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ACTE QUATRIÈME
CINQUIÈME TABLEAU
ARCHEVÊQUE ET SOLDAT
L'intérieur de l'imprimerie de Scheffer et de Gutenberg à Mayence.—Porte au fond.—À gauche de la porte, une presse.—À droite de la porte, une armoire.—Au premier plan, à gauche, un bureau.—Au premier plan, à droite, une table.—Au deuxième plan, à droite, une fenêtre.—Portes latérales.
SCÈNE PREMIÈRE
ANNETTE, HÉBÈLE, FRIÉLO
Au lever du rideau, Annette range sur le bureau à gauche. Friélo est devant la presse. Hébèle entre par la porte du fond, et va ranger sur la table, à droite.
HÉBÈLE
Quelle activité, aujourd'hui, chère Annette, dans l'imprimerie de Gutenberg et de Scheffer! Tout le monde est occupé et tout le monde est content.
ANNETTE
Oui, leur association a merveilleusement réussi. Les livres qui sortent de leurs presses font l'admiration de l'Allemagne, et Mayence est justement fière d'avoir été le bureau de cet art.
HÉBÈLE
On tire aujourd'hui la dernière feuille de la Bible. Mon frère a décidé que le tirage de cette feuille serait fait avec quelque solennité, et qu'un banquet fraternel réunirait ensuite tous les ouvriers de l'imprimerie.
SCÈNE II
ANNETTE, HÉBÈLE, FRIÉLO, GUTENBERG, ensuite Ouvriers imprimeurs, en habits de fête, des bouquets à la boutonnière50
GUTENBERG, à Friélo
Friélo, va prévenir les ouvriers que tout est prêt, et que nous les attendons.
Friélo sort par le fond.
ANNETTE
Je présiderai au festin, et tu resteras ici, avec Scheffer. C'est bien là ce qui est convenu?
GUTENBERG
Parfaitement.
FRIÉLO, précédant les ouvriers
Par ici, camarades.
Les ouvriers entrent par la gauche, et se rangent des deux côtés du théâtre.
GUTENBERG51
Mes amis, il ne manque plus qu'une feuille à notre Bible, et j'ai voulu vous réunir, pour la faire tirer devant vous. (On tire une feuille de la presse, et Gutenberg la montre aux assistants, avec solennité.) La voilà, cette dernière feuille! La Bible est achevée. L'éternelle lumière de ce livre divin pourra désormais luire par tous les hommes. Remercions le Seigneur qui a permis la création de l'imprimerie, et prions-le de bénir les premiers ouvriers de cet art nouveau.
Les hommes se découvrent et les femmes s'agenouillent, pendant que Gutenberg montre la feuille de la Bible. Puis les femmes se relèvent, Friélo prend la feuille des mains de Gutenberg, la plie et la joint aux autres feuilles déjà pliées, pour en faire un volume.
ANNETTE
Quel grand jour, que celui où tu as terminé le plus beau livre de ton imprimerie, le chef-d'œuvre qui fera vivre à jamais ton nom dans la mémoire des hommes! Tes longs travaux, les recherches qui ont occupé ta vie entière, sont ainsi récompensés. Tu trouvas le germe de cette invention dans l'atelier de Laurent Coster, et tu as su le porter à sa perfection. Aux ébauches de l'imagier de Harlem tu as substitué ce chef-d'œuvre, et le titre de créateur de l'imprimerie t'est justement acquis.
GUTENBERG, aux ouvriers
Et maintenant, mes amis, mes enfants, je veux qu'un banquet cordial réunisse tous ceux qui ont contribué, par leur zèle, par leur dévouement, par leurs labeurs, au succès de l'œuvre que nous avons accomplie. Les tables sont dressées dans la grande salle. Allons célébrer, le verre en main, cette heureuse journée.
LES OUVRIERS
Vive Gutenberg!
Friélo ouvre la porte de droite, va aux ouvriers, les fait sortir et les suit. Scheffer prend par la main Hébèle et la conduit à la porte de droite. Gutenberg prend Annette par la main et lui fait signe de suivre les ouvriers; Scheffer s'efface, pour la laisser passer.
SCÈNE III
GUTENBERG, SCHEFFER52
GUTENBERG
Les chers enfants! Quelle joie, quel orgueil ils éprouvent! Voilà des instants qu'on n'oublie pas. (À Scheffer.) Mais il ne faut pas que la solennité de ce jour nous fasse perdre de vue les affaires. Travaillons, ami Scheffer… On vient de me remettre, de la part de notre prince, l'archevêque, ce manuscrit à composer!
SCHEFFER
De la part du prince?… Ceci nous touche de près; car le sort de notre ville et nos libertés municipales sont en jeu dans la situation critique où se trouve notre digne souverain, Diether d'Yssembourg. Voyons de quoi il s'agit. (Il s'asseoit et lit.) «À l'Empereur d'Allemagne, Frédéric II, archevêque de Mayence, contre les attaques, violences et iniquités de son voisin, le comte Adolphe de Nassau.» C'est une pièce que le prince archevêque veut faire imprimer et publier, pour protester, devant l'Europe, contre la guerre que lui a déclarée le comte de Nassau, et pour réclamer de l'Empereur d'Allemagne, Frédéric II, des forces militaires à opposer à celles de son ennemi.
GUTENBERG
Et que dit notre cher souverain, dans sa protestation?
SCHEFFER, parcourant des yeux le manuscrit
Il commence par rappeler la cause première du conflit armé qui règne entre lui et le comte de Nassau.
GUTENBERG, debout près de Scheffer, assis
La cause est assez connue, et d'ailleurs, fort singulière. C'est l'archevêque de Mayence qui a le droit de convoquer les princes d'Allemagne, quand il s'agit d'élire les empereurs; et c'est dans la cathédrale de Mayence qu'a toujours lieu le couronnement de l'empereur élu. Or, le pape Pie II, qui est bien le plus remuant, le plus intrigant de tous les papes présents et passés, exigeait que notre prince électeur s'engageât à ne jamais convoquer, sans son ordre à lui, le pape, le collège électoral des princes d'Allemagne. Notre prince a répondu que si le pape était maître à Rome, lui, Diether d'Yssembourg, était le maître à Mayence; qu'il ne se mêlait point des querelles du pape avec les Napolitains, les Toscans ou les Lombards, et qu'il entendait que le pape n'intervînt point dans ses rapports avec les princes allemands.
SCHEFFER
La réplique était juste, mais le pape Pie II, qui a passé sa vie à batailler contre tous les souverains de l'Europe, et à se mêler à toutes les intrigues des cours, n'était pas homme à s'arrêter devant les protestations d'un archevêque. Par une bulle foudroyante, il a déposé Diether d'Yssembourg, et institué à sa place, comme souverain de Mayence, notre puissant voisin, le comte Adolphe de Nassau. (Parcourant les papiers.) Tout cela est rappelé dans cette pièce… Mais notre cher souverain ajoute qu'il n'a pas voulu subir la décision pontificale. Il a fait appel aux amis qu'il possède parmi les princes régnants de l'Allemagne, et l'un d'eux, l'électeur Palatin, a mis à sa disposition des armes et des troupes, pour les opposer à celles du comte de Nassau.
GUTENBERG
Et de bonnes troupes, puisqu'il y a un an, le 14 septembre 1461, une bataille rangée a eu lieu, sur les bords du Mein, près d'Heidelberg, et que les soldats de Nassau ont été complètement battus par les nôtres. (Il se lève.) Victoire fâcheuse, peut-être, car le comte de Nassau, furieux de sa défaite, et le pape, irrité d'une pareille résistance, ont si bien manœuvré qu'ils ont détaché de notre cause l'électeur Palatin. Notre ancien allié nous a retiré ses troupes; de sorte qu'aujourd'hui, nous en sommes réduits à nos propres forces, c'est-à-dire à la garde civique, pour repousser les attaques des gens de Nassau.
SCHEFFER
Tout cela est expliqué ici, et Diether d'Yssembourg conclut en demandant à l'Empereur d'Allemagne, le prompt secours de forces militaires.
GUTENBERG
Ce secours viendrait trop tard, car Adolphe de Nassau presse ses armements; et comme nous n'avons, pour défendre la ville, que ses vieux remparts et ses anciennes fortifications, je suis loin, ami Scheffer, d'être rassuré sur le sort de Mayence.
Il va au bureau à gauche.
SCHEFFER
L'avenir me paraît, en effet, assez sombre pour nous. (Il se lève et frappe sur un timbre. Friélo entre par la droite, premier plan.) Friélo, va porter ceci aux ateliers, et qu'on le compose sans retard53.
FRIÉLO, lisant le papier qu'on lui a remis
«Supplique du prince électeur, Diether d'Yssembourg, à l'Empereur d'Allemagne.» Eh bien, il ne fera pas mal de se presser de nous envoyer des secours, l'Empereur d'Allemagne; car la pauvre ville de Mayence en a grand besoin. Tout y est sens dessus dessous. Les femmes pleurent et les enfants crient. Les gardes civiques fourbissent leurs rapières et astiquent leurs hallebardes; tandis que les artilleurs traînent les bombardes du côté des remparts. Comment tout cela finira-t-il?
SCHEFFER
Va donc porter cette copie, Friélo… Je t'ai dit que c'était pressé!
FRIÉLO
J'y cours, maître, j'y cours. (Il va pour sortir par la porte de droite, mais il s'arrête.—Regardant à gauche.) Monsieur Scheffer, voyez donc la visite qui nous arrive!
SCHEFFER
Une visite?
FRIÉLO
Je ne vois pas les visages, mais ce sont des personnages de très haut rang, car tous les ouvriers s'inclinent sur leur passage, avec les signes du plus profond respect.
Il sort par la droite.
SCÈNE IV
DIETHER D'YSSEMBOURG, SCHEFFER, GUTENBERG, CONRAD HUMMER, Hallebardiers
Les hallebardiers se rangent des deux côtés de la porte.
UN SOLDAT, annonçant
Monseigneur Diether d'Yssembourg, prince électeur, archevêque de Mayence; M. Conrad Hummer, Syndic de la ville!
Le prince électeur et Conrad Hummer entrent54.
GUTENBERG
Heureuse et honorée la maison qui reçoit aujourd'hui le souverain de Mayence!… ainsi que toi, mon cher Conrad, toi qui es maintenant le Syndic de notre bonne ville.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Mon cher Gutenberg, mon cher Scheffer, nous laisserons pour un autre moment les cérémonies et les discours. Les circonstances sont graves, et ma visite vous dit assez qu'un grand péril menace la cité. Notre constant ennemi, celui qui, soutenu par le pape, a juré de détruire vos libertés municipales, et d'absorber Mayence dans ses États, a rassemblé toutes ses forces, et il marche sur notre ville. Il ne faut pas nous laisser surprendre. C'est pour cela qu'avec le Syndic de la ville, je viens donner mes instructions aux chefs des gardes civiques auxquels est confiée la défense des dix portes fortifiées de la ville. Vous, Scheffer, et vous, Gutenberg, êtes chargés de garder deux portes, n'est-ce pas?
CONRAD HUMMER
Oui; Gutenberg et Scheffer doivent se placer, avec les hommes de leur quartier, dans les poternes et bastions qui défendent la troisième et la quatrième porte du côté du Rhin.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Eh! bien, Scheffer, eh! bien, Gutenberg, voici le relevé des forces dont vous disposerez. (Il leur remet à chacun un pli. Gutenberg et Scheffer prennent le pli et s'inclinent.) Dans cette note se trouve le détail des quantités de poudre et de boulets de pierre accompagnant la bombarde qui a été placée sur le rempart, entre la troisième et la quatrième porte du Rhin. Il y a aussi le détail de l'approvisionnement, en grains et fourrages, pour les chevaux, en cas d'une sortie de notre part.
SCHEFFER
Nous avons ici soixante ouvriers solides, qui peuvent se rendre, avec nous, à la porte du Rhin; mais ils ne sont pas encore armés.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Qu'ils se rendent sur la place du Dom. Là, les piques, les lances et les épées, leur seront délivrées. Nous n'avons, malheureusement pas d'armes à feu portatives, couleuvrines ou arquebuses, à opposer à nos ennemis, qui en ont fait venir d'Espagne. Mais la vaillance elle patriotisme des citoyens suppléeront à l'insuffisance de leurs armes.
Fausse sortie du prince et de Conrad Hummer.
DIETHER D'YSSEMBOURG, revenant
Ah! un mot encore. Des vedettes sont placées sur les tours des Églises, aux quatre coins de la ville. Elles ont pour mission, dès qu'elles apercevront l'ennemi, de sonner aussitôt le tocsin. Ce sera le signal d'alarme et d'appel pour toutes les gardes civiques et pour les habitants de la ville en état de porter les armes… Ainsi, dès que vous entendrez le tocsin, Scheffer, dès que vous l'entendrez, Gutenberg, n'hésitez pas un instant, courez, volez aux remparts. Seriez-vous près de votre fils nouveau né, seriez-vous au chevet de votre mère mourante, abandonnez tout, courez au combat!
GUTENBERG
Il s'agit de défendre nos femmes et nos enfants, et de sauver nos libertés civiques. Nos bras, nos forces, notre existence, sont à vous, monseigneur.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Je savais que je pouvais compter sur votre courage et votre dévouement. Adieu donc; je vais continuer à donner mes instructions aux chefs des autres bastions et poternes.
CONRAD HUMMER, prenant la main de Gutenberg
Nous nous retrouverons, cher camarade, devant l'ennemi.
GUTENBERG
Permettez, monseigneur, que je vous reconduise jusqu'à votre carrosse.
Diether sort, suivi de Conrad et de Gutenberg. Les soldats suivent. Scheffer qui les a suivis, rentre en scène.
SCÈNE V
SCHEFFER, ANNETTE
ANNETTE, entrant par la droite55
C'est le prince électeur et le Syndic de la ville qui sortent d'ici?… Que se passe-t-il donc? Je meurs d'inquiétude.
SCHEFFER
Des événements très graves se préparent. Le temps presse et je vous prie de m'écouter; car j'ai à vous parler, et de choses sérieuses.
ANNETTE
Je vous écoute.
SCHEFFER
Depuis trois ans, je travaille en secret, au perfectionnement de l'imprimerie, et j'ai été assez heureux pour trouver un procédé qui va simplifier extraordinairement la fabrication des caractères. Vous savez que les lettres métalliques dont nous nous servons, sont sculptées une à une. C'est un travail énorme et très dispendieux. Or, j'ai imaginé de graver en acier un type, qui me sert à frapper ensuite un moule à lettres. Je coule dans ce moule l'alliage destiné à former les caractères, et j'obtiens ainsi des lettres ayant toute la perfection désirable, tout en conservant le type primitif en acier.
ANNETTE
C'est assurément une grande simplification, et je reconnais là votre talent.
SCHEFFER
Attendez! je n'ai pas fini. Gutenberg emploie, pour imprimer ses livres, les lettres gothiques des anciens manuscrits. Je veux, moi, faire usage des caractères romains, dont la netteté est précieuse, non seulement pour l'imprimeur, car elle simplifie son travail, mais aussi pour le lecteur, car elle facilite la lecture.
ANNETTE
C'est encore là une belle idée! Mais pourquoi, Scheffer, est-ce à moi que vous parlez de tout cela, au lieu de le communiquer à Gutenberg, à votre associé56? S'il est vrai que vous ayez découvert plusieurs perfectionnements utiles à l'art de l'imprimerie, votre devoir serait de les communiquer à Gutenberg, qui, depuis deux ans, n'a aucun secret pour vous, qui vous a initié à ses travaux, et vous a traité comme un fils.
SCHEFFER
Vous oubliez que je vous aime, dame Annette! C'est pour me rendre digne de vous que j'ai voulu surpasser Gutenberg. Je vous savais ambitieuse de gloire et passionnée pour notre art. C'est pour cela que je viens vous dire: «Gutenberg n'est pas le seul créateur de l'imprimerie. Un autre qui a reçu du ciel ce même don suprême que vous admirez en lui, un autre, après avoir découvert de nouveaux procédés pour l'imprimerie, met à vos pieds ses talents et son cœur». Que me répondrez-vous?
ANNETTE
Je vous répondrai que celui qui veut, du même coup, ravir le bonheur et la gloire à son bienfaiteur, est un double traître. Je lui dirai qu'il a menti; car l'art de l'imprimerie a été créé par celui là même qu'il veut trahir, comme inventeur et comme époux.
SCHEFFER
Annette! ne me repoussez pas. Croyez en ma parole, et ne vous abusez pas plus longtemps sur le compte d'un homme qui ne peut plus répondre aux aspirations de votre cœur, ni de votre esprit.
ANNETTE
Je vous l'ai déjà dit, Scheffer, j'aime Gutenberg pour son génie, pour l'affection qu'il me porte, et je suis véritablement indignée de vos paroles.
SCHEFFER
Quoi! c'est lorsque j'ai réussi dans mes travaux, au point de surpasser Gutenberg; c'est lorsque je viens vous offrir les prémices de ma découverte et le don de mon cœur, que vous m'écrasez de votre orgueilleuse préférence pour un autre! Ne prononcez plus devant moi le nom de mon rival; car ce nom ne m'inspire que révolte et jalousie! Annette, prenez garde, car maintenant, je hais Gutenberg!…
ANNETTE, elle marche sur Scheffer, qui recule
Des menaces, Scheffer! des menaces, parce que je refuse de répondre à un amour coupable! Esprit envieux, serpent réchauffé dans le sein de l'amitié, la passion te fait oublier le respect que tu dois à ton maître et à moi57.
SCHEFFER
Annette! de grâce, écoutez-moi! Je n'ai pas tout dit… J'ai pris toutes mes dispositions pour créer une imprimerie nouvelle, qui fera une révolution dans cet art. C'est à Francfort que je compte l'établir. Mais j'entends ne conserver aucun rapport avec Gutenberg. Venez avec moi, chère Annette; venez partager la destinée brillante qui m'attend, et laissez s'écouler votre vie, heureuse et tranquille, entre la richesse et la gloire. Que l'amour ardent que je vous ai voué depuis dix années, ait enfin son couronnement!… (Il prend Annette dans ses bras.) Consentez à me suivre. Tout est préparé pour nous rendre ensemble à Francfort.
GUTENBERG, vers les dernières paroles de Scheffer était entré sans rien dire. Il avait ouvert l'armoire, pris son épée et bouclé son ceinturon. Il a entendu les dernières paroles de Scheffer
Misérable! Tu veux, à la fois, suborner ma femme et me ravir ma gloire! Je suis stupéfait de tant de duplicité et de tant d'audace58!
SCHEFFER
Tu as entendu mes paroles? Tu nous épiais! Eh bien! assez de dissimulation, assez d'ombre et de mystères. Oui, depuis longtemps j'aime Annette, et je ne vois en toi qu'un rival que j'abhorre. Autant que toi, j'ai le génie de l'art, et je te le prouverai en ouvrant à Francfort une imprimerie rivale, qui fera oublier jusqu'à ton nom. Quant à Annette, laisse-la choisir entre nous deux.
GUTENBERG
Quelle indignité!
SCHEFFER
Ah! maintenant, rien ne m'arrêtera plus, ni pour parler, ni pour agir. J'aime, je te le répète, Annette de la Porte-de-Fer, et je l'ai toujours aimée. Je l'aimais déjà quand je travaillais sous tes ordres, au couvent de Saint-Arbogast. Je l'aime plus encore depuis que je vis sans cesse près de vous; et toi je te hais, parce que tu es son époux… Ainsi, qu'elle prononce entre nous, qu'elle dise si elle veut, oui ou non, me suivre à Francfort!
GUTENBERG
Voilà donc tes vrais sentiments! Le voilà donc jeté le masque qui cachait la noirceur de ton âme! Traître, tu ne périras que de ma main!… Défends-toi!
Ils tirent leurs épées, qu'ils portaient à la ceinture, et se battent. Le tocsin sonne.
ANNETTE
C'est le tocsin! Que veut dire cela?
Ils abaissent leurs épées.
GUTENBERG, avec force
Cela veut dire que l'ennemi est aux portes de la ville; cela veut dire que le combat va s'engager sous nos murs; cela veut dire qu'il faut, pour le moment, faire trêve à nos querelles, à nos ressentiments, à nos haines, et courir au poste dont le commandement nous a été confié.
Il remet l'épée au fourreau.
SCHEFFER, remettant l'épée au fourreau
Tu as raison, Gutenberg. Courons où la patrie nous appelle! Et à demain nos querelles et ma vengeance!
GUTENBERG
Aux remparts! à la poterne!
SCHEFFER
Aux remparts! à la poterne!
Ils sortent en courant. Le canon gronde pendant la chute du rideau. Annette veut retenir Gutenberg, mais celui-ci la repousse avec colère. Annette tombe au milieu du théâtre.
SIXIÈME TABLEAU
LA PRISE DE MAYENCE
Même décor, mais sans les accessoires.
SCÈNE PREMIÈRE
ANNETTE, FRIÉLO
Au lever du rideau, Annette est agenouillée à droite, devant la fenêtre.—Friélo est au fond, regardant à gauche, à la cantonade.
ANNETTE, priant
Seigneur! ta colère est terrible! Avec quelle rigueur ton bras s'est abattu sur tes malheureux enfants! Mais tu es aussi le Dieu de clémence et de bonté. Assez de ruines se sont accumulées; assez de sang a coulé de nos veines, assez de larmes sont tombées de nos yeux. Seigneur, suspends les coups dont ta main nous accable. Sauve ce qui reste des personnes et des biens de la pauvre cité de Mayence! (Elle se lève et va à la fenêtre.) Quel affreux spectacle! Le feu est aux quatre coins de la ville. La rue est pleine de fuyards et de soldats, ivres de la victoire, et encore enflammés de la fureur du combat. On n'entend que des cris de douleur et d'épouvante. Partout la désolation, la terreur et la mort!
FRIÉLO, à la porte du fond
Quel est ce groupe de fuyards?… Ce sont nos ouvriers. Ils sont poursuivis et viennent se réfugier ici…
ANNETTE
Gutenberg est-il avec eux?
FRIÉLO
Oui! grâce à Dieu!… Je vois aussi Scheffer!
ANNETTE
Ah!
FRIÉLO
Ils ont franchi la porte, ils rentrent! Les voici!