Kitabı oku: «Comment on construit une maison», sayfa 6
CHAPITRE VIII
M. PAUL RÉFLÉCHIT
L’omelette au jambon dévorée, M. Paul demeurait silencieux.
«Eh mais, petit confrère, vous m’avez l’air de regarder quelque chose en dehors du monde réel; est-ce encore la faim qui vous donne ce regard pensif, et vous faut-il une seconde omelette?
–Non; je n’ai plus soif ni faim, mais je trouve déjà difficile de comprendre ce que vous m’expliquez avec tant de complaisance depuis quelques jours; il y a des points qui m’échappent, et je me demande si je pourrai vous être bon à quelque chose dans la construction que vous élevez. Il me semble que j’aurais beaucoup à apprendre; le peu que vous m’avez enseigné s’embrouille dans ma tête et nous n’avons pas encore mis la main à l’œuvre.
–Déjà découragé… allons donc! chaque jour suffit à sa peine, et une construction ne s’élève pas tellement vite que vous ne puissiez chaque soir augmenter peu à peu votre provision de connaissances pratiques, sans confusion.
«Tout cela se classera dans votre cerveau, car la tête est une merveilleuse boîte; plus on l’emplit, plus elle s’élargit; et chaque chose classée dans la case qui est destinée à la recevoir se retrouve toujours. La question est de bien ranger ses casiers et de n’y placer que des objets scrupuleusement étudiés et triés.
«Mais il faut tous les jours mettre au net le travail fait et ne rien laisser pour le lendemain. La besogne dont je vous charge, c’est-à-dire la constatation journalière de tout ce qui entre au chantier et de l’emploi des matériaux, ce que nous appelons les attachements, n’est qu’une question d’exactitude et de soin. L’important est de ne se point laisser déborder. Deux heures au plus vous suffiront par jour pour prendre les notes sur place. Deux autres heures pour mettre ces notes au net. Vous voyez qu’il vous restera encore trois ou quatre heures pour vous occuper des détails d’exécution et pour courir les champs.
–Est-ce que vous avez commencé à apprendre l’architecture de cette façon?
–Oh que non pas!
«En sortant du collège je suis entré chez un architecte, un patron, qui m’a fait pendant deux ans copier des dessins de monuments dont on ne m’indiquait ni l’âge, ni le pays, ni l’usage; puis passer des teintes. Pendant ce temps-là j’ai suivi des cours de mathématiques, de géométrie, de dessin d’après l’ornement. J’ai pu alors entrer à l’École des Beaux-Arts où l’on n’enseigne pas grand’chose, mais où l’on fait faire des concours pour obtenir des médailles et le grand prix, si l’on peut. Je suis resté là trois ans, total cinq. Cependant j’avais besoin de gagner ma vie, car je n’avais que juste de quoi payer mon loyer et acheter de quoi me vêtir. Il me fallait donc faire la place, c’est-à-dire travailler à tant l’heure, chez un architecte très occupé. Là, je faisais des calques, et encore des calques, puis parfois quelques détails d’exécution; Dieu sait comme! car je n’avais jamais vu exécuter la moindre partie d’une bâtisse. Mais le patron n’était pas difficile et les entrepreneurs suppléaient par leur expérience à ce qui manquait à ces détails. Voyant que tout cela ne me conduirait pas, par un court chemin, à apprendre mon métier, et ayant eu la chance d’hériter de quelques milliers de francs, je me mis à voyager, à étudier l’architecture sur les monuments bâtis, non plus sur ceux que l’on me montrait sur le papier. J’observais, je comparais, je regardais faire les praticiens, je courais voir les édifices qui croulaient, afin de reconnaître in animâ vili les causes de leur ruine.
«Au bout de cinq autres années, je savais assez mon métier pour essayer de le pratiquer. Total: dix ans; et je n’avais pas bâti une niche à chien. Un protecteur me fit entrer dans une agence des travaux de l’État, où je voyais employer des méthodes qui n’étaient guère d’accord avec les observations que j’avais pu recueillir pendant mes études sur l’architecture des temps passés. Si par hasard je me permettais à cet égard des observations, on me regardait de travers. Si bien que je ne restai pas là longtemps, d’autant plus qu’il se présentait pour moi une belle occasion d’utiliser ce que j’avais appris.
«Une grande compagnie faisait faire des constructions d’usines très importantes. Elle avait un architecte qui prétendait lui bâtir des monuments romains; cela la gênait un peu. Cette compagnie ne tenait pas essentiellement à ériger dans les plaines de la Loire des édifices rappelant la splendeur de Rome. Je fus présenté aux directeurs; ils m’expliquèrent leur programme. J’écoutai, je travaillai, comme un nègre qui travaille, à acquérir tout ce qui me manquait pour satisfaire mes clients. Je courus les usines, j’allai chez les grands entrepreneurs, j’étudiai les matériaux; enfin je fournis un premier projet qui plut, mais qui cependant ne me plairait guère aujourd’hui. On se mit à l’œuvre; l’étude assidue, la présence continuelle sur les chantiers, me donnèrent ce qui me manquait, si bien qu’on fut content de mes premiers travaux. La plupart de ces messieurs possédaient des hôtels et des châteaux. Je devins leur architecte et j’eus bientôt ainsi une belle clientèle et plus de travaux que je n’en pouvais faire, d’autant que je crois qu’il faut toujours étudier, raisonner, améliorer, et, à ce compte, plus on avance, plus on trouve devant soi des difficultés.
–Alors, comment est-ce qu’on étudie l’architecture?
–Mais comme cela… en en faisant… Du moins jusqu’à présent en France n’emploie-t-on pas d’autre méthode, et peut-être est-ce la meilleure.
–Mais comment apprennent à construire ceux qui ne vont pas, comme vous l’avez fait, courir le monde, et qui suivent l’enseignement habituel?
–Ils n’apprennent pas à construire. On ne leur apprend qu’à concevoir et projeter des monuments inexécutables, sous le prétexte de conserver les traditions du grand art; et quand ils sont las de mettre ces conceptions sur le papier, on leur donne une place dans une agence, où ils font ce que vous allez faire, seulement ils le font avec dégoût, parce qu’ils visaient bien autre chose.
–Mais, en commençant comme je vais commencer, est-ce que je pourrais ensuite étudier la… comment dirais-je?
–La théorie, l’art, en un mot? Certes, vous le pourrez beaucoup plus facilement, car le peu de pratique que vous aurez acquis en bâtissant une maison, ou en la voyant bâtir des fondations au faîte, vous permettra de comprendre bien des choses qui, sans la pratique, sont inexplicables dans l’étude de l’art. Cela vous donnera l’habitude de raisonner et de vous rendre compte de certaines formes, de certaines dispositions commandées par les nécessités de la pratique. Formes et dispositions qui paraissent être de pures fantaisies aux yeux de ceux qui n’ont aucune idée de ces nécessités.
«Comment apprend-on à parler aux enfants? Est-ce en leur expliquant les règles de la grammaire à l’âge de trois ans? Non, c’est en leur parlant et en les obligeant à parler pour exprimer leurs désirs ou leurs besoins. Quand ils parlent comme vous et moi, à peu près, on leur explique le mécanisme et les règles du langage, et alors ils peuvent écrire correctement. Mais avant d’apprendre par suite de quelles lois les mots doivent être placés, et comment on doit les écrire pour composer une phrase, ils connaissaient la signification de chacun d’eux.
«Si en France nous n’avions pas, sur l’enseignement, les idées les plus singulières, nous commencerions, lorsqu’il s’agit de l’étude de l’architecture, par le commencement et non par la queue. Nous donnerions aux jeunes gens ces méthodes pratiques élémentaires de l’art de bâtir, avant de leur faire copier le Parthénon ou les thermes d’Antonin Caracalla qui, à défaut de ces premières notions pratiques, ne sont pour eux que des images; nous formerions ainsi ces jeunes esprits à raisonner et à reconnaître tout ce qui leur manque, au lieu d’exciter leur vanité naissante par des exercices purement théoriques ou d’art, alors qu’ils ne peuvent se rendre compte des formes qu’on leur donne comme des modèles.
–Une maison comme celle que nous allons construire est, il me semble, bien peu de chose; et une pareille construction ne peut guère fournir les renseignements qui doivent être nécessaires, si on élève un grand monument?
–Ne croyez pas cela, petit cousin: la construction, en dehors de certaines connaissances scientifiques et pratiques que vous pourrez étudier à loisir, n’est autre chose qu’une méthode, qu’une habitude de raisonner, qu’une obéissance aux règles du bon sens. Encore faut-il avoir du bon sens et le consulter. Malheureusement il est une école d’architectes qui dédaigne cette faculté naturelle, en prétendant qu’elle entrave l’inspiration… car nous avons parmi nous des fantaisistes, comme il s’en trouve dans les lettres et chez les peintres ou les sculpteurs; mais si la fantaisie est permise aux gens de lettres et aux artistes, car elle ne fait de tort à personne, en architecture c’est autre chose; elle coûte cher, et c’est vous et moi qui payons. Nous avons dès lors le droit de la trouver au moins inopportune. Il faut tout autant exercer les facultés du raisonnement et recourir au bon sens pour élever une maison que pour construire le Louvre, de même que l’on peut montrer du tact et de l’esprit dans une lettre aussi bien que dans un gros volume.
«La valeur de l’architecte ne s’estime pas par la quantité de mètres cubes de pierre qu’il met en œuvre. La grosseur du monument ne fait rien à l’affaire.
–Ainsi vous admettez qu’il faut autant de mérite pour bâtir une petite maison que pour élever un vaste palais?
–Je ne dis pas cela; je dis que les facultés, la raison, la juste mesure, l’exacte appréciation des éléments disponibles et leur bon emploi, se manifestent aussi bien dans la construction de la maison la plus modeste que dans l’édification du plus magnifique monument.
–Je pourrai donc apprendre beaucoup en suivant la construction de la maison de ma sœur?
–Certainement: 1º parce qu’on apprend beaucoup quand on a la volonté d’apprendre; 2º parce que, dans une maison comme dans le plus vaste des palais, il vous faudra voir passer devant vos yeux tous les corps d’état, depuis le terrassier jusqu’au peintre décorateur. Que le menuisier fasse vingt portes ou deux cents, si vous voulez bien vous rendre compte de la manière de faire une porte, de la ferrer et de la poser, une seule suffit, il n’est pas besoin que vous en voyiez mille.
–Mais cependant nous ne ferons pas ici, par exemple, des portes comme celles qui ferment les appartements d’un souverain?
–Non; mais le principe de structure est ou doit être le même pour les unes comme pour les autres, et c’est quand on s’écarte de ces principes que l’on tombe dans la fantaisie et les non-sens. Quand vous saurez comment se fait une porte de menuiserie, vous verrez que sa structure tient à la nature de la matière employée: le bois, et à la destination. Après cela vous pourrez étudier comment les maîtres se sont servis de ces éléments et comment (sans sortir du principe) ils ont produit des œuvres simples ou très riches; vous pourrez faire comme eux, si vous avez du talent, et chercher des applications nouvelles. Mais avant tout, faut-il savoir comment se fabrique une porte et ne pas copier au hasard, avant ces premières connaissances pratiques, les formes diverses qui ont été adoptées, bonnes ou mauvaises.»
Paul resta pensif tout le reste du jour; il était évident qu’il entrevoyait de grosses difficultés et que la construction de la maison de sa sœur prenait, dans son esprit, des proportions inquiétantes. Rentré au château, il regardait les portes, les fenêtres, les boiseries, comme s’il n’eût jamais rien vu de pareil, et plus il regardait, plus cela lui paraissait embrouillé, compliqué, difficile à comprendre. Il ne s’était jamais demandé par quels artifices ces morceaux de bois s’assemblaient, se tenaient ensemble, et ne trouvait guère de solutions satisfaisantes aux questions qu’il s’adressait à lui-même.
CHAPITRE IX
M. PAUL, INSPECTEUR DES TRAVAUX
«Allez voir, mon cher Paul, où en sont les fouilles, ce matin, dit le grand cousin, le surlendemain de la visite sur le terrain, et vous m’en rendrez compte. Emportez avec vous un mètre et un carnet; vous prendrez des notes et mesures sur ce qui est fait. Vous examinerez le terrain et me direz si l’on trouve des bancs de pierre près de la surface du sol, ou si les terres meubles sont profondes. Pendant ce temps-là je vais esquisser le plan des caves. Mais prenez le calque du plan du rez-de-chaussée de la maison, et, sur ce plan, vous me marquerez ce que l’on a commencé à fouiller et ce que l’on trouve. Ça ne doit pas être bien avancé; mais cependant des déblais seront déjà faits puisque j’ai dit au père Branchu de mettre autant de terrassiers qu’il en pourrait trouver, afin de nous conformer aux intentions de votre père.»
Un peu embarrassé de ses nouvelles fonctions, M. Paul arriva bientôt sur le terrain. Aidé du père Branchu, il prit les mesures des fouilles, indiqua comme il put les profondeurs et nota les points où on trouvait le roc et les terres meubles. Cela lui prit deux bonnes heures.
«Eh bien, dit le grand cousin, quand on fut installé dans le cabinet de travail, après déjeuner, voilà le plan des caves (fig. 21). Voyons un peu comment cela va s’arranger avec ce que vous avez trouvé sur place, et si nous devons faire des modifications à ce plan. Bon, le roc est presque à fleur du sol vers le sud, et les terres meubles atteignent assez régulièrement une profondeur de 3 mètres vers le nord de nos bâtiments. Nous allons donc asseoir les caves sous le salon, la salle à manger et la salle de billard, à même le roc calcaire, en taillant celui-ci, et nous fonderons les parties antérieures, et notamment celles du bâtiment des écuries et remises, sur une bonne maçonnerie.
Fig. 21.
Fig. 21.—Plan des caves de la maison.
«Voici (fig. 21) le plan des caves; vous voyez ces lignes d’axes, elles indiquent les axes des murs à rez-de-chaussée et ne devront plus varier. Les cotes d’épaisseur des murs sont écrites, partant toujours de ces axes. Aussi, voyez-vous que ces cotes sont plus fortes là où le mur de cave doit porter la retombée des berceaux de caves, conformément à ce que je vous ai expliqué l’autre jour.
«Nous avons un petit cours d’eau qui va alimenter les services de la maison, au moyen d’un réservoir que nous placerons le plus haut possible. Nous n’avons pas encore fait le nivellement; mais, à vue de nez, j’estime, en raison des chutes de ce ruisseau et de la rapidité de son cours, qu’à 100 mètres de la maison le réservoir approvisionnera l’eau de façon que celle-ci puisse arriver par des conduits au niveau du premier étage. C’est à vérifier. Autrement nous aurons recours à une pompe mue par un manège ou un moulin à vent. Nous conduirons ensuite ce cours d’eau dans un égout, le long des murs nord de la maison, ainsi que vous le voyez en A, de telle sorte que cet égout recueille les eaux ménagères de la maison par un conduit B et reçoive les chutes des water-closets en C, en D et en E. L’eau courante entraînera ainsi ces immondices dans un bassin que nous établirons en contre-bas dans le potager. Car ces eaux reposées sont excellentes pour arroser, ne vous en déplaise, les légumes.
«Sur le plan, j’ai indiqué en G les profils42 des berceaux de caves. Celles-ci auront 1m,50c jusqu’à la naissance des voûtes, et les berceaux auront 1m,50c de flèche.
Ces caves auront donc sous clef 3 mètres, ce qui est très beau, d’autant que le terrain est sec. On pourra donc utiliser ces caves, non seulement pour y placer les vins, mais des légumes, un garde-manger, etc. Le sol de notre rez-de-chaussée étant à 1m,50c au-dessus du sol extérieur, il nous sera facile d’aérer ces caves par des soupiraux, ainsi que je l’ai marqué en H.
On y descendra par l’escalier droit situé près de la buanderie et par l’escalier de service compris dans la tourelle. L’escalier droit servira pour descendre les provisions, et l’escalier à vis pour monter dans l’office les vins et autres choses.
«Avez-vous vu si le père Branchu a eu le soin de faire ranger régulièrement les matériaux extraits des fouilles?
–Oui; il n’a trouvé jusqu’à présent que des plaquettes de ce qu’il appelle de la caillasse, mais il les fait empiler et m’a dit que ce serait bien bon pour faire les murs de fondation.
–Il a raison; cette caillasse est sujette à geler à l’air libre, mais elle est dure et se comporte bien dans des caves; puis, elle permet une bonne maçonnerie parce qu’elle est litée, c’est-à-dire qu’elle est naturellement extraite en petits bancs parallèles de 10 à 15 centimètres d’épaisseur.
–C’est bien ce qu’il m’a dit; mais il a ajouté que cela mange beaucoup de mortier, et je n’ai pas bien compris ce qu’il entendait par là.
–En effet, plus les moellons sont minces, plus ils exigent de lits de mortier entre eux; mais si vous avez observé ces plaquettes, vous avez vu qu’elles sont extrêmement rugueuses et criblées de cavités sur leurs surfaces de délits. Il faut que le mortier soit donc abondant entre chaque lit, pour bien remplir ces rugosités et cavités; et c’est en cela même que cette maçonnerie, quand on n’économise pas le mortier, est excellente; ces surfaces rugueuses adhèrent à ce mortier bien mieux que ne peuvent le faire des surfaces lisses; elles font corps avec lui, et bientôt l’ensemble ne forme qu’une masse. Mais il faut ne pas épargner la chaux et le sable, et c’est ce qui fait dire au père Branchu que ce moellon mange beaucoup de mortier.
–Le père Branchu a dit aussi qu’il trouvait de la pierre bonne pour faire de la chaux, sur les bancs calcaires propres à bâtir, et demande s’il faut la mettre de côté.
–Certainement; si le chaufournier du Moulin ne peut nous fournir de la chaux, nous en ferons; ce n’est pas difficile, puisque nous avons des fagots en quantité provenant des dernières coupes.
–Le père Branchu m’a aussi demandé où il fallait transporter les déblais.
–Vous lui direz, demain matin, qu’il les dépose en cavaliers43 à la droite et à la gauche des fouilles; nous en aurons besoin pour niveler les abords de la maison.
–Qu’est-ce qu’un cavalier?
–C’est une éminence factice que l’on dispose suivant une épaisseur et une hauteur régulières, de manière à pouvoir en prendre facilement le cube. Ainsi, quand on fait les déblais à la brouette—et c’est, vous l’avez vu, le moyen que nous employons—on trace la surface que doit occuper ce cavalier sur le sol: soit en A B (fig. 22) comme longueur et C D comme largeur. Cela fait, le point B étant le plus éloigné de celui où le déblai s’opère, les brouetteurs disposent les premières terres en B, laissant une inclinaison au remblai assez douce pour que les brouettes puissent être poussées pleines sans trop de peine.
Fig. 22.
Ainsi obtiennent-ils peu à peu un remblai A E B. Alors, du milieu F, moitié de la pente A E, ils laissent un chemin a b de 1m,50c de largeur pour le va-et-vient des brouettes, puis ils remblayent le triangle A G F par couches inclinées. Ils terminent en remplissant le triangle G F E. Reste le chemin g D h i à remplir, ce que font les pelleteurs, au fur et à mesure de l’apport des terres sur ce chemin même.
Le cavalier étant ainsi parfaitement régulier, ses pentes sont données par la terre coulante, c’est-à-dire qu’elles forment avec l’horizon des angles de 40° environ, suivant la nature du remblai. Le cavalier étant achevé et ayant, je suppose, 10 mètres à mi-hauteur, de l en m, et 4 mètres à mi-hauteur de sa largeur de n en b, en multipliant 10 mètres par 4 mètres on obtient 40 mètres de surface à ce niveau moyen. Multipliant ce chiffre par 2 mètres, hauteur du cavalier, nous trouvons 80 mètres cubes. Vous savez donc ainsi que vous avez remué cette quantité de terre, et par conséquent ce que vous avez à payer, si c’est au mètre cube que vous faites vos déblais et remblais, ou à quel prix vous revient le mètre cube de terre remuée, si c’est à la journée que vous faites le travail.
–Alors ce cube donne celui de la fouille?
–Pas tout à fait. La terre comprimée, tassée sur le sol naturel, cube moins que celle qui a été remuée et qui laisse entre les matières du remblai beaucoup de vides. On dit alors que la terre enlevée foisonne plus ou moins. Le sable de mer ne foisonne pas, tandis qu’une terre caillouteuse mêlée de détritus végétaux foisonne beaucoup. Il faut donc, dans vos attachements, tenir compte du vide de la fouille pour avoir le cube de la terre enlevée et cuber les cavaliers pour connaître, quand nous les utiliserons, la masse de terre que nous aurons à transporter ailleurs.
«Vous allez maintenant mettre ce plan des caves à une échelle de 2 centimètres par mètre, afin de pouvoir écrire et attacher bien lisiblement les cotes; puis, je vous indiquerai sur ce plan les points où il faudra poser des libages.
–Qu’est-ce que c’est que des libages?
Fig. 23.
—On désigne ainsi la pierre de taille que l’on place en fondation et qui n’est taillée que sur ses lits, c’est-à-dire qui ne présente pas de parements vus. Une pierre de taille possède toujours deux lits, qui sont ses surfaces horizontales; un ou plusieurs parements, qui sont les surfaces vues, et ses joints, qui sont les surfaces séparatives. Ainsi, supposons une pierre d’angle, portant pilastre et ayant la forme que je vous indique ici (fig. 23); les surfaces a b c d e f, g h i j k l sont les lits supérieur et inférieur. Les surfaces a l b g, b g c h, c d h i, d e i j, sont les parements vus, et les surfaces e f j k, a f k l sont les joints: les pierres voisines venant toucher ces surfaces.
Or vous sentez que, quand on place des pierres sous le sol, en fondation, il n’est pas nécessaire de tailler des parements qui ne seraient visibles que pour les taupes.
On fait donc l’économie de cette taille; c’est-à-dire qu’on laisse la pierre brute sur ses faces verticales et qu’on ne taille que les lits de pose.
On choisit pour ces libages des pierres solides, résistantes aux charges, mais qui peuvent être d’ailleurs très grossières de pâte et même sensibles à la gelée ou gélives, comme nous disons, et qui ne pourraient être employées à l’air sans inconvénients; sous terre, ces pierres sont préservées de l’action de la gelée.
Mais il faut avoir le soin, plus encore pour ces pierres que pour celles en élévation, de les bien placer suivant leur lit44 de carrière et suivant leur position stratifiée naturelle; autrement elles pourraient se briser ou s’écraser sous la charge des maçonneries supérieures.
Quand notre plan sera fait, nous indiquerons par une couleur particulière les parties où nous demanderons que l’on pose des libages.
Ce seront les angles, les jonctions de murs qui reçoivent les charges relativement les plus considérables.
Entre ces libages, la maçonnerie sera élevée simplement en moellons.
«Le sol étant bon, nous nous contenterons de fonder à 50 centimètres seulement au-dessous de l’aire des caves. Mais, dès que nous aurons atteint ce niveau, les pierres de taille auront nécessairement des parements vus dans ces caves; ces matériaux ne seront plus des libages, mais des pierres de taille. Nous ne prendrons pas les plus belles et les plus fines, mais les plus résistantes à la charge, et qui dans cette contrée-ci sont les plus grossières d’aspect. Nous mettrons de la pierre de taille dans nos caves, aux angles, aux jambages45 des portes et des soupiraux, aux noyaux des escaliers.
«Mais vous avez assez de besogne pour aujourd’hui et demain matin… Ah! j’oubliais! Si le père Branchu rencontre des sources ou pleurs qui le gênent, prévenez-m’en, parce que nous établirons tout de suite les égouts pour les recueillir. Cela nous fixera sur le niveau à donner au radier de notre collecteur.
–Qu’est-ce qu’un radier?
–C’est la partie d’un canal, d’une écluse ou d’un égout sur laquelle l’eau coule; c’est le fond, qui doit être établi assez ferme et solide pour que la force du courant ne l’affouille pas. Il faut donc faire les radiers des égouts en bonnes pierres plates, ou, ce qui vaut mieux encore, en ciment hydraulique quand on peut s’en procurer, parce que l’eau trouve le moyen de passer entre les joints des pierres, tandis que si le ciment est bien employé, il ne forme, sur toute la longueur du canal, qu’une masse homogène parfaitement étanche. On a le soin, d’ailleurs, de donner au radier d’un égout une coupe légèrement concave se raccordant, sans angles, aux parois; car l’eau profite des angles pour opérer son œuvre de destruction. Puis ceux-ci, lorsqu’on veut curer les canaux souterrains, ne se nettoient pas facilement. La meilleure forme à donner à un égout est celle-ci en coupe (fig. 24).»
Fig. 24.