Kitabı oku: «Correspondance, 1812-1876. Tome 1», sayfa 13

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LXXXIX
A M. FRANÇOIS ROLLINAT, A CHATEAUROUX

Nohant, 1er août 1832.

Mon bon vieux,

J'ai passé à Châteauroux à quatre heures du matin. J'en suis repartie à six, malade, fatiguée, enrhumée, endormie, stupide. Malgré cela, j'avais bien envie de te faire réveiller pour t'emmener. Mon mari m'a dit que tu étais encore occupé par les assises, que tu avais beaucoup de travail. Je me suis fait conscience de t'arracher cette pauvre heure de sommeil.

Duteil pense que tu dois être débarrassé aujourd'hui. Tu es donc libre? Arrive bien vite, mon ami. Je suis impatiente de t'embrasser et de passer quelques bons jours avec toi. Viens demain au plus tard, n'aie pas de prétexte, pas d'affaire; je n'en veux pas entendre parler. Je suis ici pour trois semaines, je n'entends pas perdre ces moments de bonheur, si rares dans ma vie et si chèrement payés. Viens donc, brave homme. Nous t'attendons. Je t'embrasse de toute mon âme.

Ton ami

GEORGE.

XC
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS

Nohant, 6 août 1832.

Ma chère maman,

Je suis en effet coupable, cette fois, de ne pas vous avoir donné de mes nouvelles tout de suite. Pardonnez-moi; ne soyez pas inquiète. Tout le monde ici va bien.

Solange a repris ses jeux, ses chevreaux, ses galettes à la terre mouillée sur des ardoises. On ne l'a pas trouvée maigrie du tout. Maurice est mince comme un fuseau et très grand. Il est plus beau que jamais. Il lui a poussé, en mon absence, les plus belles dents du monde, blanches, bien rangées. Il est charmant et d'un caractère parfait. Il travaille beaucoup; il a de l'intelligence, beaucoup de douceur et un coeur excellent. Il entrera au collège le printemps prochain.

Pour moi, je vais assez bien, sauf la chaleur qui m'écrase. Je vous plains, si vous en avez autant à Paris. Nous ne savons où nous fourrer. Les puits sont taris, les bestiaux meurent de soif, les fleurs et les arbres sont grillés, nos pauvres enfants n'ont plus la force de courir et de jouer. La nuit, les rudes orages ne rafraîchissent pas le temps. Cette nuit, le tonnerre a brûlé quinze maisons et plusieurs granges à deux lieues d'ici.

Je ne puis mieux faire que de m'enfermer dans mon cabinet et de travailler à Valentine. Solange se roule sur le parquet et Maurice fait du latin comme un pauvre diable.

Mon mari est aux assises à Châteauroux. Il y a beaucoup d'affaires à juger; il restera là une quinzaine de jours; ce qui ne l'amuse guère. Heureusement le choléra n'y est plus. Madame Hippolyte est toujours la même, pas forte, mais allant son petit train de vie. Polyte chante, rit, fume et boit tout le jour. C'est toujours Roger Bontemps.

Adieu, chère petite mère; vous êtes bien bonne d'avoir été à la diligence. Je suis bien fâchée de n'avoir pu vous attendre.

Je vous embrasse de tout mon coeur.

Avez-vous des nouvelles de Caroline?

XCI
A M. FRANÇOIS ROLLINAT, A CHATEAUROUX

Nohant, 20 août 1832.

Mon vieux,

J'ai travaillé comme un cheval, et je me sens si aise d'être débarrassée de ma journée, que, loin de faire du spleen, je me plonge avec délices dans cette béate stupidité qu'il m'est enfin permis de goûter. Ne t'attends donc pas à me voir répondre à toutes les choses bonnes et excellentes que tu me dis. J'attendrai pour cela un jour où j'aurai de l'âme, un jour où je serai Otello. Pour aujourd'hui, je suis chien. Je dis que la vie n'est bonne qu'à gaspiller. J'ai mis tout ce que j'avais de coeur et d'énergie sur des feuilles de papier Weynen. Mon âme est sous presse, mes facultés sont dans la main du prote. Infâme métier! Les jours où je le fais, il ne me reste plus rien le soir. Ce sont autant de jours où il ne m'est pas permis de vivre pour mon compte. Après tout, c'est peut-être un bonheur; car, livrée à moi-même, je vivrais trop!

Dans deux jours, j'aurai fini Valentine, ou je serai morte. Veux-tu que j'aille te voir la semaine prochaine? Fixe le jour. Si tu veux, nous irons à Valençay. Cela t'arrange-t-il? J'ai tout le mois pour courir, mais le froid viendra. Si tu m'en crois, tenons-nous prêts aux premiers jours de soleil qui reviendront, s'il en revient. J'avertirai Gustave85. Réponds-moi donc et décide le jour; c'est à toi, qui n'es pas libre quand tu veux, de régler l'ordre et la marche. Mais il faut nous prévenir d'avance, afin de préparer nos pataches, nos pistolets de voyage, nos pelisses fourrées, nos astrolabes, enfin tout l'appareil du voyageur.

Je suis charmée qu'on m'accueille chez toi avec bienveillance. J'ai fort envie de voir tous ces enfants; Juliette86 surtout me plaît. Préviens ta mère et tes grandes soeurs que j'ai excessivement mauvais ton, que je ne sais pas me contenir plus d'une heure; qu'ensuite, semblable au baron de Corbigny, «je ne puis m'empêche de jurer et de m'enivrer». Que veux-tu! chacun a ses petites faiblesses, disait je ne sais plus quel particulier, en faisant bouillir la tête de son père dans une marmite, pour la manger. Enfin garde-toi de me faire passer pour quelque chose de présentable. S'il fallait soutenir ensuite la dignité de mon rôle, je souffrirais trop.

Fais-moi le plaisir de m'envoyer une boîte de pains à cacheter les plus petits possibles. Je t'ai fait de grands et magnifiques présents, tu peux bien me faire celui-là: autrement, je serai forcée de t'envoyer mes lettres ouvertes. On ignore à la Châtre l'usage des pains à cacheter. On se sert de poix de Bourgogne. On y fabrique aussi des fromages estimés, les habitants sont fort affables. (Voyez le voyage de l'Astrolabe.)

Adieu, cher frère de mon coeur. Je t'écrirai quand je pourrai. Toi, si tu as le temps, écris-moi. Tu sais si je t'aime, petit homme et grande âme!

GEORGE.

XCII
AU MÊME

Nohant, septembre 1832.

Je t'ai écrit une longue lettre adressée à la Société des jeunes gens (au portier). J'étais inquiète de ta santé, vieux. Pourquoi n'ai-je pas encore de réponse? Je crains vraiment que tu ne sois malade.

Ma mère est partie le 13; je ne l'ai pas reconduite à Châteauroux comme je t'annonçais devoir le faire. Je te dirai mes raisons; peut-être m'attends-tu? Écris-moi donc au moins comment se porte ton vieux et triste individu. Mon squelette centenaire dort, fume, prend du tabac, griffonne du papier, et pleure comme un veau. Si tu te portes mieux, si tu peux supporter la compagnie d'un galérien ou d'un pendu, reviens. Si ma tristesse t'ennuie et te fait mal, ne reviens pas; mais écris-moi, ne sois plus malade et aime ton vieux George.

Je t'ai demandé pour Maurice des instruments aratoires, qu'il attend avec grande impatience. Il me prie de te tourmenter de sa part. Je te tourmente, sois tourmenté.

Amen!

XCIII
A MAURICE DUDEVANT, A NOHANT

Paris, 6 décembre 1832.

Mon cher ange,

Nous sommes arrivées hier sans accident et me voilà aujourd'hui presque sans fatigue. Nous sommes toutes reposées. Ta soeur est gaie, fraîche et gentille. Tout le monde la trouve embellie et mignonne à croquer. La petite femme87 a très bien supporté le voyage et n'a pas seulement levé le nez en traversant Paris. Elle a l'air de ne se guère soucier des choses nouvelles. Si elle continue à être ce qu'elle est aujourd'hui, je serai contente d'elle; car elle fait bien tout ce qu'elle peut pour m'être utile.

Je ne te dirai rien de neuf; je n'ai encore songé qu'à dormir et à ranger ma chambre. Ta petite soeur t'embrasse. Elle a pensé à toi à Châteauroux et s'est mise à pleurer. Je lui ai demandé ce qu'elle avait: elle m'a répondu qu'elle voulait aller chercher son frère mignon. Je l'ai menée chez Rollinat, où nous avons dîné; les petites soeurs de Rollinat l'ont consolée, elle s'est mise à faire le diable.

Adieu, mon petit mignon; embrasse ton père pour moi; dis à ton oncle de ménager un peu sa cervelle. Dis-lui aussi que j'ai voyagé avec le fameux père Bouffard, un des principaux chefs saint-simoniens. Le père Bouffard est gros comme toi, ne mange que des oeufs froids et ne boit que de l'eau. Du reste, il est très aimable et paraît très bon. Il ressemble à Jocko à s'y tromper; te souviens-tu de Jocko?

Adieu; écris-moi, travaille, porte-toi bien et pense à moi. Je t'embrasse mille fois, mon pauvre ange; tu sais si je t'aime!

Ta mère.

XCIV
AU MÊME

Paris, 12 décembre 1832.

Mon cher petit amour,

J'ai reçu ta lettre; je suis bien contente que tu te portes bien. Ta soeur est toujours rose et de bonne humeur. Elle lit tous les jours; elle sort avec sa bonne, qui se tire très bien d'affaire, qui va au marché, nous fait la cuisine, et m'est plus utile que je ne l'espérais. Moi, je ne suis pas encore sortie. Je suis dans de grandes affaires que tu ne comprendrais pas, mais dont il te suffira de savoir que je suis assez contente. Ta soeur me tourmente pourtant depuis quelques soirs pour que je la mène au pestacle. Il fait si froid, que je n'ai pas le courage de sortir; je crains surtout qu'elle ne s'enrhume. Nous avons, quai Malaquais, 19, un appartement chaud comme une étuve. Nous voyons de grands jardins et nous n'entendons pas le moindre bruit du dehors. Le soir, c'est silencieux et tranquille comme Nohant: c'est très commode pour travailler. Aussi je travaille beaucoup. Il y a des tapis partout, ta soeur se roule comme un gros chien. Elle dit des sottises à tout le monde. Elle appelle le père Bouffard vieux bavard, vieille bête. Elle se trompe; il n'est pas bête du tout, et il gâte beaucoup la grosse, malgré ses injures.

Adieu, mon cher mignon. Ton petit bengali se porte bien, je vais lui acheter un compagnon. Que fais-tu de ton chien? Où le fais-tu coucher?

As-tu un peu soin de lui? Donne-lui une gifle de ma part. Dis à Boucoiran de m'écrire, qu'il est un paresseux.

Embrasse pour moi ton père, et dis à Léontine de m'écrire une petite lettre, pour que je voie si elle continue ses progrès. Je reçois un journal plein d'images assez drôles. Quand j'en aurai un paquet, je te l'enverrai.

Adieu, mignon; je t'embrasse cent mille fois sur ton gros pif et sur tes joues roses.

Ta mère.

XCV
A M. JULES BOUCOIRAN, A LA CHATRE

Paris, 20 décembre 1832.

Mon cher enfant,

Je n'ai pas répondu à ce que vous me demandiez par une bonne raison: c'est que je ne sais pas de quoi il s'agit. Sachez ce qu'est devenue votre lettre et répétez-moi ce qu'il faut faire pour vous.

Vous soignez bien Maurice. Je vous en remercie et vous supplie de continuer à l'observer de près.

Empêchez-le de sortir par les temps humides. Ces esquinancies sont désespérantes. Tâchez qu'il passe l'hiver sans en avoir de nouvelle. Au printemps, dès qu'il sera ici, je le ferai débarrasser de son ennemie. L'opération n'est rien, à ce qu'il paraît.

Je vis ici comme une recluse. Mon appartement est si bon, si chaud; il y a tant de soleil et un si beau silence, que je ne peux pas m'en arracher. Toute la journée, par exemple, je suis obsédée de visiteurs qui tous ne m'amusent pas. C'est une calamité de mon métier que je suis un peu obligée de supporter. Mais, le soir, je m'enferme avec mes plumes et mon encre, Solange, mon piano et mon feu. Avec cela, je passe de très bonnes heures. J'ai, pour tout bruit, les sons d'une harpe qui viennent je ne sais d'où et le bruit d'un jet d'eau qui est sous mes fenêtres dans le jardin. C'est bien poétique, ne vous en moquez pas trop.

Je vous dirai que je fais de l'argent; je reçois de tous côtés des propositions.

Je vendrai mon prochain roman quatre mille francs. C'est plus que je ne demandais, moi qui suis fort bête. La Revue de Paris et la Revue des Deux Mondes se sont disputé mon travail. Enfin je me suis livrée à la Revue des Deux Mondes pour une rente de quatre mille francs, trente deux pages d'écriture toutes les six semaines. La Marquise a eu un grand succès et a complété les avantages de ma position.

Je n'ai plus le temps de regarder couler ma vie. Pour moi, dont le coeur n'est pas jovial, l'obligation de travailler est un grand bien. Solange me donne plus de bonheur à elle seule que tout le reste. Elle a fait de grands progrès d'intelligence et de gentillesse depuis ces quatre mois. Je pense bien que l'étude a beaucoup hâté le développement de cette jeune raison. Elle lit très-bien, avec beaucoup d'entendement des règles que vous lui avez données.

Je suis maintenant au courant du peu de fautes qu'elle fait; elle ne les fait même presque plus.

Dites-moi donc, mon cher enfant, ce que je puis faire pour vous. Je ne peux pas le deviner. Parlez-moi souvent de Maurice et de vous.

Adieu; je vous embrasse de tout coeur.

XCVI
A MAURICE DUDEVANT, A LA CHATRE

Paris, 11 janvier 1833.

Mon cher petit enfant,

J'ai reçu plusieurs lettres de toi auxquelles je n'ai pu répondre. Je viens d'être malade. C'est d'aujourd'hui seulement que je suis levée. J'ai eu un gros rhume avec la fièvre. Ta soeur est enrhumée aussi. Il fait un froid épouvantable, tout le monde tousse. Pour m'achever, le feu a pris dans ma cheminée d'une manière violente. Il a fallu me sauver dans le lit de Solange pour laisser agir les pompiers. Ils ont éteint le feu, du moins à ce qu'ils ont cru, et ils ont gâté mon tapis. Le lendemain, un ramoneur a voulu monter dans la cheminée: le pauvre petit s'est brûlé un peu la poitrine. Le feu y était encore! Quoiqu'on n'eût pas allumé de feu dans la cheminée, la suie brûlait toujours. Nous avons eu beaucoup de peine à l'éteindre tout à fait. J'ai donc été chassée de ma chambre plusieurs jours et obligée de passer la nuit dans une chambre sans feu.

Prends garde d'être malade par ce vilain froid; aie toujours les pieds bien chauds et la gorge enveloppée. Je suis bien aise que tu sois content de tes albums. Je voudrais être au mois de mars pour courir avec toi les boutiques et taper tes joues luisantes. Enfin cela viendra.

Adieu, cher mignon; sois sage, travaille et ne sois pas malade. Je t'embrasse de toute mon âme; ta grosse t'embrasse aussi. Elle parle de toi toute la journée, tu es toujours son mignon chéri.

XCVII
A M. JULES BOUCOIRAN, A LA CHATRE

Paris, 18 janvier 1833.

Mon cher enfant,

Je n'ai pas répondu plus tôt à votre question par impossibilité. Le fait m'avait paru si peu important qu'il ne m'en est rien resté dans la mémoire. Mon mari m'a parlé une fois de votre retour chez madame Bertrand. Je vous ai interrogé; vous m'avez répondu non. Cela me suffisait. Je ne me souviens pas du tout si j'ai reparlé de vous avec mon mari. S'il vous importe de le dissuader, n'êtes-vous pas bien à même de le faire, vous qui le voyez tous les jours?

Vous me faites des reproches très graves, mon cher enfant. Ils constituent de votre fait un tort bien plus grave. Vous me reprochez mes nombreuses liaisons, mes frivoles amitiés. Je n'entreprends jamais de me justifier des accusations qui portent sur mon caractère. Je puis expliquer des faits et des actions; des défauts d'esprit ou dès travers de coeur, jamais. J'ai une trop saine opinion du peu que nous valons tous, pour faire de moi le moindre cas. D'ailleurs, en mon particulier, je ne m'adore ni ne me révère. Le champ est donc libre à ceux qui rabaissent mon mérite. Je suis prête à rire avec eux, s'ils font appel à ma philosophie. Mais, si c'est une question d'affection, si c'est une souffrance de l'amitié que vous m'exprimez, vous avez tort. Quand on découvre de grandes taches dans l'âme de ceux qu'on aime, il faut se consulter et savoir si l'on peut les aimer encore malgré cela. Le plus sensé est de cesser; le plus généreux est de continuer. Pour que la générosité soit délicate et complète, il faut ne pas leur dire leur fait, car cela est cruel. Tous les reproches qui ont pour objet des faits de légère importance ou des défauts corrigibles, les avertissements affectueux à donner, les avis tendres et les plaintes délicates, tout cela, je le sais, est du domaine de l'amitié. C'est même son plus beau droit. Mais reprocher un passé déjà loin, contempler en silence des erreurs qu'on juge et qu'on ne pardonne pas, puis les condamner le jour où il n'est plus temps et où l'on ne sait même plus où les prendre, c'est injuste. Dire à la personne aimée: «Votre coeur est froid, léger ou impuissant!» C'est dur, c'est cruel.

C'est une humiliation gratuitement infligée, vous faites souffrir sans rendre meilleur. Les coeurs secs ne s'amollissent pas, les coeurs usés ne rajeunissent plus, les coeurs incomplets ne rencontrent ni sympathie ni pitié. Si c'est là mon sort, il est bien brutal de me le signaler.

Vous ajoutez que votre caractère a dû me faire souffrir plus d'une fois. Vous en ai-je jamais parlé, moi? Vous ai-je blessé dans ce que nous avons de plus irritable, l'estime de nous-mêmes? Non, je sais trop qu'il faut jeter un voile de pardon et d'oubli sur les imperfections de ceux qui nous sont chers.

Adieu, mon cher enfant. Donnez-moi des nouvelles de Maurice et des vôtres le plus tôt possible. Je vous embrasse de tout mon coeur.

XCVIII
A MAURICE DUDEVANT, A NOHANT

Paris, 27 février 1833.

Tu me dis, mon enfant, que je ne t'écris pas souvent. C'est toi, petit farceur, qui es fièrement paresseux à me répondre. Tu m'écris des petits bouts de lettre bien courts. J'aimerais tant à savoir tout ce que tu fais, à quoi tu t'amuses, ce qui t'occupe, comment tu dors. Enfin, je vais le savoir bientôt. Tu diras à ton papa de m'écrire lorsqu'il sera pour partir, afin que j'aille au-devant de vous à la diligence. Je te mettrai dans mon lit bien chaud; ta grosse soeur te bigera comme du pain. A présent, elle t'appelle son petit bijou de frère; elle est toujours mignonne et bien drôle.

Ce matin, elle a eu bien du chagrin: elle a laissé tomber sa poupée dans le jardin et les chiens la lui ont mangée. Quand elle est arrivée pour la ramasser, il n'en restait qu'une jambe, que la chienne n'avait pas pu digérer. Aussi la pauvre grosse a braillé comme un veau.

Adieu, mon petit ange; embrasse tout le monde pour moi. Toi, je t'embrasse mille fois sur tes joues roses. Adieu, petit chéri.

J'ai un beau petit chat gris, venu par les toits se donner à nous. Je l'ai accueilli, il est très bon enfant.

XCIX
A M. JULES BOUCOIRAN, A LA CHATRE

Paris, 6 mars 1833.

Mon cher enfant,

Vous êtes sur le point de commettre une action très belle ou très folle. Très belle, si vous avez mis cette jeune fille dans la position de ne pouvoir s'établir ailleurs; très folle, si vous obéissez à un simple penchant.

On me recommande de vous arrêter sur le bord de l'abîme. Je ne saurais croire que vous ayez besoin de conseil, au point où vous en êtes. Il faut que vous ayez des motifs bien puissants pour accepter un lien aussi sévère avec une personne aussi différente de vous. Vous allez trop vite. Prenez garde, mon ami, ne précipitez rien.

Mon Dieu, vous auriez sous la main la plus riche, la plus belle et la plus spirituelle des femmes, je vous dirais encore d'attendre et de réfléchir. Ce ne sont pas l'opinion et les préjugés que je respecte en ce monde. Seule entre tous, peut-être, je ne vous jetterai pas la pierre; mais je m'effraye de votre avenir. Vous êtes si jeune et vous aurez tant de choses à faire avant d'élever cette femme jusqu'à vous! Je n'ose pas vous dire tous les déboires que je prévois pour vous. Je crains de blesser votre coeur, engagé dans une voie aussi délicate. Mais je vous supplie de ne pas tant vous hâter. Pourquoi ne pas remettre cette affaire jusqu'après votre voyage à Paris? Là, vous pourriez ouvrir les yeux sur beaucoup d'inconvénients que vous ne vous êtes peut-être pas signalés. Si, par promesse ou par devoir, vous étiez engagé de manière à ne pas revenir sur vos pas, du moins seriez-vous en garde contre l'avenir, et mieux préparé à le braver courageusement.

Dans tout cela, c'est votre précipitation qui m'inquiète. Vous obéissez, j'en suis sûre, à d'austères principes, à de nobles sentiments. Ce n'est donc pas avec ironie ou avec dureté que je vous juge. Je ne vous juge pas, mon enfant. Seulement je me tourmente de votre position. Il est possible que ce parti vous réussisse, il est possible aussi qu'il vous rende malheureux. Cette pensée ne vous ferait pas reculer devant l'accomplissement d'un devoir, je le sais bien. Mais, si, en voulant faire le bonheur d'une autre personne, vous ne réussissiez qu'à aggraver sa situation! Cela s'est vu souvent; le mariage est un état si contraire à toute espèce d'union et de bonheur, que j'ai peur avec raison.

Si vous avez pour moi l'amitié que j'ai pour vous, vous vous donnerez trois mois de réflexion. Je vous le demande comme une preuve de cette affection déjà vieille entre nous. Voulez-vous me l'accorder? Je crains que la solitude n'ait exalté vos idées, que vous ne vous soyez exagéré des devoirs qui, dans un état plus calme et plus vrai, vous apparaîtraient sous un autre jour. N'affligerez-vous pas votre mère par une résolution aussi brusque? L'avez-vous consultée? La personne dont nous parlons lui sera-t-elle une société agréable? Tout cela est bien obscur pour moi.

Je ne vous fais pas un reproche de ne m'avoir pas consultée. Mais, précisément, le mystère dont vous avez entouré ce projet ne me semble pas d'un bon augure. Êtes-vous bien d'accord avec vous-même sur ce que vous allez faire?

Adieu, mon enfant. Je vous embrasse. Répondez-moi.

85.Gustave Papet.
86.Juliette Rollinat, soeur de François Rollinat.
87.Sobriquet de la jeune villageoise amenée à Paris par George Sand.
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26 temmuz 2019
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