Kitabı oku: «Absolution Providentielle», sayfa 3
Chapitre 5
Aéroport international DFW, Dallas, Texas
Le 17 mars 2012
- Veuillez maintenant éteindre et ranger tous les appareils électroniques, déclara la voix de l’hôtesse dans le système de sonorisation d’American Airlines. Merde. J’étais en train d’écrire un courriel à Emily lui promettant un dîner de côte de bœuf de chez Del Frisco, mon cadeau, si elle éliminait les restes de sushi de mon réfrigérateur, mais j’eus le temps d’appuyer sur Envoyer.
Je m’étais installée dans mon siège de première classe en route pour St Marcos avec mes affaires indispensables étalées autour de moi : passeport, ordinateur portable Vaio rouge, iPhone dans sa boîte Otter à motifs zébrés. Je savais que Dell et Blackberry étaient les technologies de choix pour la plupart des avocats, mais j’aimais montrer que je n’étais pas comme tout le monde. Bien sûr, ces derniers temps, je correspondais au pire des stéréotypes de l’avocat : celui qui picole. C’était mauvais pour moi.
Le courriel que j’avais envoyé hier à mes amis hors de mon cercle professionnel expliquait ma disparition soudaine comme des vacances. Ils m’imagineraient sirotant des piña coladas sur la plage et dansant toute la nuit sur de la musique calypso avec un Antillais sexy, retrouvant mon rythme comme Stella. Emily s’occuperait d’envoyer un mémo similaire au bureau pour moi ce matin.
En parlant d’hommes antillais, celui qui était à côté de moi en première classe, légèrement bedonnant, tentait de lire mon écran. Je le tournai de l’autre côté. Où étaient ses manières de première classe ?
Je reportai mon attention sur mon courriel. Devrais-je envoyer l’information à Nick moi-même ? Peut-être qu’il avait agi comme un connard, mais jusqu’aux évènements de Shreveport, je lui aurais envoyé un mot sexy sur mon voyage. Si c’était lui qui disparaissait, je voudrais en connaître la raison. Ipso facto, n’est-ce pas ? Sous l’emprise de ce manque de logique, je lui envoyai un courriel rapide.
De katie.connell@haileyhart.com
Sujet : Voyage
Nick,
Je voulais t’informer, au cas où tu remarquerais mon absence, que je suis en vacances aux Caraïbes. Je serais de retour dans une semaine. Emily s’occupera de mes affaires pendant mon absence. Et Nick, je suis désolée. Pour tout.
Katie
Je lui avais promis de lui dire la vérité après Shreveport. J’étais plutôt honnête, car c’était des sortes de vacances. Je fermais les yeux avec mon doigt vacillant au-dessus de la touche Envoyer.
- Madame, vous devez l’éteindre et le ranger maintenant. L’hôtesse de l’air aux cheveux gris était penchée vers moi, un sourire crispé sur le visage. Comme elle devait détester répéter ces mots encore et encore et encore chaque jour à des gens comme moi qui mentaient, trichaient et volaient pour obtenir quelques précieuses secondes de plus de temps de connexion avant le décollage. Cependant, j’étais une bonne fille cette fois.
- Pas de problème, répondis-je. J’appuyai sur Envoyer et éteignis mon écran. Eh bien, une sorte de bonne fille. Je me calais dans mon siège, dégageant ma maxi robe violette qui s’était inconfortablement torsadée sous mes jambes.
- Je m’appelle Guy, dit l’homme à côté de moi. Il me tendit la main.
Nooonnn. Je voulais dormir. Je lui serrais la main, une main très douce, douce comme de la vaseline, et je répondis
- Katie. Ravie de vous rencontrer, puis je rompis le contact visuel. Je penchai ma tête en arrière. Ne pense pas aux pellicules, aux poux et aux autres parasites capillaires, marmonnais-je. Je fis immédiatement une fixation sur cette pensée.
Un gamin hurlait. Je me penchai dans l’allée pour trouver le coupable. Un jeune père voyageait seul avec un enfant dans la première rangée. Cela ne présageait rien de bon.
L’hôtesse de l’air était de retour. Sa peau semblait plus jeune que ses cheveux, et ses yeux étaient brillants.
- Puis-je vous servir une boisson avant le décollage, madame ?
J’étais anxieuse après avoir envoyé ce courriel à Nick. L’enfant terrible et le problème potentiel des poux me portaient sur les nerfs. J’étais en route pour conquérir des démons et affronter des problèmes personnels dans un environnement étranger. Même un buveur responsable aurait commandé un cocktail en première classe dans ces conditions.
- Un Bloody Mary, dit quelqu’un.
Moi.
Oups.
- Absolument, madame.
Eh bien, je n’étais pas à l’hôtel, je n’étais même pas encore à St. Marcos. Si on y pense vraiment, c’était le compte à rebours, mais il n’était pas encore à zéro. Je n’avais pas besoin de faire une pause dans ma consommation d’alcool jusqu’à mon arrivée. D’ailleurs, à quoi servaient les surclassements en première classe si ce n’était pas pour les boissons gratuites ? Bien sûr, ils vous servaient un bol de noix mélangées réchauffées au micro-ondes et vous tendaient une serviette chaude avec une pince, peut-être même vous donnaient-ils un biscuit gluant aux pépites de chocolat si vous étiez chanceux, mais l’alcool était ce qui comptait le plus.
- Même chose pour moi, dit mon nouvel ami Guy. Il se pencha légèrement vers moi et dit :
- Cela semblait parfait. J’étais à Los Angeles pour rencontrer des producteurs de télévision afin de tourner une émission sur St. Marcos. C’est exténuant.
- N’est-ce pas intéressant ? rétorquais-je.
Après l’atterrissage à St. Marcos, j’étais encore sous l’emprise de mes libations en vol. Je souhaitai un adieu chaleureux à Guy à qui j’avais menti sur mon nom de famille et sur le lieu de villégiature où je séjournais, afin de m’assurer que je ne le reverrai pas par hasard.
Je pris place dans le taxi-van pour l’hôtel de la Fleur de Paon, en balançant la tête de manière appréciative au rythme de « I Shot the Sheriff » de Bob Marley. Lorsque j’arrivai à l’hôtel, je le trouvai encore plus beau que je ne l’avais imaginé. Il se dressait fièrement, en stuc rose, sur deux étages, entouré de palmiers royaux. Je pouvais voir pourquoi mes parents avaient aimé séjourner ici. Alors que je passais l’entrée, le portier me tendit un gobelet en plastique transparent de punch au rhum avec un gros morceau d’ananas sur le bord.
Un fruit.
Dîner.
Les gens ici étaient parfaitement charmants.
Alors que je m’enregistrais à la réception, le réceptionniste appela le plus sympa des employés pour m’aider à trouver ma chambre. Ce faisant, il remplit à nouveau mon verre de punch au rhum.
- Vous allez avoir une longue marche déshydratante jusqu’à votre chambre, mademoiselle, dit-il avec un clin d’œil. Son accent était délicieux.
Ma chambre se trouvait en bordure de la plage, mais dans un bosquet de palmiers pour plus d’intimité.
- Beaucoup de gens célèbres ont séjourné dans cette chambre.
Il me regarda attentivement.
- Est-ce que je vous connais ? Vous êtes terriblement belle, mademoiselle. Êtes-vous un mannequin ?
Je choisis d’ignorer le fait qu’il me faisait ce commentaire à la porte de ma chambre, et que le moment coïncidait idéalement avec ma décision de lui donner un pourboire. Je lui répondis :
- Merci, en glissant un billet de vingt dollars dans sa main. Il s’inclina à moitié et me souhaita un « bon après-midi ».
J’explorai mon environnement. Ah, bien, l’espace de bureau était parfait. Je posai mon sac à main sur le sol à côté et je plaçai mon ordinateur portable parfaitement aligné sur la table, comme je l’aimais. Je consultai mon téléphone. La batterie était morte. Je fouillai dans la sacoche de mon ordinateur portable pour trouver le chargeur de téléphone et le branchai. Dieu sait combien de temps j’avais perdu à attendre des messages avec un portable éteint. Probablement juste au moment où Nick m’aurait aussi répondu par courriel. Je déballai mes affaires pendant que le téléphone rassemblait assez de jus pour pouvoir se connecter.
Je continuai mon exploration. Le site Internet de l’hôtel indiquait que la baignoire était assez grande pour deux personnes, et elle était telle que sur la photo. Assez grande pour contenir moi et mon alter ego maléfique à la langue acérée qui buvait trop. Des carreaux de marbre aux couleurs terre, de teintes, de textures, de tailles, de formes et de motifs variés, décoraient la salle de bains. Ça aurait pu être trop criard, mais ça ne l’était pas. C’était stupéfiant.
La palette tropicale atténuée du reste de la suite mettait magnifiquement en valeur les tons naturels de la salle de bains. C’était le meilleur de la nature incorporé délicatement à l’intérieur. Les meubles et le ventilateur de plafond étaient en bambou, les draps étaient en coton égyptien ivoire à rayures, d’une épaisseur moelleuse, recouverts d’une couette douillette de couleur crème. J’avais hâte de me glisser dans le lit et de me rouler dans ces draps, de frotter du coton frais sur ma peau. La plupart des couleurs de la pièce, jaunes éclatants, verts palmier et fuchsia, provenaient de boutures fraîches de plantes et de fleurs locales.
Une porte-fenêtre s’ouvrait depuis la chambre sur un patio carrelé de pavés en travertin de couleur amande. Le patio descendait sur une courte pelouse parsemée de cocotiers qui se terminait par un accès à la plage privée. Au-delà de la plage s’étalait la mer turquoise et saphir des Caraïbes. J’arborai un sourire. Cela ferait l’affaire.
Mon iPhone était assez chargé pour un téléchargement de données. Je le ramassai et fis défiler mes courriels. Ma secrétaire avait envoyé quelques questions, et Collin et Emily m’avaient tous deux demandé de leur faire savoir que j’étais bien arrivée. Je leur envoyai une note et je fis défiler d’autres messages, surtout des pourriels. Et puis j’arrivai à l’un qui me coupa le souffle : une réponse de Nick.
Je posai l’iPhone jusqu’à ce que je puisse respirer normalement. J’essuyai mes paumes moites sur ma jupe violette, puis je ramassai le téléphone. Pas de problème. J’étais calme. Le texte du courriel était court :
« Ok »
Ok. OK !! Deux lettres minuscules, un mot. Pas vraiment de quoi s’extasier. Il aurait pu supprimer mon courriel sans le lire. Il aurait pu le lire et ne pas répondre. Il aurait pu le lire et répondre en disant quelque chose de grossier (est-ce que « ok » était grossier ?). Ou, il aurait pu le lire et répondre par quelque chose de positif, comme « Je te verrai à ton retour » ou « Bonne chance ». Mon cerveau se mit à rouler à toute allure sur les pistes familières de Nick, comme un aspirant de Formule 1 sur un parking. Ce n’était pas bon.
Je vidai mon punch au rhum et mangeai mon dîner de garniture d’ananas. Je regardai dans le mini-frigo. Jackpot. Un pichet entier de punch au rhum m’attendait à l’intérieur. Malheureusement, il n’y avait pas de fruits. Le jus de fruit était assez sain, cependant. Le punch au rhum serait un parfait substitut insulaire au Bloody Mary. Je me versai un verre.
Nick. L’abruti incroyablement froid. Je me retenais de ne pas lui répondre. Je descendis le punch au rhum. J’essayai de résister un peu plus. Je gobai un autre verre. Et puis je pris ma décision. Il fallait que je sorte de là. J’attrapai mon sac à main, mon téléphone et la clé de ma chambre et je me dirigeai vers le bar que j’avais vu pendant l’enregistrement.
Le bar était un patio couvert au sommet d’une colline, avec vue sur la plage et l’océan. Je montai les marches de pierre et je débouchai au milieu d’une bonne foule se tenant autour du bar en acajou et des tables rondes disposées çà et là sur le sol carrelé. Quelques couples dansaient, collés et lascifs, sur un groupe de reggae qui sonnait plutôt bien. Ils jouaient une chanson parlant des 36 degrés à l’ombre. La chanteuse entonna le refrain : « Vraiment chaud, à l’ombre des palmiers ». Je m’assis au bar et je me retournai pour les regarder après avoir commandé mon Bloody Mary au barman blond à la coiffure rasta. Après une gorgée, je réalisai qu’il était mal dosé et je commandai un punch au rhum.
- Vous refusez une boisson parfaitement acceptable ? Qu’est-ce qui ne va pas chez vous, ma chère ? La voix avait prononcé « chère » comme « chay ». Je me retournais et réalisais que c’était la chanteuse.
- J’ai changé d’avis, lui dis-je.
- À moins que vous n’ayez une maladie contagieuse, vous pouvez me donner ce truc, dit-elle. « Donnay ce tuc. »
Je poussai le verre dans sa direction, luttant contre ma peur de partager des poux avec une étrangère. Je ne voulais pas paraître impolie.
- Je l’ai gouté, dis-je pour la prévenir.
Elle retira la paille du cocktail et la jeta vers la poubelle derrière le bar. Panier raté.
- Merci. Chanter donne soif. Elle me tendit la main.
- Je suis Ava.
Je lui serrai la main.
- Katie
- Les gens se lèvent et partent avant qu’on n’ait fini la soyée. Ça fait des poblèmes.
J’essayais de suivre, mais son accent chantant me déstabilisait. J’avais raté la moitié de ce qu’elle disait. Elle eut pitié de moi.
- Là, tu ne me comprends pas. Elle s’enfila le Bloody Mary.
- J’ai dit que mes camarades de groupe venaient de me quitter et que nous n’avions même pas fait notre dernier set. Nous allons avoir des problèmes avec le propriétaire. Elle s’était exprimée parfaitement cette fois, en prononçant chaque mot distinctement.
- Oh, woa, oui, je comprends maintenant.
- Désolée. Je parle avec l’accent local lorsque je me produis, ou lorsque je parle à d’autres habitants. Mais je peux faire l’aristo, quand j’en ai besoin.
- Faire l’aristo ?
- Parler comme une dame. C’est comme parler deux langues. Parler le patois graisse les pattes et impressionne les touristes. Ça fait partie de la vie d’un natal.
- Qu’est-ce que ça veut dire natal ?
- En local, ça veut dire « né ici ». Vous pouvez vivre à Saint Marcos pendant quarante ans, mais vous n’êtes vraiment local que si vous êtes natal.
Ce que j’étais.
- Maintenant, je vous dois un verre, dit-elle en faisant signe au barman, et je paie toujours mes dettes à mes amis.
Chapitre 6
Station balnéaire de la Fleur de Paon, St. Marcos, USVI
Le 18 mars 2012
Je me réveillai sur ma chaise longue le lendemain matin, encore vêtue de ma maxi robe de la veille. Même chanson, différents couplets. Mais j’étais encore plus dégoûtée de moi-même que d’habitude. J’étais ici pour enquêter sur la mort de mes parents et retrouver mon équilibre, ce qui était censé inclure une réduction de ma consommation d’alcool. Et penser à autre chose qu’à Nick. Il semblait que tout ce que j’avais fait était déplacer mes problèmes dans ce nouvel univers, et que j’étais prête continuer le présent en me basant sur le passé. Bien joué, ma fille.
Dans un moment de panique, je me souvins d’une partie de la nuit précédente. Le courriel de Nick. Le punch au rhum. Le bar de l’hôtel. Est-ce que je lui avais envoyé un autre message ? Oh, par pitié, non.
Je sautai sur mes pieds, mon cœur résonnant dans mes tympans. L’eau bleue taquinait le sable ambré de la plage devant moi. Au loin, deux petits enfants jouaient avec des seaux près des vagues. Au-dessus de moi, le soleil du matin traversait les feuilles de palmier pour réchauffer le tapis d’herbe devant mon patio. La sérénité de ma retraite me réconfortait. Tout irait bien.
Je trouvai mon téléphone à côté de moi et je fis défiler les textes et les courriels envoyés sur mon iPhone. Rien, Dieu merci. J’avais tout gâché hier soir. Mais aujourd’hui, j’étais décidée à enquêter sur le mystère de la mort de mes parents, et à reprendre à zéro sur le plan personnel. Après quelques heures de sommeil supplémentaires. Je me repliai sur ma chaise.
- Hé, ma fille, on fait la fête comme des rock stars, articula une voie de femme. Une femme juste à côté de moi semblait-il.
Je me redressai d’un bon. Je reconnaissais la voix rauque. Le nom de la femme à qui elle appartenait ne me revenait pas. Je réfléchis. Abigail ? Ariel ? Eva ? Non. Ava. C’était Ava.
Je me forçais à rire.
- Ouais, je suppose que c’est ce que j’ai fait. Au moins, ce dont je me souviens.
Je regardais la chaise longue de l’autre côté du patio, et, bien sûr, Ava y était étalée. Elle se leva, s’étira de la pointe des pieds au bout des doigts en tendant les bras vers le ciel, ce qui aurait mieux donné dans une tenue autre qu’une mini-robe en lycra jaune. Je détournai mon regard. Elle se rassit et se renversa sur sa chaise, se tripotant la paupière.
- Eh bien, je suppose que nous ferions mieux de commencer, dit-elle en posant un faux cil sur la table du patio et tirant sur l’autre paupière.
- Je vote d’abord pour un baril d’eau et deux Excedrin avec des œufs.
Je n’avais absolument aucune idée de ce qu’elle voulait dire. J’essayai de dissiper les brumes de gueule de bois enfumant mon cerveau. Devrais-je m’inquiéter ? J’avais lu des histoires de pirates et d’escrocs dans les Caraïbes. Peut-être qu’elle était une sorte d’arnaqueuse. Je pourrai, par essence, être sa prisonnière. Bon, je délirais, mais pourquoi pas. Quelque chose chatouilla les cellules de ma mémoire, puis disparut.
Ava continuait à parler.
- Je connais le cuisinier du restaurant. C’est un pote. Ava attrapa le téléphone posé sur la table du patio à côté d’elle.
Je l’écoutais commander dans son patois insulaire. Elle avait continué ses ablutions pendant qu’elle était au téléphone, retirant des boucles d’oreilles, un bracelet et un collier, et elle se releva en raccrochant.
- Allez, allez, Katie. Ils nous attendent en bas. Elle retira sa robe d’un seul geste fluide, révélant des courbes café au lait impeccables, quelque peu contenues par un soutien-gorge et une culotte en satin imprimé léopard. Mes mains posées sur mes propres hanches saillantes, j’avais l’air de Pippi Longstocking à côté de Beyoncé. Elle s’engouffra dans ma chambre.
Je serrais les dents et me concentrai sur ses mots. Poste de police. Oui. C’est ça. Des bribes de notre conversation d’hier soir me revenaient en mémoire, notamment le fait que j’avais raconté à Ava ma quête pour découvrir ce qui était arrivé à mes parents, et son appel à un policier avec qui elle sortait ou qui voulait sortir avec elle ou quelque chose comme ça. Oui. C’est ça. Je me rappelais.
Soulagement.
Elle passa la tête derrière la porte en rassemblant ses longs cheveux noirs bouclés en un chignon haut.
- Ça te dérange si j’utilise la douche d’abord ?
- C’est bon, répondis-je.
Elle leva un sourcil.
- Tu vas bien ?
Je sautais sur mes pieds.
- Absolument. Dépêchons-nous avec les douches et essayons de finir avant que le service de chambre n’arrive.
- Ya mon, dit-elle, et elle disparut à nouveau.
Je renversai ma tête en arrière, les yeux fermés, et je me pinçai l’arête du nez. Ce n’est pas parce que je me rappelais de la veille au soir que la journée d’aujourd’hui était forcément une bonne idée. Je ne connaissais même pas Ava. Est-ce que je devenais folle ? Je redressai ma tête pour la remettre dans sa position normale.
Eh bien, j’étais sur le point de le découvrir.
Chapitre 7
Station balnéaire de ma Fleur de Paon, St. Marcos, USVI
Le 18 mars 2012
- Je n’arrive pas à croire que tu laisses tout tomber pour m’aider, lui dis-je.
Ava avait engouffré ses courbes dans un haut de bikini et une mini-jupe en jean bleu, qui m’appartenaient tous les deux, puis elle avait enfilé par-dessus une de mes chemises et en avait noué les pans au-dessus de son nombril. Elle était pieds nus.
- C’est la meilleure offre que j’ai eue de la journée, dit-elle. Je suis revenue sur l’île il y a six mois. J’ai fait le truc danse-chante-agence-crève la faim à New York, mais mes parents vieillissent et, eh bien, je ne peux pas rester loin de l’île pour toujours. St. Marcos coule dans mes veines. Elle prit son téléphone, faisant dérouler sa galerie, puis me tendit l’appareil. Elle avait fait afficher une photo d’elle-même se tenant entre un homme blanc beaucoup plus âgé et une femme à la peau sombre qui avait l’air d’être la grande sœur d’Ava.
- Mes parents, expliqua-t-elle. Donc je peux comprendre l’objet de ta visite ici. Si quelque chose arrivait à maman ou papa, je ferai la même chose.
Il me semblait que je lui avais raconté beaucoup de choses la nuit dernière.
- Ils sont beaux, répondis-je. Tu es un parfait mélange des deux. Je lui ai rendis son téléphone.
Et elle l’était. Ava était très sexy et, avec sa peau couleur café au lait et ses cheveux noirs ondulés, elle pouvait passer pour n’importe quelle race, italienne, égyptienne, mexicaine, ou tout cela à la fois. C’est un mélange qui fonctionnait.
Elle sortit un rouge à lèvres de son sac à main et entra dans la salle de bains, toujours en parlant.
- Ouais, ils sont super. Quoi qu’il en soit, je suis revenue chez moi, mais il n’y a pas beaucoup de travail sur l’île pour les actrices de théâtre formées à l’université de New York, spécialisées dans les comédies musicales de Broadway, et qui n’ont pas d’autres compétences employables.
J’élevai la voix pour qu’elle puisse m’entendre dans la salle de bain.
- Je peux comprendre. J’ai étudié le chant à l’université avant de devenir raisonnable. J’ai passé trois ans à comprendre que je ne gagnerai jamais d’argent dans la musique.
- Tu chantes ? Ma chérie, pourquoi tu ne m’as pas dit ça hier soir ? On aurait pu te faire monter sur scène.
- Pas question, dis-je en riant C’était il y a longtemps.
- Ça ne veut rien dire. En tout cas, je suis contente que tu sois là. C’est bien mieux que de regarder Oprah avec maman. Ava revint dans la chambre et se planta devant moi, debout, les mains sur les hanches, m’étudiant.
- Le fait est que je te trouve très bien.
Je l’aimais bien, même si elle était mon opposé polaire. Et j’aimais l’écouter, je commençais même à mieux la comprendre : « chuis » était « je suis » et « tés » était « tu es » par exemple. Ce n’était pas si difficile après tout.
Je lui dis :
- Encore une fois, merci de m’avoir aidée.
Ava mit son pied à côté du mien et pencha la tête.
- J’ai besoin de chaussures. Tout ce que j’ai, c’est les pompes à talons que je portais hier soir. T’as de grands pieds, alors si on essayait les plus petites chaussures que tu as ?
Son argot me secouait un peu, surtout à cause de l’éducation de ma mère institutrice de maternelle, mais je ne m’offusquais pas des commentaires sur mes pieds. Je faisais 10 cm de plus qu’elle.
- Que penses-tu de celles-ci ? Lui demandais-je en lui lançant des sandales Reef qui étaient une demi-pointure plus petite que ce que j’aurais dû acheter.
Elle y glissa ses pieds et prit la pose.
- Qu’est-ce que tu en penses ?
- Je pense que mes affaires te vont mieux qu’à moi, et on ferait mieux d’y aller ou je vais commencer à te détester.
Elle s’esclaffa et passa son bras sous le mien.
- Ouais, ou je vais te détester parce qu’à côté de toi, mon cul a l’air plus large qu’il ne l’est déjà, dit-elle en tapotant sur son postérieur de son autre main.
- Viens, on s’en va.
Ava retira son bras. J’enfilai mes lunettes de soleil, attrapai mon sac à main sur le bureau et enfonçai mes pieds dans des sandales Betsey Johnson qui semblaient heureusement trop grandes pour ma nouvelle amie. Je verrouillai la porte derrière Ava. Je marchai d’un bon pas sur le trottoir vers la voiture de location que le concierge avait garé ici sur ma demande, ragaillardie par cette magnifique matinée.
- Ralentit un peu, Katie. Tu vas trop vite pour le rythme de l’île, beugla Ava derrière moi.
J’ouvris la portière de la jolie Malibu verte.
- Ralentir, je peux ralentir. Là.
Une fois en route, Ava m’enseigna les subtilités des salutations locales, en m’expliquant combien il était important que je passe pour une habituée de l’île pour le succès de ma quête.
- Ne dis pas salut. Dis bonjour, bonne journée et bonne nuit. Dis-le quand tu entres dans une pièce pleine de gens, à la cantonade. Tu n’as pas besoin d’établir un contact visuel. Fais une longue pause après l’avoir dit, et donne à ton interlocuteur la possibilité de te répondre et de s’enquérir poliment de ta santé et de ta famille. Alors, et seulement alors, tu peux poser tes questions. Si tu ne fais pas ça, tu n’arriveras à rien.
- Oui, madame, répondis-je en inclinant la tête.
- Je suis sérieuse. Si tu vas trop vite, parle trop vite, et ne dis pas les choses correctement, un Antillais fera seulement semblant d’écouter, et tu penseras que les choses vont bien alors que ce ne sera pas le cas.
Je me retenais de rire.
- Je sais que tu es sérieuse, et j’apprécie l’aide.
- Quand même, laisse-moi le plus gros de la conversation.
Je n’étais pas très douée pour laisser quelqu’un d’autre parler pour moi, mais j’allais essayer.
Nous étions en centre-ville à ce moment, et je fis une embardée pour éviter une limousine qui sortait d’une place de parking juste devant moi. En donnant un coup de volant sur ma gauche, je sentis un craquement sous l’un de mes pneus. J’enfonçai le klaxon. C’était déjà assez difficile de conduire en ville sans ça. Je jetais un œil dans le rétroviseur pour lire la plaque d’immatriculation à l’envers. Plaque personnalisée. Pas surprise de ça. On pouvait lire « BondsEnt. »
- C’est mon futur mari, dit Ava, en pointant la limousine.
- Vraiment ?
- Nan, il est juste assez riche pour m’entretenir.
Un pâté de maisons plus loin, j’entendis un bruit sourd. Pneu à plat.
- Merde, dis-je en me garant.
- On est dimanche matin, dit Ava, comme pour m’expliquer quelque chose. Je devais avoir l’air perplexe, car elle ajouta : Du verre brisé par les fêtards en centre-ville.
- Ah, répondis-je. Parce que je suis perspicace.
- Ce n’est pas un problème, dit Ava en sautant de la voiture.
Je la suivis sur le trottoir. Jouant à balancer ses cheveux par-dessus son épaule, elle fut bientôt entourée d’une foule d’antillais prêts à lui prêter main forte.
- Ah, mon petit, c’est à ça que servent ces gros muscles. Elle encourageait le jeune homme, se penchant pour lui donner une bonne vue sur son décolleté.
- Je peux te montrer à quoi ils servent, si tu me laisse faire, répondit-il.
- Ah, tu es trop fort pour quelqu’un comme moi. Tu dois avoir des tas de poulettes qui se battent pour toi jour et nuit.
- Tu es la seule fille pour moi, Ava. Tu n’as qu’un mot à dire.
Une fois le changement de pneu terminé, elle se dégagea de la foule sans effort. On remonta dans la voiture.
- Je suis impressionnée, lui dis-je.
Ava répondit par un sourire.
Nous continuâmes à rouler dans le centre-ville parmi les vieux bâtiments de style danois. Le stuc et des arches dans un arc-en-ciel de couleurs atténuées prédominaient. Presque tous les autres bâtiments étaient dans un état de délabrement. Certains avaient perdu leur toit. À cause d’ouragans, peut-être ? D’autres n’étaient que des décombres en ruine là où les murs auraient dû se trouver. Les habitants du coin traînaient en petits groupes aux coins des rues. Plus souvent que je ne l’aurais cru, nous croisions un sans-abri poussant un caddie rempli de trésors ramassés çà et là. Les touristes en t-shirt se faufilaient parmi les habitants, sacs à provisions dans une main, cônes de glace dans l’autre.
Il ne nous prit pas trop de temps pour traverser la ville. À son extrémité, nous arrivâmes à un bâtiment danois de deux étages de couleur bleu layette. Quartier général de la police. On s’arrêta sur le parking pour sortir de la voiture.
Il était temps de rendre justice à maman et papa.