Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 10
«Le portrait de Charles Ier, à mi-corps, que M. Waagen attribue à l'un des élèves du maître;
«Le portrait d'Henriette-Marie, encore plus douteux, selon le même connaisseur;
«Thomas Howard, revêtu de son armure, à mi-corps, peint avec soin, et d'un ton brun vigoureux;
«Le même, avec sa femme Alathea Talbot. Ils sont représentés assis, jusqu'aux genoux. Le comte montre du doigt un globe placé près de lui: la comtesse tient un cercle. Ils sont l'un et l'autre richement vêtus. La composition est naturelle, et l'exécution soignée d'un ton entièrement brun;
«Thomas Howard, comte d'Arundel, et son fils, lord Maltravers, encore jeune. Le père est revêtu de son armure, avec le bâton de commandement; le fils est en costume de soie, tous deux jusqu'aux genoux. Ce tableau a quelque chose de grand comme composition, et n'est pas moins remarquable par son coloris bruni; l'exécution en est réellement magistrale;
«Henri Howard, en costume noir, peint à peu près jusqu'aux genoux, admirablement modelé, d'un ton chaud comme celui de Titien.»
L'authenticité de ces portraits, attribués à Van Dyck, n'est pas contestée par le savant appréciateur de Berlin; il n'en est pas de même de celui de James Howard, lord Mowbray et Maltravers, qu'on considère comme un Van Dyck à Arundel-Castle, mais qu'il trouve peu digne de ce maître.
En outre, M. Waagen signale un portrait du comte dans la collection de lord Clarendon223.
Nous ignorons si le célèbre tableau qui représente le comte, et dans lequel Van Dyck a placé le fameux bronze de la tête d'Homère, se trouve parmi ceux énumérés ci-dessus; mais on voit que cet artiste fut largement employé par le grand-maréchal d'Angleterre et les siens. Si l'orgueil aristocratique eut sa part dans la commande de tous ces portraits de famille, on doit également admettre que la supériorité de l'artiste ne fut pas étrangère au choix que fit de son pinceau l'un des plus grands connaisseurs de l'Angleterre.
Un autre peintre moins célèbre, mais cependant bien connu dans la Grande-Bretagne, où il a longtemps travaillé, non sans talent, le hollandais Van Somer, fit aussi plusieurs fois le portrait du comte d'Arundel. M. Waagen cite de lui, à Arundel-Castle, deux tableaux: l'un, représentant le comte; l'autre, sa femme, et il assure que ces portraits sont de bons spécimens du talent de cet artiste de second ordre224. Dallaway, dans son ouvrage sur les beaux-arts en Angleterre, cite encore deux autres portraits du comte et de sa femme, par Van Somer. On les voyait, de son temps (vers 1800), au château de Worksop. Ils sont datés de 1618; le lord est représenté assis, vêtu de noir, portant à son cou le collier de l'ordre de la Jarretière; il désigne avec son bâton de maréchal quelques statues qui sont près de lui225.
Daniel Mytens, peintre hollandais, attaché au service de Charles Ier, fit aussi les portraits du comte et de la comtesse d'Arundel, et l'on voit par une lettre de cet artiste, adressée de Londres, le 18 août 1618, à sir Dudley Carleton, ambassadeur d'Angleterre à La Haye, et rapportée par M. Carpenter, p. 222, que le comte avait fait exécuter par cet artiste des réductions de ces portraits, et qu'il les envoya à Carleton, dont il se servait en Hollande pour lui acheter des tableaux.
Le peintre Joachim Sandrart, auteur de l'Académie du très-noble art de la peinture226, ayant accompagné, en Angleterre, son maître, Gérard Honthorst, pour l'aider dans ses travaux, reçut les encouragements de Charles 1er et du comte d'Arundel227.
Le graveur Lucas Vosterman ne fut pas moins bien accueilli par notre amateur. Dès 1623, il fit pour lui quatre dessins à la plume, d'après Léonard de Vinci, et un portrait du prince Rupert. C'est à la comtesse d'Arundel que Vosterman a dédié sa gravure, en six planches, de la bataille des Amazones, d'après Rubens.
Mais aux yeux des Anglais, ce qui doit encore mieux recommander la mémoire du noble lord, c'est que ce fut lui, dit-on228, qui, le premier, découvrit le génie de l'architecte Inigo Jones. Selon Dallaway «les embellissements des bâtiments de Westminster avaient été confiés à lord Arundel et à Inigo Jones (Rymer Fœdera, vol. XVIII, p. 97); et, en 1618, d'autres pairs lui furent adjoints pour diriger l'alignement et l'uniformité de Lincoln's inn-Fields. Les dessins de Lincoln's inn-Fields et de Covent-Garden, par Inigo Jones, ajoute Dallaway229, sont présentement chez le lord Pembroke, à Wilton.»
Il paraît que le roi Jacques avait résolu de réparer la cathédrale de Saint-Paul qui, depuis le grand incendie de Londres, en 1561, menaçait de tomber en ruine. Il avait résolu également de remplacer les constructions ébranlées de l'ancien palais de White-Hall par le bâtiment actuel de Banqueting house. Le comte d'Arundel et ses collègues furent chargés de surveiller cette entreprise et d'en assurer le succès. M. Tierney rapporte230 une lettre d'Inigo Jones, du 17 août 1620, adressée au noble lord, dans laquelle, après l'avoir entretenu des logements préparés pour l'ambassadeur d'Espagne au palais de Hampton-Court, il lui annonce que le plan de toutes les additions à Saint-Paul est entièrement terminé, et que les maçons doivent se mettre à refaire la partie située à l'extrémité ouest, qu'ils avaient démolie.
Nous avons dit, sur la foi de Dallaway231, que le comte d'Arundel employa Nicolas Stone, Leseur et Fanelly, les premiers sculpteurs qui exercèrent leur art dans la Grande-Bretagne. Mais nous ne pouvons indiquer les travaux qu'ils exécutèrent pour leur protecteur. Peut-être Nicolas Stone, qui était à la fois sculpteur et architecte, fut-il occupé, avec ses deux compatriotes, à bâtir et à décorer l'hôtel du lord à Londres, sur les bords de la Tamise, ses châteaux d'Arundel et d'Albury, dans le comté de Surrey, et sa maison de campagne de Lambeth, près de Londres. Quant à Leseur, ou, comme il signait: Hubert Lesueur, il est l'auteur de la statue en bronze, érigée aujourd'hui à Charing-Cross, et l'inscription de la gravure qu'en a faite Hollar prouve que cette statue fut exécutée aux frais du comte d'Arundel. M. Carpenter, dans ses mémoires inédits sur Rubens et Van Dyck232, cite une pétition de cet artiste au roi Charles 1er, dans laquelle il termine par: «Son très-humble, obéissant et indigne Praxitèle.»
Indépendamment de ses marbres antiques, sur lesquels nous reviendrons, le comte avait également une magnifique collection de pierres gravées et de médailles. Mais ce qu'il possédait peut-être de plus remarquable, c'était sa galerie de tableaux et son cabinet de dessins. Il avait pu réussir à se procurer, pendant ses longs voyages en Italie et dans les Pays-Bas, des œuvres des principaux maîtres des différentes écoles. Ridolfi rapporte, dans ses Maraviglie dell'arte233, que le comte avait acheté à Venise une Lucrèce du Titien, violée par Tarquin, représentée d'une autre manière que celle du même maître, acquise pour le roi Charles, et dont parle le même auteur234. On voyait dans la galerie d'Arundel un grand nombre de tableaux des diverses écoles d'Italie. Mais, de tous les peintres, le vieux Holbein est celui qu'il paraît avoir préféré, au moins si on en juge par le grand nombre de tableaux de ce maître, gravés par Hollar comme faisant partie de la collection d'Arundel. Cette préférence était peut-être due, indépendamment de la supériorité de cet artiste, à ce qu'il avait peint presque tous les personnages publics du temps de Henri VIII, à la cour duquel il avait longtemps vécu. Le comte, très-fier de sa haute naissance, s'était attaché à réunir, non-seulement les portraits de ses ancêtres, mais aussi ceux des hommes et des femmes célèbres dans les annales d'Angleterre, du temps de Holbein. Aucune collection, soit publique, soit particulière, n'a pu réunir autant d'ouvrages de ce peintre; car, à côté de ses tableaux, le comte possédait une très-nombreuse suite de ses admirables dessins. Albert Durer partageait avec Holbein la prédilection de l'illustre amateur. Il avait réussi à se procurer bon nombre de dessins de l'éminent artiste; il les avait achetés, en partie, à la vente de la célèbre collection Imhoff, à Nuremberg235, collection qui avait été formée du vivant même d'Albert Durer, par Bylibalde Pyrkheimer, son intime ami.
Mariette raconte236, «qu'ayant appris qu'un M. Delanoue avait une très-belle collection de dessins, surtout du Parmesan et du chevalier Vanni, le comte d'Arundel vint sur le champ à Paris, se flattant d'en faire aisément l'acquisition. Il ne put y réussir, et se faisant connaître pour lors à M. Delanoue, qu'il en estima davantage, il lui avoua le sujet de son voyage. Si le comte ne put acheter les dessins du Parmesan que possédait M. Delanoue, il paraît, ajoute Mariette, qu'il s'en était procuré beaucoup d'autres, car lorsque l'on vendit, en 1721, les débris de sa collection, Zanetti, qui était alors à Londres, acheta un magnifique recueil de dessins de ce maître, au nombre de cent trente, dont il publia depuis, en 1743, à Venise, des estampes gravées, partie en cuivre, et partie en bois, à la manière d'Ugo da Carpi, qu'il remit en honneur237. – «De tous les cabinets particuliers, dit encore Mariette238, le plus abondant en dessins de Léonard a été, je pense, celui du comte d'Arundel. Cet illustre curieux n'avait épargné ni soins ni dépenses pour se procurer ce que les arts ont produit de plus exquis dans tous les genres. Mais il était surtout passionné pour les dessins, et il en avait formé un des plus beaux assemblages qu'on verra jamais. En particulier, il avait conçu une si forte estime pour ceux de Léonard, que, non content de ceux qu'il possédait, il avait offert, au nom de Charles Ier, roi d'Angleterre, jusqu'à trois mille pistoles d'Espagne (30,000 fr.), pour un des volumes qui sont actuellement dans la bibliothèque Ambroisienne239. Le recueil de dessins de têtes (au nombre d'environ deux cents, à la même bibliothèque) peut avoir appartenu à cet illustre curieux. Je fonde ma conjecture sur ce que… près de quatre-vingts de ces têtes ont été gravées par Venceslas Hollar, qui était au service du comte.»
La passion des arts du dessin dominait tellement l'esprit de notre amateur, qu'elle lui inspirait des préjugés certainement déraisonnables. Horace Walpole raconte, d'après Evelyn240, «que le comte croyait que celui qui serait incapable de dessiner un peu ne pourrait jamais être un honnête homme.» L'auteur des Anecdotes of Painting relève cette opinion comme devant donner, si elle était prouvée, une triste idée de celui qui l'aurait eue et de celui qui l'aurait rapportée. Il a raison assurément; car il n'est pas besoin de démontrer qu'on peut être un fort honnête homme sans savoir jamais manier le crayon ou le pinceau. Peut-être la pensée du grand amateur anglais était-elle semblable au sentiment de notre Mariette, qui croyait que la vue des belles choses élève l'âme, la fortifie dans l'adversité et la console241. Peut-être aussi que les passions politiques, au milieu desquelles vivait le lord grand maréchal d'Angleterre, lui inspiraient le dégoût des stériles agitations de ce monde, et lui faisaient rechercher l'art comme un port de refuge, à l'abri duquel sa conscience retrouvait toute sa sérénité.
CHAPITRE XVI
Principaux amateurs anglais du temps de Jacques Ier et de Charles Ier. Les comtes de Pembroke, de Suffolk, les lords Hamilton et Alb. Montague. – Georges Williers, duc de Buckingham. – Sa liaison avec Rubens, dont il achète le cabinet. – Il se sert des ambassadeurs anglais à Constantinople et à Venise pour se procurer des objets d'art. – Balthasar Gerbier, son agent dans les Pays-Bas. – Acquisition de la galerie des ducs de Mantoue pour Charles Ier. – Buckingham est assassiné par Felton.
1590 – 1628
À côté du comte d'Arundel, Guillaume, comte de Pembroke, grand chambellan d'Angleterre, ne se faisait pas moins remarquer par son goût pour les arts et l'antiquité que par la protection qu'il accordait aux artistes. Il fut l'ami d'Inigo Jones, qu'il envoya en Italie à ses frais. La chambre des lords le nomma, en 1618, de la commission chargée de s'entendre avec ce grand architecte pour les constructions que l'on voulait ajouter à Westminster. Il possédait, à Wilton, un grand nombre de statues et de marbres antiques, et il avait, à Londres, des médailles, des peintures et des dessins de maîtres. Ce fut lui qui échangea, avec le roi Charles Ier, une suite de dessins de quatre-vingt-six portraits par Holbein, contre le tableau de saint Georges par Raphaël, qu'il donna plus tard au comte d'Arundel242. Après lui venaient le comte de Suffolk, lord Hamilton, et lord Albert Montague, qui se faisaient également remarquer par leur goût pour les arts, et qui cherchaient aussi à réunir des dessins et des peintures243.
Mais tous ces seigneurs étaient effacés par le brillant favori de Jacques et de Charles Ier, Georges Williers, duc de Buckingham. Lorsqu'il avait à cœur de se procurer soit pour lui-même, soit pour ses maîtres, les œuvres les plus rares, il n'était arrêté par aucune considération de dépense, et il écartait tous ses concurrents par des offres qui devenaient de véritables prodigalités. Le duc s'était lié avec Rubens pendant le séjour que ce peintre fit à Paris, en 1621, époque où il entreprit les compositions allégoriques de la galerie du palais du Luxembourg, pour la reine Marie de Médicis. Georges Williers se trouvait également à la cour de France, où il était venu à la suite des négociations entamées pour le mariage de Henriette-Marie, fille de Henri IV, avec le roi Charles Ier. Ce fut à Paris, à ce qu'on prétend, que Rubens, entrant dans les vues du duc, consentit à servir d'intermédiaire entre la cour d'Espagne et celle d'Angleterre, et à essayer, avec l'approbation de l'archiduchesse Isabelle, régente des Pays-Bas, de rétablir la paix entre les deux pays. Nous ignorons si les considérations politiques qui avaient déterminé le favori de Charles Ier à faire ces ouvertures au peintre flamand, ne le décidèrent pas également à lui proposer l'acquisition de son cabinet, composé de peintures, d'antiquités et d'autres objets rares et curieux qu'il avait réunis avec beaucoup de soins dans ses voyages. On sait que Rubens avait fait construire dans sa maison, à Anvers, une salle ronde éclairée par une seule ouverture au centre dans le haut, à l'imitation de la rotonde (le Panthéon) de Rome, pour obtenir une lumière égale. C'est là qu'il avait disposé son précieux musée, composé de marbres, de statues, de bronzes, de médailles, de camées, de pierres gravées, de livres et de tableaux. Ces derniers étaient en partie de sa main, en partie des copies faites par lui, à Venise et à Madrid, d'après le Titien, Paul Véronèse et autres excellents peintres. Aussi recevait-il les visites des hommes de lettres, des savants et des amateurs de peinture: aucun étranger ne passait par Anvers sans lui demander la permission de visiter son cabinet244.
Le duc de Buckingham avait probablement vu le musée de Rubens, et c'est ce qui le décida sans doute à en négocier l'acquisition. Il fit d'abord à Rubens cette proposition par lettre, à la fin de 1622, et il lui envoya bientôt après, à Anvers, le sieur Blondel, Français, grand connaisseur, lequel, après examen de cette collection, en offrit à Rubens, au nom du duc, cent mille florins de Brabant245. Rubens hésita, malgré l'élévation de cette offre: il avait de la peine à se défaire d'une collection réellement royale, qu'il n'avait réunie qu'après nombre d'années de voyages et de grandes dépenses. Cependant, pressé par les instances du duc, il finit par accepter les propositions de son agent. Il n'y consentit toutefois qu'à la condition que les statues, bustes et bas-reliefs seraient moulés, afin qu'il ne restât pas complétement privé de ses modèles et de ses études sur l'antique. Il fit mettre des copies aux places précédemment occupées par les originaux, et, selon l'un de ses biographes246, plaçant d'autres tableaux dans les places vides et les moulages des statues entre deux, il reforma, en apparence, le même cabinet.
Dans le Levant, le duc de Buckingham employa sir Thomas Roë, ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, de 1621 à 1623, à chercher et acheter pour le roi Charles des manuscrits, des médailles et des marbres. L'envoi de Guillaume Petty, par le comte d'Arundel, avait déterminé son rival à se servir de sir Thomas Roë pour le même objet. La correspondance de cet ambassadeur, dont le premier volume seulement a été publié247, rend compte des dangers et des difficultés éprouvés, tant par lui que par son concurrent, pour satisfaire aux désirs des deux nobles lords.
À Venise, un autre ambassadeur anglais, sir Henri Wolton, avait également ordre du duc de lui acheter les plus belles toiles des maîtres de la couleur. C'est ainsi que Buckingham devint possesseur de deux Giorgion, dix-neuf Titien, deux Pordenone, deux Palma Vecchio, treize Paul Véronèse, dix-sept Tintoret, vingt et un Bassan, et six Palma jeune. À ces tableaux il faut ajouter ceux qui, ainsi que les précédents, sont indiqués dans le catalogue de la vente faite après sa mort tragique, en 1628, comme lui ayant appartenu. On y remarque trois compositions de Léonard de Vinci, une d'André del Sarto, trois de Raphaël, une de Jules Romain, deux du Corrège, deux d'Annibal Carrache, trois du Guide, neuf de Domenico Feti, huit de Holbein, six d'Antonio Moro, treize de Rubens, et beaucoup d'autres. Toutes ces peintures n'avaient pas sans doute le même mérite; mais il y avait parmi elles des toiles admirables: l'Ecce Homo du Titien, dans lequel ce maître a introduit les portraits du pape Paul III, de Charles-Quint et de Soliman, et dont le duc avait refusé sept mille livres sterling (175,000 francs), offertes par le comte d'Arundel; et le chef-d'œuvre du Corrège, Jupiter et Antiope, qu'il avait obtenu du roi d'Espagne Philippe IV, pendant sa mission en ce pays, et qui fait aujourd'hui l'un des plus précieux ornements du grand salon carré du Louvre. Rubens avait donc raison d'écrire à Peiresc, de Londres, le 9 août 1629: «…On est loin de rencontrer dans cette île la barbarie que le climat pourrait y faire supposer, éloignée qu'elle est de la délicieuse Italie; il faut même l'avouer, sous le rapport de la peinture, je n'ai jamais vu nulle part une aussi grande quantité de tableaux de maîtres que dans le palais du roi d'Angleterre et dans la galerie du feu duc de Buckingham248.» Toutes ces richesses artistiques avaient été placées par le duc dans sa résidence de York-House, dans le Strand, à Londres. Après sa mort, elles furent vendues et dispersées. Le roi Charles, le duc de Northumberland et lord Montague furent, selon M. Waagen249, les principaux acquéreurs de ces magnifiques ouvrages réunis avec tant de dépenses.
Le favori de Charles Ier apportait la même ardeur à procurer à son maître les œuvres les plus rares. Il employa quelquefois à ces négociations un Flamand d'Anvers, Balthasar Gerbier d'Ouvilly, peintre, dessinateur, enlumineur, écrivain de troisième ordre, et, de plus, agent secret mêlé à la politique et à la diplomatie250. Attaché au service du duc de Buckingham, Gerbier l'accompagna en Espagne, et fut envoyé plus tard dans les Pays-Bas, avec la mission secrète de négocier la paix entre l'Angleterre et l'Espagne. Si l'on en croit M. Van Hasselt dans son Histoire de Rubens251, l'artiste était dans la confidence de cette négociation; le voyage qu'il entreprit, en 1626, en Hollande, après la mort de sa première femme, Isabelle Brant, motivé en apparence sur la nécessité de se distraire, aurait eu, en réalité, pour cause, une mission du duc de Buckingham auprès des généraux et négociateurs espagnols, dans l'intérêt du rétablissement de la paix, qu'il parvint plus tard à faire accepter par les deux parties.
Au point de vue des arts, Rubens ne rendit pas un service moins considérable à l'Angleterre, en lui assurant la possession des sept cartons de Raphaël, placés aujourd'hui au palais de Hampton-Court; à l'instigation du duc, il les acheta en Flandre, où ils étaient restés depuis le temps de Léon X, pour le compte du roi Charles Ier.
Le duc réussit également dans la négociation qu'il ouvrit avec le duc de Mantoue, pour l'acquisition, au nom de son maître, de la célèbre galerie de tableaux créée dans cette ville et augmentée, pendant plus d'un siècle, par les princes de la maison de Gonzague. On dit qu'elle coûta au roi Charles quatre-vingt mille livres sterling (deux millions), somme énorme pour le temps, et qui en représenterait aujourd'hui plus du triple. Depuis la fin du quinzième siècle, cette famille des Gonzague, portée naturellement vers le beau, s'était appliquée à s'entourer des artistes les plus éminents, et à les retenir à Mantoue. C'est ainsi que le Mantegna et Jules Romain252 furent attirés à leur cour, et décorèrent leurs palais d'œuvres remarquables. Le Mantegna y peignit son fameux Triomphe de Jules César, et Jules Romain la Guerre des Titans contre Jupiter, et beaucoup d'autres compositions qui attestent son génie. La collection achetée pour le roi Charles comprenait, entre autres chefs-d'œuvre, la Vierge à la perle, de Raphaël, maintenant au musée de Madrid; l'Éducation de Cupidon, du Corrège, aujourd'hui à la National Gallery, à Londres; la Mise au tombeau, du Titien, au musée du Louvre; les Douze Césars, du même maître, et beaucoup d'autres ouvrages des plus célèbres artistes d'Italie253. Mais Buckingham ne put admirer ces chefs-d'œuvre dans le palais de son royal maître, s'il est vrai, ainsi que l'indique M. Waagen254, que ces tableaux n'arrivèrent en Angleterre que dans l'année 1629, car il était tombé sous le poignard de Felton le 28 août 1628.
On voit avec quelle ardeur Georges Williers entrait dans les vues de son maître, l'un des souverains les plus accomplis, non-seulement par le caractère et les qualités du cœur, mais le premier, peut-être, à citer pour son amour véritable du beau, son goût aussi sûr qu'éclairé, et la protection généreuse autant qu'intelligente avec laquelle il traita et encouragea les artistes venus à sa cour. Rubens, pendant son séjour en Angleterre, dans le courant de l'année 1629, fut frappé de la prospérité dont jouissait ce pays, et n'admira pas moins les richesses de toutes sortes qu'il renfermait dès lors au point de vue des arts. – «Cette île, écrit-il à P. Dupuy, de Londres, le 8 août 1629255, me semble un théâtre tout à fait digne de la curiosité d'un homme de goût, non-seulement à cause de l'agrément du pays et de la beauté de la nation, non-seulement à cause de l'apparence extérieure qui m'a paru d'une richesse extrême, et qui annonce un peuple riche et heureux au sein de la paix, mais encore par la quantité incroyable d'excellents tableaux, de statues, d'inscriptions antiques, qui se trouvent dans cette cour.» – Horace Walpole a donc bien jugé Charles Ier, lorsqu'il dit de ce prince qu'il avait toutes les vertus nécessaires pour faire le bonheur de son peuple, et qu'il ajoute: «Plût à Dieu qu'il n'eût pas été convaincu que lui seul, connaissant les moyens à employer pour le rendre heureux, devait lui seul posséder le pouvoir d'assurer la félicité publique256!»