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SCÈNE IV
(Londres. – Le jardin du Temple.)
Entrent LES COMTES DE SOMERSET, DE SUFFOLK ET DE WARWICK, RICHARD PLANTAGENET, VERNON et un autre avocat
PLANTAGENET. – Nobles lords, et vous gentilshommes, que signifie ce silence? Personne n'ose-t-il donc rendre hommage à la vérité?
SUFFOLK. – Nous faisions trop de bruit dans la salle du Temple: le jardin nous convient mieux.
PLANTAGENET. – Dites donc, en un mot, si j'ai soutenu la vérité, et si l'obstiné Somerset n'était pas dans l'erreur.
SUFFOLK. – Sur ma foi, je fus toujours un disciple paresseux en matière de lois; jamais je n'ai pu plier ma volonté à la loi: en revanche je plie la loi à ma volonté.
SOMERSET. – Jugez donc entre nous deux, vous, lord Warwick.
WARWICK. – Demandez-moi, entre deux faucons, quel est celui qui vole le plus haut; entre deux dogues, celui qui a la plus large gueule; entre deux lames, quelle est la mieux trempée; entre deux chevaux, quel est celui qui a la plus belle encolure; entre deux jeunes filles, quelle est celle dont l'oeil est le plus riant: j'ai là-dessus quelques légères connaissances, assez peut-être pour porter un jugement; mais quant à ces fines et subtiles équivoques de la loi, sur ma foi, je ne m'y entends nullement, pas plus qu'un choucas.
PLANTAGENET. – Bah! c'est un adroit subterfuge pour éviter de parler. La vérité paraît si nue, si visible de mon côté, que l'oeil le moins perçant peut l'apercevoir.
SOMERSET. – Et elle se manifeste de mon côté si claire et si brillante, que ses rayons se feraient sentir à l'oeil même de l'aveugle.
PLANTAGENET. – Puisque votre langue est enchaînée, et qu'il vous répugne tant de parler, déclarez vos pensées par des signes muets. Que celui qui est né vrai gentilhomme, et tient à l'honneur de sa naissance, s'il pense que j'ai plaidé la cause de la vérité, arrache avec moi une rose blanche de cet églantier.
SOMERSET. – Que celui qui n'est pas un lâche, ni un flatteur, et qui ose se ranger du parti de la vérité, arrache avec moi de cette épine une rose rouge.
WARWICK. – Je n'aime point les couleurs, et dédaignant de colorer mes intentions par une basse et insinuante flatterie, j'arrache cette rose blanche avec Plantagenet.
SUFFOLK. – Et moi cette rose rouge avec le jeune Somerset, et j'ajoute que je pense qu'il a le bon droit pour lui.
VERNON. – Arrêtez, lords et gentilshommes; et ne cueillez plus de roses avant d'avoir décidé que celui des deux qui aura le moins de roses cueillies de son côté cédera à l'autre, et reconnaîtra la justice de son opinion.
SOMERSET. – Sage Vernon, c'est bien dit; si c'est moi qui ai le moins de roses, j'y souscris en silence.
PLANTAGENET. – Et moi aussi.
VERNON. – Eh bien, pour rendre hommage à la bonne cause et à son évidence, je cueille ce bouton pâle et vierge, et donne mon suffrage au parti de la rose blanche.
SOMERSET. – Ne vous piquez pas le doigt en la cueillant, de peur que votre sang ne teigne en rouge la rose blanche, et que vous ne veniez à mon avis, fort contre votre gré.
VERNON. – Si je saigne pour mon opinion, milord, elle se chargera de guérir ma blessure et me maintiendra du côté où je suis présentement.
SOMERSET. – Fort bien, fort bien: allons, qui encore?
L'AVOCAT, à Somerset. – Si mon étude n'est pas vaine, si mes livres ne sont pas faux, le système que vous avez embrassé est une erreur; et, comme preuve, j'arrache aussi une rose blanche.
PLANTAGENET. – Eh bien, Somerset, où est maintenant votre argument?
SOMERSET. – Ici, dans le fourreau, où il se propose de teindre votre rose blanche en rouge de sang.
PLANTAGENET. – En attendant, vos joues contrefont nos roses, car elles pâlissent de crainte, pour attester que la vérité est à nous.
SOMERSET. – Non, Plantagenet, ce n'est pas de crainte, mais de colère de voir tes joues rougir de honte pour contrefaire nos roses; tandis que ta langue refuse de confesser ton erreur.
PLANTAGENET. – Somerset, ta rose n'a-t-elle pas un ver qui la ronge?
SOMERSET. – Plantagenet, ta rose n'a-t-elle pas une épine?
PLANTAGENET. – Oui, une épine aiguë et piquante, propre à défendre la vérité; tandis que ton ver rongeur détruit son mensonge.
SOMERSET. – Eh bien, je trouverai des amis qui porteront mes roses sanglantes et qui soutiendront la vérité de ce que j'ai avancé, tandis que le fourbe Plantagenet n'osera pas se montrer.
PLANTAGENET. – Par ce jeune bouton qui est dans ma main, je te méprise, toi et ton parti, maussade enfant.
SUFFOLK. – Plantagenet, ne dirige pas tes mépris de ce côté.
PLANTAGENET. – Présomptueux Pole, je le veux ainsi, et je te brave ainsi que lui.
SUFFOLK. – C'est dans ton sang que j'en serai vengé.
SOMERSET. – Cesse, cesse, noble Guillaume Pole: nous honorons trop ce paysan, en conversant avec lui.
WARWICK. – Par le ciel, tu lui fais injure, Somerset. Son aïeul était Lionel duc de Clarence, troisième fils d'Édouard III, roi d'Angleterre. Sort-il, d'une souche si antique, des roturiers sans armoiries?
PLANTAGENET. – Il se fie au privilége de ce lieu 12: autrement, son lâche coeur n'aurait pas osé se permettre ce langage.
SOMERSET. – Par celui qui m'a créé, je soutiendrai mes paroles dans tous les coins de la chrétienté. Richard, le comte de Cambridge, ton père, n'a-t-il pas été exécuté sous le règne du feu roi, pour crime de trahison? Et sa trahison ne t'a-t-elle pas entaché, souillé et dégradé de ton ancienne noblesse? Son crime vit encore dans ton sang, et jusqu'à ce que tu sois réhabilité, non, tu n'es qu'un roturier.
PLANTAGENET. – Mon père fut accusé et non convaincu: il fut condamné à mourir pour crime de trahison; mais il ne fut point un traître. Et ce que je dis ici, je le prouverai contre de plus illustres adversaires que Somerset, si le temps dans son cours amène et mûrit à mon gré l'occasion. Ton partisan Pole, et toi, vous serez notés dans ma mémoire, et je vous châtierai un jour pour cet injurieux préjugé: souvenez-vous-en bien, et tenez-vous pour avertis.
SOMERSET. – Soit: tu nous trouveras toujours prêts à te répondre, et reconnais-nous à ces couleurs pour tes ennemis: mes amis les porteront en dépit de toi.
PLANTAGENET. – Et j'en jure par mon âme, nous porterons à jamais, moi et mon parti, cette rose pâle de courroux, en symbole de ma haine qui ne s'éteindra que dans ton sang. Ou cette fleur se flétrira avec moi dans ma tombe, ou elle fleurira avec moi jusqu'au degré d'élévation qui m'appartient.
SUFFOLK. – Poursuis ta route, et trouve ta ruine dans ton ambition; adieu, jusqu'à la première occasion de te rejoindre.
(Il sort.)
SOMERSET. – Je te suis, Pole. – Adieu, ambitieux Richard.
PLANTAGENET. – Comme on me brave! Et je suis forcé de l'endurer!
WARWICK. – Cette tache, qu'ils reprochent à votre maison, sera effacée dans le prochain parlement, convoqué pour régler un accord entre Winchester et Glocester. Et si vous n'êtes pas ce jour-là créé duc d'York, je ne veux plus m'appeler Warwick. En attendant, en témoignage de mon affection pour vous contre l'orgueilleux Somerset et Guillaume Pole, je veux porter cette rose qui me déclare de votre parti. Et je prédis ici que cette querelle des roses blanches et des roses rouges, née dans le jardin du Temple, et qui a déjà formé une faction, précipitera des milliers d'hommes dans les ombres du tombeau.
PLANTAGENET. – Sage Vernon, je vous dois beaucoup, d'avoir cueilli une rose en faveur de mon parti.
VERNON. – Et je la porterai toujours pour sa défense.
L'AVOCAT. – Et moi aussi.
PLANTAGENET. – Je vous rends grâces, brave gentilhomme. – Allons dîner ensemble tous quatre. J'ose dire qu'un jour viendra où cette querelle s'abreuvera de sang.
(Il sort.)
SCÈNE V
Une salle dans l'intérieur de la Tour
Entre MORTIMER, porté sur un siége par DEUX GEOLIERS
MORTIMER. – Gardiens compatissants de mon infirme vieillesse, laissez Mortimer mourant se reposer ici. Je souffre dans tous mes membres endoloris par ma longue prison, comme un malheureux à peine échappé à la torture. Je suis aussi vieux que Nestor et vieilli par un siècle de peines, et ces cheveux blancs, messagers du trépas, annoncent la fin d'Edmond Mortimer. Ces yeux, tels que des lampes dont l'huile est consumée, s'obscurcissent de plus en plus, comme prêts à s'éteindre. Mes épaules fléchissent sous le poids du chagrin, et mes bras languissants tombent comme une vigne flétrie, dont les rameaux desséchés rampent sur la terre. Et cependant ces pieds, dont la plante sans force ne peut plus soutenir cette masse d'argile, semblent prendre des ailes dans le désir de me porter au tombeau, comme s'ils comprenaient qu'il ne me reste plus d'autre refuge. Mais, dis-moi, geôlier, mon neveu viendra-t-il?
PREMIER GEOLIER. – Milord, Richard Plantagenet viendra: nous avons envoyé à son appartement dans le Temple, et sa réponse a été qu'il allait venir.
MORTIMER. – C'est assez! mon âme sera donc satisfaite! – Pauvre jeune homme! son malheur égale le mien. Depuis que Henri Monmouth a commencé de régner (hélas! avant son élévation, je brillais à la guerre), j'ai été confiné dans cette odieuse prison; et, depuis le même temps, Richard est tombé dans l'obscurité, dépouillé de ses honneurs et de son héritage. Mais aujourd'hui que l'équitable mort, cet arbitre souverain qui termine tous les désespoirs, et délivre l'homme des misères de la vie, va de sa main propice me faire quitter ce lieu, je voudrais que les peines de ce jeune homme fussent aussi à leur terme et qu'il pût recouvrer ce qu'il a perdu.
(Entre Plantagenet.)
PREMIER GEOLIER. – Milord, votre cher neveu est arrivé.
MORTIMER. – Richard Plantagenet, mon ami, est-il arrivé?
PLANTAGENET. – Oui, mon noble oncle, votre neveu Richard, si indignement traité, et tout récemment encore si insulté, vient vers vous.
MORTIMER. – Guidez mes bras, que je puisse l'y serrer et rendre dans son sein mon dernier soupir. Oh! dites-moi quand mes lèvres seront près de toucher ses joues, afin que je puisse dans ma faiblesse lui donner encore un baiser. – Et apprends-moi, cher rejeton de l'illustre tige d'York, pourquoi tu as dit que tu avais tout récemment été insulté.
PLANTAGENET. – Commencez par appuyer sur mon bras votre corps épuisé, et ainsi en repos, vous pourrez entendre le récit de mes douleurs. – Ce jour même, dans une conférence sur un cas de la loi, quelques paroles ont été échangées entre Somerset et moi, et dans la chaleur de cette discussion il a donné carrière à sa langue, et m'a reproché la mort de mon père. Ce reproche imprévu m'a fermé la bouche; autrement j'aurais repoussé l'injure par l'injure. Ainsi, cher oncle, au nom de mon père, pour l'honneur d'un vrai Plantagenet, et en considération de notre alliance, déclarez-moi pourquoi le comte de Cambridge, mon père, a été décapité.
MORTIMER. – La même cause, mon beau neveu, qui m'a fait emprisonner et détenir, pendant toute ma florissante jeunesse, dans une odieuse prison, pour y languir solitaire, a été aussi la cause détestée de sa mort.
PLANTAGENET. – J'ignore tout. Expliquez-moi cette cause avec plus de détail, car je ne peux rien deviner.
MORTIMER. – Je vais le faire, si mon souffle haletant me le permet, et si la mort ne survient pas avant la fin de mon récit. – Henri IV, aïeul du roi, déposa son cousin Richard, le fils d'Édouard, le premier-né et l'héritier légitime du roi Édouard, troisième roi de cette race. Pendant son règne, les Percy du Nord, trouvant son usurpation injuste, s'efforcèrent de me porter au trône. La raison qui poussa ces lords belliqueux à cette entreprise était que le jeune roi Richard ainsi écarté, et ne laissant aucun héritier de sa génération, j'étais le premier après lui par ma naissance et ma parenté; car je descends par ma mère de Lionel, duc de Clarence, troisième fils du roi Édouard III; tandis que lui, Monmouth, descend de Jean de Gaunt, qui n'est que le quatrième de cette race héroïque. Mais écoutez: dans cette grande et difficile entreprise, où ils tentaient de placer sur le trône l'héritier légitime, je perdis ma liberté, et eux la vie. Longtemps après ceci, lorsque Henri V, succédant à son père Bolingbroke, vint à régner, ton père, le comte de Cambridge, qui descendait du fameux Edmond Langley, duc d'York, épousa ma soeur, qui fut ta mère. De nouveau touché de ma cruelle infortune, il leva une armée, espérant me délivrer et ceindre mon front du diadème; mais ce généreux comte y périt comme les autres, et fut décapité. Ainsi furent détruits les Mortimer, en qui reposait ce titre.
PLANTAGENET. – Et vous, milord, vous êtes le dernier de leur nom?
MORTIMER. – Oui; et tu vois que je n'ai point de postérité, et que ma voix défaillante annonce ma mort prochaine. Tu es mon héritier: je fais des voeux pour que tu en recueilles les droits; mais sois circonspect dans cette périlleuse affaire.
PLANTAGENET. – Vos graves conseils ont sur moi un juste empire: cependant il me semble que l'exécution de mon père ne fut qu'un acte sanglant de tyrannie.
MORTIMER. – Garde le silence, mon neveu, et conduis-toi avec prudence. La maison de Lancastre est solidement établie, et, telle qu'une montagne, n'est pas facile à ébranler. – Mais en ce moment ton oncle va quitter cette vie, comme les princes quittent leur cour lorsqu'ils sont rassasiés d'un long séjour dans le même lieu.
PLANTAGENET. – O mon oncle, je voudrais qu'une part de mes jeunes années pût éloigner le terme de votre vieillesse.
MORTIMER. – Tu veux donc me faire tort, comme le meurtrier qui donne mille coups de poignard, lorsqu'un seul peut tuer. Ne t'afflige point, ou ne t'afflige que pour mon bien. Donne seulement des ordres pour mes obsèques: adieu; que toutes tes espérances s'accomplissent, et que ta vie soit heureuse dans la paix et dans la guerre!
(Il expire.)
PLANTAGENET. – Que la paix et non la guerre accompagne ton âme qui s'enfuit! Tu as passé ton pèlerinage dans une prison, et, comme un ermite, tu y finis tes jours. – Oui, j'enfermerai ton conseil dans mon sein; ce que je conçois y reposera en silence. – Geôliers, emportez son corps de ces lieux; je verrai avec moins de douleur ses obsèques que sa triste vie. – (Les geôliers sortent emportant le corps de Mortimer.) Ici s'éteint le flambeau consumé des jours de Mortimer, victime de l'ambition de gens méprisables. Quant à l'outrage, à l'injure amère que Somerset a reprochée à ma maison, j'espère bien l'effacer avec honneur: et dans ce dessein, je vais hâter mes pas vers le parlement. Ou je serai rétabli dans tous les honneurs dus à mon sang, ou je ferai de mon malheur même l'instrument de ma fortune.
(Il sort.)
FIN DU DEUXIÈME ACTE.
ACTE TROISIÈME
SCÈNE I
Londres. – La salle du parlement
Fanfares. Entrent LE ROI HENRI, EXETER, GLOCESTER, WINCHESTER, WARWICK, SOMERSET, SUFFOLK ET RICHARD PLANTAGENET. Glocester se met en mesure de présenter un bill; Winchester le lui arrache et le déchire
WINCHESTER. – Humfroi de Glocester, viens-tu ici avec des écrits soigneusement prémédités, des libelles écrits et arrangés avec art? Si tu as à m'accuser, et que tu te proposes de me charger de quelque imputation, parle sur-le-champ et sans préparation, comme je me propose de répondre sur-le-champ, et par un discours sans apprêt, à ce que tu m'opposeras.
GLOCESTER. – Prêtre présomptueux, ce lieu m'impose la patience; autrement tu connaîtrais à quel point tu m'as outragé. Ne crois pas que, si j'ai voulu présenter par récit le tableau de tes lâches et odieux méfaits, j'aie rien inventé ou que je sois hors d'état de répéter de vive voix ce qu'avait tracé ma plume. Tu n'es pas un prélat: telle est ton audacieuse perversité, telles sont tes perfidies et ton ambitieuse soif de discorde, que les enfants même parlent de ton orgueil. Tu es un infâme usurier; insolent par nature, ennemi de la paix, licencieux, débauché, plus qu'il ne convient à un homme de ton état et de ton rang. Et quant à tes trahisons, quoi de plus notoire? Tu m'as tendu un piége pour surprendre ma vie au pont de Londres et à la Tour; et je craindrais bien, si l'on venait à sonder tes pensées, que le roi, ton souverain, ne fût pas tout à fait à l'abri des jaloux complots de ton coeur ambitieux.
WINCHESTER. – Glocester, je te défie. – Milords, daignez entendre ma réponse: si j'étais avide, pervers, ambitieux, comme il veut que je le sois, comment serais-je si pauvre? Comment arrive-t-il que je ne cherche pas à marcher en avant, à m'élever plus haut, et que je me renferme dans mon état? Quant à l'esprit de dissension, qui chérit la paix plus que moi… à moins que je ne sois provoqué? Mais, mes dignes lords, ce n'est pas là ce qui offense le duc, ce n'est pas là ce qui l'a irrité: ce qui l'irrite… c'est qu'il voudrait que nul autre ne gouvernât que lui, que personne que lui n'approchât le roi; voilà ce qui soulève la tempête dans son coeur, voilà ce qui lui fait exhaler ces accusations contre moi. Mais il connaîtra que je suis aussi bien né…
GLOCESTER. – Aussi bien né? Toi, bâtard de mon aïeul!
WINCHESTER. – Ah! orgueilleux seigneur, qui es-tu, je te prie, qu'un sujet impérieux sur le trône d'un autre?
GLOCESTER. – Prêtre insolent, ne suis-je pas le protecteur?
WINCHESTER. – Et moi, ne suis-je pas un prélat de l'Église?
GLOCESTER. – Oui, comme un proscrit se tient dans un château et s'en sert pour protéger son brigandage.
WINCHESTER. – Insolent Glocester!
GLOCESTER. – Ta profession mérite du respect, mais non pas ta conduite.
WINCHESTER. – Rome me vengera.
GLOCESTER. – Va donc mendier le secours de Rome 13.
SOMERSET. – Milord, il serait de votre devoir de vous contenir.
WARWICK, à Somerset. – Et vous, retenez donc l'évêque dans les bornes du sien.
SOMERSET. – Il me semble que milord devrait être respectueux, et connaître mieux la dignité sacrée d'un prélat.
WARWICK. – Il me semble que Sa Grandeur devrait être plus modeste; il ne convient pas à un prélat de parler ainsi.
SOMERSET. – Il en a le droit, lorsque son caractère sacré est si vivement offensé.
WARWICK. – Sacré ou profane, qu'importe? Sa Grâce n'est-elle pas le protecteur du roi?
PLANTAGENET, à part. – Plantagenet, je le vois, doit ici garder le silence: on pourrait lui dire: «Attendez pour parler, que vous en ayez le droit. Votre avis téméraire doit-il se mêler aux débats des lords?» Sans cette crainte, j'aurais déjà lancé un trait à Winchester.
LE ROI. – Glocester, et vous, Winchester, mes oncles, vous les premiers gardiens de notre Angleterre, je voudrais vous prier, si les prières avaient sur vous quelque empire, de réconcilier vos coeurs dans la paix et l'amitié. Oh! quel scandale pour notre couronne que deux nobles pairs tels que vous soient en discorde! Croyez-moi, lords, ma jeunesse peut dire que la discorde civile est un ver funeste qui ronge le coeur de l'État. (On entend un grand bruit en dehors avec ces cris: «A bas, à bas la livrée jaune!») Quel est ce tumulte?
WARWICK. – C'est une émeute, j'ose l'assurer, commencée par la furie des gens de l'évêque.
(On entend encore ces cris: Des pierres! des pierres!)
(Entre le maire de Londres avec son escorte.)
LE MAIRE. – O mes dignes lords! ô vertueux Henri! prenez pitié de la cité de Londres, prenez pitié de nous. Les gens de l'évêque et ceux du duc de Glocester, malgré la défense récente de porter aucune arme, ont rempli leurs poches de pierres, et, se rangeant en bandes ennemies, les font pleuvoir si violemment les uns sur les autres que nombre d'hommes ont la tête fracassée; on brise nos fenêtres le long des rues, et dans notre alarme nous avons été forcés de fermer nos boutiques.
(Entrent, en se battant et la tête ensanglantée, les gens de Glocester et ceux de Winchester.)
LE ROI. – Nous vous enjoignons, par l'obéissance que vous nous devez, d'arrêter vos mains homicides et de rester en paix. – Mon oncle Glocester, je vous en conjure, apaisez cette rixe.
UN DES GENS DU DUC. – Si l'on nous interdit les pierres, nous combattrons avec nos dents.
UN AUTRE DU PARTI OPPOSÉ. – Faites ce qui vous plaira: nous sommes aussi déterminés.
(Ils recommencent à se battre.)
GLOCESTER. – Hommes de ma maison, cessez cette ridicule querelle, et mettez fin à cet étrange combat.
UN TROISIÈME DE LA SUITE DU DUC. – Milord, nous savons que Votre Grâce est un homme juste et droit, et par votre royale naissance, vous ne le cédez à personne qu'à Sa Majesté; aussi, avant que nous souffrions qu'un si noble prince, un si bon père de l'État soit insulté par un barbouilleur d'encre, nous combattrons tous, nous, nos femmes et nos enfants, et nous consentirons plutôt à nous voir massacrés par vos ennemis.
UN AUTRE. – Oui; et morts, on nous verra creuser encore la terre de nos ongles furieux.
(Le combat recommence.)
GLOCESTER. – Arrêtez, arrêtez, vous dis-je! et si vous m'aimez comme vous le dites, laissez-moi vous persuader de suspendre un instant votre fureur.
LE ROI. – Oh! que cette discorde afflige mon âme! – Milord Winchester, pouvez-vous voir mes soupirs et mes larmes, et ne pas ralentir votre haine? Qui donc sera pitoyable, si vous ne l'êtes pas? Qui se montrera l'ami de la paix, si les saints ministres de l'Église se plaisent dans le trouble?
WARWICK. – Milord protecteur, cédez… Cédez, Winchester; à moins que vous ne vouliez, par votre obstination, égorger aussi votre souverain et bouleverser le royaume. Vous voyez quels désastres, quels meurtres sont l'ouvrage de votre inimitié! Réconciliez-vous donc si vous n'êtes pas altérés de sang.
WINCHESTER. – Qu'il commence par se soumettre ou je ne céderai jamais.
GLOCESTER. – Ma tendre compassion pour le roi me commande de céder; sans quoi, je verrais le coeur de ce prêtre arraché de ses entrailles, avant qu'il pût se vanter de cet avantage sur moi.
WARWICK. – Voyez, milord Winchester, voyez; le duc a déjà banni toute furieuse colère: son front adouci vous l'annonce. Pourquoi paraissez-vous encore si farouche et si menaçant?
GLOCESTER. – Voilà ma main, Winchester; je te l'offre.
LE ROI. – C'est une honte, Beaufort! Je vous ai entendu prêcher que la haine était un grave et énorme péché: ne pratiquerez-vous pas la morale que vous enseignez? Voulez-vous être le premier à la transgresser?
WARWICK. – Bon roi! le prélat est touché. – Allons, milord Winchester, quelle honte! apaisez-vous. Quoi! un enfant vous enseignera-t-il votre devoir?
WINCHESTER. – Eh bien, duc de Glocester, je veux bien te céder. Je te rends amour pour amour, et j'unis ma main à la tienne.
GLOCESTER, à part. – Oui, mais je crains bien que ce ne soit d'un coeur mensonger… (Haut.) Voyez, mes amis, mes chers compatriotes: ce gage est un signal de trêve entre nous et tous nos serviteurs; que Dieu m'assiste, comme il est vrai que je ne dissimule rien.
WINCHESTER, à part. – Que Dieu m'assiste, comme ce n'est pas là mon intention.
LE ROI. – O mon bon oncle, mon cher duc de Glocester, que vous me rendez joyeux par cet accord de paix. (A leurs gens.) Allons, mes amis, retirez-vous: ne nous troublez pas davantage; redevenez amis, à l'exemple de vos maîtres.
UN DES GENS. – Volontiers. – Je vais chez le chirurgien.
UN AUTRE. – Et moi aussi.
UN TROISIÈME. – Et moi, je vais voir quel remède la taverne pourra me procurer.
(Sortent les gens des deux partis, le Maire, etc.)
WARWICK. – Gracieux souverain, recevez cette requête, que nous présentons à Votre Majesté pour la restitution des droits de Richard Plantagenet.
GLOCESTER. – J'approuve votre démarche, milord Warwick. – (Au roi.) En effet, cher prince, si Votre Majesté considère toutes les circonstances, vous trouverez de grands motifs de réhabiliter Plantagenet dans ses droits, surtout si vous songez aux événements d'Eltham, dont j'ai entretenu Votre Majesté.
LE ROI. – Oui, ce furent autant d'actes de violence. Aussi, chers lords, nous voulons que Richard soit rétabli dans tous les priviléges de sa naissance.
WARWICK. – Que Richard soit rétabli dans les priviléges de sa naissance; ainsi seront réparés les torts faits à son père.
WINCHESTER. – L'avis de l'assemblée sera celui de Winchester.
LE ROI. – Que Richard jure d'être fidèle, et je lui rendrai non-seulement cela, mais encore tout l'héritage de la maison d'York, dont vous descendez, Richard, en ligne directe.
RICHARD. – Votre humble sujet vous dévoue son obéissance et ses services, jusqu'à son dernier soupir.
LE ROI. – Incline-toi donc, et mets ton genou à mes pieds; et en retour de cet acte d'hommage ainsi accompli, je te ceindrai de la vaillante épée d'York. – Lève-toi, Richard, comme un vrai Plantagenet; et lève-toi, créé par nous prince et duc d'York.
RICHARD. – Que Richard prospère, et que vos ennemis succombent! et périssent tous ceux qui cachent une seule pensée suspecte contre Votre Majesté, comme il est vrai que mon zèle est ardent et ma soumission sincère!
TOUS LES PAIRS. – Salut, noble prince, puissant duc d'York!
SOMERSET, à part. – Périsse ce vil prince, cet ignoble duc d'York!
GLOCESTER. – Maintenant l'intérêt de Votre Majesté est de traverser les mers et de vous faire couronner en France. La présence d'un roi réveille l'amour dans le coeur de ses sujets et de ses fidèles amis, comme elle décourage ses ennemis.
LE ROI. – Quand Glocester a parlé, Henri n'hésite point: le conseil d'un ami sage est la mort de beaucoup d'ennemis.
GLOCESTER. – Votre flotte est prête à faire voile.
(Tous sortent excepté Exeter.)
EXETER, seul. – Oui: nous pourrions bien voyager en France ou en Angleterre, sans prévoir les événements qui nous menacent. Le feu de cette dernière dissension, qui s'est élevée entre ces pairs, couve sous les cendres trompeuses d'une fausse amitié, et éclatera bientôt en flammes terribles; ainsi que les membres gangrenés se corrompent par degrés, jusqu'à ce que la chair, les os et les nerfs tombent en dissolution, de même se développera cette jalouse et fatale haine; et je crains bien l'accomplissement de cette sinistre prédiction qui, du temps de Henri V, était dans la bouche des enfants à la mamelle: Que le Henri né à Monmouth gagnerait tout, et que le Henri né à Windsor perdrait tout. Cela est si probable que le voeu d'Exeter est de finir ses jours avant de voir ces temps désastreux.
Glocester. Roam thither them.