Kitabı oku: «Les Mystères du Louvre», sayfa 30
Ne racontait-on point tout bas que la reine ayant reçu un jour un billet, l'attacha à la tapisserie de sa chambre, afin de ne pas oublier d'y répondre. Mais le roi, auquel elle voulait en laisser ignorer le contenu, étant entré et ayant souhaité le lire, Anne d'Autriche fit signe à mademoiselle d'Hautefort, qui se trouvait là, de le prendre et de le cacher. Le roi voulut le lui ôter, et ils se débattirent assez longtemps en badinant, jusqu'à ce que, se voyant sur le point d'être vaincue, la demoiselle d'honneur mit vivement le papier dans son sein. Le jeu cessa aussitôt, le roi n'ayant osé poursuivre le billet jusque-là.
Les idées de la duchesse pouvaient donc aller fort loin; il était permis à Louise, vis-à-vis d'un adorateur de cet acabit, de réussir sans perdre sa dignité.
Ainsi, elle était venue bien décidée à se rendre le roi favorable, pour l'amener à la grâce qu'elle souhaitait, et cependant, quand elle le rencontra, le courage faillit lui manquer, elle se troubla et laissa choir sur le tapis un bouquet de roses printanières qu'elle tenait à la main.
Le monarque, empressé, se baissa pour le relever, et au moment de le lui rendre, balbutia, sans trop bégayer:
– Si je le gardais, j'aurais quelque chose de vous…
Elle sentit que c'était le moment décisif; son énergie se retrempa dans cette extrémité.
– Eh bien, sire, répondit-elle avec un sourire auquel son émotion ajoutait un charme infini, partageons.
Sur quoi, prenant les fleurs, elle les divisa en deux paquets, dont elle tendit le plus beau au roi.
Soudain, avec un à-propos dont ont l'eût cru incapable:
– Que ne puis-je, dit-il, tremblant plus qu'elle, partager ainsi ma couronne avec vous.
– Votre couronne, sire, répondit-elle soudain, gardez-la tout entière, il vous la faut, pour faire justice à vos sujets…
– Justice? répéta-t-il en l'interrogeant du regard. Vous avez quelque chose à me demander…? Tant mieux, c'est accordé…
– Silence… fit-elle; on nous observe.
Le roi lui adressa un signe d'intelligence, et s'avançant vers le groupe le plus proche:
– Messieurs, dit-il à haute voix, nous chasserons demain à Saint-Germain.
Puis, se rapprochant de mademoiselle de Lafayette:
– Vous en serez… et vous me direz tout.
Richelieu, qui d'ordinaire ne perdait pas le roi de vue, n'avait pu surprendre cet épisode de la soirée.
Au moment où le monarque et la fille d'honneur se rencontraient, un huissier pénétrait dans les salons jusqu'à l'Eminence et lui glissait un mot à l'oreille:
– M. le lieutenant civil est aux ordres de monseigneur.
C'était le mot d'ordre convenu entre lui et Laffémas.
Si bien que, tandis que Louis XIII et mademoiselle de Lafayette échangeaient les phrases et les procédés délicats que l'on sait, Richelieu descendait au fond des cachots du vieux Louvre.
Là, derrière une tenture, il assistait, invisible, au supplice de la question, appliqué au malheureux marchand qui avait vendu la fameuse estampe.
A chaque coin, à chaque coup de maillet, on eût vu ses traits frémir d'un contentement horrible, mais il prêta vaillamment l'oreille; le pauvre diable, cédant plus encore à l'effroi qu'à la douleur, poussa deux ou trois rugissements terribles, et tomba dans une prostration d'où il fut impossible de le tirer.
Il fallut remettre l'épreuve décisive au jour suivant.
XV
LA LETTRE DE SANG
Une nuit épaisse comme celle qui recouvre les tombeaux enveloppait le Louvre de son suaire. Les remparts, les tourelles, les donjons, les bâtiments, tout se confondait en une masse opaque et noire avec ce ciel menaçant.
L'atmosphère était pesante comme lui. Des vapeurs sulfureuses la saturaient, et l'on eût cru respirer l'air d'un volcan qui prélude à une éruption.
C'est à peine si la grosse horloge du palais avait pu laisser tomber, sourds et sans vibrations, les douze coups de minuit.
Tout se tenait immobile, oppressé sous cette influence de la nature.
L'horloge avait sonné depuis un quart d'heure, lorsqu'il se manifesta un bruit presque imperceptible dans une des petites chambres occupées par les femmes de la reine-mère.
La plus jeune de toutes, une enfant dont le sommeil paisible et pur eût ravi les anges, s'agita, par des mouvements indéfinis d'abord, sur sa couchette. Sa tête blonde tourna deux ou trois fois sur son oreiller, à peine creusé sous un si doux fardeau.
Elle semblait, dans ses rêves, résister à un réveil chagrin ou à une voix importune, et s'obstiner dans le sommeil.
Mais cette voix était plus forte, car la dormeuse, assoupie et légère, se dressa sur son séant, dans une pose de houri.
La main sur son front, elle écoutait sans doute la voix immatérielle qui se révélait à son esprit.
Il fallait qu'elle fût étrangement puissante, car l'enfant se laissa bientôt glisser de sa couche, et passant ses petits pieds roses dans les pantoufles déposées tout auprès, elle se dressa impassible et morne, les traits graves, la prunelle à moitié close, mais fixe et sans regard, et marcha vers la porte.
Tout était noir autour d'elle, mais elle se dirigeait dans ces ténèbres opaques avec cette sûreté et cette confiance irréfléchie de la machine qui obéit à son moteur, et qui passe là où l'être raisonneur se verrait arrêté.
Elle traversa le vestibule du rez-de-chaussée, comme elle avait traversé le reste. Sa main vint se poser sans hésitation sur le pêne qui donnait accès dans la cour du Louvre, au moyen d'un perron de quelques marches orné de doubles colonnes, supportant, comme une marquise, le balcon du premier étage.
A peine avait-elle touché le bouton de cette dernière porte qu'une batterie électrique sembla éclater sur le palais. De longs éclairs rougeâtres sillonnèrent l'espace, et la foudre, éclatant au milieu de tonnerres formidables, ébranla le royal séjour jusque dans ses fondements. Des flammes bleuâtres éclairèrent la la pointe des verges de fer où pendaient les girouettes et coururent comme autant de feux follets le long des crêtes et des épis fleurdelisés qui couronnaient les toits.
L'orage, longtemps concentré dans les nuages de plomb, rompait enfin ses outres; les secousses, les déchirements se succédaient sans relâche, comme si le ciel avait déclaré à ce palais des grands de la terre une guerre implacable. Les vitres frémissaient, dans leurs réseaux de métal, les arbres des parterres se tordaient sous les coups de l'ouragan et balayaient le sol de leur faîte, quand ils ne joignaient pas les craquements de leurs troncs brisés aux craquements de la foudre.
Bientôt les cataractes du ciel s'ouvrirent pour un nouveau déluge. La pluie et la grêle, avec leurs bruits sinistres, se joignirent au mugissement du vent, aux détonations de l'orage; le feu et l'eau se disputaient l'empire.
Mais l'influence qui attirait la jeune fille hors de son appartement la rendait aussi insensible aux choses extérieures. Ni l'horreur de la tempête, ni la bourrasque qui la fouettait au visage, ni la pluie qui avait en une seconde imbibé ses légers vêtements de mousseline, ne pouvaient l'arrêter quand la volonté du prophète était sur elle.
Elle descendit le perron, et battue par l'orage qui emportait des lambeaux de son écharpe, qui déroulait les longues tresses de sa chevelure, à travers le sable détrempé des allées qui souillait ses pieds de nymphe, elle atteignit le but où nous l'avons déjà vue se rendre une fois, – le soupirail de la cellule du père Joseph.
Ici ses jambes s'arrêtèrent d'elles-mêmes, sans que sa volonté y fût pour rien, ses genoux s'infléchirent, elle se baissa lentement.
L'orage grondait, la pluie versait toujours autour d'elle ses torrents.
C'est pour le coup que les passants l'eussent prise pour une morte! Rien en sa personne n'indiquait plus la vie; sa chevelure, partie enroulée autour de son col, partie collée en mèches glacées le longs de ses épaules, ses yeux presque fermés, ses joues pâles comme l'ivoire et ses lèvres plus pâles encore, ses membres raidis, froids comme la pierre, tout en elle paraissait d'un cadavre ou d'un spectre. Il eût fallu découvrir un faible battement du cœur.
– Maître, dit-elle de cette voix étrange et saisissante qui n'appartient qu'au magnétisme et à l'extase, vous m'avez appelée, me voici.
– Je vous attendais, répondit le prisonnier. Avez-vous souffert pour venir?
– Je n'ai pensé qu'à venir.
– Et vous en serez récompensée, car il s'agit de votre bonheur et de la sûreté de tous ceux qui vous sont chers.
– Tous à cette heure sont malheureux et persécutés.
– Ne pouvez-vous me dire ce qu'il faut faire pour mettre fin à leurs maux?
– Je le pourrai, si vous me donnez la force et la lumière.
L'évocateur étendit avec énergie les mains vers elle, et la fascinant des rayons ardents de ses yeux:
– Voyez!.. ordonna-t-il.
– Toujours le cardinal et l'homme gris… répondit-elle. Implacables, le sang ni les supplices ne leur coûtent rien. Tout pour la domination; le cardinal immole ce qui lui fait obstacle pour régner sur le roi, et le moine ce qui menace son influence sur le cardinal.
– Voyez! voyez!.. réitéra l'évocateur en lui imposant, avec une énergie nouvelle, la lucidité qui ne connaît ni les obstacles matériels, ni les distances. Où est le cardinal en ce moment?..
– Tandis que tout repose dans le Louvre, il veille… Oui, c'est bien lui; le voilà affaissé sur son siège, enfermé au plus profond de son appartement… Ses traits sont livides, ses lèvres amincies frémissent de rage… La tempête du ciel n'est rien auprès de celle qui bouleverse son cerveau…
– Que fait-il?.. Est-il seul?..
– Il promène sa main crispée sur des feuilles à moitié écrites, où restent des lacunes blanches; la place pour mettre des noms… Un homme est là, toujours le même, l'inévitable moine… Cet homme lui fournit de nouveaux feuillets à mesure qu'il a signé les précédents… et dès qu'ils sont signés, il les enlève et les amasse… Il en a déjà une pile énorme… et le cardinal signe toujours.
– Et ces papiers, que contiennent-ils? Lisez, je le veux!.. Elle se tordit sous la puissance de son regard électrique, un son douloureux sortit des profondeurs de sa poitrine.
– Il n'est pas besoin de lire ces lignes pour comprendre que chacune est un arrêt de proscription, de torture ou de mort… Ah! s'écria-t-elle d'une voix plus perçante, quel sourire infernal, quel regard cruel!.. Voici un de ces blancs-seings que le moine met à part, dans un endroit que seul il connaît… A qui le réserve-t-il, mon Dieu?.. Je sens une fibre se briser dans mon cœur… Philippe!.. C'est l'arrêt de Philippe!
Et elle s'abîma un moment dans l'amertume de sa douleur, car cette vision avait pour elle tout le relief de la vérité.
Le prophète lui laissa ces quelques secondes de répit. Mais revenant alors à la charge, après avoir calmé ses angoisses par des passes bienfaisantes, il continua ses questions et obtint de nouvelles réponses, nettes autant que précises, sur les actes les plus secrets du ministre et de son confident. Après quoi, reprenant l'objet interrompu:
– Du courage, ma fille, dit-il avec cette autorité de parole qui faisait oublier son âge, parlez-moi encore de Philippe.
– De Philippe? Retenu injustement, il souffre… Je le vois; sa prison n'est séparée de la vôtre que par un mur… il veille tristement en pensant à moi…
– Cherchez bien; n'existe-t-il aucune ressource pour le sauver?..
– Si fait, répondit-elle vivement. Il possède un talisman qui peut lui donner dans l'estime et dans l'affection du cardinal une place telle que celui-ci n'ait plus rien à lui refuser, ni votre liberté ni celle de nos amis.
– Parlez, parlez toujours; quel est ce talisman?
– Un médaillon, un portrait de femme caché sur sa poitrine…
– Vous êtes sûre de cela?
– Oui. Que Philippe mette ce portrait sous les yeux de monseigneur de Richelieu, et celui-ci est vaincu, et le moine ne peut plus nous nuire!
Le prisonnier resta assez longtemps pensif, puis enfin:
– Ne peux-tu, demanda-t-il à Henriette, te souvenir une fois seulement, étant réveillée, de ce que tu as vu et dit pendant ton extase?
Elle secoua lentement la tête, et laissa péniblement tomber un mot:
– Non.
– Ne peux-tu te rappeler au moins ce que je vais te dire?
Mais elle répondit encore d'une voix expirante:
– Non.
– Alors, fit à son tour dans une tristesse mortelle frère Jean, Dieu nous abandonne; nous n'avons plus qu'à courber le front et à attendre, le malheur est sur nous.
Il y eut une nouvelle pause plus prolongée que les précédentes. La jeune fille, changée en statue du désespoir, demeurait anéantie, les genoux meurtris sur la pierre, la tête appuyée contre la muraille visqueuse, trempée par la pluie. Elle eût pu mourir à cette place si l'influence qui l'y avait amenée ne lui fût venue en aide.
Frère Jean étendit encore à plusieurs reprises les mains vers elle, et chaque fois elle semblait ressentir une sensation de calme et de bien-être.
– Henriette, lui dit-il, du courage! Nous blasphémions en désespérant du Ciel… il m'a envoyé une pensée de salut… Une minute encore, et je te congédie avec l'arme qui doit nous protéger tous. Patience, attends-moi!
– Faites et ordonnez, maître, je ne suis là que pour obéir.
Frère Jean venait, en effet, d'être frappé d'une inspiration précieuse. Descendant de l'échafaudage sur lequel il lui fallait se hisser pour parvenir au soupirail et communiquer par la voix avec la jeune visionnaire, il s'approcha des rayons où le père Joseph plaçait ses livres mystiques.
Il détacha le feuillet blanc servant de garde à un large in-folio, et l'étendit sur la petite table, à portée de la lampe qui jetait dans ce lieu funèbre sa misérable clarté. Mais, pour écrire, il lui fallait encore une plume et de l'encre, et le capucin avait eu soin d'enlever tous ces objets quand il avait changé sa cellule en prison.
En homme que les obstacles ne rebutent pas, il fouilla du regard tous les recoins, et n'ayant rencontré rien de mieux, il arracha l'un des clous qui fixaient l'image du Christ à la croix du prie-Dieu.
Un sourire amer se dessina sur ses lèvres à l'idée de ce rapprochement: il n'avait enlevé le clou de l'image bénite que pour le plonger dans ses propres veines. Une ligature fit gonfler celles de son poignet, et il l'ouvrit résolument pour y puiser.
De sa main droite, ferme et libre, il traça alors ces trois lignes en caractères de sang:
«Que Philippe présente au cardinal le médaillon qu'il porte sous son pourpoint, ses ennemis sont battus et son bonheur commence.»
Puis il ajouta en forme de post-scriptum:
«Quand vous serez libre, n'oubliez pas ceux qui restent captifs.»
Chaque mot était le prix d'une goutte de sang, car la pointe de fer oxydée, était un mauvais conducteur, et le sang se figeait et se coagulait presque instantanément sur la rouille qui la rongeait.
Mais il avait écrit tout ce qu'il importait d'écrire pour l'heure. Reprenant donc l'escabelle et la table, il rebâtit son échafaudage et se hissa jusqu'à l'étroit orifice.
– Henriette, dit-il, m'entendez-vous encore?
Elle s'agita, et se penchant vers lui:
– Que voulez-vous, maître?
– Approchez-vous jusqu'au bord des barreaux de fer, et étendez le bras aussi avant que possible.
Elle se coucha sur la terre et passa le bras, comme on le lui ordonnait, à travers les grilles.
– Recevez ceci, continua frère Jean en lui confiant le papier plié, et mettez-le dans votre corsage.
Elle continua d'obéir, avec cette soumission automatique qui signale les actes des somnambules magnétisés.
– A présent, vous pouvez aller, lui dit-il; si ce moyen échoue, c'est que la destinée est véritablement contre nous, et que je me suis trop hâté de louer Dieu!..
Et il étendit pour la dernière fois les mains vers elle, afin de lui donner de la force.
Puis il redescendit de son observatoire, remit chaque chose en place dans la cellule, assujettit le clou consacré dans la plaie du Christ. Après quoi, pour expier sans doute sa profanation, il s'agenouilla sur le prie-Dieu, où, suivant son habitude, il tomba dans une de ces longues méditations extatiques qui remplaçaient pour lui le sommeil, et dans lesquelles il percevait des révélations si incompréhensibles au monde qu'elles lui avaient valu son nom de visionnaire.
Certes, il avait eu une heureuse et intelligente pensée en traçant le billet qui devait suppléer au mutisme d'Henriette. Celle-ci, éveillée, ne se rappellerait plus rien des événements qui avaient traversé son imagination durant l'extase. Sous ce rapport, son esprit était une glace qui ne conserve plus rien du reflet qu'elle a saisi au passage.
Mais grâce à cet expédient, elle allait trouver à son lever, dans son corsage, le papier précieux, et ces indications suffiraient pour dénouer la trame ténébreuse ourdie par le franciscain contre le jeune homme dans un but connu de lui seul.
Faire tenir cet écrit au prisonnier n'était plus qu'un embarras secondaire pour la favorite de la reine-mère, la protégée de l'adroite duchesse de Chevreuse. D'ailleurs, en mettant les choses au pis, frère Jean, plus initié qu'elle-même à ses propres sentiments, possédait la conviction que dans un moment de désespoir elle s'adresserait au cardinal en personne plutôt que de laisser se prolonger davantage les ennuis et les périls de son amant.
Tout était donc calculé pour la réussite sans qu'il y eût lieu de prévoir une chance contraire.
La jeune fille, ranimée par l'énergie communicative du visionnaire, se redressa plus ferme, plus tranquille qu'en aucun instant.
L'orage s'était dissipé, la pluie avait cessé, mais de gros nuages blancs couraient rapidement au ciel, disputant à la terre la clarté que la lune cherchait à y faire descendre. Le vent ne s'était pas tu entièrement, il sifflait en gémissant dans les tourelles et les colonnades, et faisait onduler les plis de la tunique du fantôme qui traversait la cour.
Henriette avait passé insensible à travers la foudre et la grêle, elle n'entendait pas le vent, et chaque pas de sa marche régulière la rapprochait du perron de la reine-mère.
La tête un peu infléchie, les bras pendants, à moitié cachés sous la batiste de son écharpe, les cheveux déroulés sur ses épaules nues, tels qu'il avait plu à la bourrasque de les disposer, elle était belle et effrayante comme une willis vaincue qui rentre au chant du coq dans sa grotte-enchantée.
Elle franchit les degrés du perron, et commença à traverser celui-ci pour atteindre la porte demeurée entrebâillée.
La lune perçant alors une éclaircie illumina avec splendeur ce coin du Louvre. Elle semblait faire une auréole à la blanche apparition; dont la silhouette nageait dans cette clarté vaporeuse.
Son écharpe couvrait à peine le haut de ses épaules, et son corsage sans agrafe laissait à nu la naissance de trésors virginaux dont un chérubin eût été envieux.
Et voilà qu'au moment où elle franchissait la dernière marche, quelque chose, une ombre informe, se remua derrière les colonnes qui ornaient le perron.
Un homme, – un autre spectre, enveloppé, celui-ci, de longs vêtements de couleur sombre, – se détacha d'un pilastre; et s'avançant vers la promeneuse, qui ne le voyait point, il étendit vers ce sein adorable son long bras noir.
L'hyène, en quête d'une victime; n'a pas la prunelle plus ardente que la lueur qui s'échappa de ses yeux.
Mais ce n'étaient ni ces charmes naissants, ni ce sein d'albâtre qui attiraient son œil et sa main.
Un papier apparaissait, au milieu de ces appas que nul homme n'avait contemplés encore, et ce papier seul fascinait ce personnage. C'était lui qu'il convoitait, ce fut lui qu'il saisit et qu'il enleva sans effort, à peine retenu qu'il était sous la gaze infidèle.
Dès qu'il le tint, ses doigts s'y cramponnèrent, et l'élevant en l'air, de façon à braver le ciel, il poussa dans sa folle joie un cri de hibou en belle humeur, qui eût donné l'alarme aux vigies des porteaux si elles ne l'eussent pris pour le grincement d'une girouette.
Ce cri lâché, il se rapetissa sur lui-même, se faufila à la manière des reptiles, et disparut sans laisser de trace, dans quelque fente de muraille peut-être.
Quant à la jeune fille, inerte, insensible, elle n'avait rien vu, rien senti; sa marche n'avait pas été ralentie une seconde, et elle regagnait avec une tranquillité parfaite sa couche et son sommeil.