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Kitabı oku: «Quentin Durward», sayfa 11

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– Je vous avais dit, messieurs, dit le roi en jetant un regard autour de lui, sans montrer aucun signe de colère ni même d'émotion, que notre cousin le duc possède en Philippe de Crèvecœur un aussi digne serviteur que jamais prince ait eu à sa droite. – Mais vous l'avez déterminé à rester?

– à rester vingt-quatre heures, répondit le cardinal, et à reprendre provisoirement son gage de défi. Il est descendu à l'auberge des Fleurs-de-Lis.

– Veillez à ce qu'il soit servi et traité noblement et à nos frais, dit le roi; un tel serviteur est un joyau pour la couronne d'un prince. – Vingt-quatre heures! ajouta-t-il à voix basse en semblant se parler à lui-même et en ouvrant les yeux comme s'il eut cherché à lire dans l'avenir; vingt-quatre heures! le terme est des plus courts! Cependant vingt-quatre heures bien et habilement employées peuvent valoir l'année entière d'un agent indolent ou incapable. Allons, messieurs, en chasse! à la forêt! Cousin d'Orléans, laissez de côté cette modestie, quoiqu'elle vous aille bien, et ne vous inquiétez pas de l'air réservé de Jeanne. La Loire cessera de recevoir les eaux du Cher avant que vous cessiez de l'aimer, ajouta-t-il tandis que le malheureux prince suivait à pas lents sa fiancée. Et maintenant, messieurs, prenez vos épieux, car Allègre, mon piqueur, a reconnu un sanglier qui mettra à l'épreuve les hommes et les chiens. Dunois, prêtez-moi votre épieu et prenez le mien, car il est trop pesant pour moi; mais vous, quand vous êtes-vous plaint d'un tel défaut dans votre lance? À cheval, messieurs, à cheval! Et toute la cour partit pour la chasse.

CHAPITRE IX.
La Chasse au sanglier

«Je cause avec l'enfance, elle est sans artifice,

«Même avec la folie ouverte et sans malice;

«Mais ne me parlez pas de ces gens soupçonneux,

«Voulant me deviner et lire dans mes yeux.»

Shakspeare. Le roi Richard.

TOUTE l'expérience que le cardinal pouvait avoir du caractère de son maître ne l'empêcha pas de commettre en cette occasion une grande faute politique. Sa vanité le porta à croire qu'il avait mieux réussi, en déterminant le comte de Crèvecœur à rester à Tours, que ne l'aurait fait tout autre négociateur employé par le roi; sachant combien Louis attachait d'importance à éloigner une guerre avec le duc de Bourgogne, il ne put s'empêcher de faire voir qu'il croyait lui avoir rendu un grand et agréable service.

Il se tint plus près de la personne du roi qu'il n'avait coutume de le faire, et tâcha d'entrer en conversation avec lui sur les événemens de la matinée.

C'était manquer de tact sous plus d'un rapport: les monarques n'aiment pas à voir leurs sujets les approcher d'un air qui semble annoncer qu'ils ont bien mérité d'eux et qu'ils veulent en arracher de la reconnaissance ou des récompenses: or, Louis, le monarque le plus jaloux de son autorité qui ait jamais existé, était particulièrement impénétrable et réservé pour quiconque semblait se prévaloir d'un service qu'il lui avait rendu, ou vouloir lire dans ses secrets. Cependant le cardinal, très-content de lui-même, et s'abandonnant à l'humeur du moment, comme cela arrive quelquefois à l'homme le plus prudent, continuait à se tenir à la droite du roi, et ramenait la conversation, toutes les fois qu'il le pouvait, sur Crèvecœur et son ambassade. C'était peut-être l'objet qui, en ce moment, occupait le plus les pensées du roi, et néanmoins c'était précisément celui dont il avait le moins envie de s'entretenir. Enfin Louis, qui l'avait écouté avec attention, quoique sans lui faire aucune réponse qui pût tendre à prolonger la conversation, fit signe à Dunois, qui était à peu de distance, de se placer à la gauche de son cheval.

– Nous sommes venus ici pour prendre de l'exercice et pour nous amuser, lui dit-il; mais le révérend père que voici voudrait nous faire tenir un conseil d'état.

– J'espère que Votre Majesté me dispensera d'y assister, répondit Dunois; je suis né pour combattre pour la France; mon cœur et mon bras sont à son service, mais ma tête n'est pas faite pour les conseils.

– Celle du cardinal n'est faite que pour cela, Dunois, répliqua le roi. Il vient de confesser Crèvecœur à la porte du château, et il nous a rapporté toute sa confession. – Ne m'avez-vous pas dit tout? ajouta-t-il en appuyant sur ce dernier mot, et en lançant sur le cardinal un regard pénétrant, qui s'échappa entre ses longs sourcils noirs, comme la lame d'un poignard brille en sortant du fourreau.

Le cardinal trembla en s'efforçant de répondre à la plaisanterie du roi, et il lui dit que, quoique son ministère lui imposât l'obligation de garder les secrets de ses pénitens en général, il n'existait pas de sigillum confessi qu'un souffle de Sa Majesté ne pût fondre.

– Et comme le cardinal, continua le roi, est disposé à nous communiquer les secrets des autres, il s'attend naturellement que je ne serai pas moins communicatif à son égard; afin d'établir entre nous cette réciprocité, il désire très-raisonnablement savoir si ces deux dames de Croye sont véritablement dans nos domaines. Nous sommes fâchés de ne pouvoir satisfaire sa curiosité, ne sachant pas nous-mêmes précisément dans quel lieu de nos états peuvent se cacher des demoiselles errantes, des princesses déguisées, des comtesses persécutées; car, grâce à Dieu et à Notre-Dame d'Embrun, nos états sont un peu trop étendus pour que nous puissions répondre aisément aux questions très-discrètes de Son éminence. Mais en supposant que ces dames fussent avec nous, Dunois, quelle réponse feriez-vous à la demande définitive de notre cousin de Bourgogne?

– Je vous le déclarerai, Sire, s'il plaît à Votre Majesté de me dire si elle veut la paix ou la guerre, répondit Dunois avec une franchise qui prenait sa source dans un caractère naturellement ouvert et intrépide, et qui, de temps à autre, plaisait beaucoup au roi; car Louis, comme tous les hommes astucieux, désirait autant voir dans le cœur des autres que cacher ce qui se passait dans le sien.

– Par saint Martin de Tours, Dunois, dit Louis, je serais aussi charmé de pouvoir te le dire que tu le serais de l'apprendre; mais je ne le sais pas encore bien moi-même. Au surplus, en supposant que je me décidasse pour la guerre, que ferais-je de cette belle, riche et jeune héritière, si elle se trouvait réellement dans mes états?

– Votre Majesté la donnerait en mariage à un de ses fidèles serviteurs, qui aurait un cœur pour l'aimer et un bras pour la défendre.

– À toi, par exemple, Dunois! Pâques-Dieu! je ne te croyais pas si politique avec toute ta franchise.

– Je ne suis rien moins que politique, Sire. Par Notre-Dame d'Orléans, j'en viens au fait tout d'un coup, et je monte sur mon cheval dès qu'il est sellé. Votre Majesté doit à la maison d'Orléans au moins un heureux mariage.

– Et je le paierai, comte. Pâques-Dieu! je le paierai. Ne voyez-vous pas ce beau couple?

En parlant ainsi, Louis lui montra le malheureux duc d'Orléans et la princesse Jeanne, qui, n'osant ni rester plus éloignées du roi, ni se séparer en sa présence, marchaient sur la même ligne, quoique leurs chevaux fussent à un intervalle de deux ou trois pas l'un de l'autre, distance que la timidité d'une part et l'antipathie de l'autre ne leur permettaient pas de diminuer, tandis que la crainte les empêchait réciproquement d'oser l'augmenter.

Dunois porta les yeux dans la direction que le roi donnait à son bras en lui parlant; et comme la position de son infortuné parent et de sa fiancée présentait à son imagination l'idée de deux chiens accouplés ensemble, mais marchant séparés l'un de l'autre autant que le leur permet la longueur de la laisse qui les accouple, il ne put s'empêcher de secouer la tête, quoique sans oser répondre autrement au tyran hypocrite.

Louis parut deviner ses pensées. – Ce sera un ménage paisible et tranquille, dit-il; je ne crois pas que les enfans leur donnent beaucoup d'embarras; mais ce n'est pas toujours un bonheur d'en avoir.

Ce fut peut-être le souvenir de son ingratitude envers son propre père, qui fit que le roi garda un instant de silence après avoir prononcé ces derniers mots, et qui changea presque en expression de repentir le sourire ironique arrêté sur ses lèvres; mais un moment après il reprit la parole sur un autre ton.

– Franchement, mon cher Dunois, malgré mon respect pour le saint sacrement du mariage, dit-il en faisant un signe de croix, plutôt que de voir le royaume déchiré comme l'Angleterre par la rivalité des prétentions légitimes à la couronne, je préférerais ne devoir à la maison d'Orléans que de braves soldats comme ton père et toi, dans les veines desquels coule le sang royal, mais sans vous en donner les droits. Le lion ne devrait jamais avoir qu'un lionceau.

Dunois soupira et garda le silence; car il savait qu'en contredisant un monarque si arbitraire, il ne pouvait que nuire aux intérêts de son parent, sans lui rendre aucun service. Cependant il ne put s'empêcher d'ajouter l'instant d'après:

– Puisque Votre Majesté a fait allusion à la naissance de mon père, je dois convenir que, mettant à part la fragilité de ses pareils, on doit le regarder comme plus heureux, plus fortuné, d'avoir été le fils de l'amour illégitime, que s'il eût été celui de la haine conjugale.

– Tu es un compagnon bien hardi, Dunois, dit le roi; de parler avec tant d'irrévérence de ce nœud sacré! mais au diable cette conversation: le sanglier est débusqué. Lâchez les chiens, au nom du bienheureux saint Hubert. Ah! ah! tra la la li râla!

Et le cor du roi fit retentir les bois de sons joyeux, tandis qu'il suivait la chasse accompagné de deux ou trois de ses gardes, parmi lesquels était notre ami Quentin Durward; et il est bon de remarquer ici que, même en se livrant avec ardeur à son divertissement favori, le roi, fidèle à son caractère caustique, trouva le moyen de s'amuser encore en tourmentant le cardinal de La Balue.

Nous avons déjà dit qu'une des faiblesses de cet homme d'état était de se regarder, malgré l'obscurité de sa naissance et son éducation bornée, comme propre à jouer le rôle d'un courtisan et d'un galant accompli. Il est très-vrai qu'il n'entrait pas dans la lice comme jadis Becket, qu'il ne levait pas de soldats comme Wolsey; mais la galanterie, à laquelle ces deux grands hommes n'avaient pas été eux-mêmes étrangers, était son étude favorite, et il affectait aussi d'être passionné pour le divertissement martial de la chasse. Cependant, quoiqu'il pût réussir auprès de certaines femmes à qui son pouvoir, sa richesse et son influence comme homme d'état paraissaient une compensation suffisante de ce qui pouvait lui manquer du côté de la tournure et des manières, les chevaux magnifiques qu'il achetait presque à tous prix étaient insensibles à l'honneur qu'ils avaient de porter un cardinal, et ne lui témoignaient pas plus de respect qu'ils n'en auraient eu pour son père le tailleur, dont il était le digne rival dans l'art de l'équitation. Le roi ne l'ignorait pas; et s'amusant tantôt à exciter son cheval, tantôt à le retenir, il finit, à force de répéter cette manœuvre, par mettre celui du cardinal, qui ne quittait pas son côté, dans une sorte de rébellion, contre son cavalier. Tout annonçait qu'ils fausseraient bientôt compagnie. Tandis que le coursier du prélat maladroit hennissait, ruait, se cabrait, le roi, qui se plaisait à le tourmenter, lui faisait diverses questions sur des affaires importantes, et lui donnait à entendre qu'il allait saisir cette occasion pour lui confier quelques-uns de ces secrets d'état que le cardinal, peu d'instans auparavant, semblait si empressé d'apprendre.

Il serait difficile d'imaginer une situation plus désagréable que celle d'un conseiller privé, obligé d'écouter son souverain et de lui répondre, tandis que chaque courbette d'un cheval qu'il ne pouvait plus gouverner le forçait à changer d'attitude, et le mettait dans une situation de plus en plus précaire. Sa longue robe violette flottait dans tous les sens, et la seule chose qui le préservât d'une chute était la profondeur de sa selle. Dunois riait sans se contraindre; le roi avait une manière à lui de jouir intérieurement de ses malices, sans en rire tout haut. Il adressait à son ministre, du ton le plus amical, des reproches sur son ardeur excessive pour la chasse, qui ne lui permettait pas de donner quelques momens aux affaires. – Mais je ne veux pas mettre plus long-temps obstacle à vos plaisirs, ajouta-t-il en s'adressant au cardinal, qui se trouvait alors très-mal à l'aise; et il lâcha la bride à son cheval.

Avant que La Balue eût pu dire un mot pour lui répondre ou pour s'excuser, son cheval, prenant le mors aux dents, partit au grand galop, et laissa bientôt derrière lui le roi et Dunois, qui suivaient d'un pas plus modéré, en jouissant de la détresse du prélat courtisan.

S'il est arrivé à notre lecteur dans son temps, comme cela nous est arrivé dans le nôtre, d'être emporté ainsi par sa monture, il se fera d'abord une idée de tout ce qu'il y avait de pénible, de dangereux et de ridicule dans une telle situation. Ces quatre jambes du quadrupède qui ne sont plus aux ordres de son cavalier, ni quelquefois même à ceux de l'animal lui-même, et qui courent avec la même rapidité que si celles de derrière avaient dessein de rejoindre celles de devant; ces deux jambes du bipède, que nous voudrions alors pouvoir appuyer sûrement sur le vert gazon, et qui ne font qu'augmenter notre détresse en pressant les flancs de notre coursier; les mains qui ont abandonné la bride pour saisir la crinière; le corps, qui, au lieu d'être droit et ferme, sur le centre de gravité, comme le vieil Angelo41, ou penché en avant comme celui d'un jockey à Newmarket42, est couché sur le cou du cheval, sans plus de chances pour éviter une chute que n'en aurait un sac de blé: tout contribue à rendre ce tableau assez risible pour les spectateurs, quoique celui qui le présente à leurs yeux n'ait nullement envie de rire. Mais ajoutez à cela quelque chose de singulier dans les vêtemens ou les manières de l'infortuné cavalier, un uniforme splendide, une robe ecclésiastique, quelque autre costume extraordinaire; que cette scène se passe à une course de chevaux, à une procession, à un lieu quelconque de réunion publique: si la malheureuse victime veut éviter de devenir l'objet d'un éclat de rire inextinguible, il faut qu'elle tâche de se rompre un membre ou deux en tombant, ou, ce qui serait encore plus efficace, de se faire tuer sur la place, car on ne peut acheter à meilleur marché une compassion sérieuse. En cette occasion la robe courte du cardinal, car il avait quitté sa soutane avant de partir du château, ses bas rouges, son chapeau de même couleur garni de ses longs cordons, et son air embarrassé, ajoutaient beaucoup à la gaieté que faisait naître sa gaucherie en équitation.

Le cheval, devenu complètement son maître, galopant, ou pour mieux dire volant dans une longue avenue tapissée de verdure, rencontre la meute qui poursuivait le sanglier: il renverse un ou deux piqueurs, qui ne s'attendaient guère à être chargés à l'arrière-garde; foule aux pieds plusieurs chiens, et jette la confusion dans la chasse; animé par les cris et les menaces des chasseurs, il emporte le cardinal épouvanté jusqu'au-delà du formidable animal, qui courait au grand trot, furieux et ayant les défenses couvertes d'écume.

La Balue, en se voyant si près du sanglier, poussa un cri épouvantable pour demander du secours. Ce cri, ou peut-être la vue du terrible animal, produisit un tel effet sur le coursier emporté, qu'il interrompit sa carrière, et fit si brusquement un saut de côté, que le cardinal tomba lourdement; car depuis long-temps il ne se maintenait en selle que parce que la course rapide du cheval avait toujours imprimé à son corps le même mouvement en avant.

Cette conclusion de la chasse de La Balue eut lieu si près du sanglier, que, si l'animal n'eût été en ce moment trop occupé de ses propres affaires, ce voisinage aurait pu être aussi fatal au prélat que pareil événement le fut, dit-on, à Favila, roi des Visigoths, en Espagne. Il en fut pourtant quitte pour la peur; et se traînant, aussi promptement qu'il le put, hors du chemin des chiens et des chasseurs, il vit passer toute la chasse devant lui sans que personne lui offrît la moindre assistance; car les chasseurs de cette époque n'avaient pas plus de compassion pour de tels accidens que ceux de nos jours.

Le roi, en passant, dit à Dunois: – Voilà Son éminence assez bas. Ce n'est pas un grand chasseur; quoique, comme pêcheur, il puisse le disputer à saint Pierre même quand il s'agit de pêcher un secret. Mais, pour cette fois, je crois qu'il a trouvé son homme.

Le cardinal n'entendit pas ces paroles, mais le regard méprisant dont elles furent accompagnées lui en fit deviner le sens. Le diable, dit-on, choisit pour nous tenter des occasions semblables à celle que lui offrait l'amer dépit inspiré à La Balue par l'air ironique du roi. Sa frayeur momentanée se dissipa, dès qu'il fut assuré qu'il ne s'était pas blessé en tombant; mais sa vanité mortifiée et sa rancune contre Louis exercèrent sur lui une influence qui fut de plus longue durée.

Toute la chasse avait passé, quand un cavalier, qui semblait moins partager cet amusement qu'en être spectateur, s'avança avec une couple d'hommes à sa suite, et témoigna beaucoup de surprise en trouvant le cardinal à pied, seul, sans cheval, et dans un désordre qui annonçait clairement la nature de l'accident qui lui était arrivé. Mettre pied à terre, lui offrir obligeamment son assistance, ordonner à un de ses gens de descendre d'un palefroi doux et tranquille pour le céder au cardinal, exprimer son étonnement que les usages de la cour de France permissent d'abandonner aux périls de la chasse et de délaisser au moment du besoin le plus distingué de ses hommes d'état; tels furent les secours et les consolations qu'une rencontre si étrange mit Crèvecœur à même d'offrir au cardinal démonté; car c'était l'ambassadeur bourguignon lui-même qui était survenu.

Il trouva La Balue dans un moment fort opportun et dans des dispositions favorables pour faire sur sa fidélité quelques-unes de ces tentatives auxquelles on sait que le ministre eut la faiblesse criminelle de ne savoir pas résister. Déjà, dans la matinée, il s'était passé entre eux, comme le caractère méfiant de Louis le lui avait fait soupçonner, certaines choses que le cardinal n'avait pas osé rapporter à son maître; il avait écouté avec une oreille satisfaite l'assurance que lui avait donnée le comte de l'estime infinie que le duc de Bourgogne avait conçue pour sa personne et pour ses talens; il n'avait pu se défendre d'un mouvement de tentation, en entendant Crèvecœur parler de la munificence de son maître et des riches bénéfices qu'il avait à sa disposition en Flandre. Toutefois ce ne fut qu'après avoir été irrité par les événemens que nous venons de rapporter, et avoir vu sa vanité si cruellement mortifiée, qu'il résolut, dans un fatal moment, de prouver que nul ennemi ne peut être aussi dangereux que l'ami et le confident qu'on a offensé.

En cette occasion, il se hâta d'engager Crèvecœur à se séparer de lui, de peur qu'on ne les vît ensemble; mais il lui donna un rendez-vous, pour le soir, à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, après vêpres, et ce fut d'un ton qui convainquit le Bourguignon que son maître venait d'obtenir un avantage qu'il aurait à peine osé espérer.

Cependant Louis, qui, quoique le prince le plus politique de son temps, n'en cédait pas moins fréquemment à ses goûts et à ses passions, suivait avec ardeur la chasse du sanglier, et elle était alors au moment le plus intéressant: il était arrivé qu'un marcassin, ou pour mieux dire un sanglier de deux ans, avait traversé la voie de l'animal poursuivi; les chiens, mis en défaut, avaient suivi cette nouvelle trace, et il n'y avait que deux ou trois paires de vieux chiens, parfaitement exercés, qui fussent restés sur la bonne piste; enfin tous les chasseurs s'étaient laissé dévoyer. Le roi vit avec une secrète satisfaction Dunois prendre le change aussi-bien que les autres, et jouit d'avance du plaisir de triompher d'un chevalier accompli dans l'art de la vénerie, art regardé alors comme presque aussi glorieux que celui de la guerre.

Louis était bien monté, il suivait de très-près les chiens, qui n'avaient pas perdu la voie; et quand le sanglier se retourna, sur un terrain marécageux, pour opposer une dernière résistance à ses ennemis, le roi se trouvait seul près de l'animal furieux.

Louis montra toute la bravoure et toute l'habileté d'un chasseur expérimenté; car, sans s'inquiéter du péril, il courut sur le sanglier qui se défendait contre les chiens en écumant de rage, et le frappa de son épieu. Mais son cheval ne s'était approché qu'avec un mouvement de crainte, et le coup ne put être assez bien appliqué pour tuer l'animal ou le mettre hors de combat. Nul effort ne put déterminer le coursier effrayé à une seconde charge; de sorte que le roi, mettant pied à terre, s'avança seul contre le sanglier, tenant à la main une de ces épées courtes, droites, pointues et bien affilées, dont les chasseurs se servent en pareilles rencontres. L'animal courroucé oublia les chiens pour se précipiter sur ce nouvel ennemi, tandis que le roi, s'arrêtant de pied ferme, dirigea son fer de manière à l'enfoncer dans la gorge du sanglier, ou plutôt dans la poitrine, sous l'omoplate, auquel cas le poids et l'impétuosité de la bête féroce n'auraient servi qu'à accélérer sa destruction. Malheureusement l'humidité du sol fit que le pied du roi glissa à l'instant même où il allait accomplir cette manœuvre délicate et dangereuse; la pointe de son épée rencontrant la cuirasse de soies hérissées qui garnissait l'épaule de l'animal, la dépassa sans lui faire de blessure, et Louis tomba étendu par terre. Cette chute fut pourtant assez heureuse pour le monarque; car elle fit que le sanglier, qui avait dirigé un coup de boutoir contre sa cuisse, manqua son but à son tour et ne fit que déchirer le pan de son habit de chasse. L'impétuosité de sa course l'emporta d'abord, mais il ne tarda point à revenir sur ses pas pour attaquer de nouveau le roi à l'instant où il se relevait; et la vie de Louis se trouvait dans le plus grand danger, lorsque Quentin Durward, que la lenteur de son cheval avait retenu en arrière, mais qui avait reconnu et suivi le son du cor du roi, arriva dans ce moment critique, et perça l'animal d'un coup d'épieu.

Le roi, qui s'était relevé pendant ce temps, vint à son tour au secours de Durward, et acheva le sanglier en lui enfonçant son épée dans la gorge. Avant de dire un seul mot à Quentin, il mesura la longueur de l'animal abattu, non-seulement par le nombre des pas, mais en calculant les pieds et les pouces; il essuya la sueur qui coulait de son front et le sang qui souillait ses mains, ôta son chapeau de chasse, le plaça sur un buisson, et adressa dévotement une prière aux petits saints de plomb qui le couvraient. Regardant ensuite Durward: – Est-ce toi, mon jeune Écossais? lui dit-il: tu as bien commencé ton cours de chasse; et maître Pierre te doit un aussi bon déjeuner que celui qu'il t'a donné là-bas aux Fleurs-de-lis. Eh bien! pourquoi ne parles-tu pas! As-tu perdu toute ta fougue et ton feu, à la cour, qui en donne aux autres?

Le jeune Quentin, Écossais fin et adroit si jamais il en fut, avait trop de prudence pour profiter de la dangereuse familiarité qui semblait lui être accordé. Il répondit brièvement, mais en termes choisis, que, s'il pouvait se permettre d'adresser la parole à Sa Majesté, ce ne serait que pour la supplier de lui pardonner la hardiesse rustique avec laquelle il s'était conduit lorsqu'il ne connaissait pas son rang élevé.

– Bon, bon! dit le roi, je te pardonne ta hardiesse en faveur de ton audace et ta malice. J'ai admiré comme tu as deviné à peu près juste quelle était la profession de mon compère Tristan. Depuis ce temps, il t'a presque servi un plat de son métier, à ce que j'ai appris. Je te conseille de prendre garde à lui: c'est un homme méchant qui trafique en bracelets un peu durs et en colliers bien serrés. Aide-moi à monter à cheval. Tu me plais, et je veux te faire du bien. Ne compte sur personne que sur moi, pas même sur ton oncle, ni sur lord Crawford; et ne parle à qui que ce soit du secours que tu m'as apporté si à propos dans ma rencontre avec ce sanglier; car celui qui se vante d'avoir secouru un roi dans un cas si urgent, doit compter que le plaisir de se vanter sera toute sa récompense.

Alors le roi sonna du cor, et ce son amena bientôt près de lui Dunois et plusieurs autres chasseurs dont il reçut les complimens sur la mort de ce noble animal, sans se faire scrupule de s'approprier une plus grande part de cette gloire qu'il ne lui en appartenait véritablement: car il parla de l'assistance du jeune Durward aussi légèrement qu'un chasseur qui se vante du nombre de pièces de gibier qu'il rapporte dans sa gibecière, parle de celle du garde qui l'a aidé à les abattre. Il ordonna ensuite à Dunois de faire porter le sanglier aux moines de Saint-Martin de Tours, pour qu'ils s'en régalassent les jours de fête, et qu'ils se souvinssent du roi dans leurs prières.

– Et qui a vu Son éminence le cardinal? demanda Louis. Il me semble que c'est manquer de politesse, et montrer peu d'égards pour la sainte église, que de le laisser à pied dans cette forêt.

– Si Votre Majesté me le permet, dit Durward, qui vit que tout le monde gardait le silence, je lui dirai que j'ai vu Son éminence sortir de la forêt, montée sur un cheval qu'on lui avait prêté.

– Le ciel prend soin de ceux qui lui appartiennent, dit le roi. Allons, messieurs, partons; nous ne chasserons pas davantage aujourd'hui. Sir écuyer, ajouta-t-il en s'adressant à Quentin, donnez-moi mon couteau de chasse: je l'ai laissé tomber près du sanglier. Marchez en avant, Dunois; je vous suis dans un instant.

Louis, dont les mouvemens les moins importans en apparence étaient souvent calculés comme des stratagèmes de guerre, se procura ainsi l'occasion de dire un mot à Durward en particulier.

– Mon brave Écossais, lui dit-il, tu as des yeux, à ce que je vois. Peux-tu me dire qui a donné un cheval au cardinal? Quelque étranger, sans doute; car mes courtisans, m'ayant vu passer devant lui sans m'arrêter, ne se seront sûrement pas pressés de lui rendre ce service.

– Je n'ai vu qu'un instant ceux qui ont rendu ce bon office à Son éminence, Sire, répondit Quentin; car j'avais eu le malheur d'être jeté à bas de cheval, et je faisais hâte pour me trouver à mon poste; mais je crois que c'était l'ambassadeur de Bourgogne et ses gens.

– Ah, dit Louis, fort bien: eh bien! soit, le roi de France est en état de faire leur partie.

Il ne se passa plus rien de remarquable ce jour-là, et le roi rentra au château avec sa suite.

41.Auteur d'un traité d'équitation. – (Note de l'éditeur.)
42.Ville où se font les grandes courses de chevaux. – (Note de l'éditeur.)

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Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
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720 s. 1 illüstrasyon
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