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XLI. SUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE
(26 novembre 1793)
À plusieurs reprises Danton revint sur la question de l’instruction publique. Dans cette même séance de la Convention il demanda l’institution de fêtes publiques et nationales, notamment à l’Être suprême, idée que Robespierre devait faire sienne quelques mois plus tard.
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Dans ce moment où la superstition succombe pour faire place à la raison, vous devez donner une centralité à l’instruction publique, comme vous en avez donné une au gouvernement. Sans doute vous disséminerez dans les départements des maisons où la jeunesse sera instruite dans les grands principes de la raison et de la liberté; mais le peuple entier doit célébrer les grandes actions qui auront honoré notre révolution. Il faut qu’il se réunisse dans un vaste temple, et je demande que les artistes les plus distingués concourent pour l’élévation de cet édifice, où, à un jour indiqué, seront célébrés des jeux nationaux. Si la Grèce eut ses jeux olympiques, la France solennisera aussi ses jours sans-culottides. Le peuple aura des fêtes dans lesquelles il offrira l’encens à l’Être suprême, au maître de la nature; car nous n’avons pas voulu anéantir le règne de la superstition, pour établir le règne de l’athéisme.
Citoyens, que le berceau de la liberté soit encore le centre des fêtes nationales. Je demande que la Convention consacre le Champ-de-Mars aux jeux nationaux, qu’elle ordonne d’y élever un temple où les Français puissent se réunir en grand nombre. Cette réunion alimentera l’amour sacré de la liberté, et augmentera les ressorts de l’énergie nationale; c’est par de tels établissements que nous vaincrons l’univers. Des enfants vous demandent d’organiser l’instruction publique; c’est le pain de la raison, vous le leur devez; c’est la raison, ce sont les lumières qui font la guerre aux vices. Notre révolution est fondée sur la justice, elle doit être consolidée par les lumières. Donnons des armes à ceux qui peuvent les porter, de l’instruction à la jeunesse, et des fêtes nationales au peuple.
XLII. SUR LES ARRÊTÉS DES REPRÉSENTANTS EN MISSION EN MATIÈRE FINANCIÈRE
(1er décembre 1793)
Dans la séance du 1er décembre, la Convention décréta sur certains arrêtés rigoureux pris en matière financière, soit sur l’or, soit sur les assignats, par des représentants en mission. Danton s’éleva contre l’arbitraire possible de pareilles manoeuvres.
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Cambon nous a fait une déclaration solennelle et qu’il faut répéter; c’est que nous avons au trésor public de l’or, de quoi acquérir du pain et des armes, autant que le commerce neutre pourra nous en fournir. D’après cela, nous ne devons rien faire précipitamment en matière de finances. C’est toujours avec circonspection que nous devons toucher à ce qui a sauvé la République. Quelque intérêt qu’eussent tous nos ennemis à faire tomber l’assignat, il est resté, parce que sa valeur a pour base le sol entier de la République. Nous pourrons examiner à loisir, et méditer mûrement la théorie du comité. J’en ai raisonné avec Cambon. Je lui ai développé des inconvénients graves dont il est convenu avec moi. N’oublions jamais qu’en pareille matière des résultats faux compromettraient la liberté.
Cambon nous a apporté des faits. Des représentants du peuple ont rendu des lois de mort pour l’argent. Nous ne saurions nous montrer assez sévères sur de pareilles mesures, et surtout à l’égard de nos collègues. Maintenant que le fédéralisme est brisé, les mesures révolutionnaires doivent être une conséquence nécessaire de nos lois positives. La Convention a senti l’utilité d’un supplément de mesures révolutionnaires; elle l’a décrété: dès ce moment, tout homme qui se fait ultra-révolutionnaire donnera des résultats aussi dangereux que pourrait le faire le contre-révolutionnaire décidé. Je dis donc que nous devons manifester la plus vive indignation pour tout ce qui excédera les bornes que je viens d’établir.
Déclarons que nul n’aura le droit de faire arbitrairement la loi à un citoyen; défendons contre toute atteinte ce principe: que la loi n’émane que de la Convention, qui seule a reçu du peuple la faculté législative; rappelons ceux de nos commissaires qui, avec de bonnes intentions sans doute, ont pris les mesures qu’on nous a rapportées, et que nul représentant du peuple ne prenne désormais d’arrêté qu’en concordance avec nos décrets révolutionnaires, avec les principes de la liberté, et d’après les instructions qui lui seront transmises par le Comité de salut public. Rappelons-nous que si c’est avec la pique que l’on renverse, c’est avec le compas de la raison et du génie qu’on peut élever et consolider l’édifice de la société. Le peuple nous félicite chaque jour sur nos travaux; il nous a signifié de rester à notre poste: c’est parce que nous avons fait notre devoir. Rendons-nous de plus en plus dignes de la confiance dont il s’empresse de nous investir; faisons seuls la loi et que nul ne nous la donne. J’insiste sur le rappel et l’improbation des commissaires qui ont pris l’arrêté qui vous a été dénoncé.
Enfin je demande que le Comité de salut public soit chargé de notifier à tous les représentants du peuple qui sont en commission, qu’ils ne pourront prendre aucune mesure qu’en conséquence de vos lois révolutionnaires et des instructions qui leur seront données.
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Fayau, ayant parlé en faveur des mesures révolutionnaires extrêmes nécessitées dans certains départements, fit observer que le Comité de salut public en pouvait juger, puisque les représentants en mission lui communiquaient leurs arrêtés dans les vingt-quatre heures. Danton répondit, et, quoique admettant les motifs de Fayau, il en contesta l’urgence tout en demandant une application rigoureuse des mesures révolutionnaires:
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Je suis d’accord sur l’action prolongée et nécessaire du mouvement et de la force révolutionnaires. Le Comité de salut public examinera celles qui seront nécessaires et utiles; et s’il est utile d’ordonner la remise de l’or et de l’argent, sous peine de mort, nous le ratifierons, et le peuple le ratifiera avec nous; mais le principe que j’ai posé n’en est pas moins constant: c’est au Comité de salut public à diriger les mesures révolutionnaires sans les resserrer; ainsi tout commissaire peut arrêter les individus, les imposer même, telle est mon intention. Non seulement je ne demande point le ralentissement des mesures révolutionnaires, mais je me propose d’en présenter qui frapperont et plus fort et plus juste; car, dans la République, il y a un tas d’intrigants et de conspirateurs véritables qui ont échappé au bras national, qui en a atteint de moins coupables qu’eux. Oui, nous voulons marcher révolutionnairement, dût le sol de la République s’anéantir; mais, après avoir donné tout à la vigueur, donnons beaucoup à la sagesse; c’est de la constitution de ces deux éléments que nous recueillerons les moyens de sauver la patrie.
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Dans cette même séance, un citoyen venu à la barre commença la lecture d’une apologie rimée de Jean-Paul Marat, que Danton interrompit avec véhémence:
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Et moi aussi j’ai défendu Marat contre ses ennemis, et moi aussi j’ai apprécié les vertus de ce républicain; mais, après avoir fait son apothéose patriotique, il est inutile d’entendre tous les jours son éloge funèbre et des discours ampoulés sur le même sujet; il vous faut des travaux et non pas des discours. Je demande que le pétitionnaire dise clairement et sans emphase l’objet de sa pétition.
XLIII. DÉFENSE AUX JACOBINS
(3 décembre 1793)
A la séance des Jacobins du 3 décembre, un membre ayant demandé que la Convention fût invitée à fournir des locaux aux sociétés populaires n’en possédant point encore fut combattu par Danton. Coupé (de l’Oise) accusa Danton de modérantisme et lui fit le reproche de vouloir paralyser la Révolution. L’accusé improvisa aussitôt sa défense:
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Coupé a voulu empoisonner mon opinion. Certes, jamais je n’ai prétendu proposer de rompre le nerf révolutionnaire, puisque j’ai dit que la Constitution devait dormir pendant que le peuple était occupé à frapper ses ennemis. Les principes que j’ai énoncés portent sur l’indépendance des sociétés populaires de toute espèce d’autorité. C’est d’après ce motif que j’ai soutenu que les sociétés populaires ne devaient avoir recours à personne pour solliciter des localités (sic). J’ai entendu des rumeurs. Déjà des dénonciations graves ont été dirigées contre moi; je demande enfin à me justifier aux yeux du peuple, auquel il ne sera pas difficile de faire reconnaître mon innocence et mon amour pour la liberté. Je somme tous ceux, qui ont pu concevoir contre moi des motifs de défiance, de préciser leurs accusations, car je veux y répondre en public. J’ai éprouvé une forte défaveur en paraissant à la tribune. Ai-je donc perdu ces traits qui caractérisent la figure d’un homme libre? Ne suis-je plus ce même homme qui s’est trouvé à vos côtés dans les moments de crise? Ne suis-je pas celui que vous avez souvent embrassé comme votre ami, et qui doit mourir avec vous? Ne suis-je pas l’homme qui à été accablé de persécution? J’ai été un des plus intrépides défenseurs de Marat. J’évoquerai l’ombre de l’Ami du peuple pour ma justification. Vous serez étonné, quand je vous ferai connaître ma conduite privée, de voir que la fortune colossale que mes ennemis et les vôtres m’ont prêtée se réduit à la petite portion de biens que j’ai toujours eue. Je défie les malveillants de fournir contre moi la preuve d’aucun crime. Tous leurs efforts ne pourront m’ébranler. Je veux rester debout avec le peuple. Vous me jugerez en sa présence. Je ne déchirerai pas plus la page de mon histoire que vous ne déchirerez la vôtre, qui doivent immortaliser les fastes de la liberté.
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Le Moniteur ne donne pas la suite du discours de Danton, et la résume en ces mots: «L’orateur, après plusieurs morceaux violents prononcés avec une abondance qui n’a pas permis d’en recueillir tous les traits, termine par demander qu’il soit nommé une commission de douze membres chargés d’examiner les accusations dirigées contre lui, afin qu’il puisse y répondre en présence du peuple. Robespierre monta ensuite à la tribune pour justifier Danton qui, à la fin de la séance, reçut l’accolade fraternelle, au milieu des applaudissements les plus flatteurs».
XLIV. SUR LES MESURES A PRENDRE CONTRE LES SUSPECTS
(7 décembre 1793)
Sur la proposition de Couthon, la Convention décréta, le 7 décembre, que les comités révolutionnaires prenant des mesures de sûreté contre les suspects non compris dans la loi du 17 septembre 1793 motiveraient ces mesures sur un registre particulier. Danton y ajouta une proposition qui fut adoptée.
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Il faut nous convaincre d’une vérité politique, c’est que, parmi les personnes arrêtées, il en est de trois classes, les unes qui méritent la mort, un grand nombre dont la République doit s’assurer, et quelques-unes sans doute qu’on peut relaxer sans danger pour elle. Mais il vaudrait mieux, au lieu d’affaiblir le ressort révolutionnaire, lui donner plus de nerf et de vigueur. Avant que nous en venions à des mesures combinées, je demande un décret révolutionnaire que je crois instant. J’ai eu, pendant ma convalescence, la preuve que des aristocrates, des nobles extrêmement riches, qui ont leurs fils chez l’étranger, se trouvent seulement arrêtés comme suspects, et jouissent d’une fortune qu’il est juste de faire servir à la défense de la liberté qu’ils ont compromise. Je demande que vous décrétiez que tout individu qui a des fils émigrés, et qui ne prouvera pas qu’il a été ardent patriote, et qu’il a fait tout au monde pour empêcher leur émigration, ne soit plus que pensionnaire de l’État, et que tous ses biens soient acquis à la République.
XLV. SUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE
(12 décembre 1793)
Ces observations de Danton, dans la séance du 12 décembre, complètent les précédents discours sur l’instruction publique.
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Il est temps de rétablir ce grand principe qu’on semble méconnaître: que les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents. Personne plus que moi ne respecte la nature. Mais l’intérêt social exige que là seulement doivent se réunir les affections. Qui me répondra que les enfants, travaillés par l’égoïsme des pères, ne deviennent dangereux pour la République? Nous avons assez fait pour les affections, nous devons dire aux parents: nous ne vous arrachons pas vos enfants; mais vous ne pouvez les soustraire à l’influence nationale.
Et que doit donc nous importer la raison d’un individu devant la raison Nationale? Qui de nous ignore les dangers que peut produire cet isolement Perpétuel? C’est dans les écoles nationales que l’enfant doit sucer le lait républicain. La République est une et indivisible. L’instruction publique doit aussi se rapporter à ce centre d’unité. A qui d’ailleurs accorderions-nous cette faculté de s’isoler? C’est au riche seul. Et que dira le pauvre, contre lequel peut-être on élèvera des serpents? J’appuie donc l’amendement proposé.
ANNÉE 1794
XLVI. SUR L’ÉGALITÉ DES CITOYENS DEVANT LES MESURES RÉVOLUTIONNAIRES
(23 janvier 1794)
Les commissaires de la section Mucius Scævola avaient fait une perquisition chez M. Duplessis, beau-père de Camille Desmoulins. Ils étaient partis en emportant une partie de sa bibliothèque. Camille vint réclamer à la Convention contre cet acte d’arbitraire. Danton, malgré son amitié, s’éleva contre lui au nom de l’égalité de tous les citoyens, membres de la Convention ou non, devant les mesures de salut public.
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Je m’oppose à l’espèce de distinction, de privilège, qui semblerait accordé au beau-père de Desmoulins. Je veux que la Convention ne s’occupe que d’affaires générales. Si l’on veut un rapport pour ce citoyen, il en faut aussi pour tous les autres. Je m’élève contre la priorité de date qu’on cherche à lui donner à leur préjudice. Il s’agit d’ailleurs de savoir si le Comité de sûreté générale n’est pas tellement surchargé d’affaires qu’il trouve à peine le temps de s’occuper de réclamations particulières.
Une révolution ne peut se faire géométriquement. Les bons citoyens qui souffrent pour la liberté doivent se consoler par ce grand et sublime motif. Personne n’a plus que moi demandé les comités révolutionnaires; c’est sur ma proposition qu’ils ont été établis. Vous avez voulu créer une espèce de dictature patriotique des citoyens les plus dévoués à la liberté, sur ceux qui se sont rendus suspects. Ils ont été élevés dans un moment où le fédéralisme prédominait. Il a fallu, il faut encore les maintenir dans toute leur force; mais prenons garde aux deux écueils contre lesquels nous pourrions nous briser. Si nous faisions trop pour la justice, nous donnerions peut-être dans le modérantisme, et prêterions des armes à nos ennemis. Il faut que la justice soit rendue de manière à ne point atténuer la sévérité de nos mesures.
Lorsqu’une révolution marche vers son terme quoiqu’elle ne soit pas encore consolidée, lorsque la République obtient des triomphes, que ses ennemis sont battus, il se trouve une foule de patriotes tardifs et de fraîche date; il s’élève des luttes de passions, des préventions, des haines particulières, et souvent les vrais, les constants patriotes sont écrasés par ces nouveaux venus. Mais enfin, là où les résultats sont pour la liberté par des mesures générales, gardons-nous de les accuser. Il vaudrait mieux outrer la liberté et la Révolution, que de donner à nos ennemis la moindre espérance de rétroaction. N’est-elle pas bien puissante, cette nation? N’a-t-elle pas le droit comme la force d’ajouter à ses mesures contre les aristocrates, et de dissiper les erreurs élevées contre les ennemis de la patrie? Au moment où la Convention peut, sans inconvénient pour la chose publique, faire justice à un citoyen, elle violerait ses droits, si elle ne s’empressait de le faire.
La réclamation de mon collègue est juste en elle-même, mais elle ferait naître un décret indigne de nous. Si nous devions accorder une priorité, elle appartiendrait aux citoyens qui ne trouvent pas, dans leur fortune et dans leurs connaissances avec des membres de la Convention, des espérances et des ressources au milieu de leur malheur; ce serait aux malheureux, aux nécessiteux, qu’il faudrait d’abord tendre les mains. Je demande que la Convention médite les moyens de rendre justice à toutes les victimes des mesures et arrestations arbitraires, sans nuire à l’action du gouvernement révolutionnaire. Je me garderai bien d’en prescrire ici les moyens. Je demande le renvoi de cette question à la méditation du Comité de sûreté générale, qui se concertera avec le Comité de salut public; qu’il soit fait un rapport à la Convention, et qu’il soit suivi d’une discussion large et approfondie; car toutes les discussions de la Convention ont eu pour résultat le triomphe de la liberté.
La Convention n’a eu de succès que parce qu’elle a été peuple; elle restera Peuple; elle cherchera et suivra sans cesse l’opinion qui doit décréter toutes les lois que vous proclamez. En approfondissant ces grandes questions, vous obtiendrez, je l’espère, des résultats qui satisferont la justice et l’humanité.
XLVII. POUR LE PÈRE DUCHESNE ET RONSIN
(2 février 1794)
Dans la nuit du 19 décembre 1793, Hébert et Ronsin avaient été arrêtés. Le Comité de sûreté générale proposa à la Convention, le 2 février, de décréter leur mise en liberté. Lecointre, Philippeaux et Bourdon (de l’Oise) s’opposèrent à cette mesure que Danton réclama en ce discours:
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Ce devrait être un principe incontestable parmi les patriotes que, par provision, on ne traitât pas comme suspects des vétérans révolutionnaires qui, de l’aveu public, ont rendu des services constants à la liberté. Je sais que le caractère violent et impétueux de Vincent et de Ronsin a pu leur donner des torts particuliers vis-à-vis de tel ou tel individu; mais, de même que dans toutes les grandes affaires, je conserverai l’inaltérabilité de mon opinion, et que j’accuserai mon meilleur ami si ma conscience me dit qu’il est coupable, de même je veux aujourd’hui défendre Ronsin et Vincent contre des préventions que je pourrais reprocher à quelques-uns de mes collègues, et contre des faits énoncés postérieurement à l’arrestation de deux détenus, ou bien antérieurement, mais alors peu soigneusement conservés dans les circonstances dont on les a environnés. Car enfin, sur ces derniers, vous venez d’entendre l’explication de Levasseur; quant aux autres, quelles probabilités les accompagnent? combien de signataires en attestent la vérité? qui les garantit à celui qui a signé la dénonciation? Lui-même est-il témoin et témoin oculaire? Si aucun des signataires n’a été le témoin de ce qu’il a avancé, s’il n’a que de simples soupçons, je répète qu’il est très dangereux et très impolitique d’assigner comme suspect un homme qui a rendu de grands services à la révolution.
Je suppose que Ronsin et Vincent, s’abandonnant aussi à des préventions individuelles, voulussent voir dans les erreurs où Philippeaux a pu tomber, le plan formé d’une contre-révolution; immuable, comme je le suis, je déclare que je n’examinerais que les faits, et que je laisserais de côté le caractère qu’on aurait voulu leur donner.
Ainsi donc, quand je considère que rien, en effet, n’est parvenu au Comité de sûreté générale contre Vincent et Ronsin, que, d’un autre côté, je vois une dénonciation signée d’un seul individu, qui peut-être ne déclare qu’un ouï-dire, je rentre alors dans mes fonctions de législateur; je me rappelle le principe que je posais tout à l’heure, qui est qu’il faut être bien sûr des faits pour prêter des intentions contre-révolutionnaires à des amis ardents de la liberté, ou pour donner à leurs erreurs un caractère de gravité qu’on ne supporterait pas pour les siennes propres. Je dis alors qu’il faut être aussi prompt à démêler les intentions évidentes d’un aristocrate qu’à rechercher le véritable délit d’un patriote; je dis ce que je disais à Fabre lui-même lorsqu’il arracha à la Convention le décret d’arrestation contre Vincent et Ronsin: «vous prétendez que la Convention a été grande lorsqu’elle a rendu ce décret, et moi je soutiens qu’elle a eu seulement une bonne intention et qu’il la fallait bien éclairer».
Ainsi je défends Ronsin et Vincent contre des préventions, de même que je défendrai Fabre et mes autres collègues, tant qu’on n’aura pas porté dans mon âme une conviction contraire à celle que j’en ai. L’exubérance de chaleur qui nous a mis à la hauteur des circonstances, et qui nous a donné la force de déterminer les événements et de les faire tourner au profit de la liberté, ne doit pas devenir profitable aux ennemis de la liberté! Mon plus cruel ennemi, s’il avait été utile à la République, trouverait en moi un défenseur ardent quand il serait arrêté, parce que je me défierais d’autant plus de mes préventions qu’il aurait été plus patriote.
Je crois Philippeaux profondément convaincu de ce qu’il avance, sans que pour cela je partage son opinion; mais, ne voyant pas de danger pour la liberté dans l’élargissement de deux citoyens qui, comme lui et comme nous, veulent la République, je suis convaincu qu’il ne s’y opposera pas; qu’il se contentera d’épier leur conduite et de saisir les occasions de prouver ce qu’il avance; à plus forte raison la Convention, ne voyant pas de danger dans la mesure que lui propose le Comité de sûreté générale, doit se hâter de l’adopter.
Si, quand il fallait être électrisé autant qu’il était possible pour opérer et maintenir la révolution; si, quand il a fallu surpasser en chaleur et en énergie tout ce que l’histoire rapporte de tous les peuples de la terre; si, alors, j’avais vu un seul moment de douceur, même envers les patriotes, j’aurais dit: notre énergie baisse, notre chaleur diminue. Ici, je vois que la Convention a toujours été ferme, inexorable envers ceux qui ont été opposés à l’établissement de la liberté; elle doit être aujourd’hui bienveillante envers ceux qui l’ont servie, et ne pas se départir de ce système qu’elle ne soit convaincue qu’il blesse la justice. Je crois qu’il importe à tous que l’avis du Comité soit adopté; préparez-vous à être plus que jamais impassibles envers vos vieux ennemis, difficiles à accuser vos anciens amis. Voilà, je déclare, ma profession de foi, et j’invite mes collègues à la faire dans leur coeur. Je jure de me dépouiller éternellement de toute passion, lorsque j’aurai à prononcer sur les opinions, sur les écrits, sur les actions de ceux qui ont servi la cause du peuple et de la liberté. J’ajoute qu’il ne faut pas oublier qu’un premier tort conduit toujours à un plus grand. Faisons d’avance cesser ce genre de division que nos ennemis, sans doute, cherchent à jeter au milieu de nous; que l’acte de justice que vous allez faire soit un germe d’espérance jeté dans le coeur des citoyens qui, comme Vincent et Ronsin, ont souffert un instant pour la cause commune, et nous verrons naître pour la liberté des jours aussi brillants et aussi purs que vous lui en avez déjà donné de victorieux.