Kitabı oku: «Leçons d'histoire», sayfa 16
D'après ces détails, il serait superflu de m'appesantir sur l'ordre des saisons. J'ai assez indiqué qu'il se rapproche de celui de France. De mai en septembre, des vents modérés d'ouest sur la côte d'Ajaccio, et d'est sur celle de Bastia, permettent une navigation commode en tous sens, mais plus du nord au midi, que du midi au nord. Pendant le reste de l'année, les vents sont variables et la mer très-capricieuse. L'équinoxe d'automne forme une époque très-remarquable, en ce qu'il arrive alors dans l'atmosphère une rupture d'équilibre qui amène sur la cime des monts, des ouragans et la première couche de neige. Cette première neige est le signal du retour de la salubrité dans toute l'île: l'air se rafraîchit, les eaux se purifient, les fièvres se calment; cet état dure jusqu'à la fin de mai, c'est-à-dire, jusqu'à ce que ces mêmes neiges soient entièrement fondues. Alors l'intempérie de l'air et des eaux recommence, de manière qu'en Corse, la mauvaise saison est l'été. L'on a vu en certaines années jusqu'à huit mois s'écouler sans pluie; cela n'empêche pas qu'il n'en tombe communément 22 à 23 pouces, c'est-à-dire, deux pouces de plus qu'à Paris. Mais l'inégale répartition de cette eau et son écoulement trop brusque, en diminuent beaucoup le bienfait: les rosées y suppléent en partie; la Corse leur doit cet aspect de verdure qui la rend plus agréable au coup d'œil que les pentes nues de la Syrie. En comparant ces deux pays sous d'autres rapports, je trouve qu'ils se ressemblent en plusieurs; mais la balance des avantages me paraît être au dernier, même pour l'article important des sources qui y sont aussi bonnes et plus abondantes qu'en Corse. J'ai plongé le thermomètre dans les plus fraîches d'entre elles (aqua bottita et Campotile), et elles ont également marqué cinq degrés au-dessus de la glace, le 21 juillet et le 15 novembre, quoique dans un cas la neige couvrît de dix pouces la terre, et que dans l'autre, l'air fût à 18 degrés; ce qui explique pourquoi elles semblent chaudes en hiver et froides en été.
Tandis que ces pluies, ces rosées, ces eaux donnent de l'aliment à la végétation, un soleil ardent et un air salin lui donnent une énergie de séve et une activité qui se manifestent dans tous les produits. Nos fleurs y ont une vivacité de parfum bien plus exaltée. Le 4 février, ayant cueilli à Corté une vingtaine de violettes, je fus obligé de les rejeter de ma chambre au bout de moins d'une heure, parce qu'elles m'entêtaient. Les fruits ont de même une saveur très-prononcée, et généralement excellente: le raisin, les figues y sont exquis; mais les châtaignes ne valent pas nos marrons entés. Ce que les Français ont apporté de pommiers, pêchers, abricotiers, etc., donne des fruits supérieurs aux nôtres pour la qualité; mais les Corses en négligent le soin; ils n'ont pas encore su jusqu'à ce jour cueillir de bonnes grenades ni de bons melons; et le jardin des Arena près de l'Ile-Rousse, est le seul qui produise d'assez bonnes oranges.
Le miel de Caccia, dur comme la cire, n'a point l'amertume dont se plaint Virgile, et peut le disputer au Mahon.
J'ai déja parlé des principaux arbres et arbustes de l'île: le chêne vert, le châtaignier, le sapin, l'ariccio, ou plutôt, le pin de lord Weimouth, font avec les liéges la base des forêts et des bois; l'azerolier, le myrte, le lentisque, l'olivier sauvage, le cyste, l'alaterne, la grande bruyère, sont celle des broussailles ou makiz, selon l'expression du pays. Ils y croissent depuis deux jusqu'à dix pieds de hauteur, selon la qualité du terrain. J'ai trouvé, dans les campagnes de Cervione, beaucoup de baguenaudiers, de faux ébènes, de genêts d'Espagne, et d'autres arbrisseaux rares chez nous; et je ne doute pas qu'un botaniste ne rencontrât dans l'étendue de l'île des objets utiles et très-curieux.
Le sparthe, ou jonc d'Espagne, objet de commerce important, croît naturellement dans plusieurs marais d'Ajaccio, et a fourni depuis cinq ans une bonne partie des cordages pour la pêche du corail. La soude abonde sur la plage d'Aleria, et remplit surtout les rivages, de même que l'herbe aux vers; l'orseil, précieux en teinture, croît sur la plupart des rochers.
Dans le règne animal, la Corse ne jouit pas de moins d'avantages; elle est exempté des loups et possède tout notre gibier. L'ours qui se trouvait dans les forêts du temps de Filippini, en a disparu depuis plus d'un siècle; il ne reste d'animal carnassier que le renard qui ose attaquer les moutons et les chèvres. Les oiseaux de proie, aigles et milans, sont rares; et l'on ne voit ni scorpions ni serpents dangereux que la vipère. Dans les marais, le gibier d'eau y est abondant, et aussi bon que son espèce le comporte. Sur terre, la perdrix rouge, la seule qui se trouve dans l'île, est grosse, mais elle est sèche. Le lièvre est meilleur. Le lapin n'a pu se multiplier que sur un petit rocher en mer, vis-à-vis de l'Ile-Rousse. Le ramier, la tourterelle, la caille et autres oiseaux de passage, sont excellents; mais rien n'égale le merle des cantons d'Ajaccio et de Cervione, qui, se nourrissant depuis décembre des baies de lentisque et de myrte, est un vrai bouquet parfumé; celui de Balagne, qui mange des olives, n'est qu'amer et maigre. La plaine d'Aleria, la plus riche en gibier, donne des cerfs et des sangliers de très-petite race, mais d'une chair bien supérieure aux nôtres, et quelques faisans. Le muffoli, qui ne se rencontre que dans les hautes montagnes, est une espèce de gazelle très-légère, très-hardie, qui ose se précipiter de 30 à 40 pieds en bas, sur ses cornes, sans jamais se blesser.
Dans les animaux domestiques, il est à remarquer que toutes les espèces sont extrêmement petites; les chevaux n'ont communément que quatre pieds à quatre pieds deux pouces; ceux qui dépassent cette taille viennent de Sardaigne. Les bœufs et vaches sont dans cette proportion. Le mouton ne pèse pas vivant plus de vingt-quatre à trente livres; il a cela de très-particulier, que sa laine est un vrai poil de chèvre, non frisé, et pendant à la longueur de près de quatre pouces. Les Corses n'en élèvent que de noirs, couleur cul de bouteille, parce qu'à ce moyen, ils sont dispensés de teintures. Les chèvres, qui sont le fléau de l'île, ne diffèrent en rien des nôtres. Tout ce bétail est maigre, vagabond, demi-sauvage. Quand on engraisse le mouton, le chevreau, le porc, leur chair est excellente; celle du porc surtout, qui n'a point ce vaveux indigeste qu'elle a en France et dans le continent. Il en est de même de la volaille; mais les Corses prennent rarement ces soins. Ils ne savent guère mieux profiter par la pêche, du bienfait de la mer qui fournit cependant d'assez bon poisson avec assez d'abondance: outre le rouget, la sole, le turbot, le saint-pierre, il passe chaque année quelques thons vers Saint-Florent, et des sardines autour de toute l'île. Près d'Aleria, l'étang de Diana fournit des huîtres très-grosses et très-estimées à Gênes, parce que l'on n'y connaît pas nos espèces qui sont certainement plus délicates. Quant aux poissons d'eau douce, ne trouvant ni asile, ni aliments dans les torrents pavés et encaissés de cailloux, il n'y a que la seule truite qui puisse y vivre parmi les cascades. Dans la plaine, des petites tortues et de petites anguilles essaient de se cacher dans le sable, et tout le reste de nos poissons est inconnu.
Résumons en peu de mots cet état physique de la Corse. Une charpente de rocs, qui du nord au sud, et de deux chaînes principales, jette à droite et à gauche des rameaux scabreux et coupés; des cimes dénudées et conformées souvent en cristallisations énormes qui semblent les flots congelés d'une mer agitée; une division verticale d'une bande calcaire à l'est, et d'une autre graniteuse à l'ouest. Une division horizontale de trois régions ou couches, l'une chaude et humide, l'autre froide et sèche, et la moyenne tempérée. Une côte basse et égale à l'orient, parce que la mer d'Italie, encaissée et stagnante, protége les attérissements; une côte dentelée et élevée à pic au couchant, parce que la mer d'Espagne et des vents violents, déploient une action rongeante; un sol généralement maigre, mais très-végétable; des vallons profonds, des pentes rapides, une verdure constante nuancée de bandes rousses ou brunâtres de terres et de blocs de pierres; un aspect vraiment pittoresque et paysagiste; un ciel vif, souvent semé de nuages; un air agité; un climat variable; une nature, non pas riche, mais propre à le devenir; non pas excellente, mais qui n'attend que la main de l'homme pour récompenser tous ses soins: telle est la Corse.
Tels sont les éléments physiques dont se compose la condition de ses habitants, soit par l'influence qu'ils en éprouvent, soit par l'usage et l'emploi qu'ils en font76.
PRÉCIS DE L'ÉTAT DE LA CORSE.
(Extrait du MONITEUR des 20 et 21 mars 1793.)
ARRIVÉ depuis peu de l'île de Corse, après y avoir résidé un an, je reçois de fréquentes questions sur l'état de ce département: déja j'ai satisfait à celles du conseil exécutif et du comité de défense générale sur ses moyens militaires et sur ses dispositions. Je me propose de présenter à la nation entière un tableau complet de cette portion d'elle-même, dont on l'occupe beaucoup et qu'elle connaît peu; mais ce travail exigeant du temps, et la notoriété de certains faits devenant de plus en plus urgente, je me suis déterminé à anticiper quelques résultats; je le dois d'autant plus, qu'appelé en Corse par une assemblée électorale pour régénérer le pays, je me trouve revêtu d'un caractère compétent; et qu'après avoir épuisé tous les moyens d'opérer le bien sans scandale, il ne me reste, pour demeurer digne de la confiance nationale dont j'ai été honoré, que de déchirer le voile de mensonge sous lequel un machiavélisme astucieux opprime la liberté du peuple corse, et dévore la fortune du peuple français. Je déclare donc, comme faits résultants d'une année d'observations:
1º Que la Corse, par sa constitution physique, par les mœurs et le caractère de ses habitants, diffère totalement du reste de la France, et que l'on n'en peut juger par la comparaison de tout autre département.
2º Que par la nature du gouvernement sous lequel ont vécu les Corses, ils ont contracté des habitudes vicieuses, participant de l'état sauvage et d'une civilisation commencée.
3º Que ne formant qu'une petite société de 150,000 ames, pauvre par le sol, divisée par haines de famille, agitée de passions d'autant plus violentes qu'elles circulent dans un cercle étroit, corrompue par le plus pervers des gouvernements, le gouvernement des Génois; asservie par le sceptre sévère des Français; la nation corse enfin, affranchie par la révolution, s'est trouvée, sans aucune, instruction préalable, saisie du droit de se gouverner; et que, par ressentiment et par esprit national, ayant chassé tous les employés français, les pouvoirs sont tombés aux mains des chefs de famille qui, pauvres, avides et inexpérimentés, ont commis beaucoup d'erreurs et de fautes, et les ont tenues secrètes par crainte et par vanité.
4º Que depuis trois ans il existe un système de mystère par lequel les députations, de concert avec le directoire du département, nous ont caché l'état intérieur de l'île, de peur, m'ont-ils dit, que si les abus étaient divulgués, la Corse ne fût décriée, et que la France ne se dégoûtât de sa possession. Or, les effets de ce système ont été de concentrer les places et les traitements dans les mains de quelques chefs de leur parenté, et d'attirer du trésor français un argent immense et mal employé.
5º Que par suite de ce système, les dépenses du département de Corse se trouvent portées au décuple de sa contribution; c'est-à-dire, que la Corse coûte annuellement plus 5,000,000, savoir:
[77] Je n'ai pu me procurer cet article que par approximation.
[78] Id.
[79] Id.
Et je ne compte ni les postes, ni les bureaux de santé, ni 115,000 liv. de secours extraordinaires en 1791, ni 60,000 liv. pour le marais de Saint-Florent, ni 40,000 liv. pour ceux d'Aleria, ni les frais de quatre bataillons nouveaux que le député Salicetti vient de faire créer, ni les 24,000 livres avancées à la commission dont il est le promoteur et le guide.
Et cependant les contributions foncières et mobilières ne se montent qu'à 300,000 liv., et elles sont arriérées de trois ans, et le conseil corse, en 1790, les a dénaturées et diminuées d'un tiers; et les rôles pour 91 ne sont pas exécutés dans plus de seize municipalités; car le 19 janvier dernier, il n'y en avait qu'un seul dans le district d'Ajaccio, quoique l'état de situation du 23 novembre, envoyé par le procureur-général-syndic Pozzo di Borgo, en atteste quatorze; et il n'y a point eu de contribution patriotique; et de tous les biens nationaux vendus il n'est rien rentré au trésor; et 200,000 liv. sont empruntées à la caisse du clergé; les patentes sont nulles; les douanes sont presque anéanties, excepté ce qu'il en faut pour payer les employés parents et amis; et la plupart des administrateurs sont débiteurs du trésor, et ils se tolèrent de l'un à l'autre tous les abus, n'exercent ni répartition, ni recouvrements, par ménagement de voix électives, par esprit de parti et de parenté; et ils crient que la Corse est pauvre, et ne pourra payer, quoique sous le régime antérieur, sans être foulée, elle rendît en charges de toute espèce, à la vérité en denrées, pour plus de 1,300,000 liv.; et tous ces fonds passent en Italie par l'abandon des douanes que le conseil du département a diminuées de moitié, etc., etc.
6º Malgré tant de fonds versés, les routes et les chemins sont sans réparations: les travaux publics n'ont coûté, en 1791, que 384 liv.; les traitements et salaires des ecclésiastiques et des juges sont habituellement arriérés de six mois; les assignats sont échangés à Toulon et à Marseille pour du numéraire, qui s'enfouit à Corté s'il ne s'y dissipe. La justice est sans activité; une seule exécution a eu lieu, quoique, depuis trois ans, il ait été commis plus de cent trente assassinats de vengeance et de guet-apens. Nul compte de finance n'est publié, à moins que l'on ne donne ce nom à un chaos de chiffres sans résultat, que le directoire vient enfin de faire imprimer pour 1791. L'on y trouve entre autres deux procureurs-généraux payés en même-temps, dont l'un, député, recevait encore d'autres gages; deux membres du directoire conservant leur traitements, quoique employés à une autre commission payée; mais l'on y cherche en vain la solde des cinquante gardes de son excellence Paoli77, et l'emploi de tous les fonds que le premier conseil partagea à ses membres, à titre de commissions, etc., etc.
7º Il n'existe en Corse aucune liberté politique et civile; la citadelle de Corté est une Bastille où plus de 300 personnes ont été renfermées sans formalités; il n'y a pas de feuille publique circulant dans le département, les journaux français sont entendus de peu de personnes; il n'y a aucun libraire vendant des livres; il n'y a qu'une imprimerie entièrement soumise au directoire, par qui elle subsiste; les relations avec le continent sont lentes et interrompues jusqu'à deux mois de suite; les lettres sont habituellement interceptées par le directoire; nulle réclamation, nulle plainte ne peut parvenir par cette voie. Les élections se font toutes en armes, stylets, pistolets, souvent avec meurtre, toujours avec violence et schisme de la part de l'un des deux partis; le parti vainqueur accable et vexe l'autre dans la gestion de tous les pouvoirs dont il se saisit; les voix s'y mendient, s'y achètent, s'y calculent comme une denrée; elles s'y comptent par chefs de famille, parce que l'éducation, l'intérêt et le préjugé donnent aux Corses un dévouement si aveugle pour leurs chefs de parti et de parenté, qu'ils n'en sont dans les assemblées que les échos serviles. Ainsi j'ai vu deux assemblées générales de 400 personnes, dominées et mues par dix à douze chefs; ces chefs forment entre eux des ligues aristocratiques, au moyen desquelles ils se partagent, se disputent, se donnent les places et les traitements; ils se brouillent, se réconcilient avec une mobilité et une inconstance incroyable; mais la liberté de la multitude et l'argent du trésor français paient toujours les frais de leurs querelles. Dans l'assemblée qui a nommé à la convention, j'ai vu le parti des administrateurs l'emporter, en promettant aux électeurs de les payer en argent, et 80,000 liv. d'assignats furent converties, pour cet effet, en 45,000 liv. de numéraire. Jamais on ne tient compte des qualités requises par les décrets. Dans la dernière assemblée, plus de trente prêtres insermentés avaient voix; on y comptait plus de 150 ecclésiastiques, tous les électeurs militaires qui pouvaient contrarier Paoli ou plutôt ses moteurs; car depuis sa dernière maladie, il n'est plus que le prête-nom de quelques intrigants78: tous ces électeurs furent écartés, etc.
Les bornes de cette feuille m'arrêtent ici; j'ajoute seulement qu'en Corse l'industrie est nulle; on n'y a pas même des allumettes; tout vient du dehors, surtout de Gênes et de Livourne. L'agriculteur est misérable, quoique le sol soit très-fécond; la campagne est inhabitable, faute de sûreté habituelle; les paysans portent le fusil jusqu'en labourant; les propriétés sont sans cesse ravagées par les bestiaux vagabonds, ce qui dégoûte de toute culture, etc., etc.
Quant aux dispositions du peuple envers nous, je les peindrai par ce que j'en ai moi-même entendu dans mes voyages multipliés, où, recevant l'hospitalité la plus généreuse sous les toits des plus simples laboureurs et pasteurs, je recueillais leurs véritables sentimens. «La Corse est malheureuse, me disaient-ils, parce qu'elle est faible: Français, servez-nous d'appui, instruisez-nous; car nous sentons que l'instruction nous manque, et nous la désirons; et gouvernez-nous, car, avec notre esprit de parti, jamais un Corse ne rendra justice à un autre.» Le peuple a donc un vrai penchant pour la France; et j'ai tout lieu de croire que si les Russes ou les Anglais se présentent, ils seront mal reçus; s'ils prennent poste, ils ne le garderont pas, et ils dépenseront beaucoup d'argent. Mais par la raison que les Corses sont essentiellement divisés en deux partis, il suffira que l'un se dise français, pour que l'autre se montre opposant, surtout lorsque Paoli depuis deux ans, et maintenant les petits ambitieux qui veulent lui succéder, s'efforcent d'intéresser la vanité du peuple à être ce qu'ils appellent peuple indépendant. Et il faut avouer que les prétendus patriotes ont abusé et peut-être abuseront encore de l'autorité nationale, de manière à fomenter les mécontentements. Les moyens de ramener l'ordre sont néanmoins encore faciles; mais parce qu'ils doivent être employés en système complet, il ne m'est pas possible de les détailler.
Je sens que les vérités accumulées dans ce tableau vont soulever des passions irritables; déja le moyen ordinaire des attaques secrètes a été employé auprès d'un ministre, et en m'attribuant des motifs d'humeur et d'ambition mécontente, on en appelle aux trois commissaires comme suprêmes régulateurs. Sans doute leur rapport sera d'un grand poids; cependant, pour calculer les moyens d'instruction des deux Français, il est bon d'observer que leur collègue et interprète corse (Salicetti) a été député en 1789 et en même temps procureur-général-syndic, puis député à la Convention, puis revêtu de la commission actuelle qu'il a provoquée, et pour laquelle il a su s'attirer à lui presque seul la nomination de toutes les places dans les quatre bataillons qu'il va lever.
Il est vrai qu'avec cette force il doit renverser Paoli; mais la personne de Paoli n'est plus qu'un fantôme, et l'on s'est peut-être donné des obstacles eu lui présentant son rival. Au reste la marche des Corses est si incalculable, qu'il serait très-possible que tout s'arrangeât ou fût arrangé avec le procureur-général actuel, Pozzo di Borgo, moteur principal, et que nous en fussions quittes pour payer quatre nouveaux bataillons, qui, comme les quatres précédents, ne feront point de service, ne sortiront jamais de l'île, consommeront un million, sans être trois cents hommes, et cesseront d'être laboureurs sans devenir soldats. Quant à mon ambition mécontente, j'avoue que je regrette de n'avoir pu trouver en Corse la paix agricole que j'y cherchais, et de n'avoir pu conserver le domaine national où je comptais cultiver le coton, l'indigo, le café et le sucre, et ouvrir la carrière d'une industrie et d'un commerce nouveau sur cette mer Méditerranée, si mal connue, si négligée, et pourtant si riche, qu'elle seule pourrait nous dédommager de l'Amérique perdue; mais tout le peuple corse m'est témoin que depuis trois ans personne ne jouit chez lui du bonheur champêtre que j'ai désiré; et quant à l'admission au conseil du département, où l'intérêt national m'ordonnait d'arriver, l'on croira difficilement en France que j'aie de l'humeur d'avoir été repoussé d'un pays où les motifs publics de ma défaveur ont été de passer pour un hérétique, comme auteur des Ruines, et pour observateur dangereux, à titre de Français; ce qui néanmoins n'a point diminué mon désir d'être utile à un peuple que son heureuse organisation et son respect singulier pour la justice rendent capable de recevoir, mais non de se donner un bon gouvernement.
C'est cette double question d'action et de réaction réciproque que l'auteur se proposait d'examiner dans les chapitres qui devaient suivre celui qu'on vient de lire;—la mort l'a surpris au milieu de son travail; et c'est d'autant plus à regretter, que nous sommes encore à attendre un bon ouvrage sur la Corse.
M. de Volney écrivait peu; il se contentait de prendre quelques notes en forme d'argument et comme pour se prémunir contre les infidélités de sa mémoire.—Un ouvrage était tout entier dans sa tête avant qu'il en jetât les premières lignes sur le papier; et lors qu'il commençait à écrire, il le faisait avec tant d'ordre et de suite, qu'on aurait cru qu'il copiait.—Il était rare qu'il changeât quelque chose à cette rédaction unique, qu'il se contentait de faire recopier par son secrétaire.
Nous sommes réduits à déplorer cette force de tête et cette facilité de rédaction, puisqu'elles nous privent de plusieurs ouvrages entièrement terminés, que M. de Volney se disposait à écrire, lorsqu'il fut enlevé, en peu de jours, à ses amis et à ses concitoyens.
(Note de l'éditeurs.)
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Oui, Paoli a encore en ce moment des gardes, et est généralement traité d'excellence.
Note de l'auteur. Mars 1793.
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Les sociétés populaires de Marseille et de Toulon, qui ont dénoncé Paoli, doivent bien remarquer cette circonstance, afin de ne pas prendre le change sur les auteurs des troubles de la Corse.
(Note de l'auteur. Mars 1793.)
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