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SCÈNE II
ANNETTE, FRIÉLO, Ouvriers, entrant en tumulte par le fond, les habits déchirés, GUTENBERG, SCHEFFER59
ANNETTE, courant à Gutenberg
Dieu soit loué! tu me reviens! Je n'ai pas tout perdu, puisque tu es vivant!
GUTENBERG, tenant son épée nue
Quelle affreuse journée! La ville a été surprise au milieu de la nuit. Les troupes du comte de Nassau ont franchi les remparts, presque sans résistance, et ont tout envahi, Diether a pu s'enfuir, en franchissant le mur d'enceinte du côté du Rhin, et en prenant une barque. Encore a-t-il failli périr dans le fleuve, au milieu de l'obscurité de la nuit. Cependant il est en sûreté. Par ordre du comte de Nassau, la ville est, depuis ce matin, livrée au pillage, et toutes les horreurs s'y commettent. (Bruit au dehors.) Quels sont ces cris?… (Annette va à la fenêtre, Gutenberg la suit.) Une troupe de volontaires remplit la rue et se dirige vers nous! (Aux ouvriers, à la cantonade.) Barricadez la porte, mes amis…
ANNETTE
Il serait trop tard! Ils sont là.
SCÈNE III
Les Mêmes, Soldats DE NASSAU, entrant par le fond, ZUM, et LE PETIT ZUM, les précédant
ZUM, entre par le fond, suivi du petit Zum. Au fond, les soldats se battent avec les ouvriers
Par ici, mes amis, par ici. Je connais la maison et ses habitants; vous y trouverez, j'en réponds, un riche butin60.
GUTENBERG, à Zum
Ah! c'est toi! Tu as donc repris la souquenille du reître?
ZUM
Oui; quand j'ai appris qu'il y avait guerre et promesse de pillage, j'ai demandé à rentrer dans les troupes volontaires du comte de Nassau… et mon petit frère aussi.
GUTENBERG
Et vous venez, naturellement, faire ici œuvre de pillards et de bandits! Je te reconnais, misérable, c'est toi qui as tué Dritzen, à Strasbourg, et qui as bien manqué, à Paris, de me frapper traîtreusement.
SCHEFFER
Et voilà les hommes dont nos ennemis invoquent les services! Ils prennent à leur solde des spadassins et des brigands de grande route!
ZUM
Tu as le verbe bien haut pour un vaincu et un fuyard! Ton sang va payer tes injures!
Il tire son épée.
SCHEFFER, tirant son épée
Avance donc!
Zum fond sur lui, l'épée à la main. Ils se battent.
LE PETIT ZUM, se battant avec Gutenberg, tandis que Zum se bat avec Scheffer
Mon grand frère prétend que je ne suis bon à rien… Nous allons voir… (Tout en se battant avec Gutenberg, il frappe, par derrière, avec son poignard, Scheffer, pendant que ce dernier se bat avec Zum. Scheffer tombe mort.) Voilà, je crois, de l'ouvrage assez propre! Qu'en dis-tu, grand frère?
ZUM, regardant le corps de Scheffer
Oui, ce n'est pas mal travaillé! (À Gutenberg.) À nous deux, maintenant, Gutenberg!
Friélo entre, avec une arquebuse, dont il menace le petit Zum, pour l'empêcher d'attaquer Gutenberg. Zum, attaque Gutenberg, qui a tiré son épée. Ils se battent61.
SCÈNE IV
Les Mêmes, CONRAD HUMMER
CONRAD HUMMER, il tient un papier à la main. Il a un bras en écharpe
Que tout combat cesse! Que toute épée rentre au fourreau. Voici l'ordre, que je viens d'obtenir du comte Adolphe de Nassau, d'arrêter le pillage, et de faire rentrer toutes les troupes dans le camp établi sous les remparts. Les hérauts d'armes proclament dans Mayence la cessation des hostilités, et l'on bat la retraite, pour faire rentrer les troupes.
ZUM, remettant l'épée au fourreau
On ne peut donc pas nous laisser achever notre besogne, et gagner honnêtement notre solde? (Au petit Zum.) Viens, petit… et rentrons au camp, puisque tel est le bon plaisir de notre seigneur et maître, le comte de Nassau.
Ils sortent, les soldats les suivent.
GUTENBERG, à Conrad Hummer
Ami, tu as sauvé mes jours, merci! Mais peut-être aurais-je autant aimé perdre la vie que de survivre à la défaite et à la ruine de notre cité… Mais tu es blessé.
CONRAD HUMMER
Oui, mais qu'importe! c'est notre pauvre ville qu'il faut plaindre. C'est elle qu'il faut songer à sauver, si c'est possible encore… Viens, allons relever nos blessés.
Ils sortent par le fond gauche. La scène reste vide.
SCÈNE V
LE PETIT ZUM, il entre par le fond droit; il tient à la main une torche enflammée. Il s'avance au milieu du théâtre, et s'assure qu'il n'y a personne. Il tâte le corps de Scheffer et s'assure qu'il est mort
Mon grand frère est un grand entêté. Il m'a encore soutenu, tout à l'heure, que je ne suis bon à rien… Je vais lui prouver le contraire! (Il met le feu à gauche, puis à droite, enfin au fond, et s'enfuit par le fond, en brandissant sa torche allumée.) Voilà qui est fait!
L'incendie éclate.—Tableau.
ACTE CINQUIÈME
JOURS DE MISÈRE
La campagne aux environs de Wiesbade.—À gauche, au premier plan, un tonneau, sur lequel est monté un violonneux.—À gauche, au deuxième plan, des tables occupées par des buveurs.—À droite, au deuxième plan, une autre table.—À droite, au premier plan, l'entrée du cabaret.
SCÈNE PREMIÈRE
CORNÉLIUS, MEYER, MARGUERITE, MEYER, Paysans, Buveurs62
Au lever du rideau, le violonneux, monté sur un tonneau, joue, les paysans et paysannes valsent, accompagnés par l'orchestre; Meyer est debout près du violonneux.
CORNÉLIUS, ramenant de la valse, Marguerite
Oui, il faut valser! oui, il faut danser! oui, il faut s'amuser, rire et boire! car, dans tout le duché, on célèbre aujourd'hui l'anniversaire de la prise de Mayence par notre prince Adolphe de Nassau. Wiesbade est en fête, et notre village de Fremesberg prend sa part aux réjouissances publiques! Donc, monsieur le violonneux, ne laissez pas, je vous prie, reposer votre archet. Nous allons recommencer.
MEYER, au violonneux
Tenez, rafraîchissez-vous d'un bon verre de cette bière nouvelle; cela vous donnera du cœur pour continuer à râcler vos boyaux. (Il donne un verre de bière au violonneux, qui boit, et s'essuie la bouche avec sa manche.) Mais à propos de la prise de Mayence, il y a une chanson là dessus. Il faudrait nous la chanter!… Mais qui va nous la dire?
CORNÉLIUS
Pardine! ce n'est pas malin! c'est ta fille Marguerite; elle a la plus jolie voix du village! (À Marguerite.) Allons, Marguerite, la chanson.
MARGUERITE
Je le veux bien, mais à une condition, monsieur Cornélius, c'est que vous me soufflerez, si je me trompe!
MEYER
Ne te gêne pas, ma fille, il te faut M. le maître d'école pour te mettre en voix!
MARGUERITE
Dame!
CORNÉLIUS
Me voilà, jolie Marguerite! me voilà! et je vous soufflerai tout ce qu'il vous plaira.
MARGUERITE
Eh bien, je commence!
Elle chante.
LA PRISE DE MAYENCE (Ballade.) 63
Dans notre joli duché de Nassau,
Sont de frais vallons, de vertes montagnes,
Des champs infinis, de riches campagnes,
Des bois, des blés, de murmurants ruisseaux.
Mais à Mayence on voit de grandes cathédrales,
Des jardins enchantés, des palais somptueux,
Et la place du Dom, avec ses grandes dalles,
Et sous ses murs, le Rhin, aux flots majestueux.
Dans notre joli duché de Nassau,
On voit le dimanche, au bal du village,
Valser doucement, sous le vert feuillage
La jeune fillette et le jouvenceau.
Mais à Mayence on voit grands seigneurs, nobles dames,
En leur palais superbe, aux sons joyeux du cor,
De l'amour et du vin allumant les deux flammes,
Chercher l'heureuse ivresse au fond des coupes d'or.
Notre prince a sonné la fanfare guerrière,
Alors sont accourus ses soldats valeureux,
Les éclairs de la poudre ont brillé dans les cieux,
La bombarde a lancé son lourd boulet de pierre.
Et maintenant, à Nassau conquérant
Sont les palais, la vieille cathédrale
Le marbre et l'or de sa vieille rivale.
Honneur et gloire au prince triomphant!
CORNÉLIUS
Je ne sais si vous avez remarqué que rien ne donne soif comme une chanson patriotique. On met tant de chaleur à chanter ses victoires, que le gosier se dessèche à un point extraordinaire. Pour moi, je suis au moment d'avaler ma langue.
MEYER
Il vaut mieux que tu avales ma bière, maître Cornélius. On va t'en servir à discrétion, ainsi qu'à tous nos amis. On paie et chacun est content.
CORNÉLIUS
Eh bien, vide ta cave sur nos tables, généreux cabaretier!
Tous les paysans s'assoient aux tables de droite et de gauche64.
MEYER
Vous qui êtes si savant, monsieur le maître d'école…
MARGUERITE, assis près de Cornélius
Oh! oui, qu'il est savant, M. le maître d'école!…
Elle le regarde avec admiration.
MEYER
Pourriez-vous nous dire si la bière nouvelle désaltère davantage que la bière conservée, et si le vin nouveau…
CORNÉLIUS
Attendez!… Quel est ce singulier équipage qui nous arrive?
SCÈNE II
Les Mêmes, GUTENBERG, FRIÉLO
Gutenberg, avec une longue barbe blanche et un bâton à la main, conduit par la bride un cheval, qui traîne une charrette, contenant une presse d'imprimerie, des formes et une casse d'imprimerie. Il arrive par la gauche, et s'arrête au milieu du théâtre.
FRIÉLO
Nous sommes partis de Wiesbade à six heures du matin; il est quatre heures de l'après-midi, et nous n'avons pas cessé de marcher. Nous n'avons pas recueilli un pfenning, et je ne tiens plus sur mes jambes. Je crois que nous ferons bien de nous arrêter un moment. Au milieu de ce village en fête, nous trouverons bien un coin, pour nous reposer.
GUTENBERG
Eh bien, va attacher Bijou à un arbre; puis, nous irons nous asseoir au milieu de ces braves gens. (Friélo fait sortir le cheval et la charrette. Ils vont ensuite s'asseoir à gauche au bout d'une table occupée par des buveurs.)65 On nous permettra sans doute de prendre place ici!
MEYER, s'approche des buveurs de la table de gauche, pour les servir
Y a-t-il quelque chose encore dans vos verres, gais compagnons?
LE BUVEUR
Non, nos hanaps sont vides; va les remplir. (Retenant Meyer par la manche.) Mais, dis-moi, quel est cet homme, à barbe blanche, qui vient de s'asseoir là?
Friélo revient.
MEYER
Ah! ne faites pas attention! C'est un pauvre diable qui est venu déjà ici, dimanche dernier. Sa cervelle est un peu détraquée; mais il ne fait de mal à personne!
LE BUVEUR
Ah! sa cervelle est détraquée!… Je n'aime pas beaucoup à me trouver près d'un fou.
Il prend son verre, quitte la table, et va se placer à la table de droite. Les autres buveurs, l'ayant vu faire et l'ayant interrogé du regard, quittent tous également la table, et vont se placer à la table de droite.
MEYER
Eh bien? Eh bien, que se passe-t-il? Pourquoi tout le monde quitte-t-il cette place? (Les buveurs, sans lui répondre, lui montrent Gutenberg.) C'est cet homme à la barbe blanche qui vous fait fuir? Je vais mettre ordre à ça! (Il s'approche de Gutenberg, qui est assis.) Vous ne commandez donc rien, mon brave homme: ni bière, ni pain, ni jambon?
GUTENBERG
Je n'ai pas d'argent.
FRIÉLO, frappant sur son escarcelle, d'un air piteux
Ni moi non plus!
MEYER
Il ne faudrait pas, alors, prendre la place de ceux qui paient! Vous faites fuir tout le monde et vous ne demandez rien?
GUTENBERG
Vous avez raison, monsieur l'aubergiste; je ne veux pas vous faire du tort. Nous allons partir. (Ils se lèvent.) Seulement, une charité. Donnez-nous à chacun un verre d'eau; car nous mourons de soif.
MEYER, il va à Marguerite, qui est assise près de Cornélius, à la table de droite
Ce vieux, à la barbe blanche, demande, avant de partir, un verre d'eau. Apporte-le lui, et qu'ils détalent d'ici, car ils font fuir les clients.
Marguerite emplit un verre d'eau et l'apporte à Gutenberg.
GUTENBERG, prenant le verre
Merci, charmante enfant. (Il va pour boire, Marguerite arrête son bras, prend le verre et jette l'eau.) Que faites-vous?
MARGUERITE
Attendez! Il ne sera pas dit qu'en ce jour de fête, un malheureux n'aura pas trouvé la charité dans notre village.
Elle va remplir un verre de bière, et l'apporte à Gutenberg.
FRIÉLO
Ah! merci, merci, mademoiselle l'aubergiste; Dieu vous rendra cela en paradis.
MARGUERITE, à Gutenberg
Comme vous êtes pâle et fatigué! C'est le besoin… la faim, peut-être? Nous avons aujourd'hui du jambon, du pain frais et du vin à discrétion. Je vais vous servir tout cela; et comme l'a dit le petit, Dieu me rendra en paradis, mon pain et mon jambon. (Marguerite va prendre un plateau contenant du vin et deux verres, qu'elle va porter à Gutenberg et à Friélo.) Tenez, bonnes gens, buvez, mangez, et prenez des forces, pour continuer votre route. (À Meyer, qui s'est levé, pour regarder manger Gutenberg.) Regarde, mon père, avec quel appétit ils font honneur à notre repas.
MEYER, avec humeur
Oui, oui, un repas qui ne coûte rien, c'est toujours bon; mais ce n'est pas aussi agréable pour l'aubergiste. (À Gutenberg.) Vous savez qu'on attend votre place, quand vous aurez fini. Ainsi, dépêchez-vous, si c'est possible.
MARGUERITE
Ah! mon père, tu ne peux donc pas être bon pour les malheureux, une fois dans ta vie!
LES BUVEURS, criant et appelant
De la bière!… du vin!… De la bière, donc, Marguerite!
MARGUERITE, allant aux buveurs66
Voilà! voilà!
Elle sort par la droite, et revient, avec de la bière.
MEYER, qui est resté près de Gutenberg
Comme ça, mon vieux, vous courez les pays avec votre charrette? Et qu'est-ce qu'il y a dans votre charrette?
GUTENBERG
Un matériel d'imprimerie… une presse… une casse, des formes et des caractères.
FRIÉLO
Dans les villages que nous traversons, nous faisons connaître à ceux qui l'ignorent l'art de l'imprimerie, nouvellement inventé en Allemagne. Cela intéresse quelques personnes, qui nous donnent, en échange, un morceau de pain… comme vous l'avez fait tout à l'heure, mon bon monsieur Meyer.
GUTENBERG
Tu n'ajoutes pas, Friélo, que l'inventeur de l'imprimerie, c'est moi! que je m'appelle Jean Gutenberg, et que je suis gentilhomme de Mayence!
MEYER, surpris
Vous êtes l'inventeur de l'imprimerie! vous êtes gentilhomme! (À part.) Pauvre diable! On a raison… sa cervelle est détraquée. (Haut.) Eh bien, Monseigneur, eh bien, mon gentilhomme, achevez votre somptueux festin, moi, je retourne donner à boire à mes vilains.
Il va à la table de droite.
CORNÉLIUS
Eh bien, vous avez parlé à cet homme?… Que vous a-t-il dit?
MEYER
Ah! des folies!… Il prétend être gentilhomme, s'appeler Gutenberg, et être tout bonnement l'inventeur de l'imprimerie!
CORNÉLIUS
Voyez-vous ça! J'ai, en effet, entendu parler, à Mayence, d'un certain Gutenberg; mais il n'était pas gentilhomme, il était orfèvre. Quant à la prétention de ce pauvre diable d'avoir inventé l'imprimerie, ce n'est pas à moi qu'on contera de ces sornettes.
MARGUERITE
Oh! non, monsieur Cornélius, ce n'est pas à vous! à vous, le maître d'école du village, que l'on contera de ces sornettes!… Vous êtes si savant, monsieur Cornélius!
Elle le regarde avec admiration.
CORNÉLIUS, avec importance
Je connais sur le bout du doigt toute cette histoire, et si vous le voulez, je vais vous la dire, pour votre instruction et celle de vos enfants. (Les buveurs quittent la table, et font demi-cercle autour de lui.) Voyez-vous, l'imprimerie a eu trois pères: d'abord Laurent Coster, l'imagier de Harlem, qui a imprimé quelques volumes avec des caractères mobiles. Ensuite, le célèbre Jean Fust, qui a imprimé des psautiers, des missels, les Offices de Cicéron et autres ouvrages, et qui est mort de la peste, à Paris. Enfin, Pierre Scheffer, qui a perfectionné la manière de fabriquer les caractères, et qui fut tué à la prise de Mayence, par les troupes de notre prince, Adolphe de Nassau. Nous avons, dans nos écoles, des exemplaires de tous les ouvrages dont je viens de vous parler et je puis vous les montrer. (Il tire de sa poche trois volumes.) Voici d'abord un des petits volumes de l'imagier de Harlem: Lettres d'Indulgence. Voyez: imprimé par Laurent Coster, à Harlem. (Ils regardent le volume.) Voici l'un des volumes imprimé par Fust, à Mayence (Il leur montre le livre.) et qui porte: Imprimerie de Fust, à Mayence. Voici enfin, la bible imprimée par Scheffer, à Mayence. Aucun livre imprimé ne porte, que je sache, le nom de Gutenberg. Montrez-moi un seul livre portant la mention: Imprimé par Gutenberg et je vous donnerai raison.
MARGUERITE
Oui, montrez-lui un livre imprimé par Gutenberg… (Le regardant avec admiration.) Comme il parle bien!… comme il est savant!
MEYER
Alors, ce vagabond qui se prétend gentilhomme… Attendez, je vais lui dire son fait! (Il va à Gutenberg, qui est toujours assis à la table de gauche.) Vous savez, mon vieux, que vous n'êtes pas plus gentilhomme que ma pantoufle, et vous n'avez rien inventé du tout!… L'imprimerie a eu trois pères… on n'en a qu'un, d'habitude, mais l'imprimerie est une si grande dame qu'elle peut se donner le luxe de trois papas. Donc l'imprimerie a eu pour premier papa Laurent… Laurent… enfin, un marchand d'images.
GUTENBERG
Laurent Coster, l'imagier de Harlem!… Tu dis vrai.
MEYER
Le second papa a été le célèbre Fust, qui, étant à Paris, a inventé la peste… (Marguerite le tire par la manche.) C'est-à-dire, qui est mort de la peste à Paris.
GUTENBERG, d'un air concentré
Continue!
MEYER
Et son troisième papa, c'est Scheffer, qui a fait le siège de Mayence, (Même jeu de Marguerite.) c'est-à-dire qui a été tué au siège de Mayence.
GUTENBERG, d'un air plus concentré
Après?
MEYER
Après, c'est tout… (D'un air d'importance.) Montrez-moi un seul livre portant la mention: Imprimé par Gutenberg, et je vous donnerai raison. Par ainsi, vieux farceur, vous nous avez conté des contes, et ce que vous avez de mieux à faire, c'est de détaler d'ici… Je ne vous reproche pas mon jambon, ni ma bière, mais enfin…
GUTENBERG, se levant et éclatant
Qui a dit que je ne suis pas l'inventeur de l'imprimerie? Qui a dit que Fust et Scheffer ne sont pas des imposteurs et des voleurs d'idées? Qui a dit que Gutenberg est menteur et traître? (Il lève son bâton. Les buveurs reculent. Cornélius, Meyer, et Marguerite, s'écartent et vont à l'extrême droite67.) Je suis ici au milieu de mes ennemis, des ennemis de Mayence, ma patrie. Je suis au milieu de ces hommes barbares et cruels, qui ont envahi, à main armée, notre malheureuse ville, et qui l'ont saccagée. Je suis au milieu de ceux qui ont brûlé mes ateliers, causé ma ruine et tué Pierre Scheffer! (Il brandit son bâton.) Prenez garde à vous, gens de Nassau, Gutenberg, Gutenberg, de Mayence, que vous avez ruiné, volé, perdu à jamais, Gutenberg vous menace et vous brave.
Ils s'écartent davantage68.
MEYER
Prenons garde, il est complètement fou!
FRIÉLO
Mon cher maître, calmez-vous; on ne vous veut aucun mal!
GUTENBERG
Je ne resterai pas plus longtemps dans le pays de Nassau. Nous avons laissé à l'hôtellerie, ma femme, ma chère Annette: cours, Friélo, va lui dire que je veux partir tout de suite, et ramène-la.
FRIÉLO
L'hôtellerie où nous avons laissé dame Annette, est près d'ici. Dans un quart d'heure, je vous l'amène.
Il sort.
SCÈNE III
Les Mêmes, moins FRIÉLO
MEYER
Je savais bien qu'il avait un coup de marteau, mais je ne le savais pas enragé. Flattons sa manie. (Allant à Gutenberg et le saluant.) Monseigneur, monseigneur de Gutenberg, mon digne gentilhomme, mon prince, on est allé chercher la princesse, votre femme, pour vous ramener en pompe, dans le palais de vos pères. (À part.) S'il n'est pas content!
Gutenberg est tombé sur le banc des buveurs à droite, comme absorbé dans ses pensées.
CORNÉLIUS
Laisse ce pauvre homme! Nous n'avons rien à craindre de lui; il est maintenant abattu et sans forces.
MEYER
Il est certain que Sa Seigneurie n'est pas en ce moment dans une passe brillante!
SCÈNE IV
Les Mêmes, FRIÉLO
GUTENBERG, se levant
Eh bien, Friélo, ramènes-tu Annette?
FRIÉLO
Hélas, mon maître, malheur sur malheur! Je n'ai plus retrouvé dame Annette à l'hôtellerie. Elle venait de partir, en chargeant l'hôtelier de nous annoncer son départ.
GUTENBERG
Et, a-t-elle dit, au moins, en quel lieu elle se rend?
FRIÉLO
Non!
GUTENBERG
Oh! dernier coup de la fatalité qui m'accable! Annette, ma femme, qui dirigeait mes pas chancelants dans la carrière de la vie, Annette, mon soutien, mon guide, elle me quitte, elle m'abandonne! Et pourquoi? Ah! le courage aura fini par lui manquer. Elle se sera fatiguée d'un si long, d'un si constant dévouement, et elle sera partie, en m'abandonnant à ma triste destinée. Et comment la blâmer? Une telle abnégation, si longtemps continuée, n'est pas dans la nature humaine. On s'épuise en efforts, en dévouement, mais une heure vient où les forces vous manquent, pour continuer le sacrifice. Et l'on part; et l'on livre à son désespoir, à sa faiblesse, le triste compagnon de sa vie misérable. Ah! Friélo, je ne survivrai pas à ce dernier coup!… Je voudrais mourir!
Il retombe, accablé, sur le banc, les mains sur ses yeux.