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Kitabı oku: «La Vie en Famille: Comment Vivre à Deux?», sayfa 10

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CHAPITRE XIV
HOME! SWEET HOME!

«Pour mon compte, dit J. Michelet dans son Journal, je ne comprends que deux femmes: celle qu'on peut associer à ses pensées, peut-être même à ses travaux; ou bien, la modeste ménagère qui, le jour, gouverne son petit royaume. Le soir, je la vois assise près de la table de travail. Elle file. A deux pas, le berceau, qu'elle endort au doux ronflement de son rouet.»

On a vu que ces deux femmes peuvent n'en faire qu'une, et c'est alors surtout que la joie et le calme de l'intérieur sont assurés.

Dans les classes où le travail de l'homme est insuffisant et doit être augmenté, pour entretenir la famille, des fruits du travail de la femme, on a remarqué que rien ne vaut le labeur fait à la maison, auprès des enfants, et, s'il se peut, de concert avec le mari. Malheureusement, les nécessités de notre état économique sont telles que femme et homme doivent souvent se quitter dès le matin, aller à des ateliers différents et ne se retrouver que le soir, harassés et moroses, devant un ménage en désordre et un âtre éteint. Les enfants se sont, pendant ce temps, gardés comme ils ont pu: tantôt la sœur aînée, fillette de sept à huit ans, veille sur ses petits frères; tantôt c'est une vieille du voisinage qui aurait grand'besoin d'une garde-malade pour elle-même: ou bien la mère, en courant au travail, s'arrête devant la crèche ou l'asile du quartier et y met les plus petits, et les plus grands vont à l'école lorsqu'ils ne s'arrêtent pas en chemin à recevoir l'éducation du ruisseau. La maison n'est plus qu'une tanière où l'on se réfugie le soir, et le lit conjugal qu'un grabat où s'étendent, dans la torpeur, les membres fatigués. L'homme prend son repas à la gargote, se chauffe et se surchauffe chez le distillateur, ne rentre plus qu'ivre et sans le sou, bat sa femme, bouscule ses enfants et cuve son eau-de-vie jusqu'au lendemain. Dix fois sur vingt la femme finit par en faire autant.

Ce lugubre tableau a été tracé bien des fois par des pinceaux plus vigoureux que le nôtre. Mais il était utile de le remettre sous les yeux de nos lecteurs, pour leur faire mieux comprendre le bienfait inappréciable qu'est pour le pauvre et le travailleur un intérieur propre et bien tenu.

«Je ne crois pas qu'on triomphe de l'alcoolisme par l'augmentation des droits sur l'alcool, dit Jules Simon. Ceux qui ont l'habitude de boire auront recours à des poisons plus grossiers et on n'aura fait qu'aggraver leur maladie. Ils s'adonnent presque tous à l'ivrognerie, parce que leurs maisons sont des taudis abominables auprès desquels les cellules des prisonniers sont des paradis. On ne videra les cabarets qu'en rendant la maison du pauvre habitable. Le vrai remède à la plupart des maux dont nous souffrons est la reconstitution de la vie de famille.»

Tout le monde y trouverait son compte, d'ailleurs, et la richesse publique en augmenterait. M. Armand Hayem met en pleine lumière cette vérité: «Comme la famille offre la première image du groupe social, dit-il, elle offre aussi celle du groupe industriel. La maison devient l'atelier le plus productif, celui où règne le plus grand ordre, où le travail se divise le plus naturellement, où tout est épargné, ménagé, recueilli: le temps, la force, la matière, l'excédent; où se réfugie et s'observe la morale simple et attrayante. Tous les économistes conviennent que la famille est la meilleure combinaison de travail et l'atelier qui fournit la plus grande somme de produits avec le moins de frais.»

Rabelais, le grand railleur qui, par une ironie plus amère que tout le reste, n'a pas voulu, dans son livre qui comprend tout, faire entrer l'amour, dit pourtant quelque part avec une sorte de gravité émue venant peut-être d'un retour sur lui-même: «Là où n'est femme, j'entends mère de famille et en mariage légitime, le malade est en grand estrif.» Hélas! le malade c'est l'homme, même quand il se porte bien. L'estrif, l'embarras, le danger, l'amertume de la vie ne saurait s'amoindrir ou s'adoucir pour lui tant qu'il est seul.

Au contraire, il y a une telle félicité dans la vie commune de l'homme et de la femme s'aimant, se soutenant et s'aidant à travers les plus rudes épreuves, que William Cobbett a pu écrire sans être taxé de paradoxe:

«Quand on a vu, comme moi, le pauvre laboureur rentrer à la nuit tombante par la petite porte de son jardin, les épaules chargées d'une provision de bois pour un ou deux jours, au moment où plusieurs jolies créatures, qui étaient depuis longtemps à guetter l'approche de leur père, se précipitent dans la chaumière pour annoncer la joyeuse nouvelle, et reviennent encore plus vite pour voler à sa rencontre, grimper sur ses genoux, ou se suspendre à ses vêtements; quand on a vu des scènes comme celle-ci, des scènes que j'ai souvent contemplées avec un sentiment de bonheur toujours nouveau, on se demande si une vie de privations n'est pas préférable à une vie d'aisance, et si des rapports constants et directs avec ses enfants, rapports que rien ne vient troubler, ne sont pas préférables à ceux en travers desquels viennent se placer précepteurs et domestiques, ce qui ne peut que produire une diminution d'affection.»

Les Anglais passent pour avoir réalisé l'idéal de la vie de famille, de la vie du home, comme ils disent. Le home n'aurait, à ce qu'on prétend, aucun équivalent dans les autres langues, particulièrement dans la nôtre. On oublie que ce terme est un mot allemand (heim); et, quand les Romains combattaient pro aris et focis, quand nous, Français, nous mettons au-dessus de tout l'honneur et la paix du foyer, il paraît qu'il reste encore dans le home de nos voisins britanniques quelque chose que ni les Romains, ni nous, n'avons jamais connu. J'ai beau chercher, je ne trouve pas ce que peut être ce quelque chose, si ce n'est la banalité. Le home anglais est, en effet, la plupart du temps, grand ouvert – non pas gratis – à l'étranger. Pour quelques shillings ou quelques livres sterling – suivant le genre de vie – par semaine, le premier venu y trouve le vivre et le couvert, board and lodging; de sorte qu'on a pu dire que, dans le Royaume-Uni, toute bonne ménagère se double d'une maîtresse d'hôtel.

Quoi qu'il en soit, la vie du foyer, l'existence à deux, reflétée et répercutée dans les enfants, a été de tout temps chantée avec enthousiasme par les poètes anglais. Écoutons-en quelques-uns, parmi les moins connus.

 
Doux est le sourire du foyer, dit Kable; le regard qu'on se renvoie,
quand les cœurs l'un de l'autre sont sûrs;
douces toutes les joies qui se pressent dans le nid du ménage,
séjour de toutes les pures affections.
 

Moins lyrique, Cotton écrit une strophe qui sent le polémiste:

 
Bien que les sots méprisent le doux pouvoir de l'Hymen
nous, qui rendons encore meilleures ses heures dorées,
nous savons, par une aimable expérience,
que le mariage, justement entendu,
donne à ceux qui sont tendres et bons
le paradis ici-bas.
 

Ford reprend:

 
les joies du mariage sont le ciel sur la terre,
le paradis de la vie… le repos de l'âme,
le nerf de la concorde…
l'éternité des plaisirs.
 

Voici une rafraîchissante scène d'intérieur tracée en cinq vers par J. S. Knowles:

 
… Oui, un monde de bien-être
gît dans ce seul mot – la femme! Après une journée de luttes,
revenir l'esprit excédé, à la maison, le soir,
et trouver le feu joyeux, le doux repas,
où, orné de joues et d'yeux brillants de bonheur,
l'amour s'assied et, de son sourire, éclaire toute la table!
 

Quoi de plus doux, et que rêver au-delà? Certes, on peut le répéter avec Moore:

 
C'est une félicité au-delà de tout ce qu'a raconté le poète,
lorsque deux êtres, enchaînés dans ce céleste lien,
le cœur jamais changeant, et le regard jamais refroidi,
s'aiment à travers toutes les épreuves, et s'aiment toujours jusqu'à la mort!
Une heure d'une passion si sainte vaut
des siècles entiers de joie vagabonde, où le cœur n'est pour rien;
et, oh! s'il est un état Elyséen sur terre,
c'est celui-là, c'est celui-là!
 

Rien d'étonnant à ce que les élus qui goûtent ce plein bonheur terrestre soient portés à s'y absorber, à s'y confiner, oubliant le monde qui les entoure. Sans doute, on n'a pas le droit de s'enfermer en égoïstes dans sa double félicité, et la vie à deux n'a de vertu que parce qu'elle constitue, nous l'avons déjà dit plus d'une fois, la véritable unité sociale. D'ailleurs, ce danger d'isolement est petit, car bien rares sont ceux qui peuvent se passer de leurs semblables, et qui sont en mesure de profiter des services sociaux sans être obligés, à leur tour, de rendre personnellement et directement, par un travail quelconque, au moins une partie de ce qu'ils en retirent. Ceux-là mêmes ne sont pas inutiles, et il ne faudrait pas trop rigoureusement condamner l'égoïsme de leur félicité. On l'a fait remarquer, non sans raison, «un homme vertueux, une femme estimable, plus unis encore par le bonheur dont ils jouissent que par leurs serments, se séparent volontiers de la société pour être entièrement l'un à l'autre, mais ils ne sont pas perdus pour elle: ils peuvent y servir d'exemple53

Il n'en est pas moins vrai que les devoirs multiples de la vie sociale s'accordent parfaitement avec les obligations et les joies de la vie à deux. Nous n'en voulons pour témoignage que ce que le comte Beugnot, dans ses Mémoires, raconte de madame Roland, une des femmes qui, comme on sait, jouèrent le plus grand rôle dans les affaires publiques de notre pays. «Personne ne définissait mieux qu'elle les devoirs d'épouse et de mère, et ne prouvait plus éloquemment qu'une femme rencontre le bonheur dans l'accomplissement de ces devoirs sacrés. Le tableau des jouissances domestiques prenait dans sa bouche une teinte ravissante et douce; les larmes s'échappaient de ses yeux lorsqu'elle parlait de sa fille et de son mari.»

Nous trouvons dans le Journal de J. Michelet une scène plus humble, mais non moins touchante, et dont la place est naturellement marquée ici. Il s'agit des concierges de la maison qu'il habitait alors, et il rapporte avec émotion ce dont il fut, un soir, le témoin invisible et discret.

«Le mari travaille tout le jour au dehors. Elle, garde la loge, surveille le va-et-vient des locataires, répond aux questions des survenants, soigne le ménage et l'enfant encore trop jeune pour aller à l'école. Ce soir-là donc, le mari me précédait de quelques pas. La nuit tombait. Il entre dans la loge éclairée par un beau feu de cheminée, et jette, avec sa casquette, ce mot bref: «Me voilà!» C'est tout son salut: ni mollesse, ni sensiblerie, et pourtant, que de choses tendres pour les siens, dans ces deux mots: «Me voilà!» Cela voulait dire: «Enfin, je vous retrouve, vous, et ma maison!» Cet homme, évidemment, a connu la tristesse des repas solitaires, ces repas, – j'en sais quelque chose, – où le miel même garderait une saveur amère. On sentait sa joie que ce temps fût passé pour ne plus revenir. L'enfant s'était emparé de ses genoux, et, de ses petites mains, caressait sa rude barbe. Elle, bien plus affinée que lui visiblement, était sa fête. Elle allait et venait de la cheminée à la table. Il y avait de la grâce dans ses moindres mouvements. Cette jolie scène d'intérieur m'a rappelé le vers d'Horace: Mulier pudica exstrua lignis vetustis focum sacrum sub adventum viri lassi

Ainsi rien n'égale le contentement de la vie à deux, lorsque les époux, par une étude qui leur doit être chère, par des sacrifices mutuels que l'amour rend faciles et doux, sont arrivés à élaguer les causes d'aigreur et de dissentiment, et se sont fondus l'un dans l'autre jusqu'à réaliser ce qu'il y a de profond dans ce mot, si souvent dit à la légère, être unis.

Un poète délicat a donné avec une grâce pénétrante l'impression de ce sentiment exquis dans un sonnet qui mérite de rester à côté de celui qui a seul fait jusqu'ici surnager le nom de Félix Arvers.

 
J'avais toujours rêvé le bonheur en ménage,
Comme un port où le cœur, trop longtemps agité,
Vient trouver, à la fin d'un long pèlerinage,
Un dernier jour de calme et de sérénité.
 
 
Une femme modeste, à peu près de mon âge,
Et deux petits enfants jouant à son côté;
Un cercle peu nombreux d'amis du voisinage,
Et de joyeux propos dans les beaux soirs d'été.
 
 
J'abandonnais l'amour à la jeunesse ardente;
Je voulais une amie, une âme confidente,
Où cacher mes chagrins, qu'elle seule aurait lus;
 
 
Le ciel m'a donné plus que je n'osais prétendre;
L'amitié, par le temps, a pris un nom plus tendre,
Et l'amour arriva qu'on ne l'attendait plus.
 

Le paradis terrestre, dit un proverbe arabe qui nous servira de conclusion, se trouve pour l'homme dans les livres de la sagesse, dans les œuvres de l'art, et dans le cœur de la femme.

La femme le trouvera, sans qu'aucune autre source de joies honnêtes lui soit fermée d'ailleurs, dans les œuvres de son ménage, dans l'amour de ses enfants et dans le cœur de son mari.

FIN
53.L. C. d'Arc, Mes Loisirs.