Kitabı oku: «Correspondance de Voltaire avec le roi de Prusse», sayfa 8
DU ROI
À Landshut, le 18 avril 1760.
…Je vous félicite encore d'être gentilhomme ordinaire du Bien-Aimé. Ce ne sera pas sa patente qui vous immortalisera; vous ne devez votre apothéose qu'à la Henriade, à l'Œdipe, à Brutus, Semiramis, Mérope, le Duc de Foix, etc., etc. Voilà ce qui fera votre réputation tant qu'il y aura des hommes sur la terre qui cultiveront les lettres, tant qu'il y aura des personnes de goût et des amateurs du talent divin que vous possédez.
Pour moi je pardonne en faveur de votre génie toutes les tracasseries que vous m'avez faites à Berlin, tous les libelles de Leipsick, et toutes les choses que vous avez dites ou fait imprimer contre moi, qui sont fortes, dures et en grand nombre, sans que j'en conserve la moindre rancune.
Il n'en est pas de même de mon pauvre président que vous avez pris en grippe. J'ignore s'il fait des enfants ou s'il crache ses poumons. Cependant on ne peut que lui applaudir s'il travaille à la propagation de l'espèce, lorsque toutes les puissances de l'Europe font des efforts pour la détruire.
Je suis accablé d'affaires et d'arrangements. La campagne va s'ouvrir incessamment. Mon rôle est d'autant plus difficile, qu'il ne m'est pas permis de faire la moindre sottise, et qu'il faut me conduire prudemment et avec sagesse huit grands mois de l'année. Je ferai ce que je pourrai; mais je trouve la tâche bien dure. Adieu. Fédéric.
DU ROI
2 juillet 1759.
…Croyez-vous qu'il y ait du plaisir à mener cette chienne de vie, à voir et à faire égorger des inconnus, à perdre journellement ses connaissances et ses amis, à voir sans cesse sa réputation exposée aux caprices du hasard, à passer toute l'année dans les inquiétudes et les appréhensions, à risquer sans fin sa vie et sa fortune?
Je connais certainement le prix de la tranquillité, les douceurs de la société, les agréments de la vie, et j'aime à être heureux autant que qui que ce soit. Quoique je désire tous ces biens, je ne veux cependant pas les acheter par des bassesses et des infamies. La philosophie nous apprend à faire notre devoir, à servir fidèlement notre patrie au prix de notre sang, de notre repos, a lui sacrifier tout notre être. L'illustre Zadig essuya bien des aventures qui n'étaient pas de son goût, Candide de même: ils prirent cependant leur mal en patience. Quel plus bel exemple à suivre que celui de ces héros?
Croyez-moi, nos habits écourtés valent vos talons rouges, les pelisses hongroises et les justaucorps verts des Roxelans. On est actuellement aux trousses de ces derniers, qui, par leur balourdise, nous donnent beau jeu. Vous verrez que je me tirerai encore d'embarras cette année, et que je me délivrerai des verts et des blancs.
Il faut que le Saint-Esprit ait inspiré à rebours cette créature bénite par Sa Sainteté7. Il paraît avoir bien du plomb dans le derrière. Je sortirai d'autant plus sûrement de tout ceci, que j'ai dans mon camp une vraie héroïne, une pucelle plus brave que Jeanne d'Arc. Cette divine fille est née en pleine Wesphalie, aux environs de Hildesheim. J'ai de plus un fanatique venu de je ne sais où, qui jure son dieu et son grand diable que nous taillerons tout en pièces.
Voici donc comme je raisonne. Le bon roi Charles chassa les Anglais des Gaules à l'aide d'une pucelle; il est donc clair que par la mienne nous vaincrons les trois dames; car vous savez que dans le paradis les saints conservent toujours un peu de tendre pour les pucelles. J'ajoute à ceci que Mahomet avait son pigeon, Sertorius sa biche, votre enthousiaste des Cévennes sa grosse Nicole, et je conclus que ma pucelle et mon inspiré me vaudront au moins tout autant.
Ne mettez point sur le compte de la guerre des malheurs et des calamités qui n'y ont aucun rapport.
L'abominable entreprise de Damiens, le cruel assassinat intenté contre le roi de Portugal, sont de ces attentats qui se commettent en paix comme en guerre; ce sont les suites de la fureur et de l'aveuglement d'un zèle absurde. L'homme restera, malgré les écoles de philosophie, la plus méchante bête de l'univers. La superstition l'intérêt, la vengeance, la trahison, l'ingratitude, produiront, jusqu'à la fin des siècles, des scènes sanglantes et tragiques, parce que les passions, et très rarement la raison nous gouvernent. Il y aura toujours des guerres, des procès, des dévastations, des pestes, des tremblements de terre, des banqueroutes. C'est sur ces matières que roulent toutes les annales de l'univers.
Je crois, puisque cela est ainsi, qu'il faut que cela soit nécessaire; maître Pangloss vous en dira la raison. Pour moi, qui n'ai pas l'honneur d'être docteur, je vous confesse mon ignorance. Il me paraît cependant que si un être bienfaisant avait fait l'univers, il nous aurait rendu plus heureux que nous ne le sommes. Il n'y a que l'égide de Zénon pour les calamités, et les couronnes du jardin d'Epicure pour la fortune.
Pressez votre laitage, faites cuver votre vin et faucher vos prés sans vous inquiéter si l'année sera abondante ou stérile. Le gentilhomme du Bien-Aimé m'a promis, tout vieux lion qu'il est, de donner un coup de patte à l'inf… J'attends son livre. Je vous envoie, en attendant, un Akakia contre Sa Sainteté, qui, je m'en flatte, édifiera votre béatitude.
Je me recommande à la muse du général des capucins, de l'architecte de l'église de Ferney, du prieur des filles du Saint-Sacrement, et de la gloire mondaine du pape Rezzonico, de la pucelle Jeanne, etc.
En vérité, je n'y tiens plus. J'aimerais autant parler du comte de Sabines, du chevalier de Tusculum, et du marquis d'Andés. Les titres ne sont que la décoration des sots; les grands hommes n'ont besoin que de leur nom.
Adieu; santé et prospérité à l'auteur de la Henriade, au plus malin et au plus séduisant des beaux esprits qui ont été et qui seront dans le monde. Vale. Fédéric.
DE M. DE VOLTAIRE
Au château de Tourney, par Genève,22 avril 1760.
Sire, un petit moine de Saint-Just disait à Charles-Quint: «Sacrée Majesté, n'êtes-vous pas lasse d'avoir troublé le monde? faut-il encore désoler un pauvre moine dans sa cellule?» Je suis le moine, mais vous n'avez pas encore renoncé aux grandeurs et aux misères humaines comme Charles-Quint. Quelle cruauté avez-vous de me dire que je calomnie Maupertuis, quand je vous dis que le bruit a couru qu'après sa mort on avait trouvé les œuvres du philosophe de Sans-Souci dans sa cassette? Si en effet on les y avait trouvées, cela ne prouverait-il pas au contraire qu'il les avait gardées fidèlement; qu'il ne les avait communiquées à personne, et qu'un libraire en aurait abusé; ce qui aurait disculpé des personnes qu'on a peut-être injustement accusées. Suis-je d'ailleurs obligé de savoir que Maupertuis vous les avait renvoyées? Quel intérêt ai-je à parler mal de lui? que m'importe sa personne et sa mémoire? en quoi ai-je pu lui faire tort en disant à Votre Majesté qu'il avait gardé fidèlement votre dépôt jusqu'à sa mort? Je ne songe moi-même qu'à mourir, et mon heure approche: mais ne la troublez pas par des reproches injustes, et par des duretés qui sont d'autant plus sensibles que c'est de vous qu'elles viennent.
Vous m'avez fait assez de mal, vous m'avez brouillé pour jamais avec le roi de France; vous m'avez fait perdre mes emplois et mes pensions; vous m'avez maltraité à Francfort, moi et une femme innocente, une femme considérée, qui a été traînée dans la boue et mise en prison, et ensuite, en m'honorant de vos lettres, vous corrompez la douceur de cette consolation par des reproches amers. Est-il possible que ce soit vous qui me traitiez ainsi, quand je ne suis occupé depuis trois ans qu'à tâcher, quoique inutilement, de vous servir sans aucune autre vue que celle de suivre ma façon de penser?
Le plus grand mal qu'aient fait vos œuvres, c'est qu'elles ont fait dire aux ennemis de la philosophie répandus dans toute l'Europe: «Les philosophes ne peuvent vivre en paix, et ne peuvent vivre ensemble. Voici un roi qui ne croit pas en Jésus-Christ; il appelle à sa cour un homme qui n'y croit point, et il le maltraite; il n'y a nulle humanité dans les prétendus philosophes, et Dieu les punit les uns par les autres.»…
DU ROI
À Sans-Souci, le 24 octobre 1765.
…Je vous félicite de la bonne opinion que vous avez de l'humanité. Pour moi, qui par les devoirs de mon état connais beaucoup cette espèce à deux pieds, sans plumes, je vous prédis que ni vous ni tous les philosophes du monde ne corrigeront le genre humain de la superstition à laquelle il tient. La nature a mis cet ingrédient dans la composition de l'espèce: c'est une crainte, c'est une faiblesse, c'est une crédulité, une précipitation de jugement, qui par un penchant ordinaire entraîne les hommes dans le système du merveilleux.
Il est peu d'âmes philosophiques et d'une trempe assez forte pour détruire en elles les profondes racines que les préjugés de l'éducation y ont jetées. Vous en voyez dont le bon sens est détrompé des erreurs populaires, qui se révoltent contre les absurdités, et qui à l'approche de la mort redeviennent superstitueux par crainte, et meurent en capucins; vous en voyez d'autres dont la façon de penser dépend de leur digestion, bonne ou mauvaise.
Il ne suffit pas, à mon sens, de détromper les hommes: il faudrait pouvoir leur inspirer le courage d'esprit, ou la sensibilité et la terreur de la mort triompheront des raisonnements les plus forts et les plus méthodiques.
Vous pensez, parce que les quakers et les sociniens ont établi une religion simple, qu'en la simplifiant encore davantage on pourrait sur ce plan fonder une nouvelle croyance. Mais j'en reviens à ce que j'ai déjà dit, et suis presque convaincu que si ce troupeau se trouvait considérable, il enfanterait en peu de temps quelque superstition nouvelle, à moins qu'on ne choisit, pour le composer, que des âmes exemptes de crainte et de faiblesse. Cela ne se trouve pas communément.
Cependant je crois que la voix de la raison, à force de s'élever contre le fanatisme, pourra rendre la race future plus tolérante que celle de notre temps; et c'est beaucoup gagner.
On vous aura obligation d'avoir corrigé les hommes de la plus cruelle, de la plus barbare folie qui les ait possédés, et dont les suites font horreur.
Le fanatisme et la rage de l'ambition ont ruiné des contrées florissantes dans mon pays. Si vous êtes curieux du total des dévastations qui se sont faites, vous saurez qu'en tout j'ai fait rebâtir huit mille maisons en Silésie; en Poméranie et dans la nouvelle Marche, six mille cinq cents, ce qui fait, selon Newton et d'Alembert, quatorze mille cinq cents habitations.
La plus grande partie a été brûlée par les Russes. Nous n'avons pas fait une guerre aussi abominable; et il n'y a de détruit de notre part que quelques maisons dans les villes que nous avons assiégées, dont le nombre certainement n'approche pas de mille. Le mauvais exemple ne nous a pas séduits; et j'ai de ce côté-là ma conscience exempte de tout reproche.
À présent que tout est tranquille et rétabli, les philosophes, par préférence, trouveront des asiles chez moi, partout où ils voudront, à plus forte raison l'ennemi de Baal, ou de ce culte que dans le pays où vous êtes on appelle la prostituée de Babylone.
Je vous recommande à la sainte garde d'Epicure, d'Aristippe, de Locke, de Gassendi, de Bayle, et de toutes ces âmes épurées de préjugés, que leur génie immortel a rendues des chérubins attachés à l'arche de la vérité. Fédéric.
Si vous voulez nous faire passer quelques livres dont vous parlez, vous ferez plaisir à ceux qui espèrent en celui qui délivrera son peuple du joug des imposteurs.
DU ROI
À Berlin, le 8 janvier 1766.
Non, il n'est point de plus plaisant vieillard que vous. Vous avez conservé toute la gaieté et l'aménité de votre jeunesse. Votre lettre sur les miracles m'a fait pouffer de rire. Je ne m'attendais pas à m'y trouver et je fus surpris de m'y voir placé entre les Autrichiens et les cochons. Votre esprit est encore jeune, et tant qu'il restera tel il n'y a rien à craindre pour le corps. L'abondance de cette liqueur qui circule dans les nerfs et qui anime le cerveau prouve que vous avez encore des ressources pour vivre.
Si vous m'aviez dit, il y a dix ans, ce que vous dites en finissant votre lettre, vous seriez encore ici. Sans doute que les hommes ont leurs faiblesses, sans doute que la perfection n'est point leur partage, je le ressens moi-même, et je suis convaincu de l'injustice qu'il y a d'exiger des autres ce qu'on ne saurait accomplir et à quoi soi-même on ne saurait atteindre. Vous deviez commencer par là, tout était dit, et je vous aurais aimé avec vos défauts, parce que vous avez assez de grands talents pour couvrir quelques faiblesses.
DE M. DE VOLTAIRE
1er février 1766.
Sire, je vous fais très tard mes remerciements, mais c'est que j'ai été sur le point de ne vous en faire jamais aucun. Ce rude hiver m'a presque tué; j'étais tout près d'aller trouver Bayle et de le féliciter d'avoir eu un éditeur qui a encore plus de réputation que lui dans plus d'un genre; il aurait sûrement plaisanté avec moi de ce que Votre Majesté en a usé avec lui comme Jurieu; elle a tronqué l'article David. Je vois bien qu'on a imprimé l'ouvrage sur la seconde édition de Bayle. C'est bien dommage de ne pas rendre à ce David toute la justice qui lui est due; c'était un abominable juif, lui et ses psaumes. Je connais un roi plus puissant que lui et plus généreux, qui, à mon gré, fait de meilleurs vers. Celui-là ne fait point danser les collines comme des béliers, et les béliers comme des collines. Il ne dit point qu'il faut écraser les petits enfants contre la muraille, au nom du Seigneur; il ne parle point éternellement d'aspics et de basilics Ce qui me plaît surtout de lui, c'est que dans toutes ses épîtres il n'y a pas une seule pensée qui ne soit vraie; son imagination ne s'égare point. La justesse est le fonds de son esprit; et en effet, sans justesse il n'y a ni esprit ni talent.
Je prends la liberté de lui envoyer un caillou du Rhin pour un boisseau de diamants. Voilà les seuls marchés que je puisse faire avec lui.
Les dévotes de Versailles n'ont pas été trop contentes du peu de confiance que j'ai en sainte Geneviève; mais le monarque philosophe prendra mon parti…
DU ROI
À Potsdam, le 28 février 1767.
Je félicite l'Europe des productions dont vous l'avez enrichie pendant plus de cinquante années, et je souhaite que vous en ajoutiez encore autant que les Fontenelle, les Fleury et les Nestor en ont vécu. Avec vous finit le siècle de Louis XIV. De cette époque si féconde en grands hommes, vous êtes le dernier qui nous reste. Le dégoût des lettres, la satiété des chefs-d'œuvre que l'esprit humain a produits, un esprit de calcul, voilà le goût du temps présent.
Parmi la foule de gens d'esprit dont la France abonde, je ne trouve pas de ces esprits créateurs, de ces vrais génies qui s'annoncent par de grandes beautés, des traits brillants et des écarts même. On se plaît à analyser tout. Les Français se piquent à présent d'être profonds. Leurs livres semblent faits de froids raisonneurs, et ces grâces qui leur étaient si naturelles, ils les négligent.
Un des meilleurs ouvrages que j'aie lus de longtemps, est ce factum pour les Calas, fait par un avocat8 dont le nom ne me revient pas. Ce factum est plein de traits de véritable éloquence, et je crois l'auteur digne de marcher sur les traces de Bossuet, etc., non comme théologien, mais comme orateur…
…Voici de suite trois jugements bien honteux pour les Parlements de France. Les Calas, les Sirven et La Barre devraient ouvrir les yeux au gouvernement, et le porter à la réforme des procédures criminelles: mais on ne corrige les abus que quand ils sont parvenus à leur comble. Quand ces cours de justice auront fait rouer quelque duc et pair par distraction, les grandes maisons crieront, les courtisans mèneront grand bruit, et les calamités publiques parviendront au trône…
DU ROI
1768.
Bon jour et bon an au patriarche de Ferney, qui ne m'envoie ni la prose ni les vers qu'il m'a promis depuis six mois. Il faut que vous autres patriarches vous ayez des usages et des mœurs en tout différents des profanes. Avec des bâtons marquetés vous tachetez des brebis et trompez des beaux-pères; vos femmes sont tantôt vos sœurs, tantôt vos femmes, selon que les circonstances le demandent: vous promettez vos ouvrages et ne les envoyez point. Je conclus de tout cela qu'il ne fait pas bon se fier à vous autres, tout grands saints que vous êtes. Et qui vous empêche de donner signe de vie? Le cordon qui entourait Genève et Ferney est levé; vous n'êtes plus bloqué par les troupes françaises, et l'on écrit de Paris que vous êtes le protégé de Choiseul. Que de raisons pour écrire! Sera-t-il dit que je recevrai clandestinement vos ouvrages, et que je ne les tirerai plus de source? Je vous avertis que j'ai imaginé le moyen de me faire payer. Je vous bombarderai tant et si longtemps de mes pièces que, pour vous préserver de leur atteinte, vous m'enverrez des vôtres. Ceci mérite quelques réflexions. Vous vous exposez plus que vous ne le pensez. Souvenez-vous combien le Dictionnaire de Trévoux fut fatal au père Berthier; et si mes pièces ont la même vertu, vous bâillerez en les recevant, puis vous sommeillerez, puis vous tomberez en léthargie, puis on appellera le confesseur, et puis… etc., etc., etc. Ah! patriarche! évitez d'aussi grands dangers, tenez-moi parole, envoyez-moi vos ouvrages, et je vous promets que vous ne recevrez plus de moi ni d'ouvrages soporifiques, ni de poisons léthargiques ni de médisances sur les patriarches, leurs sœurs, leurs nièces, leurs brebis et leur inexactitude, et que je serai toujours avec l'admiration due au père des croyants, etc.
DE M. DE VOLTAIRE
Novembre 1769.
Nul ne doit plaire à Dieu que nous et nos amis.
J'ai dit quelque part que La Motte Le Vayer, précepteur du frère de Louis XIV, répondit un jour à un de ces maroufles: «Mon ami, j'ai tant de religion, que je ne suis pas de ta religion.»
Ils ignorent, ces pauvres gens, que le vrai culte, la vraie piété, la vraie sagesse, est d'adorer Dieu comme le père commun de tous les hommes sans distinction, et d'être bienfaisant.
Ils ignorent que la religion ne consiste ni dans les rêveries des bons quakers, ni dans celles des bons anabaptistes ou des piétistes, ni dans l'impanation et l'invination, ni dans un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, à Notre-Dame des Neiges, ou à Notre-Dame des Sept-Douleurs; mais dans la connaissance de l'Être suprême qui remplit toute la nature, et dans la vertu.
Je ne vois pas que ce soit une piété bien éclairée qui ait refusé aux dissidents de Pologne les droits que leur donne leur naissance, et qui ait appelé les janissaires de notre Saint-Père le Turc au secours des bons catholiques romains de la Sarmatie. Ce n'est point probablement le Saint-Esprit qui a dirigé cette affaire, à moins que ce ne soit un saint-esprit du révérend père Malagrida, ou du révérend père Guignard ou du révérend père Jacques Clément.
Je n'entre point dans la politique qui a toujours appuyé la cause de Dieu, depuis le grand Constantin, assassin de toute sa famille, jusqu'au meurtre de Charles Ier, qu'on fit assassiner par le bourreau, l'évangile à la main; la politique n'est pas mon affaire: je me suis toujours borné à faire mes petits efforts pour rendre les hommes moins sots et plus honnêtes. C'est dans cette idée que, sans consulter les intérêts de quelques souverains (intérêts à moi très inconnus), je me borne à souhaiter très passionnément que les barbares Turcs soient chassés incessamment du pays de Xénophon, de Socrate, de Platon, de Sophocle et d'Euripide. Si l'on voulait, cela serait bientôt fait; mais on a entrepris autrefois sept croisades de la superstition, et on n'entreprendra jamais une croisade d'honneur: on en laissera tout le fardeau à Catherine.
Au reste, sire, je suis dans mon lit depuis un an; j'aurais voulu que mon lit fût à Clèves.
J'apprends que Votre Majesté, qui n'est pas faite pour être au lit, se porte mieux que jamais, que vous êtes engraissé, que vous avez des couleurs brillantes. Que le grand Être qui remplit l'univers vous conserve! Soyez à jamais le protecteur de gens qui pensent, et le fléau des ridicules.
Agréez le profond respect de votre ancien serviteur, qui n'a jamais changé d'idées quoi qu'on dise.