivant avec une intention hostile, soit contre des partis se présentant par la rive droite. Ce pont était bâti sur des piles romaines, et présentait même encore sur l'une d'elles, vers la rive droite, une porte antique formant arc triomphal à deux ouvertures 168.

La vue, figure 4, donne une idée de la disposition générale de ce pont défendu par une suite d'ouvrages importants. D'abord, du côté du faubourg des Dames, situé sur la rive droite de la Charente, se présentait une première porte; puis venait l'arc romain crénelé dans sa partie supérieure pendant le moyen âge; puis, du côté de la ville, une tour à section ovale à travers laquelle il fallait passer 169; puis, enfin, la porte de la ville, flanquée de tourelles. De la porte sur le faubourg des Dames à l'arc antique, le pont était construit en bois, ainsi que de la grosse tour à la porte de la ville, de sorte que le tablier de ces fragments de pont pouvant être facilement enlevé, toute communication entre la ville et le faubourg, ou la ville et la grosse tour, était interrompue. Les arches du pont reconstruit au moyen âge sur des piles romaines étaient en tiers-point, et le tablier du pont peu relevé au centre. La grosse tour, non-seulement défendait le pont, mais commandait la porte de la ville en cas qu'elle fût tombée au pouvoir d'un ennemi débarquant sur la rive gauche, et dominait le cours du fleuve. Le parapet du pont était autrefois crénelé, afin de permettre à la garnison de la tour de barrer absolument la navigation. Ces défenses ne remontaient pas au delà de la fin du XIVe siècle. Quant au pont lui-même, il datait de plusieurs époques, autant que les reprises successives faites dans les arches permettaient de le reconnaître 170. Le pont de Saintes, bien que privé de sa grosse tour et de ses défenses vers la ville, ne laissait pas, il y a vingt ans, de présenter un véritable intérêt; il a été démoli sans raison sérieuse et remplacé par un pont suspendu qui, bien entendu, devra bientôt être refait, la durée de ces sortes de ponts ne dépassant guère un demi-siècle.
Nos vieilles villes françaises, qui la plupart présentaient, il y a peu de temps, un caractère particulier, et qu'on aimait à visiter ainsi parées encore de leurs monuments, ont laissé détruire, sous l'influence d'un engouement passager, bien de précieux débris. Espérons que leurs conseils municipaux, mieux instruits de leurs véritables intérêts, conserveront religieusement les restes de leur ancienne splendeur, respectés par le temps, quand ces restes d'ailleurs ne peuvent en aucune façon entraver les développements de l'activité moderne, et sont un attrait pour les voyageurs. L'arc romain de Saintes, si précieux sur le pont, fait aujourd'hui sur la rive la plus étrange figure, et semble être un édifice échoué là par hasard.
La ville de Cahors n'a heureusement pas encore détruit son merveilleux pont de la Calendre, l'un des plus beaux et des plus complets que nous ait légués le XIIIe siècle. La construction du pont de la Calendre remonte à l'année 1251, et mérite une étude spéciale. Ce pont se reliait aux murailles de la ville, commandait le cours du Lot, et battait les collines qui sont situées sur la rive opposée. La ville de Cahors possédait trois ponts à peu près bâtis sur le même modèle; le pont de la Calendre est celui des trois qui est le mieux conservé.

Il se compose de six arches principales en tiers-point, fort élevées au-dessus de l'étiage. Sur la pile centrale et les deux piles extrêmes (fig. 5), s'élèvent trois tours: celle du centre carrée et les deux extrêmes sur plan barlong. Du tablier du pont des escaliers crénelés permettent de monter au premier étage de ces tours. La ville est située en A. Sur la rive opposée en B se dressent, abruptes, des collines calcaires assez hautes. On arrivait au pont latéralement, en suivant le cours du Lot, soit en amont, soit en aval, ainsi qu'on le voit en C. Il fallait alors franchir une porte défendue par un châtelet D, qui commandait la route et les escarpements inférieurs de la colline B. Cette porte double donnait entrée à angle droit sur le tablier du pont, en avant de la première tour E. Les parapets de cette première travée étaient crénelés, et communiquaient, d'un côté, par un escalier également crénelé F, avec les défenses supérieures du châtelet. Il fallait alors franchir la tour E, bien défendue dans sa partie supérieure par des mâchicoulis, et par une porte avec mâchicoulis intérieur. La porte E franchie, on entrait sur la première moitié du pont commandée par la tour centrale G, à laquelle on montait par un escalier contenu dans un ouvrage construit sur l'un des avant-becs. Cette tour centrale était de même fermée par une porte. Celle-ci franchie, on entrait sur la seconde moitié du tablier, commandée par la troisième tour H, munie à son sommet de mâchicoulis. Du côté de la ville une dernière porte I défendait les approches de cette troisième tour, à laquelle on montait par un escalier crénelé posé sur un arc-boutant. Les avant-becs servaient de gares d'évitement, et étaient crénelés de manière à flanquer le pont et à battre la rivière. Tous ces ouvrages, sauf le châtelet D 171 et les crêtes crénelées des parapets des avant-becs, sont encore intacts, et présentent, comme on le voit, un fort bel ensemble. La construction est faite en bons matériaux; les claveaux des arches sont extradossés, ce qui est une condition de solidité et d'élasticité. Nous observerons, à ce propos, que les ponts romains, aussi bien que ceux du moyen âge, présentent toujours des arcs extradossés, et ce n'est pas sans raison. En effet, lorsque de lourds fardeaux passent sur les arches, pour peu qu'elles aient une assez grande portée, il se produit dans les reins un mouvement sensible de trépidation: si les claveaux sont indépendants de la construction des tympans, ils conservent leur élasticité et ne peuvent répercuter au loin l'ébranlement; mais si au contraire ces claveaux sont à crossettes ou inégaux, c'est-à-dire s'ils sont plus épais dans les reins qu'à la clef, le mouvement oscillatoire se produit sur toute la longueur du pont, et fatigue singulièrement les piles. On peut observer ce fait sur le pont Louis XV, à Paris, bâti par le célèbre ingénieur Perronnet. Lorsqu'un chariot lourdement chargé passe sur l'arche centrale, on en ressent un ébranlement sensible sur toute la longueur du pont. Pour obvier au danger de cette oscillation, l'ingénieur Perronnet avait pour habitude de cramponner en fer les queues des claveaux; mais s'il assurait ainsi la solidarité de toutes les parties du pont, il plaçait un agent destructeur très-actif dans la maçonnerie, agent qui tôt ou tard causera des désordres notables. Les arcs extradossés, suivant la méthode romaine et du moyen âge, ont au contraire l'avantage de rendre chaque arche indépendante, d'en faire un cerceau élastique qui peut se mouvoir et osciller entre deux piles sans répercuter cette oscillation plus loin. Nos ingénieurs modernes, mieux avisés, en sont revenus à cette méthode; mais cela prouve que les constructeurs du moyen âge avaient acquis l'expérience de ces sortes de bâtisses. On pourra leur reprocher d'avoir multiplié les piles et resserré d'autant les voies de navigation; mais il faut considérer que si les ponts du moyen âge étaient faits pour établir des communications d'une rive d'un fleuve à l'autre, ils étaient aussi des moyens de défense, soit sur la voie de terre, soit sur la voie fluviale, et que la multiplicité de ces piles facilitait singulièrement cette défense. D'ailleurs ces ponts ne s'élevaient pas, comme les nôtres, dans l'espace de deux ou trois ans. La pénurie des ressources faisait qu'on mettait dix et vingt ans à les construire; dès lors il ne fallait pas que la fermeture d'une arche pût renverser les piles voisines, et celles-ci devaient être assez fortes relativement et assez rapprochées, pour résister aux poussées. C'est la nécessité où l'on se trouvait de bâtir ces ponts par parties qui faisait adopter dans quelques cas la courbe en tiers-point pour les arches, cette courbe poussant moins que la courbe plein cintre.
Le pont de la Calendre, à Cahors, possède des avant-becs en aval comme en amont, et par conséquent des gares flanquantes et d'évitement sur les deux côtés du tablier. C'est encore une raison de défense qui a motivé cette disposition, car partout où les ponts n'ont pas cette importance au point de vue militaire, s'il est pratiqué des avant-becs aigus en amont, les piles sont plates du côté d'aval, comme par exemple au pont de Saint-Étienne, à Limoges, décrit par M. Félix de Verneilh dans les Annales archéologiques 172. Ce savant archéologue, auquel nous devons des travaux si précieux sur les monuments français du moyen âge, a observé aussi que dans plusieurs de ces ponts du Limousin, dont les piles sont très-épaisses relativement aux travées des arches, ces piles ne sont souvent composées que d'un parement de granit, au milieu duquel est pilonné un massif de terre. C'était là un moyen économique dont nous avons pu constater l'emploi, et qui remonte, pensons-nous, à une assez haute antiquité, car des restes de piles romaines nous ont présenté la même particularité. Les avant-becs de plusieurs ponts du Limousin donnent en section horizontale, non point un angle aigu ou droit, mais une courbe en tiers-point, ce qui avait l'avantage de permettre le glissement de l'eau courante et de donner plus de force à ces éperons; car il est clair (fig. 6), que la section A présente une plus grande surface que la section B, par conséquent plus de poids et de résistance.

Revenons au pont de Cahors. On remarquera (fig. 5) que les escaliers extérieurs conduisant aux tours sont ouverts du côté de la ville, le long du parapet, de telle sorte que si le châtelet D était pris, fermant la porte de la tour E, les défenseurs pouvaient accabler les assaillants et recevoir des renforts de la ville. Seul l'escalier de la tour centrale G est pratiqué dans un exhaussement de l'avant-bec; son entrée étant placée sous le passage, mais masquée, bien entendu, par la porte qui fermait ce passage. L'escalier de la dernière tour H est en communication avec le crénelage du poste I, et le poste, fermé du côté de la ville, était destiné à présenter un premier obstacle aux assaillants qui auraient pu faire une descente sur la rive de ce côté.

Nous donnons (fig. 7) une vue perspective à vol d'oiseau de la tour E sur la rive opposée à la ville et de ses dépendances. Outre le châtelet extérieur A, une défense basse formait tête de pont sur cette rive, empêchait de débarquer près de la tour, et présentait un premier obstacle sur la route B. On remarquera dans cette figure la disposition des mâchicoulis avec petits arcs plein cintre. Chacun de ces arcs est porté par une console composée de quatre assises en encorbellement qui reçoivent une languette de maçonnerie dans la hauteur du coffre, de sorte que chaque arc fait un assommoir séparé s'ouvrant par une baie dans l'étage supérieur. Au-dessus des mâchicoulis, couverts par de grandes dalles, sont percés quatre créneaux très-rapprochés, permettant le tir de l'arbalète suivant un angle plus ou moins ouvert. Le premier et le second étage sont chacun percés d'une seule archère sur chaque face. L'avant-bec que l'on voit dans notre figure indique le système adopté par le maître de l'oeuvre pour élever la construction. Ces avant-becs sont percés parallèlement au tablier, à la hauteur de la naissance des arches, de passages au-dessous desquels on voit trois trous destinés à poser des sapines en travers, et un petit plancher formant passerelle. Les cintres des arches étaient eux-mêmes posés dans des trous de scellement restés apparents. Ainsi le service des maçons se faisait par cette passerelle à travers les avant-becs. Sur cette passerelle les matériaux étaient bardés, enlevés par des grues mobiles et posés sans nécessiter aucun autre échafaudage. Comme le fait observer M. Félix de Verneilh, dans la notice citée plus haut, les ponts du moyen âge étaient sujets à être coupés pendant les guerres continuelles de ces temps; c'était là encore une raison qui obligeait les constructeurs de donner aux piles une forte épaisseur, car il ne fallait pas, si l'on était dans la nécessité de couper une arche, que les autres vinssent à fléchir. Mais aussi en prévision de cette éventualité, beaucoup de ponts de pierre avaient des travées mobiles en bois. Nous avons vu tout à l'heure que le pont de Saintes possédait deux portions de tabliers de charpente: l'un du côté du faubourg, l'autre du côté de la ville. Certains ponts de pierre étaient munis de véritables ponts-levis: tels étaient ceux de Poissy, d'Orléans, de Charenton, de la Guillotière à Lyon, de Montereau, etc. Parfois aussi les ponts ne se composaient que de piles de maçonnerie avec tabliers de charpente couverts ou découverts.
Dans le recueil des Plans et profils des principales villes et lieux considérables de France, par le sieur Tassin, 1652, est donnée une vue d'Avignon avec le pont Saint-Bénezet. Deux arches manquent dans l'île et trois sur le grand bras.
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Archives municipales d'Avignon; procès du Rhône, t. I, p. 65. Nous devons ces renseignements au savant archiviste de la préfecture de Vaucluse, M. Achard, qui possède sur Avignon et le comtat Venaissin des notes précieuses dont il a bien voulu nous permettre de faire usage.
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«Une charte», dit M. A. Champollion-Figeac, dans son recueil intitulé Droits et usages (Paris, 1860), «une charte de l'empereur Frédéric, de l'année 1158, et un acte relatif à l'abbaye de Saint-Florent (coll. de Camps), de l'année 1162, pour un pont bâti sur la Loire, constatent encore ces deux faits» (la défense d'élever des forteresses sur les ponts ou d'y percevoir un péage quelconque sans autorisation des fondateurs)...
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Ibid., p. 125.
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Droits et usages. M. A. Champollion-Figeac, p. 131.
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Ce plan est fait à la fois, et sur le tablier, et sur la chapelle en contre-bas.
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Il n'est fait mention que d'une chapelle sur le pont d'Avignon dans tous les documents que nous avons pu consulter.
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Notamment en 1856.
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(retour) Édit. de Francfort, gravures de Mérian.--Deux arches du pont Saint-Esprit ont été détruites depuis peu pour être remplacées par une arche en fonte de fer, afin de faciliter le passage des bateaux. Il a fallu arracher à grand'peine la pile supprimée, dont la maçonnerie était excellente.
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Voyez l'article substantiel sur les ponts, publié par ce savant archéologue, dans les Annales archéologiques, t. VII, p. 17 et suiv.
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Cet arc de triomphe, déposé pièce à pièce, lorsque la démolition du pont fut définitivement résolue, a été remonté sur les bords mêmes du fleuve, par les soins de la commission des monuments historiques et sons la direction de M. Clerget, architecte.
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Cette tour, à la fin du XVIe siècle, servait de prison municipale.
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La grosse tour et la porte de la ville furent démolies après les guerres de religion, elles sont parfaitement indiquées dans une vue cavalière du Recueil de 1574: Civitates orbis terr.
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De ce châtelet il ne reste que les parties basses.
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Tome XX, p. 100.
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