Kitabı oku: «Manuel de la procédure d'asile et de renvoi», sayfa 6
Les motifs invoqués pour l’obtention d’un visa humanitaire sont examinés par la représentation à l’étranger. Si celle-ci ne les considère pas comme suffisants, elle rejette la demande de sa propre compétence au moyen du formulaire prévu par le droit de Schengen.
Au contraire, si elle reconnaît que les motifs sont suffisants ou si elle a des doutes, elle saisit les données de la demande avec photo et empreintes digitales dans le système national des visas ORBIS et transmet la demande de visa au SEM. La représentation joint à la demande une brève prise de position sur les conditions d’entrée en Suisse sous forme de note et envoie le dossier au SEM (annexe à ORBIS ou courrier diplomatique).
Le SEM examine la demande et accorde le visa s’il considère les motifs suffisants pour un visa humanitaire. La représentation suisse à l’étranger en est informée. Elle établit le visa permettant la venue du requérant en Suisse.
Au contraire, si le SEM rejette la demande, il établit une note qu’il insère dans ORBIS, saisit les motifs du rejet et retourne la demande à la représentation compétente qui refuse le visa.
Si le visa humanitaire est refusé, le requérant peut faire opposition dans les 30 jours au SEM (art. 6 al. 2bis LEtr). En cas de nouveau rejet, le recours au TAF est ouvert.
Si le visa humanitaire est accordé, la Confédération peut, selon l’art. 53 al. 3 OA 2, prendre en charge les frais nécessaires à l’entrée directe en Suisse et une demande dans ce sens peut être déposée. Toutefois, il n’existe pas un droit à la prise en charge de ces frais.
3.6.4 Problématique du visa humanitaire
Le visa humanitaire est censé garantir que des personnes menacées directement dans leur vie ou dans leur intégrité corporelle puissent trouver protection en Suisse malgré l’abrogation de la procédure à l’ambassade.43 Toutefois, les conditions d’octroi d’un visa humanitaire sont plus restrictives que celles de l’ancienne procédure à l’ambassade.44 Le fait de retenir qu’une personne qui se trouve déjà dans un pays tiers n’est plus en danger est hautement problématique lorsqu’il n’y a pas ou plus d’ambassades [71]ouvertes dans le pays en crise. Si la personne en danger fuit dans un Etat voisin et qu’elle dépose une demande de visa humanitaire à l’ambassade suisse qui s’y trouve, il lui sera objecté qu’au moment de sa demande, elle ne réside pas dans une zone en crise et qu’elle n’est dès lors plus en danger.45 En pratique, une telle situation met en échec le sens du visa humanitaire. En effet, les personnes provenant de pays frappé par la guerre civile ou qui subissent d’autres crises, violences ou catastrophes, n’ont guère de chances d’obtenir un visa humanitaire pour leur permettre de fuir en Suisse légalement. Les ressortissants d’un pays où il n’y a pas ou plus de représentation suisse sont pratiquement exclus de la procédure de visa humanitaire.
Dans un arrêt concernant une femme de 80 ans originaire de la ville syrienne de Homs, le Tribunal administratif fédéral a jugé que la présence personnelle auprès de la représentation n’était pas une condition impérative pour le dépôt d’une demande de visa humanitaire.46 Cette décision laisse espérer une approche plus flexible du visa humanitaire.
A titre de comparaison, entre 2006 et 2012, environ 377 entrées en Suisse en moyenne par année ont été autorisées dans le cadre d’une procédure à l’ambassade47 alors qu’en 2013, seuls 35 visas humanitaires ont été accordés. En 2014, 84 cas, dont environ 20 en lien avec la guerre en Syrie, ont été recensés.
4 Les centres d’enregistrement et de procédure (CEP)
4.1 Généralités
Au début de leur séjour en Suisse, les requérants d’asile sont en règle générale logés dans un CEP. Au moment de la mise sous presse, cinq CEP sont en service. Ceux-ci sont situés à Altstätten, Bâle, Chiasso, Kreuzlingen et Vallorbe. Le nombre de places disponibles dans chacun de ces centres varie entre 134 (Chiasso) et 400 (Bâle), pour atteindre un total d’environ 1200 places.48 En incluant les sites délocalisés, quelque 3000 personnes au total se trouvent dès lors dans des structures [72]d’hébergement de la Confédération. La composition de celles-ci change sans cesse au gré des nouveaux arrivants.
Les CEP sont gérés par le SEM qui peut toutefois charger des tiers49 de tâches ne relevant pas de la puissance publique pour assurer le fonctionnement des centres (art. 17 OA 1).
Les CEP sont ouverts du lundi au vendredi de 8h00 à 17h00. En dehors de ces heures, les requérants d’asile ne sont accueillis qu’en cas de circonstances particulières. Les CEP et les autres centres de la Confédération sont réservés aux requérants d’asile et aux personnes à protéger. Ils ne sont en principe pas ouverts au public.50
Le séjour dans les CEP dure 90 jours au maximum (art. 16 al. 2 OA 1). Selon l’art. 16a OA 1, en cas de situation particulière due à l’augmentation passagère ou durable du nombre de demandes d’asile, des « sites délocalisés gérés par la Confédération »51 peuvent être ouverts afin de garantir l’hébergement des requérants d’asile. Le séjour y dure jusqu’à ce que les autorités cantonales disposent des infrastructures nécessaires, mais au maximum douze mois. Au sujet du choix de localisation des centres, il faut veiller à ce qu’ils ne se trouvent pas dans des endroits totalement reculés empêchant tout contact social et rendant pratiquement impossible l’accès à une représentation juridique en raison de leur éloignement. Si tel était le cas, il pourrait y avoir une restriction disproportionnée à la liberté des personnes concernées, voire même une mesure équivalant à une privation de liberté.52
4.2 Fonction des CEP
Au CEP, la demande d’asile est enregistrée ; les requérants d’asile remplissent une fiche avec leurs données personnelles et un questionnaire détaillé sur leur état de santé, ils sont photographiés et leurs empreintes digitales sont prélevées. Celles-ci sont comparées électroniquement avec les données dont disposent le SEM, la police fédérale et les corps de gardes-frontières ainsi qu’avec les données d’Eurodac. Les documents de voyage ou autres documents attestant de l’identité du requérant sont versés au dossier. Les requérants qui n’ont pas de documents de voyage valables sur [73]eux sont priés d’en déposer dans les 48 heures. Ils doivent confirmer par écrit avoir reçu cette injonction. Ils reçoivent une notice les informant de leurs droits et de leurs devoirs dans le cadre de la procédure (voir art. 19 al. 3 LAsi ; plus de détails au pt 7.4 et au chap. XII, pt 3). Pendant leur séjour au CEP, les requérants doivent en principe se tenir à la disposition des autorités (art. 16 al. 1 OA 1). Au CEP, ils sont en règle générale sommairement interrogés sur leur identité, l’itinéraire suivi et leurs motifs de fuite (audition sommaire, art. 26 al. 2 LAsi). L’audition sommaire constitue la base de la décision sur la suite de la procédure, à savoir s’il faut envisager une procédure de réadmission dans un Etat tiers, une procédure Dublin (pt 7.1.2) ou une procédure en Suisse. En présence d’indices selon lesquels la minorité alléguée d’un requérant ne correspondrait pas à la réalité, une expertise de détermination de l’âge peut être ordonnée (art. 17 al. 3bis LAsi ; autres informations au sujet des requérants mineurs au chap. XVIIII, pt 3). Cette décision est également déterminante pour savoir si l’attribution du requérant à un canton est effectuée ou si la procédure peut être menée à terme dans le CEP. Le point 7 examinera de plus près la procédure de première instance.
4.3 Règlement intérieur
Selon l’art. 18 OA 1, l’exploitation du CEP est réglée par une ordonnance édictée par le DFJP.53 Cette ordonnance s’applique aussi aux centres spécifiques visés à l’art. 26 al. 1bis LAsi, aux centres de la Confédération exploités dans le cadre de phases de test, aux sites délocalisés gérés par la Confédération ainsi qu’aux logements situés dans les aéroports de Genève-Cointrin et de Zurich-Kloten (art. 1). Elle porte principalement sur les points suivants :
Art. 3 : la fouille des requérants par du personnel (de sécurité) de même sexe est autorisée. Les documents de voyage, les objets dangereux, les valeurs patrimoniales, les appareils électroniques bruyants, l’alcool, les drogues, les armes, etc. sont saisis. Les armes interdites et les drogues sont remises à la police.
Art. 4 : les requérants sont logés dans des dortoirs non mixtes. Il est tenu compte des besoins particuliers des familles, des enfants et des personnes avec un handicap.
Art. 5 : pendant leur séjour, les requérants ont accès aux soins médicaux de base.
Art. 6 : les requérants peuvent être contraints d’accomplir des travaux ménagers.
Art. 6a et 6b : des programmes d’occupation sont proposés aux personnes de plus de 16 ans (sauf dans les logements aux aéroports), mais ces personnes n’ont pas un droit à y participer.
[74]Art. 7 : des téléphones publics sont à la disposition des requérants, de même qu’un télécopieur si ce mode de communication est nécessaire pour prendre contact avec un conseiller juridique ou un représentant légal. Le courrier postal est transmis aux requérants.
Art. 9 : les aumôniers ont accès au centre pendant les heures d’ouverture et les mandataires pendant les heures de visite.
Art. 10 : les visiteurs qui peuvent rendre vraisemblable qu’ils ont des liens avec un requérant peuvent être reçus, avec l’accord de la direction, dans des locaux prévus à cet effet.
Art. 12 : l’autorisation de sortie requise pour quitter le centre peut être refusée lorsque le requérant doit se tenir à disposition de l’autorité pour l’exécution de la procédure d’asile (c’est-à-dire lorsque des opérations concrètes de procédure doivent être accomplies), lorsqu’il est tenu d’exécuter des tâches ménagères ou lorsqu’il n’a pas respecté les consignes. Si la sortie est refusée pendant plus d’un jour, le refus doit, sur demande, faire l’objet d’une décision susceptible de recours.54
4.4 Excursus : centres spécifiques
Avec les modifications urgentes de la loi sur l’asile du 28 septembre 2012 (projet 3), la possibilité d’héberger les requérants d’asile « récalcitrants » dans des centres spécifiques a été ancrée à l’art. 26 al. 1bis LAsi. Une personne peut ainsi être assignée à un centre spécifique lorsqu’elle menace la sécurité et l’ordre publics ou, par son comportement, porte sensiblement atteinte au fonctionnement du CEP ; une précision de ces conditions se trouve à l’art. 16b OA 1. L’assignation à un centre spécifique ne peut être attaquée que par un recours contre la décision finale (art. 16b al. 5 OA 1) et la durée maximale de séjour est de 140 jours (art. 16c OA 1). Le fait que l’hébergement dans un tel centre ne puisse pas être remis en cause plus tôt est problématique sous l’angle de l’Etat de droit en particulier, car l’hébergement en question revêt le caractère d’une mesure pénale et peut constituer une atteinte grave à la liberté de mouvement et à la liberté personnelle des requérants concernés (voir aussi chap. XIII, pt 1.3).55 Actuellement, deux centres fédéraux spécifiques sont prévus, mais les lieux d’implantation ne sont pas encore connus.56
[75]5 Phase test à Zurich
Le 6 janvier 2014 a débuté, à Zurich, le projet pilote destiné à tester et évaluer préalablement en pratique les changements qui devraient être introduits dans la procédure d’asile dans le cadre de la restructuration du domaine de l’asile adoptée en septembre 2015.
Ce projet a pour base légale l’art. 112b LAsi qui permet, dans le cadre de phases de test, de déroger, sur certains points et à certaines conditions, à la LAsi et à la LEtr. L’efficacité et la nécessité de ces phases de test ont été très controversées au Parlement. Des objections de fond relevant de l’Etat de droit ont été soulevées contre le projet d’article 112b précité auquel il était reproché d’ouvrir la voie à des violations du principe de l’égalité de traitement et du droit à un recours effectif. Des doutes ont aussi été émis au sujet des compétences élargies attribuées par cet article au Conseil fédéral d’une part et des exigences de précision pour une telle délégation d’autre part.57 Finalement, l’art. 112b LAsi a été adopté à la conférence de conciliation du 26 septembre 2012 avec une restriction : la durée de la phase de test a été fixée à deux ans au lieu de trois comme pour les autres mesures d’urgence. La base du projet pilote est l’ordonnance du 4 septembre 2013 sur la réalisation de phases de test relatives aux mesures d’accélération dans le domaine de l’asile (ordonnance sur les phases de test, OTest, RS 142.318.1).
L’art. 8 OTest exige que la phase de test soit évaluée. L’idée est de pouvoir se prononcer le plus objectivement possible sur de nouvelles règles de procédure avant de les introduire éventuellement dans la loi. Concrètement, la première évaluation a été faite par le SEM qui a chargé quatre organismes externes (mandats 1 à 4) d’une analyse tant quantitative que qualitative.58 L’évaluation de la phase de test a eu une importance particulière notamment parce que le projet de restructuration du domaine de l’asile adopté s’appuie en grande partie sur les dispositions de [76]l’OTest et sur les premières expériences faites dans le centre pilote.59 Les mesures urgentes datant de 2012 ont été prolongées le 26 septembre 2014 jusqu’au 28 septembre 2019.60 Par décision du Conseil fédéral du 5 juin 2015, l’OTest a été prorogée jusqu’au 28 septembre 2019 au plus tard.61 La prorogation est due aux résultats positifs de l’évaluation intermédiaire et à la reprise de parties essentielles des dispositions de l’OTest dans le projet de restructuration du domaine de l’asile.62
Sur la base de ces données juridiques, de nouvelles modalités procédurales sont expérimentées dans le traitement des demandes d’asile au centre de procédure de la Confédération de Zurich (« centre de test »). Le but aussi bien de la restructuration du domaine de l’asile que des mesures mises en place au centre de test est de réaliser des procédures d’asile et une exécution éventuelle de décisions négatives à la fois rapidement et dans le respect des principes de l’Etat de droit. Les personnes doivent obtenir la protection à laquelle elles ont droit et une aide pour s’intégrer dans les meilleurs délais en Suisse. La rapidité de la procédure devrait réduire aussi la tendance à déposer des demandes d’asile manifestement infondées et ainsi renforcer la crédibilité du domaine de l’asile dans son ensemble.63 Les requérants d’asile ne devraient pas subir de préjudices du fait de leur « participation aux phases de test » (art. 6 OTest).
Un « point clé » de cette nouvelle procédure accélérée64 est l’institution de la consultation et de la représentation juridiques gratuites pour chaque requérant d’asile pendant la procédure, d’autant plus que cette dernière se déroule sans représentation des œuvres d’entraide. Selon l’art. 24 OTest, le but de la consultation est d’informer les intéressés sur le déroulement de la procédure et sur leurs droits et obligations. Au cours de l’entretien, une représentation juridique est accordée à tous les requérants d’asile qui n’y renoncent pas expressément (art. 25 al. 2 OTest). [77]La prise en charge du mandat de représentation intervient par la signature d’une procuration par le requérant. Selon l’art. 25 al. 2 OTest, le représentant légal participe à toutes les phases de la procédure ; il informe par ailleurs aussi rapidement que possible le requérant sur les chances d’aboutissement de sa demande d’asile. Selon l’art. 25 al. 3 OTest, la représentation juridique prend fin soit à l’entrée en force de la décision en cas de procédure accélérée ou de procédure Dublin, soit au moment où il est décidé de continuer la procédure hors phases de test (« procédure étendue »). S’il estime qu’un recours serait voué à l’échec, le représentant légal peut déposer son mandat avant l’entrée en force de la décision, mais doit le communiquer aussi rapidement que possible à l’intéressé (art. 25 al. 4 OTest).65
Le principe de la procédure de test est qu’il soit statué rapidement dans tous les cas qui permettent une décision rapide. Dans cet esprit, les dossiers sont attribués soit à la procédure Dublin soit aux autres procédures déjà au moment de la phase préparatoire au sens de l’art. 16 OTest. Dans le cadre d’une procédure Dublin, la phase préparatoire dure dix jours au plus ; elle peut s’étendre jusqu’à 21 jours dans les autres types de procédures (art. 16 al. 1 OTest). Les procédures Dublin se poursuivent ensuite conformément aux règles de la LAsi et du RD III (à ce sujet, voir chap. VII, pt 2.2).
Dans les autres procédures, une audition a en principe lieu (sauf dans les cas de renonciation et de retrait). Le SEM décide ensuite si la procédure peut être menée dans les huit à dix jours (art. 17 OTest – « procédure accélérée ») ou si le cas doit être transféré en « procédure hors phases de test » (art. 19 OTest) parce qu’une décision sur l’asile nécessite plus de temps. Le représentant légal peut aussi demander le renvoi à la procédure étendue.66
Pour chaque cas dans lequel le SEM prend la décision à l’interne de ne pas entrer en matière sur la demande d’asile ou de la rejeter, il doit notifier un projet de décision au représentant légal attribué. La notification intervient pas voie de remise (art. 13 al. 1 OTest).67 Le représentant légal a la possibilité de prendre position dans [78]les 24 heures. Le dépôt tardif de cette prise de position est considéré comme une renonciation (art. 27 al. 2 OTest).
Illustration 1 : Centre de procédure à Zurich – phase de test | Source : SEM |
Le délai pour recourir contre les décisions de non-entrée en matière est de cinq jours ouvrables comme dans la procédure ordinaire (art. 108 al. 2 LAsi). En revanche, les recours contre les décisions matérielles rendues dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’art. 17 OTest doivent être déposés dans le délai de dix jours fixé à l’art. 38 OTest (en dérogation à l’art. 108 al. 1 LAsi).68 La jurisprudence ne donne pas encore une idée claire et générale de la façon dont le TAF juge la procédure prévue par l’OTest. En effet, les cas tranchés jusqu’en mai 2015 ont essentiellement porté sur des questions particulières et des détails spécifiques.69
Conformément aux exigences de l’art. 112b al. 4 LAsi, l’OTest mentionne toutes les dispositions légales auxquelles elle déroge, soit exactement les articles de la LAsi et de la LEtr.
[79]Le détail de ces dérogations signalées dans l’ordonnance est le suivant :
Illustration 2 : Spécifités de la procédure test
L’OTest ne mentionne pas d’autres dispositions. Une dérogation à d’autres lois, en particulier à la PA, mais aussi au CC (en ce qui concerne la désignation nécessaire et sans retard d’un tuteur ou d’un curateur pour les mineurs non accompagnés dans le canton de résidence) ou au CO (en ce qui concerne le fondement du mandat entre représentation juridique et requérant d’asile) serait inadmissible de par la teneur de l’art. 112b LAsi. La portée des dérogations admissibles est limitée aux questions concernant la réalisation de la procédure d’asile de première instance et de la procédure de renvoi ainsi qu’à son financement.
6 Attribution à un canton
Au plus tard après 90 jours dans un CEP,70 les requérants d’asile sont attribués à un canton et y sont hébergés et assistés. L’attribution intervient selon un mode aléatoire dans le cadre de la clé de répartition fixée à l’art. 21 OA 1 en fonction [80] de la population des cantons. La répartition doit tenir compte des intérêts dignes de protection des requérants (art. 22 OA 1). La décision d’attribution peut être attaquée auprès du TAF seulement en cas de violation du principe de l’unité de la famille (art. 27 al. 3 LAsi en relation avec l’art. 107 al. 1 LAsi) ; il s’agit ainsi d’assurer le respect des art. 8 et 13 CEDH. Même les requérants d’asile déboutés ayant des relations familiales ont un droit à être attribués dans le même canton que les membres de leur famille.71 La notion de famille dépasse ici celle de famille nucléaire (conjoints et enfants mineurs). De manière analogue à celle de l’art. 8 CEDH, elle s’étend au-delà du noyau familial pour comprendre notamment le cercle des oncles et tantes et des neveux et nièces pour autant qu’il existe entre les membres une relation proche, authentique et effectivement vécue.72
Les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière ou d’une décision négative sont également réparties dans les cantons et le canton désigné est compétent pour l’exécution de leur renvoi (art. 44 à 48 LAsi) ainsi que pour l’octroi de l’aide d’urgence.
Les personnes dont le renvoi peut être exécuté depuis le CEP sont attribuées au canton du lieu de situation du CEP (art. 21 al. 3 OA 1). Si la procédure est terminée, mais que le renvoi ne peut pas encore être exécuté, l’attribution intervient en vue de l’exécution. Si elle n’est pas terminée, les requérants d’asile sont attribués à un canton pour y séjourner pendant la procédure (art. 27 al. 2 LAsi). Les cantons désignent l’endroit où doit se présenter le requérant au plus tard dans les 24 heures après avoir quitté le CEP (art. 23 OA 1).
Dans le canton auxquels ils sont attribués, les requérants d’asile sont logés, en règle générale d’abord de manière collective, et reçoivent l’aide sociale nécessaire. Le canton de séjour est aussi compétent pour fournir les autres prestations d’assistance ainsi que pour ordonner d’éventuelles mesures de contrainte (voir à ce sujet chap. XVI).
En ce qui concerne les requérants d’asile mineurs, il y a lieu d’examiner dans le cas concret, au moment de l’attribution au canton, comment leur bien peut le mieux être pris en considération. Selon l’art. 17 al. 3 let. c LAsi, lorsqu’il s’agit d’un mineur non accompagné, les autorités cantonales compétentes doivent prononcer sans tarder des mesures tutélaires ou nommer une personne de confiance [81]si la tutelle prévue à l’art. 327a CC ne peut pas être organisée immédiatement par l’autorité de protection de l’enfant (art. 7 al. 2 OA 1) (voir chap. XVIIII, pt 3).73
7 Le déroulement de la procédure de première instance
7.1 Phase préparatoire
La phase préparatoire commence par le dépôt de la demande d’asile et dure au maximum trois semaines (art. 26 al. 1quater LAsi). Pendant cette phase, il s’agit de récolter des informations permettant de définir la suite de la procédure. Cette suite peut consister en une procédure Dublin, une procédure nationale ou, éventuellement, une procédure de réadmission dans un Etat tiers.
7.1.1 Entretien de conseil
Selon l’art. 25a LAsi, l’entretien de conseil doit servir à clarifier s’il existe une demande d’asile au sens de l’art. 18 LAsi et si celle-ci peut être suffisamment motivée. Si tel n’est pas le cas et que la personne concernée retire sa demande, celle-ci est classée sans décision formelle (sur le classement sans décision formelle, voir chap. VI, pt 4.4) et le renvoi est ordonné. L’entretien de conseil a lieu lors de l’audition sommaire, normalement sans représentation des œuvres d’entraide ni participation du représentant légal. Il existe ainsi le danger que les requérants d’asile ne puissent pas évaluer correctement la portée de l’entretien ou qu’ils ne comprennent pas qu’ils sont définitivement liés par un retrait de leur demande d’asile. Toutefois, selon les renseignements fournis par le SEM, l’entretien fait l’objet d’un procès-verbal, ce qui peut contribuer à ce que l’entretien ne soit pas utilisé comme une occasion de pousser les requérants à retirer leur demande. L’accès à une procédure d’asile respectant les principes de l’Etat de droit doit être garanti.
[82]En l’absence d’audition sommaire, l’entretien de conseil doit avoir lieu immédiatement avant l’audition sur les motifs d’asile. Tel peut être le cas dans l’hypothèse d’une procédure de réexamen ou de demande multiple.
7.1.2 Audition sommaire
L’audition sommaire74 est l’élément principal de la phase préparatoire. Le requérant y est invité à fournir les premières indications sur sa personne et sur ses motifs d’asile. Après les salutations et l’explication sur les droits et les devoirs du requérant, les participants sont brièvement présentés. En principe, il s’agit de collaborateurs du SEM, du requérant d’asile, et normalement d’un interprète. Le procès-verbal est établi par l’auditeur et il n’y a pas de représentation des œuvres d’entraide. Le requérant peut se faire accompagner par une personne de son choix, mais celle-ci doit ne pas être elle-même requérante d’asile. Il est interrogé sommairement sur son identité, son origine, ses séjours, ses relations, ses documents d’identité et sur son itinéraire de fuite. Ensuite, il lui est demandé de présenter brièvement et de manière succincte les motifs de sa demande d’asile.
Lorsqu’au vu des informations recueillies, il semble possible qu’un autre Etat Dublin soit responsable du traitement de la demande d’asile, le droit d’être entendu est accordé au sujet de cette éventuelle compétence de l’Etat concerné. En pratique, ce droit d’être entendu est accordé pour chaque Etat entrant en ligne de compte, car l’examen de la compétence proprement dit n’a pas encore commencé. Cela signifie que le requérant d’asile est interrogé sur ce qui plaiderait en défaveur d’un retour et de l’examen de la demande d’asile dans l’un des Etats Dublin éventuellement responsable. Or, ce point est problématique sous l’angle du droit à l’information (art. 4 RD III). En effet, pour tenir compte des exigences de l’entretien personnel (art. 5 RD III) et du droit d’être entendu, il faudrait d’abord déterminer quel Etat Dublin est responsable et requis pour que le requérant puisse correctement être informé et s’exprimer au sujet d’une situation concrète.75
A la fin de l’audition, le procès-verbal est imprimé et retraduit. Le requérant d’asile confirme son exactitude par une signature sur chaque page. Il est possible d’y apporter des corrections ou des compléments, mais il faut les signaler comme tels.
Lorsque des persécutions de nature sexuelle sont invoquées, l’équipe des fonctionnaires menant l’audition sommaire ne doit certes pas être modifiée, mais si elle [83]n’est pas de même sexe que le requérant, il faut en tenir compte lors de l’évaluation des déclarations faites. En revanche, pour l’audition au sens de l’art. 29 LAsi, l’art. 6 OA 1 prévoit une équipe de même sexe que le requérant en cas de persécution sexuelle. La directive du SEM précise : si un homme requérant invoque des événements pertinents de nature spécifique au sexe, il faut lui accorder le droit d’être entendu au sujet de la composition de l’équipe des fonctionnaires menant l’audition.76 En ce qui concerne les femmes, une équipe de femmes est automatiquement composée.77 Il serait toutefois souhaitable qu’un droit d’être entendu soit également accordé aux femmes au sujet de la composition de l’autorité menant l’audition.
En annexe au procès-verbal de l’audition sommaire, figurent deux déclarations de consentement soumises à la signature du requérant d’asile. La première concerne l’accord donné au SEM pour demander à des Etats tiers et à des organisations internationales ainsi qu’à toute autorité suisse certaines informations et documents ayant un lien avec la procédure d’asile. Elle contient aussi l’accord du requérant sur le contrôle de l’authenticité des documents d’identité et sur la communication du résultat du contrôle aux autorités mentionnées. En signant la seconde déclaration, le requérant délie le personnel médical du secret médical pour autant que les informations soient importantes pour la procédure d’asile. Si le requérant refuse de signer les déclarations, il est renvoyé à son devoir de collaborer, ce qui signifie pratiquement qu’il est contraint de donner son accord dans l’intérêt d’une issue favorable de la procédure.
7.1.3 Etablissement des faits médicaux
L’art. 26bis LAsi exige des requérants d’asile qu’ils fassent valoir immédiatement après le dépôt de la demande d’asile, mais au plus tard lors de l’octroi du droit d’être entendu (chap. XII, pt 2) ou de l’audition sur les motifs d’asile (pt 7.2.2) les atteintes à leur santé déterminantes pour la procédure d’asile qui leur étaient déjà connues au moment du dépôt de la demande d’asile. Si des allégations sont faites plus tard au sujet de l’état de santé, celles-ci doivent être prouvées à moins que le requérant ait des motifs excusables pour justifier ce retard.78
[84]Dans ce contexte, il s’agit de relever que les conséquences psychiques du vécu lié à la fuite ne refont souvent surface qu’après une phase de calme et dans un contexte de sécurité physique. Pour les spécialistes, une invocation tardive d’événements traumatisants plaide pour leur vraisemblance, car les personnes concernées ne peuvent en règle générale en parler qu’après un long processus de maîtrise de soi et dans l’atmosphère intime d’une thérapie.79 Ce point devrait être pris en considération par le SEM lorsqu’il estime que des problèmes médicaux sont invoqués tardivement, sachant qu’un tel retard doit dans ce cas de figure être considéré comme « excusable » au sens de l’art. 26bis al. 3 LAsi.
La connaissance d’une atteinte à la santé au sens de l’art. 26bis al. 1 LAsi devrait être envisagée de manière analogue aux voies de droit extraordinaires, dans le cadre desquelles la « découverte » d’un vécu traumatisant est interprétée comme la « disparition de l’empêchement » (par exemple première thématisation dans le cadre d’une thérapie).80 La connaissance d’une dégradation de l’état de santé d’une personne au sens de l’art. 26bis al. 1 LAsi doit, en raison de l’état de fait comparable, également être interprétée à la lumière de cette jurisprudence.81