Kitabı oku: «Manuel de la procédure d'asile et de renvoi», sayfa 7
[85]7.2 Phase d’instruction
7.2.1 Décisions sans audition ordinaire
Dans certains cas, il n’y a pas d’« audition ordinaire » au sens de l’art. 29 LAsi. En plus des cas de NEM (voir chap. VII, pt 4.2), cette situation concerne quelques cas où une décision matérielle doit de facto être rendue.
Selon l’art. 36 al. 1 phr. 2 LAsi, il est possible de renoncer à une audition en cas de tromperie sur l’identité du requérant d’asile (let. a), si la demande s’appuie de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (let. b), ou en présence d’autres violations graves et fautives de l’obligation de collaborer (let. c). La tromperie sur l’identité et la violation grave et coupable de l’obligation de collaborer étaient, jusqu’en février 2014, des motifs autonomes de non-entrée en matière (en vertu de l’art. 32 al. 2 let. b et c aLAsi). Ces critères ont été abondamment interprétés dans la jurisprudence relative à ces dispositions.82 L’art. 36 al. 1 let. a LAsi requiert une tromperie sur « les noms, prénoms et nationalités, l’ethnie, la date et le lieu de naissance, ainsi que le sexe »83 constatée sur la base de mesures d’identification ou d’autres moyens de preuve. Il y a par exemple un cas d’application de l’art. 36 al. 1 let. c LAsi lorsque la personne concernée ne collabore pas à la saisie de ses empreintes digitales ou qu’elle ne participe pas, fautivement, à une audition ou à une audition complémentaire.84 Comme troisième sous-catégorie, l’art. 36 al. 1 let. b LAsi mentionne la demande d’asile qui s’appuie de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés. Dans tous les cas, les autorités doivent être convaincues de l’existence des conditions requises et portent la charge de la preuve à cet égard.85
Le droit d’être entendu selon l’art. 36 al. 1 LAsi est accordé au requérant après l’audition sommaire. Cependant, l’existence d’éventuels risques au sens de l’interdiction du refoulement prévue par la CR et par la CEDH doit être complètement clarifiée dans ce cadre.
[86]La garantie du droit d’être entendu peut certes en principe être donnée oralement ou par écrit. Sous la forme écrite, cette garantie est toutefois problématique à notre avis lorsque le requérant ne parle aucune des langues officielles. Dans ce cas, celui-ci n’est en effet pas en mesure de profiter du droit d’être entendu même si le contenu du document lui est traduit. Le fait que les œuvres d’entraide offrent des consultations juridiques gratuites ne remplace pas, à notre avis, l’obligation des autorités de garantir le droit d’être entendu sous une forme accessible à son bénéficiaire.
Dans tous les autres cas a lieu une audition ordinaire sur les motifs d’asile au sens de l’art. 29 LAsi.
7.2.2 Audition sur les motifs d’asile
7.2.2.1 Généralités
L’audition approfondie permet de déterminer la suite à donner à la procédure d’asile. Cela suppose que les faits déterminants pour la décision – concernant la qualité de réfugié et les éventuels obstacles à l’exécution du renvoi – doivent être complètement recueillis. En matière de preuve, il est fait application des règles de l’art. 7 LAsi et c’est selon elles que la qualité de réfugié doit au moins être rendue vraisemblable (sur la vraisemblance, voir chap. XII, pt 5).
Le SEM peut charger l’autorité cantonale de l’audition si cette mesure permet d’accélérer sensiblement la procédure (art. 29 al. 4 LAsi).
Les personnes suivantes sont présentes à l’audition sur les motifs d’asile au sens des art. 29 s LAsi : le requérant d’asile, un auditeur du SEM, en règle générale l’interprète prévu d’office – pour autant que le requérant ne s’y oppose pas expressément – et un représentant d’une œuvre d’entraide autorisée (art. 30 al. 1 LAsi). En outre, un secrétaire assiste en règle générale aussi à l’audition pour rédiger le procès-verbal.
Le requérant d’asile peut se faire accompagner d’un mandataire et/ou d’un interprète de son choix (art. 29 al. 2 LAsi). Toutefois, ces personnes ne doivent pas être elles-mêmes des requérants d’asile.
7.2.2.2 Représentant des œuvres d’entraide (ROE)
L’institution de la représentation des œuvres d’entraide est une particularité de la procédure d’asile suisse. Elle existe depuis 1968 et doit contribuer, grâce à l’observation de l’audition des requérants d’asile par des représentants de la société civile, à un déroulement équitable et transparent de la procédure.
[87]Au début de l’audition, le rôle du ROE est expliqué au requérant et il est demandé explicitement à ce dernier s’il accepte la participation du ROE à l’audition. Si le requérant y consent, le ROE observe l’audition, peut poser des questions complémentaires et suggérer d’autres mesures d’instruction comme par exemple une expertise médico-légale pour assurer la preuve de traces de torture, ou une audition complémentaire. Par ailleurs, le ROE peut apporter des objections au procès-verbal par exemple au sujet du climat de l’audition ou de son déroulement.86 Au cours de l’audition, le ROE peut rédiger des notes manuscrites. Ces notes ne seront toutefois remises au requérant ou à son mandataire qu’après la fin de la procédure de première instance (art. 26 al. 2 OA 1). A la fin de l’audition, le ROE confirme sa participation par une signature, non pas sur le procès-verbal, mais sur une feuille séparée sur laquelle il peut apporter ses observations et ses remarques. Le ROE est soumis au secret vis-à-vis des tiers.
Deux heures avant l’audition, le ROE peut consulter les procès-verbaux des auditions précédentes. Cette règle garantit que le ROE ait une idée, avant l’audition, du contexte de la demande d’asile et des motifs de fuite, ce qui lui est indispensable pour remplir son rôle.
Le ROE ne jouit pas des droits de partie à la procédure.87 La présence d’un représentant des œuvres d’entraide est censée renforcer la confiance quant à l’objectivité de l’audition et augmenter la légitimité de la procédure.88
Cependant, la présence du ROE ne doit pas être considérée comme une règle impérative découlant des garanties du droit d’être entendu. Selon la jurisprudence, l’absence d’une ROE, qui ne découle pas d’un choix du requérant, constitue certes un vice de procédure, mais ne conduit pas impérativement à l’invalidation de l’audition.89 Pour permettre aux œuvres d’entraide d’assurer leur rôle dans la procédure, les dates des auditions doivent leur être communiquées à temps (art. 30 al. 3 LAsi) ; « à temps » signifie en règle générale cinq jours ouvrables avant l’audition (art. 25 al. 1 OA 1). Si la convocation parvient à temps aux œuvres d’entraide et que celles-ci n’y donnent pas suite ou ne comparaissent pas en temps voulu, l’audition déploie son plein effet juridique malgré l’absence du ROE (art. 30 al. 3 LAsi et art. 25 OA 1).
[88]7.2.2.3 Le déroulement de l’audition
L’audition se déroule en règle générale selon un schéma de questions que l’on trouve en annexe de la directive du SEM relative à la procédure d’asile (non accessible au public) et qui comprend les points suivants :
Introduction : salutations, présentation des personnes présentes, explications sur les devoirs du requérant durant la procédure (voir chap. XII, pt 3).
Questions préliminaires : données personnelles (relations de famille et de parenté à l’étranger et en Suisse, cursus scolaire, indications concernant le service militaire, l’activité professionnelle, les séjours à l’étranger et les mandataires éventuellement consultés) pour autant que la première audition n’ait pas été complète sur ces points ou que des questions importantes pour la décision restent ouvertes.
Motifs d’asile : le requérant est d’abord invité à présenter spontanément ses motifs ; suit, au moyen de questions précises, une clarification des faits présentés : précisions concrètes, dissipation des malentendus, chronologie des événements, localisation et circonstances des principaux événements, questions sur les pays et questions spécifiques au cas particulier, approfondissement de certains éléments (activité politique, méthodes de persécution, explications relatives aux divers moyens de preuve, etc.). Il est ensuite donné une nouvelle fois au requérant l’occasion de dissiper les malentendus. En vertu de la maxime inquisitoire et de la garantie du droit du requérant d’être entendu, l’autorité a le devoir de procéder à une clarification complète des faits en ce qui concerne la qualité de réfugié et les obstacles à l’exécution du renvoi (voir chap. XII, pt 2).
Fin de la clarification des faits : à la fin, l’autorité pose des questions pour clarifier les circonstances du départ. Elle invite, le cas échéant, le requérant à se prononcer sur les contradictions importantes contenues dans son exposé des faits, puis elle lui demande s’il a pu aborder tous les éléments importants à l’appui de sa demande d’asile.
Information sur la suite de la procédure et sur le droit d’être entendu concernant le renvoi : le requérant est informé sur la suite de la procédure ainsi que sur les conséquences juridiques possibles. Il lui est donné l’occasion de se prononcer sur un éventuel renvoi et il a la possibilité d’indiquer tous les motifs qui n’ont pas encore été invoqués, mais qui lui paraissent importants (par exemple des motifs d’ordre humanitaire qui s’opposeraient au renvoi tels que des motifs médicaux). Il est enfin informé des autres devoirs de collaborer, en particulier de son devoir de se tenir à disposition des autorités pendant la procédure et d’annoncer ses changements d’adresse.
Retraduction et approbation (par signature) du procès-verbal.
[89]7.2.2.4 Procès-verbal
Un procès-verbal de l’audition est établi. Il doit être signé par toutes les personnes présentes, sauf le ROE (voir art. 29 al. 3 LAsi). Les indications relatives à la personne du requérant (identité, formation, profession, service militaire, situation de famille) peuvent être résumées mais, sur tous les points pouvant avoir une incidence pour l’asile, les questions et les réponses doivent être verbalisées mot à mot. Le procès-verbal doit aussi indiquer des éléments de communication non verbale, par exemple lorsque le requérant est pris par l’émotion. Il doit enfin mentionner les éventuelles corrections apportées par le requérant ainsi que les questions du ROE qui n’ont pas été autorisées.
A l’issue de l’audition, les déclarations verbalisées sont retraduites dans la langue du requérant. Leur exactitude doit être attestée par la signature du requérant à chaque page (ou par un signe pour les personnes ne sachant pas écrire).
7.2.2.5 Excursus : interprètes
Comme peu de requérants d’asile maîtrisent une des langues officielles, le SEM fait appel à un interprète pour les auditions.90 Il ne peut y être renoncé que si le requérant affirme qu’il dispose de suffisamment de connaissances d’une langue officielle et qu’il est donc en mesure d’être interrogé et entendu dans cette langue.91
L’interprète a pour tâche de traduire mot à mot toutes les questions et les réponses. La formulation ne peut être ni résumée, ni transformée. La traduction doit se faire à la première personne pour que les déclarations du requérant d’asile soient restituées de la manière la plus authentique possible. L’interprète doit se comporter de manière neutre et ne saurait en aucun cas émettre des jugements de valeurs ou des opinions personnelles au cours de la traduction. Il est soumis au secret de fonction comme toutes les personnes qui assistent à l’audition.
La collaboration à une audition sur les motifs d’asile ne peut être raisonnablement exigée du requérant d’asile si l’audition est conduite dans une langue qu’il ne comprend pas. Le refus de participer à une telle audition ne constitue pas une violation de l’obligation légale de collaborer.92
L’interprète ne doit ni avoir, ni établir une relation étroite avec le requérant. De part et d’autre, aucune question personnelle ne doit être posée.
[90]Le choix des interprètes doit être prudent et n’intervenir qu’après un examen approfondi. Des connaissances linguistiques marquées sont bien entendu exigées. Il est toutefois également important pour la traduction que l’interprète connaisse le contexte socioculturel pour pouvoir comprendre certaines déclarations du requérant et les expliquer au besoin.93 Il faut aussi être particulièrement attentif à l’origine de l’interprète, afin d’éviter les cas où des éléments de l’audition, par exemple des noms de compagnons de lutte, sont transmis au gouvernement du pays d’origine, ce qui peut avoir des conséquences catastrophiques pour les personnes concernées sur place. Il ne devrait être fait aucune concession quant aux exigences requises, même en période de carence d’interprètes dans une langue déterminée.
L’existence d’une multitude de dialectes parlés dans une région pose souvent des problèmes de traduction. D’une part, il n’est guère possible de recruter des interprètes appropriés pour chaque dialecte et d’autre part, le SEM ne connaît parfois pas (encore) l’origine exacte du requérant.
Pour répondre aux exigences élevées auxquelles ils sont soumis, les interprètes doivent avoir quitté leur pays d’origine depuis un certain temps au moment de leur engagement au SEM et peuvent parfois même avoir grandi en exil. Cette circonstance peut entraîner des difficultés en ce qui concerne la langue et les coutumes. L’exemple du Tibet le montre particulièrement bien : les Tibétains qui vivent en Europe parlent le tibétain d’exil et ne comprennent pas toujours suffisamment les dialectes parlés au Tibet. En outre, la langue parlée au Tibet est en constante évolution de sorte qu’une personne qui vit depuis longtemps dans un autre pays ne connaît pas certaines expressions ou vocables empruntés au chinois.
Les erreurs de traduction ne peuvent guère être constatées, car c’est la même personne qui traduit l’audition et qui retraduit le procès-verbal à la fin, usant des mêmes expressions.94
Une traduction présentant des défauts entraîne une consignation inexacte, ce qui peut affecter la clarification des faits.95 Dans ce cas, on peut reprocher au SEM une violation de son devoir d’instruction et également du droit d’être entendu du requérant d’asile.96
[91]Si, par exemple, le même mot est utilisé dans plusieurs sens ou que des expressions univoques ne sont pas toujours traduites de la même manière, cela peut déboucher sur des traductions variables et d’autres divergences, en particulier si – comme tel est en règle générale le cas – des interprètes différents sont engagés pour l’audition sommaire et l’audition sur les motifs d’asile. De telles divergences sont parfois considérées comme des « contradictions » entre les deux interrogatoires et sont retenues comme telles au détriment du requérant pour mettre en doute la vraisemblance de ses allégations.
7.3 Langue de la procédure
Selon l’art. 16 al. 1 LAsi, les requêtes adressées aux autorités fédérales peuvent être déposées dans n’importe quelle langue officielle. En vertu de la Constitution fédérale, les langues officielles sont l’allemand, le français et l’italien. Les décisions et décisions incidentes du SEM sont en principe rendues dans la langue officielle du lieu de résidence du requérant (art. 16 al. 2 LAsi). A titre exceptionnel, le SEM peut s’écarter de ce principe en présence d’une des situations prévues à l’art. 16 al. 3 LAsi. En plus des motifs d’efficacité de la procédure (al. 3 let. a), il est aussi prévu que le SEM puisse déroger à la règle lorsque le requérant ou son mandataire maîtrise une autre langue officielle. Le droit fondamental à la liberté de la langue (art. 18 Cst.) ne permet pas aux requérants d’asile d’exiger que la procédure se déroule dans la langue officielle de leur choix. En tant que lex specialis, l’art. 16 al. 2 LAsi a la primauté sur la règle générale de l’art. 37 PA.97
Les requêtes écrites adressées au SEM doivent également être rédigées dans l’une des trois langues officielles. Toutefois, il peut être dérogé à cette règle lorsqu’un requérant d’asile n’a pas les moyens financiers de faire traduire sa demande.98 Dans ce cas, le SEM doit traduire la requête à ses frais.99 Lorsqu’une décision est notifiée oralement selon l’art. 13 al. 1 et 2 LAsi, les passages importants de la décision (état de fait, considérants, dispositif et indication des voies de recours) doivent être traduits dans une langue que le requérant d’asile comprend.100
[92]7.4 Obligations à observer dans le cadre des auditions
7.4.1 Obligation de tous les participants de garder le secret
Toutes les personnes présentes à l’audition, à l’exception du requérant d’asile, sont soumises à l’obligation de garder le secret. Les violations du secret de fonction et de l’obligation de garder le secret (pour les ROE en vertu de l’art. 30 al. 4 LAsi), sont punissables pénalement (art. 293 et 320 CP). Le secret de fonction et l’obligation de garder le secret impliquent en particulier l’obligation de ne pas communiquer les données aux autorités du pays d’origine ou de provenance (art. 97 al. 1 LAsi). Cependant, si la qualité de réfugié n’a pas été reconnue en première instance, les données nécessaires aux autorités compétentes pour organiser le départ, énumérées exhaustivement par la loi, peuvent être transmises aux autorités du pays d’origine (art. 97 al. 2 et 3 LAsi).
La possibilité de procéder à un échange de données avec les autorités du pays d’origine à la suite du rejet de la qualité de réfugié en première instance déjà est problématique du fait que ce rejet n’est pas encore définitif. Une procédure de recours pourrait aboutir à son annulation et à la reconnaissance de la qualité de réfugié de l’intéressé.
7.4.2 Obligation de collaborer
Le requérant d’asile est soumis à l’obligation de collaborer (voir art. 8 LAsi). Il doit décliner son identité et remettre à l’autorité ses documents de voyage et pièces d’identité ainsi que les éventuels moyens de preuve en sa possession ou, s’ils sont disponibles et accessibles, s’efforcer de les obtenir afin de les remettre à l’autorité. Il doit, lors de l’audition, exposer de manière détaillée et complète les motifs pour lesquels il demande l’asile en Suisse. L’obligation de collaborer, comme pendant de la maxime inquisitoire, est traitée en détail au chap. XII, pt 3.
7.4.3 Obligation de dire la vérité
Les déclarations du requérant d’asile doivent être conformes à la vérité. L’asile accordé sur la base de fausses indications peut être révoqué (voir art. 63 al. 1 let. a LAsi ; sur la révocation de l’asile, voir chap. IX, pt 4.2).
Les mêmes principes s’appliquent aux documents. S’ils sont faux ou falsifiés ou si la personne les utilise de manière abusive, ils peuvent être confisqués ou remis à l’ayant droit (art. 10 al. 4 LAsi et art. 121 LEtr).
[93]7.5 Motivation des décisions
L’obligation de motiver (art. 35 PA) doit être qualifiée de corollaire du droit d’être entendu. Ce dernier exige entre autre que les arguments du requérant d’asile soient entendus par le SEM, qu’ils soient examinés avec diligence et qu’ils soient pris en considération de manière adéquate dans la décision. La motivation doit en être le reflet et permettre à la personne concernée de comprendre la décision et de l’attaquer objectivement le cas échéant.101 L’étendue de la motivation doit être adaptée à l’objet de la décision, aux circonstances de la procédure et aux intérêts de la personne concernée, les atteintes graves aux intérêts juridiquement protégés devant être motivées de manière plus détaillée que les autres.102 Cependant, la procédure d’asile touche toujours gravement les intérêts d’une personne de sorte que la motivation des décisions doit toujours être détaillée. Une violation de l’obligation de motiver peut entraîner la cassation de la décision.103
Plus le pouvoir d’appréciation des autorités est grand ou plus les notions juridiques à appliquer sont indéterminées, plus les exigences en matière de motivation des décisions sont élevées. Les décisions positives nécessitent certes une motivation moins détaillée que les décisions négatives, mais elles doivent aussi être dûment motivées, car la motivation en cas de révocation de la qualité de réfugié (voir chap. VIII, pt 4) peut jouer un rôle décisif et doit être ainsi compréhensible. Toutefois, en pratique, les décisions positives ne sont pas motivées. Les décisions de non-entrée en matière (voir chap. VII) peuvent n’être que sommairement motivées en vertu de l’art. 37a LAsi.
L’utilisation de considérants prérédigés dans les décisions du SEM est parfois problématique. Ils risquent d’enlever le caractère individuel de la motivation et ne correspondent pas toujours à l’intérêt personnel du requérant. Dans tous les cas, il n’est guère possible de saisir la complexité d’un état de fait dans un puzzle de considérants prérédigés avant de rendre une décision.
7.6 Notification et envoi des décisions
La notification des décisions administratives est réglementée de manière générale aux art. 34 ss PA.
[94]L’envoi de décisions rendues en procédure d’asile et de renvoi fait l’objet de règles spéciales à l’art. 12 LAsi.104 La notification est juridiquement valable si l’autorité envoie la décision à la dernière adresse connue du requérant d’asile ou de son mandataire et que son destinataire en prend possession. Après l’écoulement du délai postal de garde ordinaire de sept jours, la notification prend date valablement au dernier jour de ce délai, même si la décision est réceptionnée plus tard à la poste ou retourne à l’expéditeur comme non délivrée. La preuve de la notification en bonne et due forme incombe en principe à l’autorité. Une notification entachée de vices ne saurait entraîner aucun préjudice pour son destinataire (art. 38 PA). Lorsque la décision n’est pas du tout notifiée, elle ne déploie aucun effet. En cas d’une notification irrégulière, la protection qu’accorde le principe de la bonne foi varie en fonction de la situation. La jurisprudence exige que la personne concernée agisse pour clarifier sa situation juridique. S’il s’agit d’un mandataire, il devra agir avec une diligence toute particulière. Le droit à un recours effectif ne saurait toutefois être limité par une notification irrégulière de la décision, de sorte qu’un recours tardif est en règle générale, dans un tel cas, considéré comme recevable.105
L’art. 13 LAsi contient d’autres règles spéciales pour la procédure d’asile : celles de la notification orale et par télécopie. Normalement, la notification intervient, aussi en procédure d’asile, par écrit et envoi de la décision au requérant d’asile. Une notification orale peut cependant être indiquée lorsque la motivation ne pose pas de problèmes en soi parce que les faits pertinents peuvent être rattachés sans problème aux dispositions légales, par exemple dans les cas où un élément essentiel de la qualité de réfugié au sens de l’art. 3 LAsi n’est manifestement pas réalisé. Dans un tel cas, l’autorité doit remettre au requérant un extrait de procès-verbal qui restranscrit la notification orale et la motivation de la décision. Ce type de notification est utilisé surtout dans les CEP.
La notification peut se faire par télécopie lorsque la demande d’asile a été présentée à la frontière ou à l’aéroport (art. 13 al. 3 LAsi). Ce type de notification est également possible dans d’autres cas urgents (art. 13 al. 4 LAsi). Cependant, pour être juridiquement valable, la notification par télécopie suppose cumulativement que le cas soit urgent, que la télécopie soit signée, qu’une copie ait été remise à son destinataire et que celui-ci en confirme la réception. Si le requérant a un mandataire, il suffit de lui donner connaissance de la notification sans retard ; l’art. 11 al. 3 PA n’est pas applicable dans de tels cas. Il en va de même pour les décisions de [95]non-entrée en matière au sens de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi (art. 13 al. 5 LAsi) qui concernent à titre primaire des procédures Dublin.
Ce n’est qu’au moment de la notification que le requérant a la possibilité de prendre connaissance de la décision le concernant. La date à laquelle elle se produit fait partir le délai de recours (sur les délais, voir chap. XIII, pt 3.1). Une notification de la décision par publication dans un journal officiel n’entre pas en ligne de compte dans la procédure d’asile en raison de l’intérêt de la personne concernée au maintien du secret.
7.7 Droit de consulter le dossier
Les personnes concernées ne peuvent s’exprimer efficacement sur leur cause et apporter des preuves appropriées que si elles ont accès au dossier sur lequel se base l’autorité.106 Par conséquent, les requérants d’asile ou, le cas échéant, leur mandataire ont le droit de consulter leur dossier. Lorsque la procédure est pendante, le droit de consulter le dossier est régi par les art. 26 ss PA et, lorsqu’elle est terminée, par les dispositions de la loi sur la protection des données (voir l’art. 2 LPD dont l’al. 2 let. c exclut expressément (et uniquement) les procédures administratives pendantes du champ d’application de la LPD).107
Pendant la procédure d’instruction, une requête visant à la consultation du dossier peut être refusée en application de l’art. 27 al. 1 let. c PA mais, après la clôture de l’instruction, l’autorité a l’obligation d’accorder le droit à la consultation du dossier. En principe, il n’y a pas de violation du droit d’être entendu lorsque le SEM retient un dossier qui lui a été demandé pour consultation longtemps à l’avance, pour ensuite – sans motifs pertinents – en transmettre les pièces juste avant l’expédition de la décision ; en revanche, cette pratique porte atteinte au principe de loyauté en procédure et va à l’encontre de l’économie de procédure.108
Pour que la personne concernée puisse s’exprimer de manière adéquate sur le dossier consulté, les autorités ont le devoir de verbaliser et de verser au dossier tous les actes d’instructions, interrogatoires et expertises ainsi que tout autre élément pouvant avoir une incidence sur la décision.109 Le dossier doit être organisé de manière ordonnée, accessible et complète et l’on doit voir qui l’a constitué et comment.110 Sont des pièces du dossier tous les documents mentionnés à l’art. 26 PA. Les pièces [96]internes à l’administration sont exclues du droit de consulter le dossier. L’étendue de ce droit ne se détermine cependant pas selon que l’autorité classe elle-même un moyen de preuve comme interne ou secret, mais en fonction de la signification objective de la pièce en cause dans le cas concret. Des rapports et expertises établis de manière interne à l’administration sur des questions litigieuses de fait ne sont pas considérés comme des documents internes.111 Selon la jurisprudence difficilement explicable du TAF, la remarque du collaborateur du SEM qui « demande » une décision positive ne fait pas partie de cette catégorie d’exceptions bien qu’elle influence de manière décisive le processus de décision.112
Le contenu essentiel des « expertises Lingua » (voir chap. XII) doit être révélé dans le cadre du droit de consulter le dossier.113 Il faut donner au requérant la possibilité de s’exprimer à ce sujet et de proposer des contre-preuves. Les notes et les notices d’entretien rédigées à l’occasion de « tests sur les pays » ou de l’utilisation des informations sur les pays d’origine sont des moyens de preuve en procédure d’asile.114
Le droit de consulter le dossier peut être limité lorsqu’il existe un intérêt prépondérant au maintien du secret de certains documents. Ce point doit être tranché sur la base d’une pesée concrète, attentive et étendue des intérêts contradictoires en cause dans le respect du principe de la proportionnalité.115 Le refus du droit de consulter le dossier doit être motivé.
[97]8 Aperçu du projet 2
8.1 Centres de la Confédération
Selon le message du Conseil fédéral, la « restructuration du domaine de l’asile »116 nécessiterait environ 3’600 places supplémentaires, du fait que l’ensemble de la procédure accélérée doit en principe se dérouler dans les centres de la Confédération. Pour répondre à ce besoin, il faudrait créer un centre de procédure dans chacune des six régions de la Suisse ainsi que deux centres de préparation au départ. De plus, l’ouverture de deux centres spécifiques est envisagée.
La durée de séjour dans les centres de la Confédération serait de 140 jours et devrait pouvoir être prolongée de manière « appropriée ». Il est dès lors important que les possibilités d’hébergement tiennent compte de la durée de séjour nouvellement prévue et, en particulier, des besoins des personnes vulnérables. Ces centres ne devraient pas être situés à des endroits totalement reculés pour garantir des contacts sociaux aux résidants et ne pas leur compliquer excessivement l’accès à une représentation juridique. Si cette règle n’est pas respectée, le placement des requérants dans les centres reviendrait à une restriction disproportionnée de leur liberté de mouvement, voire à une privation de cette liberté.117
8.2 Procédure accélérée et élargie
Les demandes d’asile ne nécessitant pas d’autres mesures d’instruction seront à l’avenir soumises à la procédure accélérée (art. 26c P-LAsi). Dans ces cas, il ne devrait plus y avoir d’attribution à un canton et les personnes concernées seraient logées dans un centre de la Confédération pendant toute la durée de la procédure d’asile et de l’exécution du renvoi. Les cas Dublin seraient aussi soumis à la procédure accélérée. Selon le message relatif à la modification de la loi sur l’asile, le Conseil fédéral part du principe qu’environ 60 % des demandes pourraient être traitées selon cette procédure.
Pour les autres cas – environ 40 % – qui nécessitent des compléments d’instruction et ne peuvent pas être tranchés immédiatement, il serait fait application de la [98]procédure élargie au sens de l’art. 26d P-LAsi. Les requérants d’asile seraient alors attribués à un canton et la procédure devrait être terminée dans le délai d’une année.