Kitabı oku: «Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868», sayfa 19
CXXI
A MADAME MASSART
Paris, 23 septembre au soir, au coin de mon feu (1863).
Chère madame Massart, vous croyez peut-être que, n'ayant plus à recevoir chez vous ni tasses de chocolat, ni sonates de Beethoven, ni quatuors, je ne pense plus à vous?.. Vous en êtes capable; vous avez sucé le venin des Maximes de la Rochefoucauld; vous croyez qu'il y a un motif intéressé à toutes nos actions! – Hélas! cela pourrait bien être.
Pourtant, qu'est-ce qui m'oblige à vous écrire, ce soir? Qu'est-ce qui me force à envoyer une poignée de main à votre mari? Qu'est-ce qui me porte à m'apitoyer sur votre sort? car, j'en suis sûr, vous traînez une vie misérable dans votre petite boîte de sapin, pompeusement nommée «maison de campagne», où il n'y a de place que pour un piano, sans queue, où vous sentez la mer à toute heure, où il vente à décorner des bœufs, où, quand vous jouez la sonate en fa mineur, vous vous ennuyez vous-même,
Ayant pour auditeurs des crabes seulement…
Il faut qu'on dise: «Madame Massart est à la campagne, dans sa villa; elle prend des bains de mer, elle folâtre sur les grèves, elle aspire les senteurs marines et les effluves de l'infini…» O blagues colossales et puériles! Je vous plains; mais il faut bien faire son métier de banquiste…
C'est égal, je vous replains.
Quand revenez-vous? Bon, il semble que je m'attende à recevoir de vos nouvelles, et certes, ni Massart ni vous n'oserez m'écrire trois lignes. Je vous sais trop modestes, vous ne vous ferez pas cet honneur. J'ai chargé l'autre jour votre parrain (oh! un parrain! la Dame blanche! est-ce bouffon!) de vous présenter mes hommages; il a dû vous voir. Bertsch aussi a dû vous voir.
Je suis tout absorbé par nos répétitions du Théâtre-Lyrique. Ça va, ça va. Heureusement, vous ne serez pas encore revenus de vos terres au mois de novembre et vous ne me ferez pas le chagrin de vouloir assister à la première représentation; car je n'aurai pas de billets à vous donner. Massart, qui est un si fameux enleveur de salles, me fera bien faute. Cela diminuera beaucoup mes chances de succès et peut me faire perdre quatre ou cinq cents représentations; je me résigne.
Vous croyez peut-être que je vais vous dire: «Ah! le cinquième acte!.. Ah! les adieux de Didon! Ah! le chœur des prêtres de Pluton! Ah! ceci! ah! cela!..» Eh bien, oui, vous avez raison, je n'ai pas la vanité de me croire modeste, moi; j'ai, au contraire, la modestie de me croire bouffi de vanité. Eh oui, il y a tout plein de «Ah!» Si votre crabe entendait cela, il en frémirait sous sa carapace.
Bonjour, bonjour! Massart fait, dit-on, des chasses merveilleuses; le bruit court qu'il a tué un chardonneret (a goldfinch). Vous qui vous piquez d'anglais, vous ne saviez certes pas le nom britannique de ce charmant oiseau.
Adieu, adieu! La présente n'a pour objet que de vous faire savoir que je me porte fort mal; je souhaite qu'elle vous trouve de même. Cela me consolera.
CXXII
A M. JOHANNES WEBER
Dimanche, 32 novembre 1863.
Monsieur et cher confrère,
Je suis malade depuis quinze jours et n'ai eu qu'aujourd'hui connaissance de votre grand et beau travail de mardi dernier sur mon nouvel ouvrage108.
Recevez mes sincères remerciements; je ne pouvais être que très heureux et très fier d'être si sérieusement étudié par un de ces hommes trop rares, hélas! dans notre temps et dans notre monde, qui unissent à une organisation musicale et à un vrai savoir, la droiture du cœur et de l'esprit.
Permettez-moi de vous serrer la main.
CXXIII
A M. ALEXIS LWOFF
Paris, 13 décembre 1863.
Votre lettre m'a causé une joie bien vive. Merci de toutes les expressions cordiales qu'elle contient. C'est une attention charmante de votre part de m'envoyer vos félicitations au sujet des Troyens. J'ai, en effet, été obligé de garder le lit pendant vingt-deux jours, par suite des tourments endurés pendant les répétitions.
Qu'est-ce que cela en comparaison de ceux que votre malheur vous inflige109? Il est singulier que tant de grands musiciens aient été frappés d'une calamité semblable: Beethoven, Onslow, Lwoff et Paganini, qui, lui, ne pouvait se faire entendre.
Je vous remercie de l'offre que vous voulez bien me faire d'un sujet d'opéra, mais je ne puis l'accepter, mon intention étant bien arrêtée de ne plus écrire. J'ai encore trois partitions d'opéras que les Parisiens ne connaissent pas, et je ne trouverai jamais les circonstances favorables pour les leur faire bien connaître. Il y a quatre ans que les Troyens sont terminés et l'on vient d'en représenter la seconde partie seulement: les Troyens à Carthage. Reste à représenter la Prise de Troie. Je n'écrirai jamais rien que pour un théâtre où l'on m'obéirait aveuglément, sans observations, où je serais le maître absolu. Et cela n'arrivera probablement pas.
Les théâtres (ainsi que je l'ai écrit quelque part), sont les mauvais lieux de la musique, et la chaste muse qu'on y traîne ne peut y entrer qu'en frémissant. Ou encore: les théâtres lyriques sont à la musique sicut amori lupanar.
Et les imbéciles et les idiots qui y pullulent, et les pompiers et les lampistes, et les sous-moucheurs de chandelles, et les habilleuses qui donnent des conseils aux auteurs et qui influencent le directeur!..
Adieu, cher maître; Dieu vous préserve du contact de cette race! Ce que je vous écris au sujet des théâtres en général est tout à fait confidentiel; d'autant plus que je n'ai trouvé au Théâtre-Lyrique, depuis le directeur jusqu'au dernier musicien de l'orchestre, que dévouement et bon vouloir.
Et cependant…
Et néanmoins…
J'en suis encore malade.
CXXIV
A M. BENNET 110
Paris, 22 février 1864.
Voici la lettre demandée. Je suis bien aise de vous savoir à Vienne; Théodore pourra y profiter beaucoup en étudiant avec soin les nouveaux chefs-d'œuvre d'Offenbach qu'on y joue en ce moment avec tant de succès. Vous êtes tous bien portants? tant mieux. Quant à moi, depuis huit jours seulement, je mène une vie passable… J'ai demandé un congé illimité au Journal des Débats; plus de feuilletons; les Troyens m'ont enrichi assez pour que je me donne ce luxe. Je n'ai pas mis le pied dans un théâtre dit Lyrique depuis deux mois; je n'ai vu ni Moïse, ni la Fiancée du roide Garbe, ni les merveilles du Théâtre-Italien, ni le nouveau ballet, ni rien. Je suis en train de me débattre avec la Société des concerts du Conservatoire, qui veut exécuter des fragments de Roméo et Juliette; et moi, je ne veux pas. Qui l'emportera? Me joueront-ils malgré moi?.. ou me convertiront-ils à leur manière de voir?
Rappelez-moi au souvenir de votre aimable et affectueux petit monde. Je serre la main à Théodore, en lui souhaitant sérieusement d'oublier les manières parisiennes, et la conversation parisienne, et toute espèce de style parisien. Rien n'est plus bête que cette éternelle et plate blague qu'on applique à tout à Paris; qu'il l'oublie à jamais. Il est trop grand artiste pour en tenir compte. Qu'il n'écrive pas trop, ni trop vite, ni pour trop de monde, et qu'il laisse les gens venir à lui sans leur faire trop d'avances. Adieu.
CXXV
AU MÊME
Paris, 15 mars 1864
Que diable voulez-vous que je vous dise? Il n'y a point de nouvelles musicales qui vaillent la peine de vous être envoyées. On a joué dernièrement un opéra de Boulanger, le Docteur Magnus. On va donner un opéra, Lara… tatouille de M… (je ne me rappelle plus son nom…), à l'Opéra-Comique; bientôt Mireille de Gounod au Théâtre-Lyrique. Je suis allé prier George Hainl de remettre l'exécution des fragments de Roméo et Juliette à l'année prochaine; je voyais qu'on n'aurait pas le temps de répéter cela avec assez de soin en ce moment et je ne tiens pas à être exécuté à demi. Pasdeloup a donné une scène des Troyens au dernier concert de l'Hôtel de ville et ne m'a pas même averti de la répétition. Carvalho m'a appris hier à dîner qu'il m'avait mis sur le programme de deux concerts spirituels qu'il va donner dans la semaine sainte, et qu'il voulait qu'à l'instar de David et de Gounod je vinsse diriger en personne le septuor des Troyens: «Non, ai-je répondu, je n'ai pas de robe rouge et je ne puis figurer dans cette cérémonie du Malade imaginaire. Cela ferait quatre chefs d'orchestre.»
J'ai donné ma démission au Journal des Débats. Rien de plus comique que le désappointement et la colère des gens qui, depuis trois mois, me faisaient la cour; ils ont perdu leurs avances, ils sont volés…
Si vous rencontriez, par hasard, à Vienne, M. Peter Cornelius, dites-lui mille choses de ma part et que je serais bien heureux d'avoir une lettre de lui.
CXXVI
A M. ET MADAME MASSART
Lundi, 15 août 1864 111.
Eh bien, oui, voilà! le maréchal Vaillant m'a écrit, il y a trois jours, une lettre charmante que la Gazette musicale a eu la bonté de me gâter, laquelle lettre m'annonçait que l'empereur nous avait nommés officiers de la Légion d'honneur… oui, madame, vous et moi… Ainsi faites vos arrangements pour changer de ruban, de croix, etc.
Vous n'avez pas voulu venir dîner chez le ministre; nous étions soixante, y compris le chien de Son Excellence, qui a bu son café dans la tasse de son maître. Il y avait un grand écrivain, M. Mérimée, qui m'a dit ceci: «Il y a longtemps que l'on aurait dû vous nommer officier; et cela prouve bien que je n'ai pas encore été ministre.» Samson chancelait sous le poids de sa joie.
Vous voyez que je ne vais pas trop mal aujourd'hui et que je suis beaucoup plus bête qu'à l'ordinaire; je souhaite que la présente vous trouve de même. Paris est en fête; vous n'y êtes pas… La plage de Villerville doit être bien triste… comment pouvez-vous y rester? Massart va à la chasse; il tue des mouettes, quelque cachalot par-ci par-là; et Dieu sait comment vous parvenez à tuer le temps! Vous délaissez votre piano et je parie que, lorsque vous reviendrez, vous aurez de la peine à faire la gamme en si naturel majeur, la plus facile des gammes. Voulez-vous que j'aille vous faire une petite visite?.. Vous ne risquez rien de dire: oui; car je n'irai pas. Ah! pardon! je redeviens sérieux; les douleurs me reprennent. Je vais me rejeter sur mon lit. Je vous serre la main à tous les deux.
CXXVII
A M. AUGUSTE MOREL
Paris, dimanche, 21 août 1864.
Mon cher Morel,
Je vous remercie de votre cordiale lettre; cette croix d'officier, et surtout l'avis non officiel que m'a donné de cette faveur le maréchal Vaillant, m'ont fait plaisir à cause de mes amis et aussi un peu à cause du déplaisir que cela fait aux autres. Mais comment pouvez-vous conserver encore des illusions sur les réalités musicales de notre pays? tout y est mort, excepté l'autorité des imbéciles; il faut bien se résigner à le reconnaître, puisque cela est. Je suis à peu près seul ici; Louis est reparti avant-hier pour Saint-Nazaire; tous mes amis et voisins sont en Suisse, en Italie, en Angleterre, à Bade. Je vois seulement quelquefois Heller; nous allons dîner à Asnières, nous sommes gais comme des chouettes; je lis, je relis; le soir, je passe devant les théâtres lyriques pour me donner le plaisir de n'y pas entrer. Avant-hier, j'ai passé deux heures dans le cimetière Montmartre; j'y avais trouvé un siège très commode sur une tombe somptueuse et je m'y suis endormi. De temps en temps, je vais à Passy chez madame Érard, où je trouve une colonie d'excellents cœurs qui me font le meilleur accueil; je savoure le plaisir de ne pas faire de feuilletons, de ne rien faire du tout. Si je n'étais pas attaché à Paris par plusieurs petits intérêts, je voyagerais malgré mes maux physiques, mais il faut y rester. D'ailleurs, Paris devient de jour en jour plus beau; c'est un plaisir de le voir fleurir si rapidement. Il y a après-demain grand festival à Carlsruhe; Liszt y est venu de Rome; ils vont y faire de la musique à arracher les oreilles; c'est le conciliabule de la jeune Allemagne présidée par Hans de Bulow. Vous savez que ce bon Scudo est reconnu fou et enfermé.
Quel malheur!
CXXVIII
A M. ET MADAME DAMCKE, A BRUNNEN, SUR LE LAC DES QUATRE CANTONS (SUISSE)
Paris, 24 août 1864.
Voilà qui est aimable, gracieux, et bien à vous de m'écrire tous les deux. J'allais demander votre adresse à Heller quand votre lettre m'est arrivée.
Mon fils est reparti, ma belle-mère n'est pas revenue, je m'ennuie à grand orchestre. La ville que j'habite m'offre pourtant plus de beaux souvenirs que ne vous en présente la Suisse.
Il y a une maison, rue de la Victoire, où vécut Napoléon, jeune général en chef de l'armée d'Italie; c'est de là qu'il partit un jour pour aller à Saint-Cloud jeter par la fenêtre les représentants du peuple. Il y a sur une place, qu'on appelle la place Vendôme, une haute colonne qu'il a fait élever avec le bronze des canons pris sur l'ennemi. On voit à gauche de cette place un immense palais, nommé le palais des Tuileries, où il s'est passé diablement de choses… Quant aux maisons de certaines rues, vous n'avez pas idée de toutes les idées qu'elles font naître en moi… Il y a des pays comme cela qui exercent un puissant empire sur l'imagination. Eh bien, je m'ennuie tout de même.
Le maréchal Vaillant a donné un grandissime dîner dernièrement; il m'a fait placer à côté de lui et m'a comblé de gracieusetés; mais le dîner a duré deux heures. Avant-hier, les boulevards étaient couverts de badauds qui ont attendu trois heures pour voir passer la voiture où devait se trouver le roi d'Espagne, qui était attendu à l'Opéra. C'est si étonnant un roi d'Espagne!
Vous avez beau dire, chère madame Damcke, quand vous avez bien regardé le lac et que vous êtes bien sûre que c'est beau, vous voudriez voir autre chose. Je lis tous les jours un peu de votre splendide Don Quichotte, je vais par-ci par-là à Passy, chez madame Érard; vous n'avez rien en Suisse de comparable au parc de la Muette, et, dans ce parc, au moins, il n'y a ni vaches ni vachères.
C'est après-demain qu'a lieu le festival de Carlsruhe. Liszt y est déjà. Le programme du premier jour est publié. Comment pouvez-vous n'y pas aller? Moi, j'ai une bonne excuse: je suis malade.
Que vous seriez heureuse si vous aviez en Suisse, pour déjeuner, des fromages comme ceux que l'on a ici! Et puis soupçonnez-vous les melons? Avez-vous du vin potable?
Non, non; vous vivez comme des anachorètes; mais être en Suisse en ce moment, c'est bon genre. Un de ces jours, Heller et moi, nous irons dîner à Montmorency ou à Enghien où il y a aussi un LAC!!!!!
Adieu à tous les deux.
Je vous plains presque autant que je vous aime.
CXXIX
A MADAME ERNST 112
Paris, 14 décembre 1864.
C'est bien charmant à vous, chère madame Ernst, de m'avoir écrit. Je devrais vous répondre d'une façon gracieuse en faisant la bouche en cœur, d'un style bien épinglé, bien cravaté, bien aimable. Impossible! Je suis malade, triste, dégoûté, ennuyé, sot, ennuyeux, irrité, assommant, assommé, stupide. Je suis dans un de ces jours où je voudrais que la terre fût une bombe remplie de poudre à laquelle je mettrais le feu pour m'amuser. Le tableau que vous me faites de vos plaisirs de Nice ne me séduit pas du tout. Je voudrais voir votre pauvre cher malade et vous, mais je n'accepterais pas votre chambre. J'aimerais mieux habiter la grotte qui se trouve sous le rocher des Ponchettes que la plus jolie chambre d'ami. On y est libre de grogner comme Caliban (qui y loge, je l'y ai trouvé un soir), et il est rare que la mer la remplisse. Au lieu que chez un ami, chez le meilleur ami, on est exposé à des attentions, à une foule d'attentions insupportables. On vous demande comment vous avez passé la nuit, et jamais comment vous passez l'ennui. On vous offre du café, on vous fait admirer une foule de choses; on rit quand vous dites une bêtise, on vous questionne du regard quand vous êtes triste ou gai; on vous parle quand vous causez avec vous-même; et puis le mari dit à sa femme: «Mais laisse-le donc, tu vois bien qu'il ne veut pas dire un mot, tu le tourmentes.» Et alors on prend son chapeau et on sort, et, en sortant, on ferme la porte trop fort. Et l'on se dit: «Allons bon, voilà que je suis un grossier maintenant… Je m'impatiente des attentions qu'on a pour moi; je vais être la cause d'une querelle conjugale, etc., etc.» – Dans la grotte de Caliban, au contraire, on ne risque pas de fermer la porte trop fort et par là on évite les conséquences de la brutalité.
Enfin, n'importe! Vous vous promenez donc beaucoup sur la terrasse, sous les allées d'arbres?.. Et après? Vous admirez les couchers de soleil?.. Et après? Vous respirez la brise de mer?.. Et après? Vous regardez pêcher toutes sortes de thons?.. Et après? Vous enviez de jeunes Anglaises qui ont des milliers de livres sterling de revenu?.. Et après? Vous enviez davantage des imbéciles sans idées, sans le moindre sentiment, qui ne comprennent rien, qui n'aiment rien… Et après?
Eh! mon Dieu, je vous en offre autant. Il y a aussi des terrasses et des arbres à Paris; on y voit aussi des couchers de soleil, des Anglaises, des imbéciles, plus même qu'à Nice, la population étant beaucoup plus grande; on y pêche des goujons à la ligne. On s'y ennuie, presque autant qu'à Nice. C'est partout de même.
J'ai reçu hier une belle lettre d'un monsieur inconnu sur ma partition des Troyens. Il me dit que les Parisiens étaient accoutumés à une musique plus indulgente que la mienne. Cette expression m'a ravi. Les Viennois m'ont aussi envoyé dimanche dernier une dépêche télégraphique pour m'annoncer qu'ils venaient de fêter mon jour de naissance en exécutant un grand morceau de ma légende la Damnation de Faust, et que ce double chœur avait eu un succès immense. Je ne savais pas même avoir un jour de naissance.
J'adore les cordiaux et les gens bons.
Pardonnez-moi ces deux calembours, avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre dévoué.
CXXX
A MADAME DAMCKE
[Paris, 24 décembre 1864?]
Chère madame,
Pardonnez-moi si je ne vais pas dîner chez vous demain. C'est le jour du Seigneur, et, puisque tout travail est interdit, je vais me reposer comme l'ouvrier de la dernière heure.
J'eusse été très heureux de me trouver chez vous avec mesdames d'Ortigue qui sont la grâce et la bonté même et que j'aime beaucoup; mais je me sens si affaibli et j'ai une telle horreur d'entendre parler de Noël! Vous n'auriez qu'à laisser échapper ce nom pour me donner une indigestion et une attaque de choléra.
Et puis il y a encore une autre raison que je ne veux pas vous dire.
Abusez-vous bien, ce soir, à l'Opéra-Comique; mais, je vous en prie, à votre retour, ne me racontez pas la pièce et je vous en saurai un gré infini.
CXXXI
A M. BERSCHTOLD, POUR M. LOUIS BERLIOZ, CHEZ M. DE ROTHSCHILD, RUE LAFITTE, 17
Sans date, vers 1864 ou 1865.
Quand tu te sentiras plus calme, et j'espère que ce sera demain, reviens donc, cher Louis, dîner au moins à la maison, comme à l'ordinaire, pendant que tu es ici, si le déjeuner te dérange trop pour tes affaires. Mais cela me paraît incroyable; tu as bien assez de cinq à six heures par jour et tu peux bien m'en donner deux. Voyons, réfléchis donc un instant: tu as des chagrins violents qui te troublent le cœur et la tête; personne ne peut rien pour les calmer. Est-ce une raison pour être furieux contre tout le monde?
Tu souffres; viens donc auprès de ceux qui t'aiment; sans parler de la cause de tes souffrances, tu éprouveras un peu de calme à te trouver avec eux. Ta position, d'après ce que tu m'as dit hier, est meilleure que je ne l'espérais; te voilà avec un état, tu es indépendant, tu es libre, autant qu'homme du monde puisse être libre, puisque tu ne devras rien à personne et que ton aisance ne fera que rapidement augmenter, puisqu'on est content de toi dans l'administration qui t'emploie. C'est immense cela; tes chagrins passeront, et ces avantages resteront et en amèneront d'autres plus importants. Moi aussi, j'ai de grands ennuis et de vifs chagrins; pourtant je reconnais que tu n'y es pour rien.
Allons, viens demain, nous t'attendrons à midi et à six heures.
Je t'embrasse de tout mon cœur, pauvre cher Louis. Tu viendras?
CXXXII
A MADAME MASSART
Ce soir, 1865 113.

Chère madame,
Autant il est tombé de flocons de neige aujourd'hui, autant de genres de douleurs me torturent ce soir; et le moindre de mes maux n'est pas le regret que j'éprouve de ne pas vous aller entendre.
Je reste couché; je me figure la sonate et le ton de fa mineur, et votre inspiration… Ah! pour cela, non! Je n'ai pas assez d'imaginative pour me le figurer; mais, enfin, je me figure que vous êtes une virtuose comme il y en a 87 à Paris, 187 en France et 2,187 en Europe, sans compter ceux et celles d'Amérique, d'Australie et de Tasmanie. Alors, je m'estime trop heureux de dormir. Fi! fi!
Vous ne me croyez pas; vous dites: c'est un farceur; il pourrait très bien se lever; je ne crois pas à sa maladie.
Attendez un peu et je vous inviterai à mon enterrement; et, si vous n'y venez pas, je vous en voudrai à la mort.
A vous quand même!
Accentuez bien le

Adieu, chère madame; je suis tout à fait gai. Oh! si je pouvais mourir cette nuit, seulement pour vous prouver que vous me calomniez!