Kitabı oku: «Comment on construit une maison», sayfa 9
CHAPITRE XV
L’ÉTUDE DES ESCALIERS
Il était temps de donner les détails nécessaires à l’exécution des escaliers. Le grand cousin avait dit à Paul de préparer ces détails; mais Paul, comme on peut le supposer, ne s’en était pas tiré à son honneur et n’avait fourni que des traits parfaitement inintelligibles aux autres aussi bien qu’à lui-même, malgré les indications sommaires fournies par l’architecte en chef.
«Allons, dit le grand cousin, il faut nous mettre à cette besogne ensemble.
«Le père Branchu et le charpentier demandent les détails.
Fig. 39—Le tracé du grand escalier.
«Prenons d’abord le grand escalier et traçons sa cage (fig. 39). Nous avons pour la hauteur du rez-de-chaussée, compris l’épaisseur du plancher, 4m,50c, les marches ne doivent pas avoir plus de 0m,15c de hauteur chacune; il nous faut donc compter trente marches pour arriver du sol du rez-de-chaussée au sol du premier étage. De largeur ou de pas, suivant le terme admis dans les constructions, une marche doit avoir de 25 à 30 centimètres, pour donner une montée facile. Donc trente marches donnent 7m,50c ou 9 mètres de développement. Je crois vous avoir déjà dit cela quand nous avons tracé le plan du rez-de-chaussée. Si nous prenons le milieu de l’espace réservé aux marches, sur notre plan, nous trouvons juste 9 mètres. Traçant donc les marches sur cette ligne milieu et leur donnant 275 millimètres de pas, nous pouvons trouver deux paliers dans les angles en A, A’; nous ferons gironner ces marches de manière à éviter les angles aigus près du noyau. La première marche sera en B, la dernière en C. En D, nous ferons sous l’emmarchement la cloison qui permettra d’établir le water-closet en A’. Puisque, à ce palier A’, nous avons monté 18 marches (chacune ayant 15 centimètres de hauteur), nous aurons pour ce water-closet 2m,50c sous plafond, ce qui est plus que suffisant. Nous l’éclairerons par une fenêtre E. Les deux baies F éclaireront l’escalier et suivront le niveau des marches, comme l’indique l’élévation. Car rien n’est plus ridicule et plus incommode que de couper les fenêtres par les marches d’un escalier, et, bien que cela soit pratiqué tous les jours dans nos habitations, c’est là un de ces contre-sens que tout constructeur doit éviter. Du couloir de service G, on entrera dans le water-closet par la porte H.
«Traçons maintenant l’élévation ou plutôt la projection verticale de cet escalier. Voici comment on procède: on trace la cage en élévation, puis on divise la hauteur à monter en autant de parties qu’il doit y avoir de marches, ainsi que je le fais en I. Projetant horizontalement ces divisions sur l’élévation, et verticalement les bouts des marches avec la cage et le noyau, indiqués au plan, on obtient par la rencontre de ces deux projections le tracé des marches le long de la cage et contre le noyau.
«Voilà qui est fait. La dernière marche est donc en K au niveau du plancher du premier étage. Pour monter au deuxième étage, nous avons 4m,00 à monter d’un plancher à l’autre; donnant 0m,156 à chaque marche, nous trouvons 26 marches, plus une fraction de millimètre dont il n’y a pas à tenir compte. Donc, nous conserverons en plan le tracé de la première révolution à partir de la marche L, ce qui donne 13 marches jusqu’au point M. De ce point nous tracerons les 13 autres marches pour faire le nombre de 26, comme je le marque sur le bout de plan supplémentaire en N. Puis, pour l’élévation, nous procéderons comme ci-dessus. Nous obtiendrons alors le tracé général de V en X pour les deux étages. Le tracé établi, il s’agit de savoir en quelle matière nous ferons ces marches? Étant comprises entre des murs et un noyau qui est un mur lui-même, nous pouvons, si bon nous semble, les faire en pierre de taille d’un seul morceau chacune. Toutefois, cela n’est guère praticable en ce pays parce que nous nous procurerions difficilement de la pierre dure, compacte, fine, bonne pour cet objet. Nous nous contenterons donc de faire seule la première marche en pierre, et, quant aux autres, nous les ferons en charpente, en les recouvrant de bonnes tablettes de chêne; et pour ne pas les sceller dans les murs, nous ménagerons un bandeau saillant en maçonnerie formant crémaillère61 le long des murs et du noyau pour recevoir la partie de leurs abouts, ainsi que je vous l’indique ici (fig. 40). On lattera ces marches laissées brutes par-dessous, rabotées seulement sur la face ou contre-marche62 A. Afin qu’elles ne puissent branler sur leur repos de maçonnerie, nous les fixerons avec des pattes B, lesquelles seront masquées par la tablette formant pas et entreront dans les trous de scellements C.
Fig. 40.
«Quant à l’escalier de service en limaçon, nous le ferons en pierre dure, chaque marche portant noyau, ainsi que je vous le marque ici (fig. 41).
Fig. 41.
«Maintenant essayez de mettre tout cela au net pour pouvoir donner promptement les détails au maçon et au charpentier.»
Avec bien de la peine, Paul parvint à faire un tracé assez complet sur les indications fournies par le grand cousin; mais celui-ci fut obligé d’y mettre souvent la main, car son inspecteur n’était pas de première force en géométrie descriptive élémentaire, et ces projections lui offraient à chaque instant des difficultés. Paul s’embrouillait dans ses lignes, prenait un point pour un autre, et eût maintes fois laissé de côté compas, équerre et tire-ligne, si le grand cousin n’avait été là pour le remettre sur la voie.
CHAPITRE XVI
LE CRITIQUE
On était à la fin de novembre et le temps avait jusqu’alors permis à nos constructeurs de ne pas perdre un jour. Le soleil d’automne favorisait l’entreprise et la maison s’élevait déjà sur quelques points, à la hauteur des linteaux des fenêtres du rez-de-chaussée. Cependant, il fallait toute la volonté de M. de Gandelau pour que les travaux ne fussent pas suspendus. Le petit chantier se dégarnissait peu à peu des ouvriers valides appelés sous les drapeaux. Ceux qui demeuraient perdaient du temps et avaient l’esprit ailleurs. On ne pouvait plus guère faire de charrois, tous les chevaux et charrettes étant réquisitionnés. Le pays était sillonné des corps qui se dirigeaient sur la Loire. Bien des heures se passaient en causeries et chacun attendait anxieusement des nouvelles de la guerre. Elles étaient de plus en plus sombres. Cependant, Orléans avait été réoccupé par les troupes françaises et tout espoir ne paraissait pas encore perdu. Paris résistait. Sur ces entrefaites, arrivait au château de M. de Gandelau un nouveau personnage, ami de la famille, qui, ayant eu sa propriété occupée et dévastée par les Allemands, avait dû l’abandonner crainte de pis, et, se dirigeant vers l’ouest de la France où il avait des parents, s’arrêta en passant chez M. de Gandelau. C’était un homme de cinquante à soixante ans, grand, d’un aspect froid, bien qu’un sourire perpétuel semblât stéréotypé sur sa figure. On eût pu le prendre pour un diplomate de la vieille roche.
Le nouveau venu avait beaucoup lu, beaucoup voyagé, savait un peu de tout, faisait partie de plusieurs sociétés savantes, son opinion était d’un certain poids dans son département; il avait prétendu à la députation, s’était lancé dans l’industrie et y avait perdu de grosses sommes, puis dans l’agriculture, et, les restes de sa fortune risquant de s’y engloutir, il se contentait de prendre le côté théorique des choses et de faire paraître des brochures sur toutes les questions, imprimées à ses frais et répandues à profusion. Chacun de ses opuscules prétendait invariablement donner une solution simple à toutes les difficultés, soit dans le domaine de la politique, des sciences, de l’industrie, du commerce et même des arts. Il avait fait bâtir, et les architectes lui paraissant impropres à pratiquer l’art de la construction, dépensiers, imbus de préjugés, lui seul avait dirigé ses bâtisses; faisant ses marchés, traitant directement avec les fournisseurs, donnant les plans, surveillant les travaux. Cette fantaisie lui avait coûté assez gros et un beau jour sa bâtisse s’écroulait. Les ingénieurs ne possédant pas plus sa confiance que les architectes, il avait voulu tracer des voies sur ses domaines et les faire exécuter d’après un système à lui. Ses essais en ce genre n’avaient pas eu plus de succès que ses tentatives en construction. Les chemins persistaient à être impraticables. Mais M. Durosay (c’était son nom) était de ces personnages auxquels l’expérience n’enseigne pas grand’chose, fût-elle faite à leurs dépens. Au demeurant, c’était un honnête homme, extrêmement poli, obligeant, généreux même, surtout envers ceux qui avaient l’art de flatter ses travers, et qui par intérêt ou conviction le considéraient comme un juge infaillible en toutes matières.
Quelqu’un fût-il venu le consulter sur un sujet au moment de monter en wagon, qu’il eût laissé partir le train plutôt que de ne pas rendre un arrêt avec considérants. Seulement il jugeait toute chose d’après un système admis à priori, et n’écoutait que d’une oreille distraite les raisons particulières qui eussent pu modifier ce système. Il admettait d’ailleurs la discussion et ne manifestait pas la moindre impatience si on ne partageait pas son opinion. Souvent il répétait cet aphorisme: «Que du choc des idées contraires jaillit la lumière,» mais il entendait bien la fournir toujours et ne la recevoir jamais.
Lorsqu’il fut installé dans le château pour quelques heures et qu’on eut épuisé les tristes sujets de conversation qui étaient à l’ordre du jour, on en vint à parler de la maison de Paul (c’est ainsi qu’on la désignait en famille). M. Durosay demanda à voir les projets. «Ça me connaît un peu, la bâtisse; je sais ce que c’est,» dit-il.
Le grand cousin ébaucha un sourire, mais le nouveau venu n’y prit pas garde, ses mésaventures comme constructeur n’ayant laissé dans son esprit aucune trace fâcheuse.
«Voilà qui est très bien,» dit M. Durosay quand on lui eut expliqué les plans et qu’il les eut examinés. «J’ai vu en Belgique des maisons qui ressemblent un peu à ceci. Il y a là de très bonnes idées; ce sera une fort agréable habitation si messieurs les Prussiens veulent bien vous la laisser achever… Me permettez-vous quelques observations?…
–Sans aucun doute.
–Ce n’est pas que j’aie la moindre prétention à vous faire rien changer à ces plans, qui me semblent excellents… Mais j’ai beaucoup vu, beaucoup comparé… Eh bien, pour vous exprimer franchement ma première impression… il me semble que ceci a plutôt le caractère d’une maison de ville, d’un hôtel, que d’une maison des champs… Vous m’excuserez, n’est-ce pas?… Je ne comprends pas une maison de campagne ainsi fermée, j’y voudrais voir un portique autour, au moins une large véranda; des fenêtres plus ouvertes, l’expression mieux sentie de la vie extérieure.
–Eh, mon cher ami, dit M. de Gandelau, je compte bien que mes enfants viendront passer ici une bonne partie de l’année; il ne s’agit pas pour eux de posséder une de ces habitations dans lesquelles on demeure seulement pendant deux ou trois mois d’été et où l’on reçoit les oisifs de la ville; il leur faut une bonne maison bien close et couverte, où ils puissent résider en toute saison.
–Certainement, c’est sagement pensé; mais que vous semble de ces villas du nord de l’Italie où le climat est assez rude cependant en hiver et au printemps, qui n’en sont pas moins délicieuses avec leurs portiques, leurs terrasses, leurs larges vestibules bien ouverts, leurs loges donnant sur la campagne? Toutes ces habitations ont grand air, ennoblissent la vie, pourrait-on dire, élargissent les idées étroites, auxquelles notre époque n’est que trop portée… Puis, ne vous paraît-il pas que ce défaut de symétrie est trop accusé, au moins sur l’une des façades? Que cela ressemble un peu à des constructions faites les unes après les autres, en vue de satisfaire à des besoins successifs; qu’enfin cela manque peut-être de cette unité que l’on doit trouver en toute œuvre d’art?
–Mais ce n’est pas une œuvre d’art que je prétends laisser à ma fille; c’est une bonne maison, commode et solide.
–Soit. Vous conviendrez cependant que si l’on peut réunir les deux qualités, on ne saurait s’en plaindre. Pour une personne distinguée et charmante de tous points comme est madame votre fille, il ne messied pas d’habiter une maison qui reflète à l’extérieur ce charme et cette distinction. Il ne vous déplairait pas, quand vous irez visiter Mme Marie, de voir de loin la petite famille qui lui viendra, groupée autour d’elle sous un portique d’une délicate architecture ou sous une loggia… Ceci me semble être plutôt la maison de quelque grave échevin flamand. Il y a dans ces pignons une certaine austérité qui…
–Allons donc, mon cher ami, des pignons ne sont pas austères; ce sont des pignons, voilà tout.
–Si fait, ces pignons et leurs grands toits ont une sévérité qui ne s’accorde pas à l’idée qu’on se fait d’une maison de plaisance.
–Mais ce n’est pas une maison de plaisance; c’est une maison faite pour les gens qui la doivent habiter, non pour les badauds, d’autant que par ici nous n’en voyons point.
–N’importe, j’eusse aimé réchauffer ces dehors, un peu froids d’aspect, par des saillies ajourées, des loges, une galerie couverte avec terrasse au-dessus.
–Réchauffer, réchauffer, c’est bientôt dit, mais on y attrape des rhumatismes sous vos galeries. Cela est bon à Nice ou à Menton, mais n’a rien de pratique dans nos campagnes. Il est bon que le soleil frappe les murs de nos habitations, et vos portiques sont des serres à champignons.
–Je vois, reprit M. Durosay, après une pause, que vous avez toujours, mon cher ami, le goût de ce que vous appelez le côté pratique des choses. Et cependant, voyez quelle bonne occasion de donner à madame votre fille une de ces habitations qui, sans négliger les satisfactions matérielles de la vie, posséderait ce parfum d’art qui se trouve trop rarement dans nos provinces. Un peu d’élégance extérieure est un charme puissant qui laisse dans les esprits une trace indélébile. C’est ainsi que les populations de l’Italie conservent la poésie des époques brillantes de leur civilisation. Elles savent, au besoin, sacrifier une partie de ce que nous appelons le confort, des nécessités de la vie matérielle, pour conserver parmi elles ces belles traditions du grand art.
–Je ne sais ce que sont les traditions du grand art, et si ces traditions nous préservent de la pluie, du vent ou du soleil, et je vous avoue que vos villas italiennes des environs de Vérone et de Venise m’ont paru fort tristes et maussades avec leurs colonnades et leurs contrevents fermés. Je n’ai jamais eu l’envie de les visiter, car je suppose qu’on s’y trouve fort mal à l’aise. Si cela est fait pour présenter aux touristes des modèles d’architecture, je le veux bien, mais je n’ai pas la prétention d’amuser ou d’intéresser les touristes, et ma fille partage mes idées à ce sujet.
–Peut-être… cependant madame votre fille visite en ce moment l’Italie; elle doit séjourner sur les bords du Bosphore; qui sait si, en revenant ici, elle ne serait point ravie de retrouver comme un souvenir des impressions qu’elle n’aura pas manqué d’éprouver là-bas, et si la surprise que vous lui ménagez n’aurait pas plus de prix si vous lui rappeliez quelque peu ces impressions? Qu’en pensez-vous, monsieur l’architecte?
–Moi, dit le grand cousin, j’écoute et ne puis qu’être ravi de vous entendre si bien discourir sur notre art.
–Ainsi donc, vous partageriez mon opinion, et vous seriez disposé à donner à cette habitation si bien distribuée par vos soins quelques agréments extérieurs qui peut-être lui font défaut?
–Je ne dis pas cela. M. de Gandelau nous a, suivant son habitude, laissé toute liberté, et n’a fait que me donner le chiffre de la somme qu’il ne voulait pas dépasser. D’ailleurs, le programme accepté, on ne nous a imposé ni une sévérité excessive, ni interdit l’emploi de ce que vous considérez comme les agréments extérieurs d’une habitation.
–Eh bien, si mon ami, avec son esprit positif, ne paraît pas sensible à ses agréments, ne pensez-vous pas, vous, artiste, qu’il y aurait ici l’occasion d’ajouter quelque chose à ces façades, peut-être un peu sévères d’aspect, et que certainement, à l’aide de votre talent, vous sauriez rendre moins froides? Vous connaissez l’Italie, vous avez visité Pompéi; ne trouvez-vous pas dans l’architecture de ces contrées mille motifs dont on peut s’inspirer, des exemples ravissants, des…?
–Oui, j’ai visité l’Italie et la France, et je vous avoue que je n’ai jamais pu être sensible aux œuvres d’architecture de ces contrées, qu’autant qu’elles conservaient l’empreinte des mœurs, des usages de ceux qui les ont su produire. Vous parlez de Pompéi. Ce qui m’a vivement touché dans les restes de cette bourgade des provinces Italiques, c’est précisément cette qualité. Ces petites habitations sont bien celles qui convenaient aux habitudes de l’antiquité, au moment où elles ont été élevées, au climat sous lequel on les construisait. Mais de cette étude, je déduis que puisque nous ne sommes point sur les rivages du golfe de Naples et que nous avons des habitudes fort différentes de celles qui convenaient aux Pompéiens, nos demeures ne sauraient en aucune façon rappeler les leurs; que, par exemple, s’il était fort agréable de souper dans un triclinium ouvert et abrité du vent par un velum, nous ne saurions disposer, dans le département de l’Indre, des salles à manger sur ce modèle; que s’il était fort doux de coucher dans une chambre occupant quatre ou cinq mètres de surface dont on laissait la porte ouverte sur une cour entourée d’un portique, cela serait incommode chez nous, et qu’on risquerait fort de s’enrhumer si on laissait la porte ouverte, ou d’étouffer si on la fermait.
«Mais puisque vous avez dit un mot des habitations antiques, permettez-moi de vous faire observer que celles de Pompéi, même les plus riches, ne manifestent à l’extérieur aucune de ces dispositions monumentales que vous paraissez aimer. Les anciens gardaient pour l’intérieur le luxe dont ils prétendaient jouir, et il ne paraît pas qu’ils se soient préoccupés d’en montrer quelque chose aux passants. Je ne sais pas trop ce que pouvaient être leurs villæ, leurs maisons de campagne; mais tout me porte à croire, d’après des débris conservés, qu’elles ne sacrifiaient point à cette vanité toute moderne de montrer au dehors des formes d’architecture de nature à impressionner les badauds.
«Je crois que ces palais des champs qui semblent vous avoir séduit, dans l’Italie du nord, sont des œuvres de vanité bien plus que des demeures propres aux usages de ceux qui les ont élevées; de fait, elles n’ont guère été habitées, et l’état de délabrement où vous les voyez ne date pas d’hier. Élevées par la vanité, l’envie de paraître, elles n’ont duré, comme habitations, que ce que durent les œuvres dues à la vanité, c’est-à-dire quelques années de la vie d’un homme, après quoi elles ont été abandonnées.
–Vous donnez le nom de vanité, répliqua M. Durosay, à ce que je crois être l’amour de l’art: le désir de montrer l’œuvre d’art.
–Nous ne nous entendrons jamais probablement sur ce point; je crois que l’art, répondit le grand cousin, consiste, en architecture du moins, à être vrai et simple. Vous ne voyez qu’une forme qui vous séduit ou vous déplaît; je cherche autre chose, ou plutôt j’observe d’abord si cette forme est bien l’expression d’un besoin, si elle a sa raison d’être, et elle ne me séduit qu’autant que cette condition est remplie, selon mon jugement.
–Alors une grange est, pour vous, une œuvre d’art?
–Certes, si elle est bien faite pour ce qu’elle doit abriter, à mes yeux elle vaut plus qu’un palais incommode, qui d’ailleurs est décoré de colonnades et de frontons.
–Vous devriez aller en Amérique.
–Peut-être ferais-je sagement, si je savais que là on cherchât simplement à bâtir en raison des goûts et des besoins des habitants. Mais en Amérique, comme partout aujourd’hui, on manifeste des prétentions au style et on copie ce qu’on croit être le beau par excellence, c’est-à-dire qu’on applique, à tort et à travers, des traditions dont on ne cherche pas l’origine ou le principe.
–Allons, dit M. de Gandelau qui trouvait la discussion un peu longue, nous voilà bien loin de la maison de Paul; pour vous satisfaire, quand vous viendrez voir ma fille dans sa nouvelle habitation, nous ferons élever devant une des façades un portique de carton, et nous placerons sous son ombre des Berrichonnes déguisées en Vénitiennes, mêlées à quelques seigneurs en robe écarlate, jouant de la viole d’amour et du basson. Il est temps d’aller nous reposer, il se fait tard.»