Kitabı oku: «La parole empêchée», sayfa 7

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3.1.2. Empêchement physiologique

Les configurations envisagées ici ne relèvent donc point de troubletroubles physiologiques ou psychologiculpabilitéques dus à une pathologiepathologie quelconque. Les empêchements dont il est question dans cette section sont provoqués par une contradictioncontradiction entre les Pressions pour le dire, concevables comme celles poussant vers la profération d’un énoncé et certaines manifestations physiologiques indépendantes de la volonté du locuteur et bloquant la profération. Parfois, les manifestations physiologiques sont bien surprenantes :

‘[…] So tell me’, said Hagrid, jerking his head at Ron, ‘who was he tryin’ ter curse?’

‘Malfoy called Hermione something. It must’ve been really bad, because everyone went mad’.

‘It was bad,’ said Ron hoarsely, emerging over the table top, looking pale and sweaty. ‘Malfoy called her “Mudblood”, Hagrid –’

Ron dived out of sight again as a fresh wave of slugs made their appearance. Hagrid looked outraged. 1

Ce qui vient ici empêcher la profération est un spasme dû à l’irruption d’une vague de limaces dans l’appareil phonatoire du locuteur Ron. Le marquage intrinsèque typographique (le tiret (–) est à lui seul insuffisant pour interpréter le déroulement de l’intervention du locuteur comme empêchée, car la structure syntaxique ne permet pas de conclure forcément à un énoncé interrompu. C’est donc grâce aux informations du discours narratorial didascaliquedidascalique (marquage extrinsèque dans le cotexte externe aval), que l’interprétation « empêchement » peut être fabriquée.

3.1.3. Pressions contradictoires

Il est maintenant temps d’envisager les auto-empêchements dus à des jeux de pressions contradictoires dans l’intérieur du locuteur. L’empêchement, qui est souvent manifesté par une interruption impromptue du flux locutoire, est ainsi dû à l’irruption dans l’intérieur de l’interactant de faits, que l’on pourrait appeler « Pressions contre le dire » puisqu’elles viennent contrecarrer l’effet des « Pressions pour le dire ». Il y a a priori donc nécessairement, pour que l’interprétation soit productive, à la perception du message, deux marquages nécessaires dans la présentation du discours, celui de l’interruption du flux locutoire et celui relatif aux causes de ce qui sera interprété comme un empêchement. Plusieurs possibilités apparaissent de façon assez fréquente :

a. La pression des émotionémotions

Ce sont parfois des émotionémotions non particulièrement spécifiées qui viennent à l’encontre de la profération. Ce sont alors les marquages intrinsèques qui sont les vecteurs essentiels permettant de construire la représentation d’une parole empêchée par la virulence des émotions ressenties au moment de la prise de parole. Les procédés auxquels l’auteur a recours sont à la fois d’ordre typographique (recours fréquent aux points d’exclamation, de suspension), syntaxique (recours aux interjections, énoncés non terminés, structure syntaxique non saturée) et discursif, dans la mesure où les discours présentés sont marqués par une certaine incohérenceincohérence. Il n’est pas surprenant de trouver dans ce registre, par exemple, deux textes de théâtrethéâtre de DiderotDiderot (Denis) et de VignyVigny (Alfred de) :

GERMEUIL. – Votre père est un homme juste ; et je n’en crains rien

CÉCILE. – Il vous aimait, il vous estimait.

GERMEUIL. – S’il eut ces sentiments, je le recouvrerai.

CÉCILE. – Vous auriez fait le bonheur de sa fille… Cécile eût relevé la famillefamille de son ami.

GERMEUIL. – Ciel ! il est possible ?

CÉCILE, à elle-même. – Je n’osais lui ouvrir mon cœur… Désolé qu’il était de la passion de mon frère, je craignais d’ajouter à sa peine… Pouvais-je penser que, malgré l’opposition, la haine du Commandeur… Ah ! Germeuil ! c’est à vous qu’il me destinait.

GERMEUIL. – Et vous m’aimiez !… Ah !… mais j’ai fait ce que je devais… Quelles qu’en soient les suites, je ne me repentirai point du parti que j’ai pris… Mademoiselle, il faut que vous sachiez tout.

CÉCILE. – Que m’est-il encore arrivé ?

GERMEUIL. – Cette femme…

CÉCILE. – Qui ?

GERMEUIL. – Cette bonne de Sophie…

CÉCILE. – Eh bien ?

GERMEUIL. – Est assise à la porte de la maison ; les gens sont assemblés autour d’elle ; elle demande à entrer, a parler.

CÉCILE, se levant avec précipitation, et courant pour sortir. – Ah Dieu !… je cours…1

Le second exemple est monologal, même si, dans le dialogue qu’il entretient avec lui-même, une structure quasi dialogique peut être repérée, témoignant ainsi des deux réseaux de pressions contradictoirescontradiction à l’origine des empêchements se manifestant dans les successions d’énoncés inaboutis et ruptures discursives.

Eh ! que me fait cet Harold, je vous prie ? – Je ne puis comprendre comment j’ai écrit cela. (Il déchire le manuscrit en parlant. – Un peu de délirefolie le prend.) – J’ai fait le catholique ; j’ai menti. Si j’étais catholique, je me ferais moine et trappiste. Un trappiste n’a pour lit qu’un cercueil, mais au moins il y dort. – Tous les hommes ont un lit et dorment ; moi, j’en ai un où je travaille pour de l’argent. (Il porte la main à sa tête.) Où vais-je ? où vais-je ? Le mot entraîne l’idée malgré elle… O Ciel ! La folie ne marche-t-elle pas ainsi ? Voilà qui peut épouvanter le plus brave… Allons ! calme-toi. – Je relisais ceci… Oui… Ce poème-là n’est pas assez beau !… Écrit trop vite ! – Écrit pour vivre ! – O supplice ! La bataille d’Hastings !… Les vieux Saxons !… Les jeunes Normands !… Me suis-je intéressé à cela ? non.2

Ici encore on remarque le recours massif aux marquages intrinsèques combinant les signes de ponctuation répétésrépétés et ajoutés les uns aux autres ( !… – ? ne relevant pas de la double articulation) et la configuration même des énoncés, et des discours, avec notamment les ruptures d’enchaînement thématique et répétitions. Les indications didascaliquesdidascaliques viennent renforcer dans la présentation extrinsèque (éléments du cotexte externe concomitant) du discours (du locuteur) les indications permettant la construction de la représentation d’une parole empêchée par un déferlement de Pressions contradictoirescontradiction dues à des émotionémotions. Il convient de noter que ces émotions n’ont pas de qualification explicite, c’est au lecteur de fabriquer une interprétation en fonction des éléments dont il dispose, stockés qu’ils sont dans sa mémoiremémoire au fur et à mesure de sa lecture du texte. Cependant il n’est pas rare de trouver dans les éléments présentant les discours des locuteurs diégétiques des informations explicites permettant de pallier ce manquemanque.

b. La chagrin, l’affliction, le deuildeuil

Richtig, Charlie, nicht alles sagen. Es hat keinen Zweck, alles zu sagen. Ich hab das mein Leben lang nicht gemacht. Nicht mal dir hab ich alles gesagt, Charlie. Man kann auch nicht alles sagen? Wer alles sagt, ist vielleicht kein Mensch mehr.

„Sie müssen mir nicht antworten.“

„Gemocht hab ich ihn natürlich. Er konnte sehr komisch sein. Rührend. Er war immerzu in Bewegung… ich…“

Heul nicht, Charlie. Tu mir den Gefallen und heul nicht. Mit mir war nicht die Bohne was los. Ich war bloß irgend so ein Idiot, ein Spinner, ein Angeber und all das. Nichts zum Heulen. Im Ernst. 3

Dans cet extrait du roman de U. PlenzdorfPlenzdorf (Ulrich), la présentation des discours sur la page du texte fait clairement ressortir deux instances énonciatives distinctes : la narration auto-homodiégétique monologale du héros Edgar Wibeau, mortmort, et, en retrait et séparé par des alinéas plus importants, le dialogue entre le père d’Edgar et une amie, Charlie, du héros, Edgar Wibeau, mort. Charlie commence donc la réponse à la question que le père d’Edgar lui a posée, mais, étouffée par quelque chose, elle ne peut finir son discours, sa parole est empêchée. On retrouve dans la présentation du discours de Charlie les faits permettant une telle interprétation : points de suspension et énoncé seulement ébauché : « ich… ». L’explication de cette auto-interruption discursive est donnée explicitement par Edgar qui s’adresse directement à Charlie en lui disant « Heul nicht, Charlie. Tu mir den Gefallen und heul nicht ». Cette injonction/prière qu’il lui adresse de ne pas « chialer » est un fait permettant au lecteur de reconstituer le scénario d’une parole empêchée par l’irruption de pleurs dus au chagrin lié à la perte. C’est donc le discours figural d’Edgar, constituant le cotexte externe aval du discours de Charlie, qui permet de parvenir à une interprétation satisfaisante complète.

c. La peurpeur, l’appréhension

‘… And now, at Hogwarts, terribleterreur things are to happen, are perhaps happening already, and Dobby cannot let Harry Potter stay here now that history is to repeat itself, now that the Chamber of Secrets is open once more –’

Dobby froze, horror struck, then grabbed Harry’s water jug from his bedside table and cracked it over his own head, toppling out of sight. 4

Comme la structure du dernier énoncé proféré par Dobby est complète, c’est le marquage de la ponctuation, avec le tiret, qui permet, au temps T, d’interpréter la situation comme une interruption non prévue du flux du dire, l’empêchant d’être mené à son terme. Le discours narratorial, présentant en aval les dires de Dobby confirme cette hypothèse en T+1.

L’exemple suivant présente une configuration comparable, mais le discours narratorial, toujours décisif pour l’interprétation, est encore davantage explicite, complétant l’interprétation entamée à la lecture du discours de la locutrice, Albertine, compte tenu de la façon dont il est présenté intrinsèquement :

« Grand merci ! dépenser un sou pour ces vieux-là, j’aime bien mieux que vous me laissiez une fois libre pour que j’aille me faire casser… » Aussitôt dit, sa figure s’empourpra, elle eut l’air navré, elle mit sa main devant sa bouche comme si elle avait pu faire rentrer les mots qu’elle venait de dire et que je n’avais pas du tout compris. « Qu’est-ce que vous dites, Albertine ? » […] Elle me donna mille versions, mais qui ne cadraient nullement, je ne dis même pas avec ses paroles, qui, interrompues, me restaient vagues, mais avec cette interruption même, et la rougeur subite qui l’avait accompagnée.5

Dans ces exemples, c’est la peurpeur ou la hontehonte suscitée par l’énonciation du dit qui fonctionne comme Pression pour ne plus dire. Mais une autre configuration est également possible.

Je pensais tout le temps à Albertine, et jamais Françoise en entrant dans ma chambre ne me disait assez vite : « Il n’y a pas de lettres » pour abréger l’angoisse. […] Quand il put y avoir un télégramme de Saint-Loup, je n’osai demander : « Est-ce qu’il y a un télégramme ? »6

Ici, c’est la peurpeur de la réponse qui pourrait être apportée à ses dires qui bloque la profération des paroles de Marcel. Évidemment, comme il n’y a pas profération, il ne peut y avoir aucune présentation intrinsèque de ce qui n’est pas advenu, et c’est donc le discours narratorial seul qui permet de présenter une énonciation fictive, n’ayant jamais eu lieu, car totalement empêchée par le jeu des pressions contradictoirescontradiction.

d. Le trop à dire

La parole peut fort bien être empêchée par une trop grande envie de dire ; pour contradictoire que cela puisse sembler, de trop fortes pressions pour le dire peuvent bloquer le passage à la verbalisationverbalisation du projet préverbal :

Ich halte meine Strafarbeit – bei gleichzeitiger Einschließung und vorläufigem Besuchsverbot – für unverdient ; denn man läßt mich nicht dafür büßen, daß meiner Erinnerung oder meiner Phantasie nichts gelang, vielmehr hat man mir diese Abgeschiedenheit verordnet, weil ich, gehorsam nach den Freuden der Pflicht suchend, plötzlich zuviel zu erzählen hatte, oder doch so viel, daß mir kein Anfang gelang, so sehr ich mich auch anstrengte. 7

C’est ainsi qu’au début du roman de S. LenzLenz (Siegfried), le narrateur explique la punition qu’il a dû subir à cause de ce qui a été interprété par un refus de rendre son devoir sur « les joies éprouvées lors de l’accomplissement de son devoir » ; or, justement, il se plaint de l’injustice ainsi commise, car s’il n’a pas rendu son devoir, ce n’est pas par mauvaise volonté, c’est parce qu’il avait trop à dire, ou tant à dire qu’il ne savait pas par où commencer. Mais ici encore, c’est le discours figural, mais constituant la narration cadre, qui apporte les éléments permettant les interprétations relatives à un auto-empêchement.

3.2. Hétéro-empêchements

Dans ce cadre sont analysés deux sortes de manifestation de l’empêchement du dire. Leur spécificité réside dans le fait que les événements à l’origine du blocage de la profération du discours du locuteur sont situés à l’extérieur dudit locuteur. Dans les cas d’auto-empêchements, envisagés précédemment, les causes engendrant un blocage étaient internes au locuteur. Ici, ce n’est plus le cas, même s’il convient de faire la différence entre les hétéro-empêchements auto-déclenchés et ceux hétéro-imposés.

3.2.1. Auto-déclenchés

Les facteurs communs à tous ces cas se trouvent dans la structure complexe où, face aux pressions pour le dire dans l’intérieur de l’interactant, un événement externe se produit, qui, intégré par le locuteur, déclenche chez ce même locuteur des Pressions contre le dire qui viennent contrecarrer la profération visée ou entamée. Quels sont ces événements extérieurs ?

3.2.1.1. Événements matériels fortuits

Rollo

Figure-toi que cet après-midi… en me donnant les cinq cent mille francs…

Il va entrer dans la chambre quand il est stoppé par une nouvelle sonnerie du téléphone.1

C’est clairement quand le lecteur prend connaissance de la didascaliedidascalie présentant en aval le discours de Rollo, dont l’incomplétudeincomplétude est marquée par la structure syntaxique en soi et par les points de suspension, que la représentation d’un empêchement de poursuivre la profération par un événement impromptu externe (la sonnerie de téléphone) peut être construite.

Si cette configuration discursive est assez courante, la créativité au service de la narration permet des présentations d’empêchement autrement élaborées. Ainsi dans cet exemple tiré d’un texte de fiction narrative, on assiste à une manière de télescopage diégétique, où la règle de l’imperméabilité absolue entre les niveaux de diégèse est enfreinte.

DER LEITENDE BEAMTE steht eine Weile da und sieht und hört durch das rührende Chaos um sich herum hindurch. Was er sieht, verwandelt sich in eine Horde aufgeregt scharrender und pickender und flatternder Hühner. Was er hört, klingt jetzt wie das »Tock-tock-toack«, das sie immer machen und das ihn immer geekelt hat und das nur aufhört, wenn sie schlafen oder kurz bevor sie – Schsch!

Eine heruntersegelnde halbausgefüllte Personenliste streift seine Wange. Die Stelle brennt wie nach einer Ohrfeige. 2

Le premier paragraphe débute en effet sur un discours narratorial décrivant la situation du « fonctionnaire dirigeant », et ses perceptions ; il lui vient, en voyant et entendant le bruit et la fureur autour de lui, l’imageimage d’un poulailler avec le vacarme des poules grattant le sol. Le narrateur glisse peu à peu vers les réactions de dégoût du personnage inspirées par ces représentations qu’il se fait des poules, pensant que ces bruits et activités qui le révulsent ne cessent que lorsqu’elles dorment où juste avant qu’elles ne… C’est à ce moment que le fil du discours du narrateur est interrompu par la présentation d’une onomatopée, « Schsch ! », permettant au lecteur de se construire une représentation sonore d’un bruit de sifflement, frémissement, frottement, chuintement qui n’est pas encore vraiment clair : de quoi d’agit-il ? Une seule chose est sûre : l’énoncé en cours est interrompu (structure syntaxique non complétée) et le marquage intrinsèque (le tiret) induisent un empêchement par quelque objet produisant ce sifflement. Mais ce bruit est diégétique ! Il représente donc une irruption sur le plan métadiégétique (celui de la fiction du narrateur3) d’un élément diégétique venant précisément interrompre la description que le narrateur est en train de faire de la scène diégétique. C’est comme si un personnage décrit par le discours métadiégétique du narrateur en train d’être produit pour décrire ce personnage était soudainement interrompu par ce même personnage ! C’est donc une véritable entorse au pacte narratif qui se produit sous nos yeux. Pour que le lecteur puisse cependant se construire une représentation consistante de l’univers diégétique, cela ne s’arrête pas là, car sinon, si le discours narratorial était véritablement tari, le lecteur resterait suspendu dans un vide narratif bien inconfortable. Il faut donc que le discours narratif reprenne pour apporter les informations descriptives nécessaires à la complétude de la représentation : le chuintement est produit par la descente virevoltante d’une feuille de papier qui vient dans la diégèse caresser, effleurer la joue du personnage, produisant une caresse brûlante comme une gifle, ce qui, intériorisé par le personnage a bloqué la poursuite de ses réflexions sur les poules. L’on se rend à présent compte de la double nature, pour ainsi dire, du discours narratorial empêché, qui bascule en même temps, au détour d’une simple conjonction de coordination, dans une sorte de discours indirect libre, figurant le flux méandreux des pensées du personnage « das nur aufhört, wenn sie schlafen oder kurz bevor sie – ». La richesse du jeu narratif et diégétique, à la source d’un plaisir intense de lecture réjouissante et (ré)créative, est, comme on le voit alimentée par le recours à des dispositifs de marquage divers dans la présentation du discours, qu’il soit figural ou narratorial.

3.2.1.2. Événements relatifs au déroulement de l’interaction (cadre participatif)

Les événements déclenchant chez le locuteur des Pressions contre le dire peuvent, comme cela vient d’être vu, être contextuels, mais bien souvent ils sont plutôt cotextuels, c’est-à-dire relatifs au déroulement de l’interaction, et plus spécifiquement, au cadre participatif1.

a. Élargissement impromptu du cadre participatif

« C’est vous. » me dit Andrée dont la voix était projetée jusqu’à moi avec une vitesse instantanée par la déesse qui a le privilège de rendre les sons plus rapides que l’éclair. « Écoutez, répondis-je, allez où vous voudrez, n’importe où, excepté chez Mme Verdurin. Il faut à tout prix éloigner demain Albertine. – C’est que justement elle doit y aller demain. – Ah ! »

Mais j’étais obligé d’interrompre un instant et de faire des gestegestes menaçants, car si Françoise continuait – comme si c’eût été quelque chose d’aussi désagréable que la vaccine ou d’aussi périlleux que l’aéroplane – à ne pas vouloir apprendre à téléphoner, ce qui nous eût déchargé des communications qu’elle pouvait connaître sans inconvénient, en revanche elle entrait immédiatement chez moi dès que j’étais en train d’en faire d’assez secrètes pour que je tinsse particulièrement à les lui cacher.2

La parole de Marcel est ici empêchée par une irruption dans le cadre de l’interaction téléphonique qu’il est en train de mener avec Andrée d’un nouveau participant, Françoise, prenant ipso facto le statut de membre du pôle de réception, mais que ne désire pas voir ratifier le locuteur, ce qui le pousse immédiatement à interrompre son discours. Il faut noter que l’interjection de Marcel, ne suffirait pas à construire une telle représentation. Pour la compréhension satisfaisante (c’est-à-dire suffisamment pertinente) de la séquence, il faut bien entendu inclure le tiret et les informations narratoriales subséquentes.

Dans le discours théâtralthéâtral, on trouve également, bien entendu, ce genre de dispositif :

Horace, Arnolphe

Arnolphe. Ce n’est point par le bien qu’il faut être ébloui;

Et pourvu que l’honneurhonneur soit… Que vois-je ? Est-ce ?… Oui.

Je me trompe. Nenni. Si fait. Non, c’est lui-même.

Hor…

Horace. Seigneur Ar…

Arnolphe. Horace !

Horace. Arnolphe.

Arnolphe. Ah ! joie extrême !

Et depuis quand ici ?3

On voit bien la façon dont l’irruption de Horace dans la scène, une fois perçue par le locuteur, déclenche chez celui-ci des Pressions contre le dire, interrompant et empêchant le flux ébauché de son discours, comme le permettent de le comprendre les marqueurs intrinsèques qui nous sont maintenant familiers, la structure syntaxique et la ponctuation. Il est à noter que ces marqueurs étant suffisamment puissants ici, point n’est besoin de recourir à un marquage extrinsèque, qui pourrait être l’insertion d’une didascaliedidascalie.

b. Réactions (rétroaction) du pôle de réception

Le déroulement de l’interaction est largement dépendant des effets de la rétroaction (feed back). Un des effets, est que la réaction d’un interactant du pôle de réception peut déclencher à son tour des Pressions contre le dire chez le locuteur.

Madame Pernelle. Voilà les contes bleus qu’il vous faut pour vous plaire.

Ma bru, […]

Et comme l’autre jour un docteur dit fort bien,

C’est véritablement la tour de Babylone,

Car chacun y babille, et tout du long de l’aune ;

Et pour conter l’histoire où ce point l’engagea…

Voilà-t-il pas Monsieur qui ricane déjà !

Allez chercher vos fousfous qui vous donnent à rirerire,

Et sans… Adieu, ma bru : je ne veux plus rien dire.

Sachez que pour céans j’en rabats de moitié,

Et qu’il fera beau temps quand j’y mettra le pied.

(Donnant un soufflet à Flipote.)

Allons, vous, vous rêvez, et bayez aux corneilles.

Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles.

Marchons, gaupe, marchons.4

L’ampleur du phénomène est ici bien saisie par cet extrait du monologue de Madame Pernelle, qui confrontée aux réactions de « Monsieur », que le lecteur peut s’imaginer dans la mesure où la locutrice vient apporter les précisions suffisantes par le truchement de ce qu’il est convenu d’appeler une didascaliedidascalie interne5, est poussée dans un premier temps à interrompre son histoire, comme le permettent de le comprendre les marqueurs habituels. Mais le procédé se répète une seconde fois, empêchant définitivement la locutrice de terminer son discours, la contraignant à se retirer, comme elle le précise elle-même d’ailleurs explicitement : « je ne veux plus rien dire ».

Les manifestations des acteurs du pôle de réception sont tellement puissantes qu’elles peuvent être tenues pour des injonctions, comme le montrent les deux exemples suivants.

Hugo

Et qu’est-ce que tu dois faire ?

Ivan

Attendre qu’il soit dix heures.

Hugo

Et après ?

Geste d’Ivan pour indiquer que Hugo ne doit pas l’interroger.

Rumeur qui vient de la pièce voisine. On dirait une dispute.

Ivan

Qu’est-ce qu’ils fabriquent les gars, là-dedans ?

GesteGeste qui imite celui de Ivan, plus haut, pour indiquer qu’on ne doit pas l’interroger

Hugo

Tu vois, ce qu’il y a d’embêtant, c’est que la conversation ne peut pas aller bien loin.6

On le voit, la dynamique de l’empêchement débouche sur une impossibilitéimpossibilité d’interaction.

Moron. Madame…

La Princesse. Retirez-vous d’ici, vous dis-je, ou je vous en ferai retirer d’une autre manière.

Moron. Ma foi, son cœur en a sa provision, et…

(Il rencontre un regard de la Princesse, qui l’oblige à se retirer.)7

On voit ici l’importance des dispositifs de présentation extrinsèque sous la forme des didascalies dans les textes de théâtrethéâtre. Ceux-ci permettent de construire une représentation de l’empêchement de l’interaction, qui pourra donc ensuite, le cas échéant, être à proprement parler mis en scène, ce qui impliquera une mutation de ces moyens de présentation extrinsèque des discours figuraux vers les systèmes sémiologiques adaptés à la scène théâtrale (à l’instar de ce qui est donné à voir dans les interactions verbales en face à face), notamment ceux de la communication non verbale.

Ces deux séries d’exemples diffèrent cependant sur un point, l’ampleur et la qualité de l’empêchement. En effet, dans certains, on peut constater que les locuteurs, Arnolphe, Mme Pernelle et Hugo ne cessent pas toute parole ; ils continuent à proférer certains énoncés. Il est cependant tout à fait justifié de parler de parole empêchée dans la mesure où, suite au conflitconflit entre les pressions contradictoirescontradiction, il y a blocage du discours entamé résultant d’un premier réseau de Pressions pour le dire, ce discours étant donc empêché, obligeant le locuteur à réorienter son discours. Dans les autres cas, Marcel comme Moron ne peuvent plus rien dire suite aux événements interactionnels survenus impromptu et leur parole est donc tarie. L’empêchement de parole est donc un phénomène gradué et diversifié.

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