Kitabı oku: «Un Trône pour des Sœurs », sayfa 9

Yazı tipi:

Il ouvrit la porte d'une des chambres de l'endroit. Sophia aperçut un lit à baldaquin en soie bleue puis Sebastian la souleva et l'y allongea aussi légèrement que si elle ne pesait pas plus qu'une plume.

“D'accord ?” demanda-t-il.

Sophia lui sourit. “Oui, Sebastian. Tout à fait d'accord.”

***

Plus tard, Sophia resta allongée dans l'obscurité, blottie contre Sebastian, et écouta sa respiration pendant qu'il dormait. Elle sentait la pression de ses muscles contre son dos et le mouvement qu'il fit quand il remua dans son sommeil lui donna envie de le réveiller et de recommencer tout ce qu'ils avaient fait auparavant.

Elle le laissa quand même dormir bien que tout ce qui avait précédé ait été plus beau, plus agréable, plus … intense qu'elle n'aurait jamais pu l'imaginer. Elle voulait prendre tout ce qu'elle pouvait dès maintenant mais, en vérité, Sophia espérait qu'elle aurait le temps de ne pas se presser. Elle espérait qu'il y aurait dix ou cent autres nuits comme celle-là.

Une vie entière.

Elle sentit le poids du bras de Sebastian qui la serrait contre lui dans son sommeil et, à ce moment-là, Sophia eut l'impression qu'elle avait tout ce qu'elle pouvait désirer.

CHAPITRE QUATORZE

Le matin arriva et, à ce moment-là, Kate eut l'impression de n'avoir jamais travaillé aussi dur de sa vie. Cela ne lui était jamais arrivé aux meules ou pendant les corvées de l'orphelinat et certainement pas depuis qu'elle s'était enfuie. Le plus étrange, c'était aussi qu'elle était plus heureuse que jamais, heureuse de faire ce travail, de marteler le métal et d'actionner les soufflets.

Heureusement, Thomas était un maître patient. En des occasions où les bonnes sœurs de l'orphelinat l'auraient battue, il corrigeait le travail de Kate en lui montrant comment mieux faire les choses et en les lui rappelant quand elle les oubliait.

“Il faut étirer plus le métal”, dit-il. “Pour une lame de faux, le métal doit être fin et aiguisé. Il faut qu'il tranche, pas qu'il heurte.”

Kate hocha la tête, aidant à tenir la billette en place pendant qu'il la frappait puis pompant les soufflets pour amener les flammes à la bonne température. Il y avait tant à apprendre à la forge, tant de petites subtilités dans ce travail qui ne se limitait vraiment pas à chauffer et à battre du métal. Déjà, aujourd'hui, elle avait appris à souder des pièces de métal dans la forge, à repérer les écailles qui se formaient si on travaillait trop le fer et à distinguer le bon fer du mauvais fer.

“Je veux recouvrir le côté arrière de la lame avec de l'argile quand nous la durcirons”, dit Thomas, “parce que …?”

“Parce que cela lui permettra de refroidir plus lentement que le bord ?” devina Kate.

“Très bien”, dit Thomas. “Cela durcira le bord alors que le reste sera moins cassant. Tu te débrouilles bien, Kate.”

Kate n'était pas sûre qu'on l'ait déjà encouragée ne serait-ce qu'une fois. Jusqu'à présent, elle n'avait connu que des punitions en cas d'erreur de sa part.

Certaines leçons étaient plus faciles que d'autres. La ferronnerie exigeait une patience que Kate n'avait jamais acquise. Elle voulait toujours passer à la tâche suivante alors que, parfois, la seule chose à faire était d'attendre que le métal chauffe ou refroidisse.

“Il y a des choses que l'on ne peut pas faire vite”, dit Thomas. “Tu as le temps, Kate. Savoure ta vie et ne demande pas aux moments de passer à toute vitesse.”

Kate faisait de son mieux mais, malgré cela, ce n'était pas facile. Maintenant qu'elle avait trouvé quelque chose qu'elle aimait faire, elle ne voulait pas en gaspiller un seul instant. Cependant, il y avait des quantités de moments d'inactivité qu'elle passait pour l'essentiel à chercher les choses dont elle avait besoin dans la forge ou dans la cabane à outils voisine. Visiblement, si Thomas avait de grands talents en tant que forgeron, il n'était pas quelqu'un d'organisé.

“Je vais nous chercher le déjeuner”, dit Thomas. “Winifred a préparé du pain. N'essaie pas de forger quelque chose par toi-même en mon absence.”

Il partit vers la maison et Kate se retrouva impatiente de devoir subir le poids de son instruction. S'il ne lui avait pas ordonné de ne pas le faire, elle aurait probablement bien commencé à travailler sur un couteau ou une section de fer forgé dès qu'il aurait eu le dos tourné. Probablement un couteau, parce que Kate y voyait une utilité qu'elle ne voyait pas chez un tasseau décoratif ou une barre de porte.

Cela dit, elle ne pouvait pas rester inactive, ne pouvait pas se contenter de se reposer malgré la chaleur et le confinement qui régnaient dans la forge. Comme elle n'avait rien de mieux à faire, Kate se mit à réorganiser les choses. Comme les pinces n'avaient rien à faire dans cet enchevêtrement anarchique de ferronneries, Kate les pendit à un crochet. Les sections de métal n'avaient elles non plus rien à faire dans une pile désordonnée qui mélangeait le fer et le cuivre, l'acier dur et l'acier doux.

Kate se mit à trier tout cela, à en faire des piles ordonnées. Elle posa les outils à des endroits qui semblaient avoir du sens parce que c'était là que Thomas aurait probablement besoin de les trouver. De la forge, elle passa à la cabane à outils, avec ses barils et ses piles, et essaya de mettre de l'ordre dans le chaos qui y régnait.

Cette activité prit du temps à Kate mais elle trouva le moyen d'y arriver. Elle s'imagina en train de se déplacer dans la cabane à outils et la forge et de prendre les choses qu'il lui fallait. Ensuite, elle mit tout simplement les choses là où il fallait qu'elles soient pour que ça fonctionne. Elle balaya le plancher, rangea les fragments de métal qui y étaient tombés et le sable qui s'était écoulé quand ils avaient moulé du cuivre et du bronze.

“On dirait que tu t'es bien occupée”, dit Thomas quand il revint.

A ce moment, la peur s'insinua dans le cœur de Kate. Et si elle avait fait quelque chose de mal ? Et s'il la punissait pour ça ? Et s'il lui disait de partir et si Kate devait une fois de plus survivre dans les rues d'Ashton ? Elle n'était pas sûre de pouvoir recommencer si vite après avoir trouvé un endroit où elle était en sécurité.

“Vous n'êtes pas fâché, n'est-ce pas ?” demanda Kate.

“Fâché ?” dit Thomas en riant. “Cela faisait des années que je devais ranger cet endroit. Winifred me dit constamment de le faire mais je ne trouve jamais le temps … et finalement je ne le fais jamais. Et puis on dirait que tu t'es bien débrouillée.”

Alors, Thomas lui tendit la moitié d'une miche de pain remplie de fromage et de jambon. C'était plus de nourriture que Kate n'avait l'habitude d'en recevoir à l'orphelinat et certainement plus qu'elle n'avait réussi à en voler pour elle-même dans les rues. Elle voulait penser que, dans son enfance, elle avait connu une époque où elle avait été bien nourrie et où on s'était bien occupé d'elle mais, en vérité, Kate ne pouvait pas s'en souvenir. Elle avait du mal à croire que tout cela n'était vraiment que pour elle seule.

Cela dit, Kate mangea parce qu'elle ne voulait pas gâcher de nourriture, surtout en tenant compte du fait qu'elle avait très faim après avoir si longtemps travaillé à la forge. Elle dévora le pain à une vitesse qui fit lever un sourcil à Thomas.

“Je ne m'étais pas rendu compte que tu avais faim à ce point. Sinon, on se serait arrêtés plus tôt.”

Kate s'essuya la bouche, se rendant compte qu'elle n'avait probablement pas l'air très civilisée à ce moment-là, mais elle n'en avait que faire. C'était une chose dont sa sœur aurait pu se soucier mais pas elle.

Elle regarda autour d'elle et se mit à espérer que Sophia avait trouvé quelque chose d'aussi bien qu'elle. Kate n'était pas sûre que sa situation présente durerait à jamais parce qu'elle ne pouvait rien imaginer d'éternel à ce moment-là mais, si sa situation durait quelque temps, elle en serait heureuse. C'était aussi proche de la perfection qu'elle aurait pu l'espérer.

Quand elle eut fini son déjeuner, Thomas sembla avoir d'autres leçons pour elle.

“Ce sont les armes qui t'intéressent le plus, n'est-ce pas ?” demanda-t-il.

Kate hocha la tête.

“Avant que tu puisses les forger, il faut que tu saches ce qui les différencie. Viens avec moi.”

Thomas ouvrit la marche. Ils se rendirent à la cabane à outils et Thomas y fit entrer Kate. Grâce au rangement effectué par la jeune fille, Thomas trouva vite ce qu'il cherchait. Kate en fut vraiment fière.

“Il n'y a pas seulement les épées, les dagues et les haches”, dit-il en soulevant des ébauches d'épée et deux ou trois épées en bois qui tenaient visiblement lieu de modèles. “Une rapière n'est pas une forte-épée. Un extracteur de lame n'est pas un stylet. Il faut que tu apprennes leurs différences en matière d'équilibre et de poids, la façon dont ils sont censés être utilisés et les endroits où ils sont censés être forts.”

“Je veux apprendre tout cela”, lui assura Kate. C'était ce qu'elle voulait le plus.

Thomas hocha la tête. “Je sais. C'est pour cela que je veux que tu passes le reste de la journée à essayer des épées et à sculpter celle qui, à ton avis, t'ira le mieux. Quand tu l'auras fait, nous ferons le tri entre ce que tu as bien fait et ce qui a encore besoin que tu y travailles.”

“Pourquoi la sculpter ?” demanda Kate. “Pourquoi ne pas simplement la forger ?”

Thomas la regarda avec l'air d'attendre quelque chose. “Tu connais déjà la réponse à cette question, Kate.”

“Parce que le bois bouge plus facilement que l'acier”, dit Kate.

“Exactement.” Il lui tendit un petit couteau. “Maintenant, travaille et nous verrons ce que tu obtiendras. Si elle est assez bien faite, je te permettrai même de la forger.”

Cette idée excitait Kate plus que tout le reste. Elle allait réussir cette tâche. Elle ne se souvenait pas de son père mais, à ce moment-là, elle avait l'impression que Thomas en était quasiment un pour elle.

Elle allait le rendre fier d'elle.

***

Kate passa le reste de la journée à apprendre que le bois ne bougeait pas tout à fait aussi facilement qu'elle l'avait pensé. Il ne bougeait certainement pas comme l'acier et les compétences qu'elle avait apprises auprès de Thomas ne lui servaient pas à grand-chose pour sculpter son arme en bois.

Le bois ne coulait pas comme de l'eau quand on le chauffait. Le bois ne ployait pas de la même façon. Il ne prenait pas de nouvelles formes. Tout ce qu'on pouvait lui faire, c'était le raboter, en enlever pour voir ce qu'il restait derrière. Il fallait s'y habituer et Kate se mit à réfléchir à chacun de ses coups de couteau en cherchant à fabriquer une arme parfaite pour elle.

Dans le coin de la cour, son cheval volé hennit. Pour Kate, ce son ressemblait beaucoup trop à de l'amusement.

“C'est facile pour toi”, dit-elle. “Personne ne t'a jamais demandé de fabriquer une épée.”

Il fallait qu'elle soit mince et légère, bien sûr, parce que Kate n'était ni aussi grande ni aussi forte qu'un garçon. Cela dit, il fallait quand même qu'elle ait de la force au niveau du poignet pour que Kate puisse parer avec elle sans qu'elle se brise. Il faudrait un pommeau qui lui protège la main mais l'épée devrait quand même rester assez légère pour être correctement équilibrée. Elle ne pouvait pas être trop courte parce que Kate ne voulait pas affronter des adversaires plus grands qu'elle en souffrant de l'inconvénient d'avoir une lame plus courte que la leur.

Elle sculpta le bois et réfléchit, donnant à son matériau une forme après l'autre, jusqu'à finalement obtenir une lame qui lui parut assez bonne. Elle lui faisait plus penser à une rapière qu'à d'autres sortes de lames mais elle avait juste la courbure qu'il fallait pour lui permettre de frapper avec efficacité. C'était le genre d'arme qu'on aurait pu obtenir si un sabre avait été conçu pour se battre en duel et non pas pour taillader l'ennemi depuis le dos d'un cheval.

Kate souleva son épée. A présent, elle avait l'impression qu'elle lui allait bien en main, qu'elle était formée parfaitement bien pour ses doigts. Le poids de l'épée était exactement ce qu'elle avait espéré. Elle était assez légère pour bouger aussi facilement qu'elle respirait quand elle fendrait l'air avec.

Elle essaya d'imaginer des ennemis devant elle et les attaqua de son épée, pratiquant des coups et des tranches, des parades et des liens. Dans son esprit, elle se battait contre les garçons de l'orphelinat et les ennemis d'une dizaine de pays. Elle frappait et reculait d'un bond, se protégeant contre ces coups imaginaires.

Alors, Kate sentit le besoin de vengeance monter en elle. Elle se mit à imaginer tous les gens qu'elle voulait tuer avec cette épée, des garçons qui l'avaient attaquée aux bonnes sœurs masquées qui avaient fait d'elle et des autres des quasi-prisonnières. Si on lui en donnait la chance, elle les tuerait tous un par un.

Au milieu de tout cela, elle se mit à rêver à une autre époque, à sa sœur qui la soulevait et s'enfuyait en traversant une maison où il y avait des ennemis dont elle n'avait pas compris les intentions. Kate aperçut brièvement des flammes …

Elle trébucha et se prit les pieds dans l'herbe de la petite cour de devant de la forge.

“Tout va bien ?” cria une voix. Kate se releva brusquement, gênée, regardant autour d'elle avec hostilité à l'idée qu'on ait pu la voir tomber. Presque par instinct, elle leva son épée en bois et la pointa vers le nouveau venu.

“Je suis vraiment content que ce ne soit pas une vraie lame”, dit-il.

Il était plus grand que Kate. Il avait les cheveux blonds et il les coupait court dans un style qui suggérait que c'était pour qu'ils ne lui retombent pas dans les yeux. Il ne pouvait pas être beaucoup plus âgé que Kate. Son corps commençait à s'étoffer avec les muscles qu'il aurait quand il serait plus grand. Pour l'instant, il était mince, maigre et nerveux et Kate aimait ça.

Il portait l'uniforme d'une des compagnies de mercenaires, avec une tunique grise qui avait visiblement été rapiécée après un combat passager. Kate ne savait pas s’il fallait qu'elle s'en inquiète ou pas.

Elle n'était pas du tout sûre de l'impression qu'il lui faisait parce que, à ce moment-là, son cœur semblait être en train d'essayer de ressentir une dizaine de choses différentes à la fois. Pour ce qui devait être la première fois de sa vie, Kate se sentit nerveuse face à un garçon.

“On ne dirait pas que tu es venue cambrioler mon père”, dit le garçon.

“Non”, dit Kate. “C'est… Je veux dire… Je m'appelle Kate.”

Que lui arrivait-il ? Cela ressemblait plus à la façon dont elle s'attendait à ce que Sophia réagisse face à un beau garçon, et rien que le fait qu'elle pense que ce garçon était beau disait toutes sortes de choses auxquelles Kate n'était pas sûre de pouvoir réfléchir.

Les bonnes sœurs de la Maison des Oubliés n'avaient même pas essayé de parler à leurs protégées d'amour, de mariage ou de quoi que ce soit qui s'y rapporte. Elles avaient supposé que, si les filles de la Maison des Oubliés finissaient avec un homme, ce serait parce qu'elles auraient été achetées pour cela et rien de plus.

“Je m'appelle Will”, dit-il en tendant une main pour qu'elle la prenne. Kate le fit en se débrouillant tout juste à ne pas laisser tomber son épée en bois.

“Je croyais que tu avais rejoint une des compagnies de mercenaires”, dit Kate. “Je veux dire, visiblement, tu l'as fait. Tu portes un uniforme.”

Comment avait-elle fait pour devenir aussi idiote ? Kate ne le savait pas et elle n'aimait pas ça. De plus, elle lisait dans les pensées de ce garçon et cela ne l'aidait pas.

Je l'aime bien. Elle est un peu … piquante.

“Je les ai rejoints”, dit Will, “mais nous sommes revenus pour nous entraîner et trouver d'autres recrues. Les guerres qui se déroulent de l'autre côté de l'océan s'aggravent. Content de t'avoir rencontrée, Kate. Tu aides mon père ?”

Elle hocha la tête. “Il m'héberge ici pendant que je l'aide avec la forge. Il m'apprend tout.”

Elle vit Will sourire à cette idée.

“C'est une bonne chose”, dit-il. “Quand j'ai rejoint les mercenaires, je m'inquiétais. Je pensais qu'il n'allait pas pouvoir y arriver tout seul. Il faut que j'y aille, maintenant, mais… je suis content que tu sois ici, Kate.”

“Je suis contente que tu sois ici, moi aussi”, dit Kate avant de se maudire pour l'avoir dit. Qui disait des choses comme ça ? Heureusement, Will se dirigeait déjà vers la maison. Kate le regarda partir en essayant de ne pas admettre le plaisir que ça lui donnait, ou ce qu'elle ressentait alors pour lui.

Il lui plaisait.

CHAPITRE QUINZE

A en juger par la lumière, quand Sophia se réveilla, il était plus tard qu'elle ne l'aurait voulu et il lui fallut un moment pour se souvenir qu'elle n'était ni à la rue ni dans un des lits inconfortables de la Maison des Oubliés.

Quand Sophia vit Sebastian à côté d'elle, cela lui rappela exactement où elle était et, l'espace d'un instant, elle se sentit consternée par l'étendue de la tromperie qu'elle avait entreprise la nuit d'avant. Si elle était un tant soit peu raisonnable, elle s'en irait et ne reviendrait pas.

Le problème, c'était qu'elle ne voulait pas le faire. A cet instant-là, Sophia se sentait mieux qu'à n'importe quel moment passé de sa vie. La nuit d'avant avait été tout ce qu'elle aurait pu espérer, sinon mieux encore. Elle avait été douce, elle avait été passionnée. Elle avait été pleine d'amour et rien que cette partie avait énormément surpris Sophia.

Instinctivement, elle tendit la main pour effleurer des doigts la joue de Sebastian, aimant cette sensation de pouvoir le toucher. Sophia avait l'impression d'avoir découvert chaque centimètre de sa peau la nuit d'avant mais, malgré cela, elle voulait le toucher encore plus. Elle voulait être sûre qu'il était réel. Ce geste fit ouvrir les yeux à Sebastian, qui lui sourit.

“Donc, ce n'était pas seulement un beau rêve”, murmura-t-il.

Sophia l'embrassa pour ces mots et aussi parce qu'elle voulait le faire. Elle voulait en faire beaucoup plus mais Sebastian se recula.

“Est-ce que —” Juste à temps, elle se souvint de l'accent qui était maintenant censé être le sien. “Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?” demanda Sophia.

“Non, pas du tout”, lui assura Sebastian et, à ce moment-là, Sophia capta ses pensées pendant qu'il la regardait. Elle s'était attendue à y trouver du désir mais, en fait, il y avait plus que ça. Elle y sentit de l'amour. “Il faut juste que je vérifie quelle heure il est.”

Sophia le vit regarder une pendule qui se trouvait dans le coin de la chambre. Les aiguilles indiquaient combien de temps ils avaient dormi.

“Déesse”, dit Sebastian, “il est déjà cette heure-là ?”

Les domestiques ne m'ont pas réveillé. Visiblement, ils ont deviné ce qui se passait.

Sophia intercepta cette pensée fugace et elle tendit la main pour lui toucher le bras. “J'espère que je ne t'ai pas causé de problème ? J'espère que tu ne … regrettes pas la nuit dernière ?”

Sebastian secoua la tête. “Absolument pas. Ne l'imagine même pas. C'est juste que je suis censé être dans les Ridings aujourd'hui pour y inspecter certaines des milices locales. Je voudrais ne pas avoir à le faire mais …”

“Mais tu as des obligations à remplir”, dit Sophia. Depuis la veille, elle savait que les obligations étaient une partie importante de la vie de Sebastian. “Il n'y a pas de problème, Sebastian. Je comprends qu'il faut que tu y ailles.”

“Je déteste faire ces choses”, dit Sebastian. “Quand il ne s'agit pas de se préparer à la guerre, c'est à la chasse. J'espère constamment que Rupert fasse tout cela mais notre mère insiste pour que ce soit moi.”

Il l'embrassa une fois de plus avant de se lever pour s'habiller et Sophia aima regarder pendant qu'il le faisait. Elle n'avait jamais imaginé qu'elle se retrouverait dans ce genre de situation, simplement en train d'apprécier tous les petits mouvements que quelqu'un faisait, dans leurs moindres détails. Il s'habilla simplement ce jour-ci : une tunique foncée et des bas brodés d'argent par-dessus une chemise en lin pâle. Les boucles en argent de sa ceinture et de ses chaussures brillaient d'autant plus et ses yeux aussi.

C'était très différent de ce qu'il avait porté au bal mais, quand même —

“Oh”, dit Sophia en se mordant la lèvre. “Je viens de me rendre compte que je n'ai rien d'autre à porter que ma robe de bal.”

Sebastian sourit à ces mots. “J'y ai pensé. Ce n'est pas grand-chose mais…”

Il prit une robe dans une pile de vêtements. Elle n'avait pas l'éclat de la robe de bal que Sophia avait volée mais elle était quand même plus belle que tout ce qu'elle avait jamais eu. Elle était d'un vert profond et doux qui faisait penser au tapis de mousse que forme le sol de la forêt et une partie de Sophia voulait bondir hors du lit pour l'essayer sans tenir compte du fait que Sebastian était encore là.

Elle s'arrêta juste à temps quand elle se souvint de la marque qu'elle avait au mollet et qui proclamait ce qu'elle était pour le monde. Peut-être le maquillage de la nuit dernière avait-il tenu mais Sophia ne pouvait pas prendre le risque.

“Pas de problème”, dit Sebastian. “C'est normal de se sentir plus gêné à la lumière du jour. Tu pourras l'essayer quand je serai parti.”

“Elle est superbe, Sebastian”, répondit Sophia. “Je n'en mérite pas tant.”

Cette robe est loin d'être aussi belle qu'elle. Déesse, c'est donc ça, être amoureux ?

“Tu mérites beaucoup plus”, lui dit Sebastian. Il avança et vola un dernier baiser à Sophia. “N'hésite pas à circuler dans le palais, où tu veux. Les domestiques ne t'embêteront pas. Juste une chose … promets-moi que tu seras encore ici quand je reviendrai !”

“Tu as peur que je me transforme en brouillard et que je parte emportée par le vent ?” demanda Sophia.

“On dit que, jadis, il y avait des femmes qui s'avéraient être des esprits ou des illusions”, dit Sebastian. “Tu es si belle que j'y croirais presque.”

Sophia le regarda partir en souhaitant constamment qu'il n'y soit pas obligé. Elle se leva, se lava avec une aiguière d'eau et se mit la robe que Sebastian lui avait apportée. Il y avait des pantoufles marron et douces qui allaient avec la robe et une coiffe légère qu'elle se mit sur les cheveux pour qu'elle brille au soleil.

Sophia mit tout cela puis commença à se demander ce qu'elle était censée faire d'autre. Dans les rues, elle serait sortie chercher quelque chose à manger. A l'orphelinat, à cette heure-là, elle aurait eu des corvées à effectuer.

Elle commença par explorer les autres pièces de la suite de Sebastian et vit où ses vêtements étaient tombés la nuit dernière. Sophia les rangea proprement, ne voulant pas risquer de perdre les quelques choses de valeur qu'elle avait. Quand elle constata qu'une domestique avait posé de la saucisse dure, du fromage et du pain dans une autre pièce, elle prit quelques minutes pour déjeuner.

Ensuite, elle explora le reste de la suite et observa une collection de coquilles d’œufs préservées qui venaient probablement d'au-delà de la mer et une carte peinte du royaume qui semblait avoir été peinte avant les guerres civiles parce qu'elle montrait encore certaines des villes libres comme étant des espaces indépendants.

Cela dit, Sophia ne pouvait pas rester longtemps en un seul endroit. En vérité, elle ne voulait pas rester là toute seule à attendre le retour de Sebastian. Elle voulait voir ce qu'elle pouvait du palais et vraiment vivre la vie qu'elle avait d'une façon ou d'une autre obtenue par ses paroles.

Elle sortit de l'appartement de Sebastian et entra dans le palais, s'attendant à moitié à ce que, dès sa sortie, quelqu'un lui bondisse dessus pour lui dire de partir ou de retourner dans l'appartement de Sebastian. Il n'arriva ni l'un ni l'autre et Sophia put errer dans le palais sans difficulté.

Elle utilisa quand même son talent pour rester à distance des gens, car elle ne voulait pas risquer d'être prise en train de faire ce qu'il ne fallait pas ou qu'on lui dise qu'elle n'avait pas sa place ici. Elle évita les espaces où elle entendait les pensées de plusieurs personnes et resta dans les pièces et les couloirs vides qui semblaient s'étendre sur des kilomètres en formant un labyrinthe qui ne pouvait être que le résultat de siècles de construction et de reconstruction.

Sophia dut admettre que l'endroit était beau. Il semblait ne pas y avoir un seul mur sans tableau ni peinture murale, une seule niche sans statue ni vase décoré plein de fleurs. Les fenêtres avaient toutes des carreaux plombés avec, la plupart du temps, des vitraux qui envoyaient des rayons de différentes couleurs se répandre sur les sols en marbre comme si quelqu'un y avait renversé les peintures d'un artiste.

A l'extérieur, Sophia vit des jardins d'une beauté à couper le souffle où la beauté sauvage de la vie végétale avait été domestiquée en rangées formelles d'herbes aromatiques et de fleurs, d'arbrisseaux et de buissons. Elle y vit un labyrinthe dessiné dans les règles de l'art; la hauteur de ses buissons dépassait la taille de Sophia. Alors, elle se mit à marcher avec un but défini et décida qu'il serait agréable de pouvoir sortir profiter des jardins.

La seule chose qui l'arrêta fut la vue de doubles portes surplombées par un signe qui proclamait que l'endroit en question était une bibliothèque.

Sophia n'avait jamais été dans une bibliothèque. Les bonnes sœurs de l'Ordre de la Déesse Masquée prétendaient qu'elles en avaient une à l'orphelinat mais les seuls livres que Sophia y avait vus étaient le Livre des Masques, les livres de prières, des tracts imprimés par leur ordre et quelques brefs essais sur les sujets qu'elles prétendaient enseigner. D'une façon ou d'une autre, Sophia soupçonna que cette bibliothèque-là serait très différente.

Elle poussa les portes plus en espérant qu'elle s'ouvriraient que par certitude, soupçonnant qu'une chose aussi précieuse que ces livres serait fermée à clé et qu'elle ne pourrait jamais y accéder.

En fait, les portes en chêne s'ouvrirent gracieusement, visiblement bien huilées, et la laissèrent entrer dans une pièce qui était tout ce qu'elle aurait pu imaginer et plus encore. Il y avait deux niveaux. La première série d'étagères était surmontée par une mezzanine qui contenait encore plus de livres.

Chaque étagère contenait des quantités de livres à reliure de cuir de toutes formes et tailles, serrés les uns contre les autres au point que Sophia avait du mal à croire qu'il pouvait y en avoir tant en un seul lieu. Une grande table se trouvait au cœur de la pièce et, dans des alcôves, il y avait des chaises qui avaient l'air si confortables que Sophia se serait volontiers blottie et endormie dans l'une d'elles si elle n'avait pas été aussi excitée à ce moment-là.

Au lieu de dormir, elle fit le tour de la pièce, sortant des livres au hasard et vérifiant leur contenu. Elle trouva des livres sur tous les sujets, de la botanique à l'architecture, de l'histoire à la géographie de terres lointaines. Il y avait même des livres qui contenaient des contes qui semblaient n'avoir été inventés que pour satisfaire le lecteur, comme des pièces de théâtre mais écrites. Sophia eut vaguement l'impression que les bonnes sœurs masquées n'auraient pas approuvé cette pratique.

Ce fut probablement surtout pour cette raison qu'elle en choisit un, s'installa dans une des chaises et lit le conte de deux chevaliers qui ne purent arrêter de se battre l'un contre l'autre jusqu'au moment où une amante morte depuis longtemps sortit du tombeau pour leur dire lequel elle aimait le plus. Sophia s'immergea dans le texte en essayant de comprendre tous les endroits dont il parlait et se retrouva fascinée par l'idée que l'on puisse créer un autre monde avec seulement du papier et de l'encre.

Peut-être se laissa-t-elle un peu trop emporter par l'histoire, car elle n'entendit pas les pensées du groupe de filles qui approchait jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Quand ces pensées lui indiquèrent exactement qui approchait, Sophia se blottit dans sa chaise en espérant que le livre qu'elle tenait la cacherait assez pour que personne ne la remarque.

“Je te dis”, déclara Milady d’Angelica à une de ses amies, “que quelqu'un m'a droguée hier soir.”

“Quelle chose terrible !” lui dit une autre fille alors que ses pensées indiquaient tout le temps à Sophia qu'elle était contente que son amie ait tant souffert.

“Qui aurait pu le faire ?” demanda une troisième, dont les pensées montraient qu'elle savait exactement ce que son amie avait prévu de faire au prince et qu'elle supposait que c'était seulement une erreur.

“Je ne sais pas”, dit Angelica, “mais je sais que … vous ! Qu'est-ce que vous faites ici ?”

Sophia se rendit compte que l'autre fille lui parlait. Par conséquent, elle se leva et posa son livre de côté avec soin.

“Vouliez-vous me dire quelque chose ?” demanda Sophia, prenant le temps de regarder les autres filles. Aujourd'hui, Angelica avait encore l'air belle. Elle portait une tenue d'équitation qui suggérait qu'elle aurait pu avoir décidé de rattraper Sebastian si seulement elle n'avait pas eu l'air de souffrir quelque peu des séquelles de son poison. Quant à ses deux compagnes, l'une était plus petite et rondelette, les cheveux brun moyen, alors que l'autre avait des cheveux presque noirs qui lui tombaient vers la taille et était plus grande que Sophia.

“Pourquoi aurais-je quoi que ce soit à vous dire ?” répliqua l'autre fille, qui ne se tut pas pour autant. “Hier soir, vous avez pris une chose qui m'appartenait. Savez-vous qui je suis ?”

“Lady d’Angelica”, répondit promptement Sophia. “Je suis désolée mais je ne connais pas votre prénom. Cependant, j'ai entendu que vos amies vous appelaient Angelica. On fait comme ça ?”