Kitabı oku: «Absolution Providentielle», sayfa 2
Chapitre 3
L’Eldorado, Shreveport, Louisiane
Le 15 mars 2012
Je me réveillai avec une méchante gueule de bois qui provenait autant de l’humiliation que de l’Amstel Light et du vin du mini-bar, puis je me souvins de Nick dans ma chambre et de la façon dont j’avais agi. Il semblait peu probable d’avoir fait pire, mais au moins je ne lui avais pas ouvert la porte nue avec une rose entre les dents. J’allais me lever et me ressaisir. J’allais être séduisante dans mon ensemble Ellen Tracy vert mousse. J’allais réparer tout ça.
Mais d’abord, je voulais lire mes textos parce que mon téléphone vibrait. À cette heure matinale ?
- Où diable es-tu ?
C’était Emily.
- ?? Je me prépare.
Ce n’était pas totalement vrai, mais la règle cardinale des textos étant d’être brefs, j’avais omis les détails révélateurs.
- Nous avons commencé. Dépêche-toi !
Peut-être que ce n’était pas aussi tôt que je le pensais.
- J’arrive.
Eh bien, avoir l’air sexy et professionnelle étaient hors de question maintenant, bien que je ne sache pas si j’aurai pu réaliser cela dans ces circonstances, peu importe le temps dont je disposais. Je me ressaisis en respectant les minima hygiéniques et esthétiques et je m’en allais rejoindre la session de consolidation d’équipe du deuxième et dernier jour de ce séjour. J’espérais pouvoir assez bien simuler pour berner mes collègues.
Je m’arrêtai devant la porte ouverte de la salle de conférence et j’écoutai le présentateur. L’entreprise avait engagé un consultant en expression émotionnelle pour nous aider à résoudre les problèmes que nous avions les uns avec les autres de manière positive et constructive.
Bonne chance avec ça, pensais-je. Je me demandais s’il m’aiderait à résoudre mon « Je veux coucher avec mon collègue de travail qui est peut-être encore marié et qui, en fait, me déteste ».
Ce n’était pas une session du genre de celles qui sentent la violette, cependant, le consultant était en fait assez bon. Aujourd’hui, il nous apprenait à parler de ce dont nous avions besoin de plus et de moins de la part des autres. Il nous demanda de nous associer à la personne avec laquelle nous avions le plus besoin d’entretenir une relation de travail efficace.
J’entrai dans la salle de conférence aux fleurs criardes. En quelques secondes, presque tous les couples se formèrent. Je balayai la pièce du regard à la recherche des long cheveux blonds texans d’Emily, espérant qu’elle m’avait attendu, mais elle était avec l’assistant juridique principal, prenant l’activité beaucoup trop au sérieux. Je lui lançai un regard furieux et elle haussa les sourcils, comme pour dire : « Ce n’est pas ma faute si tu me poses un lapin et que tu ne peux pas sortir du lit avant midi. » Tout en grommelant dans ma barbe, je cherchai un partenaire dans la pièce.
Alors que je scannai l’espace, le regard terne de Nick se fixa lentement sur le mien. Pas bon. Je conservai également un visage sans expression, un effort gargantuesque si l’on considère que le mélange de fruits secs du minibar de la veille semblait vouloir remonter. Je me détournai, puis je réalisai qu’il marchait vers moi. Je m’attendais à ce qu’il continue son chemin, jusqu’à ce qu’il s’arrête devant moi.
Comme il restait silencieux, j’ouvris la bouche. Je ne pouvais pas m’en empêcher. J’ai toujours pris les reines. Pas étonnant que mon grand frère m’ait dit que je repoussais les hommes.
- Alors, tu veux finir les restes ?
Je tentais un sourire d’autodérision.
Il ne me retourna pas mon sourire.
- C’est le meilleur moyen d’éclaircir tout ça et de nous mettre d’accord avant de retourner au bureau.
Il faisait aller et venir sa main entre nous. Ça me rappela la nuit dernière, et pas dans le bon sens.
Nous nous assîmes. Les fleurs sur le papier peint et le sol ne faisaient pas grand-chose pour me remonter le moral. Les lianes du tapis se mirent à onduler et s’enroulèrent autour de mes chevilles, me ligotant aux pieds de ma chaise. Non, imbécile, c’est ton imagination et une bonne gueule de bois. Ugh. Troublant. Je passai mes mains sur mes avant-bras, essayant d’atténuer ma chair de poule.
Nick lisait les instructions à haute voix. Nous allions devoir suivre la liste d’exercices à tour de rôle. Tout d’abord, nous allions devoir énoncer ce que nous trouvions de positif chez l’autre ; ensuite, les choses dont nous avions besoin en plus ou en moins ; et enfin, ce que nous allions nous engager à faire en plus ou en moins pour l’autre. Au cas où nous aurions oublié ces instructions en cours d’exercice, elles étaient inscrites en caractères gras en couleur sur les tableaux de conférence tout autour de la salle. Je vous remercie, tableaux, d’interrompre ce cauchemar fleuri, pensais-je.
- Tu commences, Nick. Je pense que tu dois énoncer ce que tu apprécies chez moi.
Dis-je d’un ton enjoué.
Il commença très sérieux, sans hésiter.
- J’apprécie que tu sois professionnelle, tu fais un bon travail et tu travailles dur. Tu es importante pour le cabinet.
Pas vraiment chaleureux.
- Merci, Nick. Autre chose ? Tu peux continuer à faire des compliments si tu veux. J’essayais un autre sourire, inclinant la tête vers la droite. Mon meilleur profil.
- C’est tout.
Ça ne se passait bien.
- Bon, alors, ce que j’apprécie chez toi, c’est...
Alors qu’il avait pris la voie strictement professionnelle, je refusais d’être aussi impersonnelle,
- Ta créativité et ta perspicacité, et la façon dont nous avons travaillé ensemble sur l’affaire Burnside.
Je canalisais la langue de bois de l’atmosphère, une version légale d’un mauvais épisode de Dr Phil.
- Et j’apprécie que tu n’aies pas de serviette en papier avec toi aujourd’hui.
Clin d’œil mental - Nick, dépassons ça.
Aucune chance.
- Maintenant nous faisons la partie suivante, plus et moins.
Il passa ses mains dans ses cheveux. Oh oh.
- Ce que je veux, c’est que tu fasses plus souvent savoir à Gino que tu as besoin de mon soutien, et lui et moi nous pourrions faire le nécessaire. Ce que je veux que tu fasses moins, c’est...
Il hésita, puis continua,
- Me piéger.
Est-ce que j’avais mal entendu, ou est-ce que Nick venait de me larguer ? Et m’accusait de le harceler ? En si peu de mots. Même après la fin difficile de notre soirée, le coup de pied professionnel semblait extrême. Suggérait-il que je l’avais harcelé sexuellement ? Je passai de zéro à soixante sur le compteur de rage en moins d’une seconde. Oups.
- Tu ne veux plus travailler avec moi ? Je te PIÈGE ? Nous avons eu une seule conversation personnelle difficile, et tu refuses de travailler avec moi ?
- Peux-tu baisser d’un ton ? siffla-t-il.
Je levais les mains en l’air. Il prit ça pour un oui et continua.
- Je veux juste minimiser nos contacts, dit-il. Sa voix était aussi froide que ses yeux.
- C’est absurde.
La main de Nick se leva, et je montais le volume.
- Nous faisons une bonne équipe. C’est un énorme avantage pour cette entreprise quand nous travaillons ensemble. Je ne comprends pas pourquoi tu fais ça. C’est à cause d’hier soir ?
Une centaine d’yeux me regardaient m’effondrer dans un tas de débris émotionnel. Non, c’était juste ma paranoïa. Mes mains remontèrent vers mon col et tentèrent de le desserrer davantage.
- Je ne vais pas parler du pourquoi. J’ai juste besoin d’un peu d’espace. Si tu as un problème avec moi, tu devras aller voir Gino.
Moment de décision et de contrôle de soi. Si je faisais une scène plus importante, je l’embarrasserais, et ensuite je ne pourrais jamais revenir en arrière. J’avais passé la moitié de la nuit dernière à me réconcilier avec le fait qu’il n’y aurait jamais de « nous », pas de Nick et Katie. Je n’aimais pas pratiquer le droit, mais l’année dernière, j’avais adoré travailler avec Nick. Travailler avec lui, c’était mieux que rien. Cela pourrait même être suffisant. Mais s’il m’enlevait cette partie, il ne me resterait que moi avec des pensées que je ne voulais pas avoir.
Je devais aussi être réaliste. J’étais importante pour le cabinet, mais le futur ex-beau-père de Nick était notre plus gros client. Ce fossé devait rester entre Nick et moi. Il n’y aura pas de « aller voir Gino » pour moi. De plus, qu’est-ce que je lui dirais ? « Gino, Nick ne veut pas travailler avec moi parce qu’il pense que je veux coucher avec lui. Fais en sorte qu’il soit gentil avec moi ou je vais faire un caca nerveux. »
Je repris la parole avec des mots mesurés.
- Je suppose que je n’ai pas le choix. Je vais honorer tes souhaits, mais laisse-moi être claire à cent pour cent : C’est ta décision. Je ne comprends pas, et ce n’est pas ce que je veux. Je promets également d’être honnête avec toi. Je vais commencer par ça tout de suite.
Ça semblait être un bon point de départ, puisque je lui avais menti hier soir et qu’il le savait.
- Cela me fait mal. Tu me traites comme si tu me détestais. Nous avons eu un moment regrettable ce week-end. Je pense que nous devrions reparler de tout ça au bureau.
- Ça ne fera aucune différence, ici ou là-bas, dit Nick. Il se leva, mais je l’arrêtai.
- Attends. J’ai le droit de dire ce que je voudrais que tu fasses de plus ou de moins.
Il se rassit. J’ignorais la douleur lancinante dans mon estomac et je commençais.
- J’aimerais que tu fasses davantage preuve d’ouverture d’esprit et de moins juger et prendre moins de décisions irréfléchies.
- OK.
- OK, tu t’engages à le faire ?
- OK, je t’ai entendue.
Nous nous sommes regardâmes fixement pendant quelques secondes de plus. Puis Nick se leva. Les pieds de sa chaise firent un horrible bruit strident contre le tapis d’hôtel en laine d’acier. Je grimaçai. Vu le resserrement de ses lèvres et de ses sourcils, il interpréta ma grimace de travers. Il s’éloigna sans un mot.
Je restai collée à ma chaise.
Un peu plus tard - quelques secondes, quelques minutes - Emily interrompit mon interprétation de sculpture de glace.
- La Terre à Katie. C’est l’heure de la pause. Tu viens ? demanda-t-elle. Sa voix était hargneuse, mais moins que ses textes précédents.
Je levais les yeux vers elle. Elle avait de longues jambes, des bottes de cow-boy et un jean qu’elle avait complété par une veste de chez Gap et une chemise violette en coton tricoté.
- Hum, merci, non, je vais te retrouver plus tard, lui répondis-je.
Emily sortit de la salle de conférence avec un groupe de parajuristes. Je me dirigeai vers le bar. Quelle boisson était respectable à dix heures du matin ? Je commandai un Bloody Mary, un cocktail que je n’avais jamais essayé. Qui savait que les Bloody Marys étaient si bons ? Le premier étant bien descendu, j’en commandai un autre. Avec l’aide de mon nouvel ami le Bloody Mary, je décidais que je pouvais réparer les choses avec Nick. Seulement, je n’arrivais pas à le trouver.
De retour de la pause, je coinçai Emily.
- Tu as vu Nick ? Lui demandais-je
Emily soupira.
- Il est parti. Je l’ai entendu dire à Gino qu’il avait une urgence familiale.
La guigne.
Le reste de la journée se déroula dans le brouillard. Je ne me rappelle pas grand-chose. Je pense avoir fait des expressions faciales et des commentaires appropriés lorsque cela était nécessaire. Ou peut-être que non. Mon cerveau en tambour de machine à laver était agité par des pensées à propos de Nick.
Cet après-midi-là, Emily me reconduisit chez moi dans ma vieille Accord argentée. Le jour se transforma en nuit, et la nuit se transforma en jour, et le lendemain, me réveillant au son de la voix de mon frère, j’étais étalée sur le canapé de mon salon.
Chapitre 4
Appartement de Katie, Dallas, Texas
Le 16 mars 2012
- Tu n’as pas de meilleure excuse que ça pour ne pas répondre à mes appels ?
Dit Collin sur son ton sévère de grand frère. Je forçai mes yeux à s’ouvrir assez longtemps pour le voir gesticuler dans ce qui fut un jour le beau salon de mon appartement. Collin était mon jumeau irlandais, mon frère aîné de onze mois. Nous avions cependant terminé le lycée la même année, car mon père, en bon Texan, avait insisté pour faire redoubler Collin d’une année pour lui permettre d’acquérir un avantage physique sur le terrain de football. Nous étions donc des camarades de classe ainsi que des frères et sœurs. Malgré cela, Collin avait toujours agi de manière paternelle envers moi, surtout l’année dernière après la perte de maman et papa.
J’ouvris un peu plus les yeux, assez pour voir le désordre. Je suppose que ça n’avait pas l’air présentable. Je suis généralement très pointilleuse sur mon environnement. Collin avait toujours insinué que j’avais des troubles obsessionnels compulsifs, mais je n’étais pas d’accord. Je passais l’aspirateur en marchant à reculons parce que je ne voulais pas laisser de traces de pas sur le tapis. Je classais mes vêtements par saison et les sous-catégories par fonction et par couleur, car qui ne le fait pas ? Et si les autres ne peignaient pas la frange de leurs coussins, je pense qu’ils le devraient. Une frange emmêlée. Quelle horreur.
Ces dernières semaines, cependant ? Eh bien, pas tant que ça.
Il y avait des emballages de casse-croûtes sur la table de la cuisine et quelques bouteilles vides de jus de tomate et de vodka Ketel One sur le comptoir. Ce n’était pas insalubre selon les normes de Dennis la Menace, mais, d’après mon frère, c’était troublant. Mon pyjama était mon uniforme de travail de la veille, et les vêtements des jours précédents gisaient en tas à côté du canapé - canapé sur lequel la frange du coussin me narguait avec ses nœuds. La télévision diffusait « Runaway » de Bon Jovi sur une station de musique rock des années 80 de Direct TV. Un Bloody Mary presque vide me narguait depuis la table basse, où il trônait à côté de mon ordinateur portable Vaio rouge, d’une bouteille d’Excedrin et de mon iPhone.
Je m’assis d’une manière aussi digne que possible et je lissai mes vêtements.
- Pourquoi n’ai-je pas entendu l’alarme quand tu es entré ? Lui demandais-je.
Collin avait un jeu de clés de mon appartement, mais mon alarme aurait dû sonner à l’ouverture de la porte.
Sans ménagement, Collin répondit :
- Je suppose que tu étais trop bourrée pour te rappeler de l’activer. Ou peut-être que tu as eu un visiteur qui s’est esquivé au milieu de la nuit ?
Il cherchait un deuxième verre, mais j’avais bu en solitaire. Collin commença à organiser mon désordre.
- Collin, je vais faire ça, lui dis-je.
- Non. Va te rafraîchir, dit-il. Je t’invite au petit déjeuner. C’est un ordre.
Je le regardais tristement. Il portait son habituel jean 501 avec un t-shirt Hooters, et il son attitude criait « Je n’ai pas de problèmes ». Je ne voulais pas aller prendre le petit déjeuner avec lui. Je voulais me mettre en boule. Je voulais dormir et être seule. Je voulais rester là, sans bouger, comme si je n’existais pas.
Il me regarda, immobile sur le canapé, et quelque chose le poussa à poser la poubelle et à revenir vers moi. Prenant ma main, il me força à me lever. Il serra mon corps raide dans une étreinte d’ours, me berçant doucement pendant une bonne minute. Oh oh. Au début, j’essayai de me retenir, mais ensuite je m’écroulai et me mis à sangloter sur sa large épaule. Les sanglots se transformèrent en reniflements, puis en hoquets, puis en soupirs. Il fit basculer ma tête en arrière de son gros pouce sous mon menton et me regarda dans les yeux pour m’évaluer.
- Va prendre une douche chaude. On va aller manger dans un endroit décontracté, mais je pars, avec toi, dans la voiture dans vingt minutes. Il toucha l’os de mon menton avec les articulations de son poing fermé.
- Allez, allez. Tu sais que je vais te trainer s’il le faut. Ne m’oblige pas à le faire.
D’une légère poussée, il m’envoya dans le couloir vers ma salle de bain, puis je l’entendis reprendre le nettoyage. Des larmes coulaient sur mon nez et mes joues. Bon sang, j’allais devoir boire des litres d’eau au petit-déjeuner, parce qu’au rythme où je pleurais et avec la quantité de vodka que j’avais consommée la veille, j’étais au bord d’un gros mal de tête pour cause de déshydratation.
Quarante-cinq minutes plus tard, nous prenions place dans le IHOP de Mockingbird Lane. C’était l’un des endroits préférés de notre enfance, mais aujourd’hui, je remarquai que le décor était beaucoup moins orange criard qu’avant, et j’en étais un peu déçue. Collin me surpris en demandant une table pour trois, mais je n’avais pas assez d’énergie pour le questionner. Je compris lorsque je vis la chevelure d’Emily à l’entrée du restaurant. Elle s’avança vers nous dans un pantalon bleu marine plissé et une chemise jaune soyeuse serrée par une ceinture en cuir assortie à ses escarpins marron.
- Salut, Katie. Elle m’observa un moment, puis détourna les yeux.
Je levai une main molle pour la saluer. Super. Une autre personne à me voir dans cet état. J’avais évité de croiser mon image dans le miroir avant de quitter l’appartement, mais le bref coup d’œil que j’avais eu m’avait suffi. Une queue de cheval humide. Un vieux survêtement et un t-shirt. Les yeux bouffis et le teint pâle. Beurk.
Nous examinions nos menus en silence jusqu’à ce que la serveuse d’âge moyen, qui aurait vraiment dû porter un uniforme d’une taille plus large, vienne prendre notre commande. Les muscles de mon estomac se contractèrent en la regardant s’éloigner. Je pensais l’arrêter pour ajouter un jus d’orange dont je ne voulais pas à ma commande, mais je ne le fis pas. Il ne servait à rien de retarder l’inévitable. Collin nous avait réunis pour une raison, et quelque chose de désagréable allait se passer.
- Emily et moi avons discuté, et elle m’a dit ce qui se passait avec toi, commença Collin.
J’espérais qu’Emily en avait omis une partie, mais je ne pouvais pas lui reprocher de se soucier de moi. Ou de céder à Collin. C’était un flic, dans la belle tradition filiale, et il aimait à dire qu’il n’avait jamais rencontré un témoin qu’il ne pouvait pas faire flancher.
Collin continua.
- Nous sommes inquiets pour toi. Tu es dans un sale état. Tu te fais du mal.
Il lança un regard à Emily pour avoir son support et elle fixa la table en formica blanc. Tel que je connaissais Collin, il l’avait entraînée dans cette petite intervention, et tel que je connaissais Em, elle avait résisté. Emily était sûre d’elle, mais faire chavirer le bateau n’était pas son style.
Je n’avais pas la force de me battre avec Collin sur ce point, et je n’étais pas vraiment en désaccord avec lui. J’étais une épave en ce moment, c’est sûr. Il m’avait surprise à l’un de ces rares moments où la femme à la grande gueule n’était pas là pour défendre la petite fille fragile au fond de moi. Elle était probablement encore vautrée sur mon canapé à soigner sa gueule de bois.
- Tu as raison, ai-je avoué.
Les mots avaient un goût de poussière sur ma langue sèche.
- J’ai besoin de me ressaisir.
- Je pense que tu devrais suivre une cure de désintoxication. Les mots de Collin me semblaient acides, mais comment des mots comme « va en détox » pourraient sonner agréables et enjoués.
C’est donc ce qu’avait ressenti Amy Winehouse. Et elle était morte maintenant. Il fallait que j’y réfléchisse. Sauf que je n’étais pas Amy Winehouse.
- J’ai été dans le creux de la vague, oui, et j’ai bu un peu trop, mais seulement depuis quelques semaines. Je ne pense pas que ça justifie une cure de désintoxication.
L’idée de parler de mes problèmes avec tous ces alcooliques me rendait claustrophobe. Le système des Alcooliques Anonymes peut fonctionner pour certains, mais les activités de groupe en chantant et en se serrant les mains, c’est pas mon genre. De plus, je n’étais pas alcoolique.
- Ces trois dernières semaines ont été particulièrement mauvaises, mais tu es sur cette pente depuis bien plus longtemps que cela, déclara Collin. Comme du genre un an. Est-ce que tu peux réduire ou arrêter ? Je parie que tu as déjà essayé, n’est-ce pas ?
J’évitais son regard.
- Et je parie que ça n’a pas marché.
J’avais presque répondu « Non, connard, je n’ai pas essayé ». Presque. Au lieu de cela, je répondis :
- Je n’ai pas essayé. Je sais que je peux, quand je serais prête.
Mon omelette au fromage était arrivée, mais je n’avais pas faim. Aucun d’entre nous ne touchait à sa nourriture.
- J’admets que j’aurais du mal à m’arrêter ici à Dallas si j’essayais. Lorsque j’essaierai. Mais je sais que si je pouvais sortir de cet environnement pendant quelques semaines, je pourrai maîtriser la situation. Je suis prête à commencer par ça. La désintoxication n’est pas pour moi. Peut-être qu’un jour, si vous me ramassez dans le caniveau... mais pas maintenant.
- Très bien. Je te donne une chance, sœurette, alors saisis-la. Tu as quelque chose en tête ? Demanda Collin.
J’inspirai autant d’air que possible, puis j’expirai de force jusqu’à ce que mon estomac s’effondre.
- St. Marcos. J’ai besoin de savoir ce qui est arrivé à maman et papa. Je commençai à pleurer, puis je me retins. J’ouvris la bouche pour parler et les larmes commencèrent à couler.
- Tu es sûre ? Demanda Collin.
Je hochai la tête et utilisai le côté propre de ma serviette en papier pour m’essuyer les yeux. Lorsque je levai les yeux, une jeune femme noire attira mon attention, en partie parce qu’elle me fixait, et en partie parce qu’elle était pieds nus à IHOP et que ses vêtements semblaient être vieux de cent cinquante ans. Maintenant, celle-là avait un problème. La drogue, à ce qu’il semblait. Une candidate parfaite à la cure de désintoxication. Pas moi. J’essuyai mes yeux à nouveau et lorsque je les rouvris, elle avait disparu. Comme si elle n’avait jamais existé. Je devenais folle. J’aspirai une bouffée d’air.
J’avais désespérément besoin de faire une pause. Ce voyage, cette cure de désintoxication en solo ou ces mini-vacances ou quoi que ce soit, serait une aubaine.
Et donc nous avons convenu que j’allais partir. Immédiatement. Comme du genre, demain. Oups. Un peu plus tôt que prévu, mais Collin avait insisté, et Emily avait promis de m’aider à m’organiser. Je dis au-revoir à Collin lorsqu’il me déposa à mon appartement, alors qu’Emily se garait juste derrière nous.
Après avoir enfilé un pantalon d’été couleur crème acceptable pour le travail, Emily et moi arrivâmes chez Hailey & Hart en milieu de matinée. Nous ne fîmes grand-chose d’autre que de préparer mon voyage et de libérer mon emploi du temps. Je présentai mes projets de vacances à Gino, m’attendant à ce qu’il chicane, mais il ne le fit pas. Il me tapota la main. Ugh.
- Un congé vous fera le plus grand bien, dit-il. Vous avez travaillé dur cette année dans des circonstances difficiles, et vous avez besoin de vous ressourcer et de retrouver le meilleur de vous-même.
Super. C’était le langage du patron pour dire « tu es une épave, dégage de là. » Eh bien, il n’avait pas tort. Humiliée et passant pour une bille. Il n’était pas trop tôt pour s’éloigner de ça après tout.
À la demande de Collin, Emily allait rester avec moi cette nuit, laissant son mari seul à la maison. Emily était une bien meilleure amie que je ne le méritais, mais il fut un temps où j’avais joué son rôle lorsque Rich avait temporairement rompu leurs fiançailles. L’équilibre de la vie.
Tard dans la soirée, j’avais finalement mentionné le nom que personne n’avait prononcé de toute la journée.
- Si Nick demande où je suis, donne-lui la version aseptisée.
Emily était assise sur un tabouret de bar, et je me tenais de l’autre côté du comptoir de ma cuisine. Elle se pencha vers moi.
- N’y pense même pas. Nick se comporte comme un connard avec toi depuis Shreveport. Allez, ma fille. Laisse tomber.
J’avais reçu de nombreux messages sublimés aujourd’hui. Celui-ci voulait dire « tu ne l’intéresse pas ». Aïe, mais elle avait raison.
Mais pourrais-je laisser derrière moi mes sentiments à son égard et partir vraiment à St. Marcos l’esprit tranquille ? Je tournai et virai dans mon lit toute la nuit, ballottée entre les images de mes parents et de Nick.