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REPRÉSENTATION DIPLOMATIQUE DU GRAND-DUCHÉ AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Comme esquissé plus haut, à l’époque, la représentation diplomatique était limitée et souvent liée aux intérêts de l’Arbed. Ce conglomérat et son bras commercial, Columeta, ont conféré une dimension internationale au petit Grand-Duché. En 1940, le Grand-Duché était représenté à Washington par Hugues Le Gallais, à Londres par André Clasen92 et, durant la guerre, à Londres par Georges Schommer93 auprès des gouvernements tchécoslovaque, polonais et belge. Antoine Funck,94 en poste à Paris depuis 1934, demeura à Vichy jusqu’à l’automne 1942. Le cousin germain d’Hugues Le Gallais, Auguste Collart, était à La Haye.95 À Berlin, Albert Wehrer et le secrétaire de légation Jean Sturm représentaient le Luxembourg du point de vue diplomatique jusqu’à l’occupation. Le comte Gaston de Marchant et d’Ansembourg96 était chargé d’affaires du Luxembourg à Bruxelles avec Claus Cito comme consul. Au cours de cette période sombre et incertaine, la perception de la guerre a varié d’une personne à l’autre : Hugues Le Gallais, qui se trouvait aux Etats-Unis, n’a pas vécu le cataclysme de la même façon qu’André Clasen, qui a vécu les bombardements nazis à Londres, qu’Auguste Collart, qui a fait l’expérience de l’occupation à La Haye avant d’être incarcéré au camp de concentration de Hinzert et, par la suite, déporté avec sa famille, ou qu’Antoine Funck, qui a été en résidence forcée à Vichy et qui s’est enfui en Suisse après l’occupation de la zone dite libre par les Nazis.97 Dans la mesure du possible, ces diplomates ont entretenu des contacts avec le gouvernement en exil, fonction exigeante présupposant une certaine humilité, apprise sur le tas par Le Gallais. Au début de la guerre, le ministre des Affaires étrangères, Joseph Bech, affichant un panache inné, à l’instar d’Hugues Le Gallais, de son côté, s’est rendu en Espagne et au Portugal avant de s’établir à Londres où il a été confronté au « Blitz » de la capitale britannique. La plupart du temps, Bech a entretenu des relations amicales avec Pierre Dupong et a veillé à ce que les deux autres ministres, celui en charge du Travail, Pierre Krier,98 et celui de la Justice, Victor Bodson, ne marchent pas sur les plates-bandes. Cela n’était que naturel, tout comme il était inévitable que l’entente initiale entre ministres appartenant à des familles politiques concurrentes fut mise à mal au fur et à mesure que l’exil se prolongeait et que les problèmes se faisaient de plus en plus nombreux et épineux.99 Par moments, des frictions se faisaient jour entre Bech et Le Gallais : […] Bech supportait mal la séparation des ministres dont une moitié se trouvait à Montréal et l’autre à Londres, et il souffrait de l’ambiguïté que cette scission laissait planer sur le siège officiel du gouvernement. Le ministre plénipotentiaire du Luxembourg à Washington manœuvrait habilement pour retenir la Grande-Duchesse dans l’hémisphère occidental. Pour Le Gallais, les Etats-Unis étaient destinés à devenir le facteur déterminant pour l’issue de la guerre et pour l’édification du nouvel ordre international. Le Premier ministre Dupong n’était pas insensible aux arguments de Le Gallais, qui invoquait en outre l’existence d’une colonie luxembourgeoise importante aux Etats-Unis et le rôle que la Grande-Duchesse pouvait jouer pour mobiliser l’opinion publique américaine pour la cause des pays opprimés. Ce fut sur les instances de Bech que le président du gouvernement fut d’accord, en mai 1941, pour déclarer Londres siège officiel du gouvernement, et il s’y rendit à plusieurs reprises pour souligner le sérieux de la décision. L’ambassadeur Heisbourg, ayant écrit quatre tomes sur les années de guerre, conclut dans ses livres sur l’exil que Le Gallais et Bech avaient raison chacun à sa façon. Bech a fait part de son avis à Le Gallais dans une lettre du 10 septembre 1941. Un de ses adversaires politiques, René Blum, qui avait été ministre de la Justice avant la guerre et qui fut nommé, en 1944, ministre du Luxembourg en Union Soviétique, écrivait à Dupong, le 9 septembre 1945, alors que la campagne électorale battait son plein à Luxembourg : « La langue me brûle de proclamer tout haut à la figure des ignorants la vérité que toi et Joseph Bech vous avez, grâce à vos efforts, sauvé l’existence de notre pays quorum testis fui [dont je fus témoin] ! » Dans la mesure où Le Gallais avait son opinion bien tranchée à ce sujet, nous allons y revenir en détail.

Un Corps diplomatique en nombre limité donc, au point que le ministre des Affaires Etrangères Joseph Bech s’était demandé, dans une note de 1937, « si on peut parler de politique extérieure lorsqu’il s’agit d’un petit pays, surtout neutre ? »100 Comme si souvent dans le Corps diplomatique, les points de vue divergeaient, l’intérêt général dominant toutefois, la plupart du temps, les velléités particulières. À Washington, Hugues Le Gallais n’avait, à vrai dire, pas de prédécesseur, du moins personne qui y ait résidé. Il ne pensait donc peut-être pas, comme si souvent quelques-uns de ses collègues, que le prédécesseur soit un incompétent et le successeur un intrigant. Il soutiendra d’ailleurs, comme nous allons le voir, Heisbourg comme son successeur à Washington. Ne bouleversant ni les coutumes ni les convenances, notre représentant de l’industrie reconverti en diplomate était loin des autres acteurs dans la capitale ou de ceux en poste, plaçant les pions et cherchant ses marques dans un pays qu’il ne connaissait pas vraiment, à part peut-être les souvenirs transmis du périple de son grand-père maternel et l’un ou l’autre passage au retour du Japon dans les années 20 et 30.

92 Londres : André Clasen, chancelier du consulat à Londres de 1935 à 1940 ; secrétaire général du ministère des Affaires étrangères depuis le 14 janvier 1941 ; chargé d’affaires auprès du gouvernement britannique le 29 octobre 1941 (pendant 30 ans), fils de Bernard Clasen (1874-1941), représentant d’Arbed-Columeta, directeur de Columeta Export Company Ltd à Londres, consul général honoraire luxembourgeois à Londres en 1940, frère de Léon Clasen, directeur des émissions luxembourgeoises à la BBC.

93 Georges Schommer dit Menni (1897-1961), commissaire à l’Information à New York, nommé le 7 novembre 1940 avant d’être nommé à Londres plus tard au cours de la guerre.

94 Paris : Antoine Funck, devenu ministre plénipotentiaire par arrêté grand-ducal du 18 septembre 1940.

95 La Haye : Auguste Collart (1890-1978), Directeur général de l’Agriculture, du Commerce, de l’Industrie et du Travail de 1918 à 1920 en tant qu’indépendant appuyé par le Parti populaire (Volkspartei) ; chargé d’affaires à La Haye depuis 1933; ambassadeur après 1950.

96 Bruxelles : comte Gaston de Marchant et d’Ansembourg, chargé d’affaires du Luxembourg à Bruxelles en 1940, fils du comte Amaury qui avait été chargé d’affaires jusqu’en 1927.

97 Schroeder, Corinne : L’émergence de la politique étrangère du Grand-Duché de Luxembourg vue à travers le ministère des Affaires étrangères (1945-1973). Thèse inédite.

98 Pierre Krier (1885-1947), ministre du Travail de 1937 jusqu’à son décès.

99 Schroeder, Corinne citant Heisbourg.

100 Trausch, Gilbert: Joseph Bech ; p. 70.

LE LUXEMBOURG AVANT LE 10 MAI 1940

L’invasion des Allemands en 1940 n’a pas vraiment été une surprise pour le Grand-Duché, dont la neutralité avait déjà été bafouée par l’Allemagne impériale en 1914. Le Luxembourg s’y préparait. En témoigne l’intention de certains, maintenue secrète en janvier 1940 par la Grande-Duchesse et le gouvernement, de ne pas rester au pays en cas de nouvelle invasion allemande. Le Gallais a-t-il été au courant des discussions et préparatifs avant son arrivée aux Etats-Unis en mars 1940 ? On peut en douter. Le voyage aux Etats-Unis des princes Félix et Jean huit mois avant le déclenchement des hostilités au Luxembourg et au moment même de l’invasion de la Pologne, le 1er septembre 1939, s’inscrit dans ce contexte d’une potentielle invasion allemande et donc d’un exil de plus ou moins longue durée. Cette visite princière avait déterminé sinon préparé une partie du déroulement de l’exil qui devait en effet mener la famille grand-ducale et le gouvernement de l’autre côté de l’Atlantique pour un exil de plus ou moins quatre ans.

Le prince Félix et le Grand-Duc héritier, accompagnés par le neveu du prince, l’archiduc Félix d’Autriche-Hongrie, s’étaient déplacés aux Etats-Unis et au Canada fin août 1939, notamment pour visiter l’Exposition Universelle à New York. Le 24 août 1939, l’époux et le fils aîné de la Grande-Duchesse se sont tout d’abord rendus au Canada pour un bref séjour à Montréal et à Québec. Du 27 août au 5 septembre 1939, les princes luxembourgeois ont été reçus avec tous les honneurs aux Etats-Unis. Le 28 août 1939, un déjeuner eut lieu à Washington avec le président Franklin Delano Roosevelt. De cette rencontre au sommet avec le président à l’origine du « New Deal » est né un lien qui allait s’avérer des plus utiles au cours des années à venir. Le 30 août, les princes ont ouvert une exposition de peintres (Beckius, Stoffel, Kutter, Lamboray, etc.) et sculpteurs (Trémont et Wercollier notamment) luxembourgeois à la Arthur U. Newton Gallery de New York. Le consul général honoraire du Luxembourg William H. Hamilton101 était également présent, comme il avait été désigné commissaire luxembourgeois pour l’Exposition de New York. Le 1er septembre, les princes ont assisté à un déjeuner au “New York Stock Exchange”. Le 4 septembre 1939 eut lieu la journée luxembourgeoise à l’Exposition Internationale à New York. Le retour princier se fit, plus tôt qu’initialement planifié, le 5 septembre 1939 à bord du « Nieuw Amsterdam » hollandais avec Herbert Claiborne Pell,102 ministre américain à Lisbonne en 1940, et le capitaine John Gade, attaché naval à l’ambassade américaine à Bruxelles. Ces deux personnes allaient s’avérer des contacts importants dans le cadre de l’exil de la famille grand-ducale et du gouvernement luxembourgeois. Ce fut en quelque sorte un excellent hasard que ces Américains fussent à bord du bateau ramenant les princes en Europe huit mois avant l’invasion du Luxembourg et le départ en exil. Hugues Le Gallais n’était pas présent lors de cette visite plaçant des jalons pour l’action future des exilés luxembourgeois. La lettre de remerciement du prince Félix au président américain,103 que Le Gallais aurait pu considérer comme mandat pour ses futures activités en tant que représentant diplomatique, mentionne les termes : « reconnaissance ; admiration ; respect profond ; bonté paternelle », concluant avec la « conviction que le Luxembourg sortira indemne de la tourmente qui le menace », les vues de FDR « couvrant entièrement » celles du prince luxembourgeois. Par la suite, et une fois accrédité aux Etats-Unis, Le Gallais n’allait rien faire ni dire qui soit contraire à ces paroles prémonitoires.

En cette année 1939, devant la menace de guerre qui se profilait, Le Gallais, qui avait perdu son père cinq ans auparavant, avait d’autant moins d’attaches au pays où ne restèrent que sa belle-mère et deux tantes. Rien pour l’attirer au-delà du nécessaire. Il y était retourné en février 1937 pour vivre avec sa petite famille dans une maison à Belair. À l’époque, c’était un nouveau quartier de la ville où une certaine bourgeoisie commençait à s’installer dans des maisons nouvellement construites. La maison trois façades au 29, rue Arthur Herchen était une bâtisse de trois étages et avait été construite selon les plans de l’architecte Schmit-Noesen.

Juste avant la guerre, l’ancien monde prenant doucement mais inexorablement fin, le climat était marqué par un renouveau identitaire des Luxembourgeois, culminant avec les célébrations du Centenaire de l’Indépendance, mais aussi l’inquiétude face à une Allemagne de plus en plus menaçante. Le pays restait marqué par ses origines rurales, quarante pour cent de la population travaillant toujours dans le secteur agricole. Quatre personnes sur dix avaient un emploi dans l’industrie, principalement l’Arbed, pour laquelle œuvrait Hugues Le Gallais en l’occurrence. Durant trois ans, Le Gallais était « Chief of the Rail Export Division ». Son supérieur du nom de Molitor allait rendre la vie difficile à Hugues Le Gallais, comme il détestait apparemment les membres des familles fondatrices de l’Arbed104 qui restaient engagées dans la firme, souvent par pure complaisance. Rien d’excitant donc de 1937 à 1939, à moins de servir de tremplin pour un poste à l’étranger, mission qui allait être rendue possible début 1940 à Washington.

101 William H. Hamilton, consul général honoraire du Luxembourg à New York. Commissaire luxembourgeois pour l’Exposition mondiale de 1939 à laquelle les princes Félix et Jean, accompagnés par Guill Konsbruck, avaient assisté.

102 Herbert Claiborne, Jr. Pell (1884-1961), représentant démocrate de New York 17th District, 1919-1921; battu en 1920 ; ministre américain au Portugal, 1937-1941 ; ministre américain en Hongrie 1941-1942.

103 ANLux ; fonds Heisbourg ; AE-AW ; dossier Dupong 1940-1941 (WD1-WD189) ; lettre non datée du prince Félix écrite sur papier du Waldorf-Astoria de New York.

104 Témoignage Norbert Le Gallais à Venise en mai 2018.

WASHINGTON EN 1940

Jusque dans les années 1930, Washington, D.C. était une ville provinciale, notamment à cause de son insularité et de son éloignement de la grande métropole de New York. La capitale américaine a quelque peu changé à cause de la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle elle était devenue la centrale de la machine de guerre la plus importante au monde.105 La ville est devenue plus cosmopolite. Comme l’a décrit un journaliste : « Washington never did explode. Instead, it began to adjust to a new form of existence: more harried, more crowded, more contentious, faster, lonelier, bigger. And while some of the strains of wartime would subside when the fighting was over, the city would never again live by its old rules. »106 De 1940 à 1943, le nombre d’employés fédéraux augmenta de 134.000 à 281.000. La région comptait désormais environ 1,4 million de citoyens.107 La capitale américaine n’avait guère le passé millénaire de celle du Luxembourg ni l’abondance culturelle de Venise, mais elle était bien ordonnée grâce aux plans de l’ingénieur franco-américain Pierre Charles l’Enfant. Il faisait bon vivre dans une ville propre, surtout si l’on arrivait à s’en échapper au cours des mois chauds et désagréables de l’été. Hugues Le Gallais n’allait pas se laisser prier et prit des congés prolongés au cours de ces mois difficiles à supporter à cause d’une humidité élevée et d’un climat subtropical pouvant durer de fin juin à début septembre. La ville aux fonctions presqu’exclusivement administratives réunissait tout pour plaire à Le Gallais : bâtiments prestigieux et concentration de pouvoir, le tout couplé avec une vie mondaine et sociale intense. La capitale était le siège des institutions fédérales et son économie était dépendante en grande partie des activités liées au gouvernement fédéral. Pour Le Gallais, cette ville était devenue le centre du monde. Notons que le siège du Département d’Etat à « Foggy Bottom » n’a été construit qu’en 1939 pour être complété en 1941.

La représentation diplomatique du Grand-Duché de Luxembourg aux Etats-Unis remonte à septembre 1920, avec un voyage aux Etats-Unis du baron Raymond de Waha.108 Celui qui avait été notamment ministre de l’Agriculture et de l’Industrie portait pour l’occasion, et depuis sa nomination, le 6 septembre de cette année, le titre de chargé d’affaires. De Waha avait pourtant disparu de la liste diplomatique publiée dans un annuaire diplomatique à Washington en 1940.

Lors du déplacement du prince Félix et du Grand-Duc héritier Jean à New York et à Washington en septembre 1939 à l’occasion de l’Exposition universelle, et plus précisément lors de leur rencontre à la Maison-Blanche avec le président Roosevelt, la question de la nomination d’un chargé d’affaires aux Etats-Unis avait été « discutée et arrangée ». De Waha en avait été informé par écrit par le ministre Bech seulement le 19 février 1940. Il avait en conséquence accepté sa propre démission honorable qu’il avait déjà présentée une première fois le 6 novembre 1926 pour prévenir d’être rayé de la liste diplomatique des Etats-Unis. Il n’avait pas été en mesure de résider effectivement à Washington au plus tard au cours des premiers mois de 1926, comme le gouvernement n’avait pas obtenu de la Chambre des députés les crédits nécessaires pour envoyer un chargé d’affaires. Déjà du temps de de Waha, plus exactement en 1928, la question d’une résidence avait été abordée. De Waha avait relaté en février de cette année qu’il avait rendu visite à la veuve du sénateur John B. Henderson du Missouri qui souhaitait aider le Luxembourg à s’implanter à Washington. Or, dix mois plus tard, en décembre, via de Waha, une instruction fut communiquée au consul Cornelius Jacoby à Washington, d’exprimer la gratitude luxembourgeoise tout en informant Madame Henderson que son projet examiné avec empressement avait rendu nécessaire l’adoption d’une loi, alors que nulle part le Grand-Duché ne disposait à l’époque de légation. Le bâtiment aurait coûté quelque 100.000 dollars américains, terrain et ameublement compris.

La demande d’agrément d’Hugues Le Gallais fut introduite en février 1940. Le chargé d’affaires américain à Luxembourg, Platt Waller, avait, tout en rappelant l’épisode de Waha, expliqué que le Luxembourg n’avait que des diplomates de ce rang chargés de remplir les fonctions de chef de mission diplomatique. Le diplomate américain expliqua à ses autorités qu’en lieu et place d’un salaire fixe de 1.000 dollars, Le Gallais et le gouvernement s’étaient mis d’accord que « he is conscientiously to ascertain through actual experience the minimum costs of living with dignity as Chargé d’affaires, and reasonably reciprocating hospitalities and other courtesies, and after a few months reporting his findings, probably during leave of absence here, at which time the Grand Ducal Government will provide him with a fixed salary and allowance, I imagine about $ 6.000,00 per annum, plus $ 2.000,00 or $ 3.000,00 for allowances, will be found sufficient, inasmuch as Monsieur Le Gallais does not think for a moment of saving anything from his salary and allowances. On the other hand, he is not desirous except under circumstances when the fate of his Sovereign and Country might be in greater danger than at present, to spend anything from his private purse, inasmuch as his own fortune has suffered severely from the world crisis and grave errors of judgement on the part of his late father, and he is already making a real sacrifice in separating himself from the Steel Trust. … Monsieur Le Gallais is the only person available who unites gentle birth, educational background, fluent knowledge of English, and experience gained through many years of foreign service in the interest of the Steel Trust, to a personality which can depend upon in every way. For the Department further information, the President and Vice President of the Steel trust might have been willing in a greater emergency to represent Luxembourg in Washington, but such an appointment could have been at best but temporary, and would have lacked some of the advantages attending the present nomination. »109 Dans une fiche également trouvée dans les papiers Heisbourg, il est renseigné sous:

« Personality: very quiet, slow spoken, rather phlegmatic, not impulsive »; « Influence: no political influence but considerable family & financial influence »; « Service in the United States: He has never had an assignment in the U.S. but has visited the U.S. from time to time, en route to Japan, etc. »; « Attitude toward other nations: Very friendly toward England and France, and while lacking fascist sympathies has excellent relations with friends in Italy, due to his wife, who is Italian. » Ce à quoi il y a lieu d’ajouter, et Platt Waller ne le savait peut-être pas, que le père d’Hugues est décrit dans la biographie de la sœur du futur ambassadeur comme ayant eu une antipathie prononcée à l’encontre des Américains. Cela aurait pu lui nuire voire empêcher que l’agrément lui soit accordé.

« Remarks: Mr. Le Gallais is very discreet, but his predilections are emphatically for England, the United States, and France. The Department will find him worthy of every consideration and confidence. His English is perfect, as are his French & German ».

Pour Haag et Krier, « le choix du premier envoyé diplomatique à Washington s’avérait des plus heureux ».110

À noter que, le 29 février, les Le Gallais se sont vu accorder un visa diplomatique par le Département d’Etat. Le formulaire précise que le couple était domicilié au Palais grand-ducal,111 comme il n’entretenait plus de résidence à Luxembourg. Le Gallais s’est embarqué avec sa famille le 20 mars sur le paquebot « Conte di Savoia » à Gênes.112 Le chargé d’affaires luxembourgeois in spe aurait rencontré lors de ce voyage le sous-secrétaire d’Etat Sumner Welles et le directeur des Affaires européennes du Département d’Etat, Jay Pierrepont Moffat. Cette rencontre avec des officiels américains, tout comme celle des princes Félix et Jean en 1939, allait constituer la base des relations qui allaient prendre leur envol au cours des mois et années à venir. Les Le Gallais sont arrivés à Washington fin mars 1940.113 La légation du Luxembourg fut établie au Shoreham Hotel situé à l’intersection de la Connecticut avenue et de la Calvert Street, à deux blocs du Wardman dans lequel la famille Le Gallais allait loger quelque temps plus tard. Construit en 1930, l’hôtel était devenu « the place to be », plusieurs hommes politiques américains y logeant et le président Roosevelt y ayant tenu son premier bal inaugural, coutume devenue tradition depuis lors. Suite à son entrevue avec Le Gallais, Georges Schommer a rapporté, le 7 septembre 1940, dans une longue lettre au ministre Bech que « Notre légation est très confortablement installée au SHOREHAM Hôtel à Washington et on peut dire que notre pays a “pignon sur rue” ».114

La vie familiale s’articulait autour du seul fils de Pisana et d’Hugues, scolarisé à Washington où il est arrivé âgé de moins de six ans. Norbert Le Gallais allait se souvenir également d’un séjour prolongé dans un hôtel à New York et d’une piscine qui rendait la vie nettement plus agréable. Le fils Le Gallais était inscrit d’abord au Convent of the Sacred Heart au 1719 Massachusetts Avenue et y obtint le prix en français et pour son écriture manuscrite (« penmanship »). Puis il fréquenta la Laundon School à Bethesda dans le Maryland, une école privée, avant de partir, de 1952 à 1956, pour la prestigieuse université de Harvard, puis l’Institut d’Etudes Politiques de a lrue Saint-Guillaumee à Paris. Un beau parcours donc, ne causant probablement pas trop de soucis à ses parents, si souvent occupés ailleurs. Finalement, il est devenu « graduate » de quatre ans au Institute of International Studies à Genève à partir de 1956.115

Le 3 avril 1940 fut la date d’entrée en fonction et donc le début de la légation, installée à l’Hôtel Shoreham. Hugues Le Gallais fut reçu ce jour-là par le secrétaire d’Etat Cordell Hull.116 Ce dernier a été secrétaire d’Etat de 1933 au 30 novembre 1944, quittant l’administration pour des raisons de santé peu de temps après la réélection au 4e mandat du président Roosevelt. Le Gallais lui a écrit, le 2 janvier 1945, un message personnel le remerciant pour leur longue relation et son support continu pour la cause luxembourgeoise, en précisant : « in you I always recognize a champion of the principles of decency, fairness and mutual respect which should govern relations between countries. » Le ministre du Luxembourg n’a pas manqué de demander à cette occasion une photo signée par le secrétaire d’Etat. Une autre relation importante au Département d’Etat était le sous-secrétaire d’Etat Sumner Welles.117 Entre novembre 1940 et avril 1943, Le Gallais a laissé pas moins de douze rapports sur ses rencontres avec le numéro deux du Département d’Etat.118 Originaire de New York, éduqué à Harvard, il était entré au Département d’Etat pour devenir ambassadeur à Cuba en 1933, puis secrétaire d’Etat adjoint en charge de l’Amérique latine et numéro deux du Département d’Etat en tant que sous-secrétaire d’Etat. Il démissionna fin septembre 1943 en raison de tensions avec le secrétaire d’Etat Cordell Hull et de révélations sur une présumée affaire homosexuelle. Welles était un proche de la communauté luxembourgeoise, comme devait le confirmer l’aide de camp de la Grande-Duchesse, Guill Konsbruck, qui écrivait, le 2 septembre 1943, à ce sujet à Hugues Le Gallais : « J’ai lu avec émotion la très charmante et touchante lettre que M. Sumner Welles vous a adressée. Il est malheureux qu’il quitte son poste, car nous tous perdons en lui un ami fidèle et sûr de notre pays et de notre cause, et vous perdez un ami personnel dévoué sur lequel vous pouviez compter à tout moment. » Welles a été marié trois fois. Depuis 1925, sa deuxième femme fut Mathilde Townsend, l’une des femmes les plus riches de Washington suite à un divorce. Le couple habita au 2121 Massachusetts Avenue. La très belle demeure du début du siècle, située en face de la maison de maître qui allait abriter la légation luxembourgeoise, fut vendue en septembre 1950 pour devenir le siège du Cosmos Club.119 Comme Le Gallais, Welles était collectionneur d’œuvres d’art japonais.120 Au début de sa carrière diplomatique, il avait été brièvement en poste à Tokyo où son fils était né en 1916. Beaucoup de points en commun donc entre les deux hommes. Sumner Welles était aussi à l’origine du fameux « no comment » rendu célèbre par Winston Churchill en 1946.121 Après une réunion à la Maison-Blanche avec le président Truman et un diplomate américain, le Premier ministre britannique aurait affirmé : « I think “no comment” is a splendid expression. I got it from Sumner Welles. »

Les autres dates clé de la présence de Le Gallais allaient être, jusqu’à son départ à la retraite, le 30 septembre 1958, sa promotion en tant que ministre plénipotentiaire, le 2 octobre 1940, avec la remise des lettres de créance, le 8 novembre 1940. L’accréditation d’Hugues Le Gallais à Washington devait par la suite s’avérer un atout majeur. L’absence de représentant diplomatique à Washington n’aurait pas permis par la suite au gouvernement en exil de se faire représenter et conseiller voire d’ouvrir les portes de manière adéquate.

La légation luxembourgeoise fut installée au 2200 Massachusetts Avenue à partir de mars 1941. Le 10 septembre 1955, elle allait recevoir le statut d’ambassade. Que de rapports envoyés, d’instructions reçues, de causes et d’idées défendues, d’informations glanées et de contacts et liens d’amitié tissés tout au long de ces années par le chef de mission Le Gallais ! Charmants et ayant du goût pour la société, Hugues et Pisana Le Gallais étaient devenus au fil du temps des « socialites » hors pair et réunissaient autour de leur table splendide et dans un endroit de choix très bien situé en plein quartier des ambassades le gratin du monde politique, économique et social des Etats-Unis. Malgré le fait que le ministre plénipotentiaire n’avait pas rang d’ambassadeur pendant 15 ans et n’allait en profiter pleinement que durant les trois dernières années de sa présence à Washington, la légation luxembourgeoise devenait un endroit fréquenté avec bonheur et plaisir par ceux qui comptaient ou croyaient le faire dans la capitale américaine. Surtout après la guerre, les Le Gallais savaient recevoir et mettre à l’aise leurs invités. En leur présence, la conversation volait et le temps passait allègrement sans tomber dans la futilité. Dans un univers décati qui bientôt n’intéressera plus grand monde, ils se frottaient les mains en ouvrant les portes de leur demeure au tout-Washington. Ils allaient tracer leur chemin bien à eux sans jamais craindre ou frôler le ridicule. Pour accentuer son rayonnement, Le Gallais œuvrait continuellement et sans relâche. Il s’entourait de personnel dévoué et de cuisiniers de premier plan, servant les meilleurs vins, et il devenait membre de clubs fermés, comme le « Metropolitan Club » à Washington. La proximité de ce club avec la Maison-Blanche et d’autres adresses clé de la capitale nationale en a fait une destination pour de nombreux dirigeants locaux, nationaux et internationaux, dont presque tous les présidents américains depuis Abraham Lincoln. Le ministre Le Gallais était également membre du Council of American Geographical Society. Cette organisation professionnelle de géographes avait comme vocation d’encourager les activités qui amplifient les connaissances géographiques.

Lors de la remise de ses lettres de créance, Le Gallais s’est limité à affirmer que «he had no special problems in mind to take up with the United States Government, but pointed out that increasing trade between this country and Luxembourg – a steel-producing state whose greatest imports from the United States are motor cars – made it advisable to maintain full diplomatic contacts.»122 Déjà plein de clichés et de stéréotypes circulaient contre lesquels les Luxembourgeois devaient lutter à l’époque pour promouvoir leur pays et le présenter à sa juste dimension. À cette description du Evening Star de début avril devait suivre, quelques jours plus tard, un article décrivant le couple et leur fils unique : « Signorina Pisana Velluti, is a native of Venice and her family is one of the old and distinguished families of that ancient city. Both the Charge [sic] d’Affaires and Mme Le Gallais are young and both are ardent fishermen. The chatelaine of this newest legation has a sparkle in her eye, which gives a hint of her keen sense of humor. Although her English is not fluent she understands it easily and in addition to her mother tongue she speaks French. The young son of the family, Norbert, now five years and a half, will attend a Kindergarten in Washington and learn the ways of his American contemporaries. He has a bright face with expectant and interested expression and is eager to learn about this country, though he speaks no word of English. Mme. Le Gallais, although not a musician, has the love for the art, which is native with Italians, just as she has an appreciation and knowledge of painting and sculpture. She will make many friends here with her gracious and friendly manner. » L’épisode du prédécesseur de Le Gallais était décrit également en long et en large, tout comme le fait que désormais quelque 54 missions diplomatiques étaient présentes à Washington.123 Comme le rapporte le Evening Star du 18 avril dans ses « Notes From the Social Calendar of Washington and Its Environs », le couple était rapidement reçu, comme l’avaient été, la veille, l’ambassadeur belge et la comtesse van der Straten-Ponthoz et leur fille Betty, par l’assistant spécial du secrétaire d’Etat et ci-devant ambassadeur en Belgique et Madame Joseph E. Davies 124: « Mr. and Mrs. Davies will be hosts again at dinner tomorrow, when they will entertain in honor of the newly appointed Charge [sic] d’Affaires of Luxembourg and Mme. Le Gallais. »125 Dès avril 1940,126 Le Gallais a remis des livres à la « Library Of Women’s Group ». Le Evening Star relate que « An Interesting gift of pamphlets and books was made to the library of the Newspaper Women’s Club of Washington by the Charge [sic] d’Affaires of Luxembourg, Hughes [sic] Le Gallais, at the tea given by the club yesterday at the Raleigh Hotel, when M. and Mme. Le Gallais were guests of honor. M. Le Gallais gave an informal talk about his country which has a population of only 300,000 and has a half dozen newspapers, some printed in French, some in German and one in the native dialect. There are no women in newspaper work in Luxembourg, he said, although women are numbered in other professions, such as law and medicine. Mme. Le Gallais also spoke a few words expressing her enjoyment of American motion pictures. » Belle initiative pour mieux faire connaître son pays outre-Atlantique !

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