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Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 9

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Olivarès avait d'abord été exilé à Loëches, petite ville de sa juridiction, à quelques lieues de Madrid, où la duchesse, sa femme, avait bâti un couvent de religieuses dominicaines, qu'elle et son mari avaient décoré de magnifiques tapisseries, exécutées, ainsi que nous l'avons dit, d'après les cartons de Rubens. Renversé du pouvoir d'une manière aussi éclatante qu'inattendue, Olivarès, dont la volonté ne connaissait pas de résistance quelques jours avant, se vit entièrement abandonné de ses bons amis de cour. Velasquez seul lui demeura fidèle, et, sans craindre le ressentiment du nouveau ministre, il n'hésita point à l'aller voir et à l'assurer de sa reconnaissance et de son dévouement. Il ne paraît pas que cette démarche ait nui à la faveur dont l'artiste était en possession auprès du roi. Il gagna même bientôt celle du nouveau favori, qui aimait et admirait son génie. Il continua donc à faire les portraits des personnages les plus éminents de la cour, et à représenter les scènes d'intérieur du palais. En 1648, il fut envoyé pour la seconde fois en Italie199, afin d'y acheter, pour le roi, des tableaux, statues et autres œuvres d'art, qu'il rapporta en Espagne; enfin, il jouit jusqu'à sa mort, arrivée à Madrid le 6 août 1660, de la vogue et de la faveur la plus marquée.

Quant au comte-duc, bientôt ses ennemis trouvèrent, qu'à Loëches, il était trop près de Madrid, et ils le firent exiler à Toro, petite ville ruinée sur le Douro. C'est là qu'il mourut de chagrin, dit-on, environ deux années après sa disgrâce. On raconte que ses ennemis, le poursuivant de leur haine implacable, l'avaient accusé de s'occuper, dans sa retraite, de magie et d'alchimie, considérées alors comme des crimes, et sévèrement punies par les lois de l'Église. Mais le grand inquisiteur, qu'il avait comblé de places et de bénéfices, prit sa défense et détourna cette accusation.

Depuis la chute du comte, don Enrique avait perdu le titre d'Excellence, la suite de ses adulateurs et la protection du roi, «et c'était une chose digne de pitié, dit le dominicain Guidi200, de voir, comme en un instant, d'une idole adorée, il avait été transformé en le plus méprisé des hommes.» Un des derniers portraits exécutés par Velasquez pour le comte-duc avait été celui de son fils Julien. De ce portrait, la partie supérieure seule est terminée; le reste n'a pas été achevé, probablement par suite de la disparition du personnage qui, après la disgrâce de son père, alla sans doute cacher loin de Madrid son désespoir et sa misère. Ce tableau, qui se trouve maintenant en Angleterre, dans la galerie de lord Ellesmère201, est resté dans son état incomplet, comme une médaille peinte des vicissitudes humaines.

Plus de deux siècles se sont écoulés depuis la mort d'Olivarès, et le temps, qui change tout dans sa marche, a fait oublier les fautes et les désastres du long règne de Philippe IV. Mais si le gouvernement du roi et de son favori a été fatal à la monarchie de Charles-Quint, l'Espagne ne peut-elle pas montrer aujourd'hui avec orgueil, et comme une compensation qu'admettront tous les vrais amis de l'art, les toiles incomparables de Rubens, d'Alonso Cano et de Velasquez, dues au goût éclairé du prince et de son ministre?

AMATEURS ANGLAIS

THOMAS HOWARD, COMTE D'ARUNDEL
1585 – 1646

CHAPITRE XV

Infériorité de la peinture anglaise jusqu'au dernier siècle. – Règne de Charles Ier, époque la plus brillante pour les arts en Angleterre. – Protection que ce prince leur accorde, due en partie à la rivalité du duc de Buckingham et du comte d'Arundel. – Portrait du comte par lord Clarendon. – Opinions contraires de Richard Chandler, d'Horace Walpole et d'autres. – Biographie abrégée du comte. – Ses voyages en Italie. – Ses acquisitions d'objets d'art. – Sa liaison avec Rubens et Van Dyck. – Ses portraits. – Encouragements qu'il accorde à plusieurs artistes. – L'architecte Inigo Jones, les sculpteurs Nicolas Stone, Leseur et Fanelly. – Collections du comte d'Arundel.

1585 – 1630

De tous les peuples de l'Europe, les Anglais sont le seul qui, jusqu'au commencement du siècle dernier, n'ait pas produit de peintre remarquable. Tandis qu'à la suite de l'Italie, l'Allemagne, la Hollande, les Pays-Bas, l'Espagne et la France comptaient, depuis deux siècles, plusieurs artistes d'un véritable génie, et un grand nombre d'autres d'un talent distingué, l'Angleterre seule, en était encore réduite à faire venir des peintres étrangers pour représenter les grands événements de son histoire, ou pour reproduire les traits de ses souverains et de ses principaux citoyens. À part quelques portraitistes obscurs, nés sur son sol et absolument inconnus ailleurs, elle n'a possédé, avant 1700, aucun artiste réellement digne de ce nom.

Hans Holbein semble avoir introduit en Angleterre l'art et le goût du portrait, lorsqu'il se présenta, en 1526, à Thomas Morus, avec une lettre et le portrait d'Érasme, leur ami commun. Le savant et ingénieux écrivain de Rotterdam avait voulu, dit-on, prouver au grand chancelier d'Angleterre que Holbein était capable de rivaliser avec Albert Durer dans l'art de la pourtraiture. Accueilli avec faveur par le ministre, le peintre de Bâle fut bientôt admis dans les bonnes grâces du roi Henri VIII, qu'il a représenté nombre de fois, lui et ses femmes, sous tous les costumes et dans toutes les attitudes. Il a fait également pour ce prince plusieurs tableaux. Les principaux seigneurs anglais de cette époque, plutôt par orgueil et ostentation que par amour de l'art, s'empressèrent d'imiter l'exemple de leur maître, et il n'est guère de famille anglaise un peu ancienne, qui ne possède quelque portrait de Holbein.

L'influence de cet artiste sur la peinture du portrait a été très-grande en Angleterre; mais aucun artiste anglais, proprement dit, ne paraît avoir hérité même d'une faible partie de son génie.

Après lui, le Hollandais Van Somer et Marc Garrard, de Bruges, vinrent se fixer à Londres, et y exercèrent leur talent médiocre pour le portrait, de la fin du seizième au commencement du dix-septième siècle. Le dernier, attaché à la cour de la reine Élisabeth, était entretenu à son service, et il a fait plusieurs fois le portrait de cette princesse. Un autre peintre étranger, plus célèbre que les précédents, Frédéric Zucchero, d'Urbin, travailla également pour elle, et l'on voit à Hampton-Court plusieurs tableaux et portraits de sa main. Ces ouvrages toutefois ne donnent qu'une idée fort imparfaite du talent de cet artiste qui, en compagnie de son frère Taddeo, a peint, d'une manière si vigoureuse et si originale, les belles fresques du palais de Caprarola, près de Viterbe, qui appartenait alors à la puissante maison Farnèse.

À Rubens, et à Van Dyck, son élève, était réservé l'honneur d'exercer en Angleterre une influence égale, supérieure même à celle de Holbein. Les nombreux portraits et les grandes toiles exécutés par ces deux artistes, et surtout par Van Dyck, qui passa la plus grande partie de sa vie à Londres, ne servirent néanmoins à former aucun peintre de quelque talent; car il est à remarquer que sir Peter-Lely, l'imitateur le plus habile de Van Dyck, bien qu'il ait vécu en Angleterre, était né en Allemagne, où il avait appris les premiers éléments de son art202.

Comment a-t-il pu se faire que cette grande nation anglaise, dont le génie littéraire est si original, et qui, dans l'art dramatique, brille depuis longtemps d'un si vif éclat, grâce à l'immortel Shakespeare; comment a-t-il pu se faire, disons-nous, que cette nation, si avancée en toutes choses, soit restée presque entièrement étrangère à l'art, jusque vers le quart du dernier siècle? Nous ne croyons pas être injuste envers elle, en avançant que cet état de choses doit être attribué, avant tout, au peu de goût du peuple anglais pour le beau; ensuite aux révolutions politiques et religieuses, et surtout à l'austérité des mœurs puritaines, qui écarta pendant longtemps des temples et des monuments publics les tableaux et les statues, les considérant avec horreur comme des œuvres de la superstition papiste. – D'un autre côté, l'encouragement exclusif que la noblesse anglaise a donné pendant deux siècles à la peinture du portrait, qui flattait son orgueil aristocratique, a nui beaucoup au genre historique et au paysage. Enfin, ajoutons que l'atmosphère humide, et presque toujours chargée de brouillards de la «Reine de l'Océan,» n'a jamais été favorable à un art, qui emprunte à la lumière du soleil ses rayons les plus purs, pour éclairer et animer ses brillantes œuvres.

Quoi qu'il en soit, il a fallu attendre, au siècle dernier, l'apparition de trois grands artistes, Anglais par la naissance comme par le talent, William Hogarth, Gainsborough et Joshua Reynolds, pour voir la peinture anglaise sortir enfin de sa vieille routine, en s'ouvrant une voie aussi nouvelle qu'originale203.

Mais si, jusqu'au dix-huitième siècle, l'Angleterre n'a produit aucun peintre remarquable, elle peut néanmoins se vanter d'avoir possédé un certain nombre d'hommes distingués, véritablement amis des arts, et ayant su dignement les encourager.

À ce point de vue, aucune époque ne peut être comparée, dans l'histoire d'Angleterre, au règne du brillant et infortuné Charles Ier.

Ce prince entreprit, pour ainsi dire, d'acclimater les arts dans son royaume, et s'il ne réussit pas à former une école de peinture anglaise, il fut assez heureux pour attirer à sa cour les maîtres les plus éminents, en différents genres, tels que les peintres Rubens et Van Dyck, les graveurs Vosterman et Hollar, les miniaturistes Petitot et Bordier, et beaucoup d'autres204. L'éducation que ce prince avait reçue, et une inclination naturelle, le poussaient à aimer et rechercher les belles choses. Mais ce n'est pas uniquement à cette disposition de son esprit, qu'il faut attribuer les encouragements donnés aux arts pendant son gouvernement: les historiens et les biographes qui ont raconté son règne, font honneur de cette tendance du roi Charles à son favori, Georges Williers, duc de Buckingham, qui, lui-même, en cela, obéissait plutôt à un sentiment d'ambition et d'orgueil, qu'à un véritable penchant pour les productions de l'art. Rival implacable du célèbre Thomas Howard, comte d'Arundel et de Surrey, grand-maréchal d'Angleterre, le duc de Buckingham ne voulut pas laisser à ce seigneur la gloire d'avoir le premier créé en Angleterre un musée de monuments antiques, et une collection, non moins remarquable, de dessins, de peintures, de médailles, de livres et de gravures. Il excita son maître à suivre et surpasser cet exemple d'un de ses sujets, et lui-même il s'efforça de l'imiter et de l'égaler. «Ce fut par l'exemple et à la recommandation de lord Arundel, dit Dallaway205, et à cause de la jalousie que lui portait le favori Williers, que Charles Ier, doué d'ailleurs par la nature d'un goût sûr et délicat, aima les arts et leur donna de l'encouragement.» – C'est donc au comte d'Arundel que revient l'honneur d'avoir introduit dans la Grande-Bretagne le goût de l'antique et des arts: et, bien que la politique, qui se mêle à toutes choses dans ce pays, ne soit pas restée étrangère à ce résultat, le comte ne mérite pas moins d'être considéré comme le plus illustre amateur anglais du dix-septième siècle.

Cependant, lord Clarendon, dans son histoire de la rébellion et des guerres civiles d'Angleterre, depuis 1641 jusqu'au rétablissement de Charles II206, refuse au comte d'Arundel, non-seulement tout amour du beau, mais même toute aptitude à pouvoir le comprendre:

…«Le comte d'Arundel, dit-il, passait pour un homme orgueilleux et vain. Il conversait avec très-peu de personnes de sa nation; il vivait comme s'il avait été dans un autre pays. Sa maison était le rendez-vous de tous les étrangers et de ceux qui affectaient de le paraître… Il passait une grande partie de son temps à voyager. Il demeura plusieurs années en Italie, avec sa femme et ses enfants. Il approuvait extrêmement l'humeur et les manières de cette nation, et affectait de les imiter… Il voulait qu'on le crût fort savant, surtout en ce qu'il y avait de plus curieux dans l'antiquité, sous prétexte qu'il avait dépensé des sommes immenses à faire un amas de médailles les plus rares, et à acheter un grand nombre de belles statues en Italie, dont il n'avait fait apporter qu'une partie, n'ayant pu obtenir la permission de faire sortir les autres de Rome, quoiqu'il les eût payées bien cher. Il était fort ignorant dans toutes les sciences, et ne croyait point qu'il y eût d'histoire si remarquable que celle de sa famille, dans laquelle, à la vérité, il y avait eu plusieurs personnes de réputation. Il avait dans son port, dans sa contenance, et dans ses manières, toutes les apparences d'un grand homme. Il affectait de porter des habits semblables à ceux qu'il voyait dans les vieux tableaux des plus illustres de sa nation, ce qui lui attirait les regards de tout le monde, et le respect de plusieurs, comme représentant l'origine et la gravité des anciens nobles, dans le temps où ils étaient plus vénérables. Mais tout cela n'était qu'extérieur. Naturellement, il était la légèreté même, et n'aimait que les jeux d'enfants et les divertissements les plus méprisables. Il ne paraissait pas fort affectionné pour la religion, et ne prenait aucun parti; il avait peu de penchant pour l'Angleterre, où il avait une si bonne part, et où il pouvait jouir de tous les plaisirs que l'on peut souhaiter. Aussi, la quitta-t-il aussitôt qu'il y vit commencer les troubles; il se retira en Italie, où il est mort avec les sentiments équivoques pour la religion dans lesquels il avait vécu.»

Certes, voilà un portrait peu flatté: nous laissons aux Anglais le droit de décider si lord Clarendon, grand-chancelier d'Angleterre sous le règne de Charles II, n'a pas jugé le comte d'Arundel plutôt avec ses rancunes politiques, qu'avec l'impartialité exigée d'un historien. Sans doute, on peut reprocher au comte d'Arundel, grand-maréchal d'Angleterre, d'avoir quitté sa patrie, en 1642, au commencement de la lutte engagée entre le roi et le Parlement, abandonnant ainsi l'infortuné Charles 1er à sa malheureuse destinée. Son devoir d'Anglais et de grand dignitaire de la couronne l'obligeait à rester, afin d'apporter dans cette lutte les efforts de son expérience des affaires, de son influence, et, s'il eût été possible, d'une intervention modérée. Mais, en admettant que le jugement de lord Clarendon soit mérité, si on l'applique à l'homme public, au grand-maréchal d'Angleterre, il nous paraît tout à fait injuste, lorsqu'il cherche à déprécier les qualités de l'homme privé, surtout son amour et son admiration véritable pour l'art et l'antiquité. Les faits et les témoignages les plus authentiques, donnent un démenti formel à cette appréciation du caractère, des goûts et du savoir du comte d'Arundel. Nous reconnaissons qu'il ne suffit pas de dépenser beaucoup d'argent et de réunir des collections de statues, de médailles et de tableaux, pour être considéré comme un amateur éclairé: mais l'homme qui passa une partie de sa vie en Italie, retenu par la contemplation des chefs-d'œuvre que ce pays renferme; qui découvrit le génie d'Inigo-Jones, qui fut lié avec Rubens et Van Dyck; qui choisit et conserva tant qu'il vécut, pour son bibliothécaire, le savant Junius, auquel il fit composer le traité De Pictura Veterum; qui pensionna le mathématicien Oughtred; qui employa Nicolas Stone, Leseur et Fanelly, les premiers sculpteurs qui exercèrent leur art en Angleterre; qui attacha à son service, pour reproduire ses plus belles peintures, le graveur Hollar et le peintre-graveur Henri Van der Borcht, un tel homme devait nécessairement ne pas être insensible aux beautés de l'art, non plus qu'aux pures jouissances qu'elles procurent, à l'égal des sciences et des lettres.

Que le comte d'Arundel ait eu le premier, parmi ses compatriotes, l'idée de les initier à la connaissance des œuvres de l'antiquité, en introduisant dans la Grande-Bretagne des statues, des bas-reliefs, des inscriptions grecques et latines, c'est ce qui est attesté par ses contemporains, et reconnu par les écrivains les plus recommandables.

Le docteur Richard Chandler, dans sa préface des Marmora Oxoniensia207, reconnaît que le comte d'Arundel a rendu ce service à sa patrie. «Sous les règnes de Jacques Ier et de Charles Ier, dit-il, florissait Thomas, comte d'Arundel, lequel, soit que l'on considère ses ancêtres, sa vie et son caractère, doit être nécessairement compté parmi les hommes les plus illustres et les plus magnifiques. Il passait une grande partie de sa vie à Rome, retenu dans cette ville par les mœurs si polies des Italiens, et par la douceur du climat. Là, contemplant chaque jour les vénérables restes de l'art, de l'élégance et de la splendeur antique, le premier de tous, que nous sachions, il résolut d'enrichir sa patrie de ces précieuses dépouilles. Son opulent patrimoine lui permettait de mettre à exécution cette pensée royale. Il acheta donc à Rome, n'importe à quel prix, les plus excellentes œuvres que recommandait l'antiquité. Il aurait fait plus, si le souverain pontife ne s'était opposé à ce qu'il fît passer en Angleterre la plupart des statues qu'il avait acquises. Malgré tous ses efforts, cet homme illustre ne put donc rapporter de Rome un trésor admirable, et comme il n'en aurait existé nulle part de semblable. C'est pourquoi, faisant choix de Guillaume Pettœus (Petty), savant d'un jugement remarquable, il le chargea de lui trouver ailleurs des œuvres de l'art antique. Pettœus partit, on le pense bien, avec une somme considérable; il parcourut l'Italie, la Grèce, l'Asie Mineure; visita les ruines des plus nobles cités, et n'hésita pas à revoir plusieurs fois ces vénérables monuments, au péril de ses jours, bravant les avanies et la barbarie des Turcs. Les antiquités de tous genres qu'il avait ainsi conquises, avec autant de diligence que de bonheur, coûtaient au comte des sommes énormes, principalement à cause du mauvais état des routes, et exigeaient la plus grande sollicitude; mais aussi, elles devaient exciter, au plus haut degré, l'étonnement et l'admiration des amateurs de l'antiquité.»

Horace Walpole, dans ses Anecdotes of painting in England208, attribue également au comte d'Arundel l'honneur d'avoir, le premier, fait connaître les œuvres de l'art antique à l'Angleterre. – «Thomas Howard, comte d'Arundel, dit-il, est suffisamment connu, comme homme public, par cet admirable portrait qu'en a donné lord Clarendon. Vivant surtout avec lui-même, mais dans tout l'éclat de l'ancienne noblesse, son unique récréation était sa collection d'objets d'art, dont les restes dispersés font aujourd'hui encore le principal ornement de plusieurs cabinets. Il fut le premier qui commença à réunir publiquement dans ce pays des collections d'objets d'art, et à montrer cet exemple au prince de Galles (plus tard Charles 1er), et au duc de Buckingham. – «Je ne saurais, dit Peacham209, parler avec trop de respect du très-honorable Thomas Howard, lord grand-maréchal d'Angleterre, aussi distingué par le noble patronage qu'il accordait aux arts et aux sciences, que par sa haute naissance et sa position. C'est à sa munificence, ainsi qu'aux dépenses qu'il fit avec tant de générosité, que ce coin du monde est redevable d'avoir pu contempler pour la première fois les statues grecques et romaines, dont il a commencé à décorer les jardins et les galeries d'Arundel-House, depuis environ vingt ans, (ceci, fait remarquer Horace Walpole, fut imprimé en 1634), et qu'il a constamment continué depuis à faire transporter de l'antique Grèce en Angleterre.»

Le docteur Waagen, directeur de la galerie royale de peinture, à Berlin, n'est pas moins explicite, dans son très-précieux ouvrage: Treasures of art in Great-Britain210. Après avoir donné un aperçu des principales acquisitions d'objets d'art faites pour le roi Charles 1er, il ajoute: «Au milieu de cet amour général pour les œuvres les plus pures de l'art, le roi avait un digne émule dans la personne du comte d'Arundel, dont nous avons déjà fait mention; et même ce fut ce seigneur qui inspira le premier ce goût au roi. Il collectionnait aussi avec le sentiment le plus éclairé, le goût le plus sûr et une munificence princière, des peintures, des dessins, des pierres gravées, mais avant tout des sculptures et des inscriptions antiques. Pendant ses longs voyages sur le continent, il fit lui-même beaucoup d'acquisitions, et il employa ensuite des agents très-connaisseurs en cette partie dans les différentes contrées de l'Europe. Un peintre, Edward Norgate, et un savant, John Elwyn211, furent très-heureux dans les acquisitions qu'ils firent pour lui en Italie… Les efforts qu'il fit pour puiser aux sources originales (en Grèce, en Asie Mineure et en Italie) prouvent que ce grand connaisseur avait un esprit extrêmement cultivé.»

Enfin, nous ajouterons l'autorité d'un artiste éminent, contemporain du comte, et non moins remarquable par la supériorité de son esprit et de ses connaissances, que par son brillant génie comme peintre. Pierre Paul Rubens, informé à Anvers, en juillet 1620, par un des agents du noble lord, de son désir d'avoir de sa main son portrait et celui de sa femme, aurait répondu de la manière suivante: «Quoique j'aie refusé d'exécuter les portraits de bien des princes, de bien des nobles citoyens, surtout du rang de votre seigneurie, cependant, de monsieur le comte je suis prêt à accepter l'honneur qu'il me fait en demandant mes services, le regardant comme un évangéliste pour le monde de l'art, et comme le grand protecteur de notre état212

On voit par ces différents témoignages combien lord Clarendon s'est montré sévère et même injuste envers la mémoire du comte d'Arundel, considéré comme homme de goût et de savoir.

Mais avant d'entrer dans des explications détaillées sur les acquisitions faites par ce célèbre amateur, sur ses différentes collections et sur ses relations avec les principaux artistes de son temps, nous croyons nécessaire de donner un abrégé très-succinct de sa vie. Nous l'avons extrait de «l'histoire des antiquités du château et de la ville d'Arundel, contenant une biographie de ses comtes, depuis la conquête (des Normands) jusqu'au temps présent213, par le révérend Tierney, chapelain du duc de Norfolk,» qui est aujourd'hui l'héritier des comtes d'Arundel.

Thomas Howard naquit à Finchingfield, comté d'Essex, en 1585. Il était le seul fils de Philippe, premier comte d'Arundel, et de lady Anne Dacre, sa femme. À l'âge de dix ans, il perdit son père, qui lui laissa une fortune très-embarrassée. Sa mère était, à ce qu'il paraît, une femme remarquable: elle voulut que son fils reçût la meilleure éducation, et la surveilla elle-même avec la tendresse la plus attentive.

En 1606, à peine âgé de vingt et un ans, il épousa Alatheia, troisième fille et seule héritière éventuelle de Gilbert, comte de Shrewsbury. L'année suivante, il fit son entrée à la cour, et le roi Jacques 1er servit de parrain à son fils aîné. Ce prince aimait beaucoup le jeune Thomas Howard, et l'historien d'Arundel dit qu'il se proposait de l'admettre dans son conseil, si la religion catholique, dans laquelle le comte avait été élevé par sa mère, et sa mauvaise santé ne s'y fussent opposés214.

Ces motifs ne l'empêchèrent pas néanmoins d'être créé, en 1611, chevalier de la Jarretière, distinction qui prouve la faveur dont il jouissait auprès du monarque.

Mais sa santé délicate et chancelante s'accommodait difficilement du climat humide et variable de la Grande-Bretagne. Pour rétablir ses forces, il se décida, vers la fin de 1611, à transporter sa résidence dans les pays plus doux et plus sains du midi de l'Europe. Il partit donc pour l'Italie qu'il parcourut en grande partie. Il visita Venise en 1612, et, à la fin de cette année, il était de retour en Angleterre. Nous le trouvons, le 14 février 1614, au mariage de la princesse Élisabeth (fille de Jacques Ier) avec Frédéric, comte palatin du Rhin. Mais son séjour dans sa patrie fut alors de peu de durée; chargé de conduire cette princesse à son mari, à peine eut-il rempli cette mission, qu'il se hâta de regagner l'Italie, où il resta plus d'une année, et d'où il ne revint, avec la comtesse sa femme, qu'en novembre 1614.

C'est pendant ce second séjour qu'attiré vers les belles choses que Venise, Florence et Rome offraient à sa vue et à ses études, il résolut de former une collection des spécimens les mieux choisis de tout ce que l'art antique et l'art moderne présentaient de plus remarquable. Il fit donc alors en Italie, soit par lui-même, soit par des agents très-intelligents qu'il entretenait à cet effet dans les principales villes, de nombreuses acquisitions payées au poids de l'or, et destinées à orner sa résidence d'Arundel-House, à Londres.

Rentré dans sa patrie, et bientôt élevé au rang de lord du conseil privé, et de membre de la commission des six pairs chargés d'exercer en commun l'office de comte grand maréchal d'Angleterre, dont il fut plus tard investi seul, il employait la plus grande partie de ses énormes traitements à augmenter ses collections. C'est alors qu'étendant le cercle de ses recherches, il envoya, en Orient, Guillaume Petty, à la découverte de statues, bustes, inscriptions, vases et autres marbres antiques. Horace Walpole raconte215 que, revenant de Samos avec ses nombreuses acquisitions, Petty eut toutes les peines du monde à sauver sa vie au milieu d'une affreuse tempête. Il perdit tous les objets qu'il avait pu réunir, et, à peine à terre, il fut mis en prison par les Turcs, comme espion des chrétiens. Mais aussitôt qu'il eut recouvré sa liberté, il se remit à poursuivre sa mission, et nous verrons plus tard qu'il fut assez heureux pour faire passer à Londres, en 1627, ce qu'il était parvenu à trouver dans le Levant.

Les acquisitions d'antiquités réunies par le comte avaient stimulé quelques-uns de ses compatriotes à entrer dans cette noble voie. Le comte de Pembroke et sir Robert Cotton commencèrent alors à faire de semblables collections, et il est amusant, dit le révérend M. Tierney, d'observer l'ardeur avec laquelle le comte s'efforçait de prévenir ses nouveaux émules dans l'acquisition de leurs curiosités favorites. La lettre suivante, bien que sans date, doit avoir été écrite par le comte, vers l'année 1619. «Je désire, écrit-il à la comtesse sa femme, que vous puissiez présentement, par quelque moyen, savoir ce que sir Thomas Roë (c'était l'agent du duc de Buckingham) a rapporté d'antiquités: dieux, vases, inscriptions, médailles et telles autres choses. Je pense que sir Robert Cotton ou M. Dikes sont disposés à les acheter. Je désire que cela soit fait avant vendredi, parce que je crains milord Chamberlayne (Pembroke), et je pense qu'ils pourraient facilement les avoir216

En Europe, le comte employait à ses acquisitions d'œuvres d'art un grand nombre d'agents; parmi ceux que cite son biographe, et dont il rapporte des lettres217, nous voyons figurer à Bruxelles W. Trumbull; à Anvers, envoyé près de Rubens, un autre dont le nom est resté inconnu; à Venise, sir John Borough; à Madrid, Arthur Hopton; à la Haye, le peintre Daniel Mytens. La correspondance de tous ces agents roule sur l'acquisition des tableaux des plus célèbres maîtres, parmi lesquels nous citerons Holbein, Albert Durer, Raphaël, Léonard de Vinci, le Titien, le Tintoret, etc. On voit par leurs lettres que le comte n'hésitait pas à payer fort cher les œuvres qui lui étaient signalées comme dignes de décorer sa galerie.

L'admiration de notre amateur pour les chefs-d'œuvre des maîtres du seizième siècle ne l'empêchait pas de rendre hommage au talent des artistes ses contemporains. Au nombre de ceux qui occupaient alors le premier rang, il faut placer, comme primus inter pares, le célèbre Pierre-Paul Rubens, dont la réputation remplissait l'Europe entière. Nous ignorons quelle fut la circonstance qui rapprocha le grand seigneur anglais du peintre d'Anvers, mais la réponse de Rubens, que nous avons rapportée, à l'envoyé du comte qui venait le solliciter de faire son portrait et celui de sa femme, prouve en quelle estime le grand artiste tenait l'illustre amateur. Aussi fit-il plusieurs fois son portrait, et voici ceux que M. André Van Hasselt indique, dans le catalogue placé à la suite de son Histoire de Rubens218.

«Nº 948. Lord Arundel, ouvrage indiqué dans le catalogue de la vente de Rubens, nº 97.

«Nº 949. Lord Arundel avec sa femme et son fils. Cet ouvrage capital fut peint, en 1627, pour le noble lord. Après la confiscation des biens de ce seigneur, en 1649, le tableau fut transporté à Anvers et vendu à l'électeur de Bavière. Il se trouve aujourd'hui dans la galerie royale de Munich.

«Nº 950. Le même, revêtu d'un manteau garni de fourrure. Dans la collection du comte de Carlisle, en Angleterre; gravé par J. Houbraken, dans un cadre ovale orné.

«Nº 951. Le même, revêtu d'une armure. Dans la collection du comte de Warwick, en Angleterre.»

En outre, lorsque Rubens se rendit d'Espagne à Londres, où il se trouvait au commencement d'août 1629, il peignit, pendant son séjour, pour le comte d'Arundel, une Assomption de la Vierge219.

Notre amateur ne fut pas moins lié avec Van Dyck. M. Carpenter220 incline à croire, d'après les documents authentiques qu'il a découverts, que le comte avait cherché, dès 1620, à attirer Van Dyck en Angleterre pour l'y retenir à son service; mais il est certain que plus tard, pendant le long séjour que le peintre fit dans la Grande-Bretagne, il vécut avec le lord-maréchal d'Angleterre dans une complète intimité. – Selon Bellori221, qui tenait ce renseignement du cavalier Digby, résident à Rome de la reine d'Angleterre, du temps d'Urbain VIII, ce fut le comte d'Arundel «très-grand amateur des arts du dessin, qui introduisit Van Dyck dans les bonnes grâces du roi d'Angleterre: ce peintre fit son portrait de grandeur naturelle avec celui de sa femme, et ils sont, dit-il, plutôt vivants que peints.»

Voici, d'après le docteur Waagen222, les tableaux de Van Dyck qui existent encore aujourd'hui à Arundel-Castle, résidence du duc de Norfolk… et qui ont probablement été exécutés par lui pour le comte et d'après ses commandes:

199.C'est dans ce voyage qu'il fit le célèbre portrait d'Innocent X, qu'on admire à Rome au palais Doria-Pamphili.
200.Ut suprà.
201.Selon M. W. Stirling, Velasquez and his Works.
202.J'ai vu à l'exposition de Manchester, en juillet 1857, un très-grand nombre de portraits exécutés par des artistes étrangers venus en Angleterre, tels que van Somer, Marc-Garrard, Franc-Hall, sir Peter-Lely, Kneller, de Lubeck, et beaucoup d'autres. Parmi les portraits dus à des artistes anglais, je n'ai remarqué que celui de Cromwell, par Robert Walker, et ceux de Charles Cottrell et de Balthasar Gerbier, sur la même toile, par William Dobson. – Voy. le compte rendu de cette exposition, que j'ai publié dans le Journal des Débats, nos des 5, 9, 11 et 20 juillet 1857.
203.Hogarth a précédé les deux autres. Ses premiers tableaux datent d'environ 1720.
204.Cornelius Jansen, Charles Mytens, van Somer, Joachim Sandrart, Polenburg, Gérard Honthorst, etc.
205.Dans son ouvrage qui a pour titre: Anecdotes of the arts in England, or comparative remark, on architecture, sculpture, and painting, chiefly illustrated by specimens, at Oxford, etc. Il a été traduit par Millin, 2 vol in-8º, 1807, Paris.
206.Rebellion and civil Wars in England, 1702. 3 vol. in-fº. – N'ayant pas sous les yeux le texte anglais, je me sers de la traduction française, publiée à la Haye en 1704; 6 vol. in-12, t. Ier, p. 73 et suiv.
207.Oxford, 1773, e typographeo Clarendaniano. – 1 vol. in-folio, gravures, cabinet des estampes, nº 3242.
208.The third ed., London, 1782, 4 vol. in-8º, t. II, p. 124.
209.Nous devons faire observer que Peacham, dont Horace Walpole invoque l'autorité, fut le précepteur des enfants du comte d'Arundel, et qu'il l'accompagna dans les Pays-Bas. Il est l'auteur du Compleat Gentleman, d'une nouvelle intitulée, la Valeur d'un sou, The Worth of a penny, et de divers autres ouvrages cités dans l'avertissement de la 2e édition de cette nouvelle. – Il a gravé, d'après Holbein, le portrait de sir Thomas Cromwell, plus tard comte d'Essex.
210.London, John Murray, 1854, 3 vol. in-8º, t. Ier, p. 11. Le docteur Waagen a publié en 1857 un volume de supplément, sous le titre de: Galleries and cabinets of art in England, également chez John Murray.
211.Il faut lire Evelyn. Voy. Dallaway, les Arts en Angleterre, t. II, p. 258, et la Biographie universelle de Michaud, Vº Evelyn. Ce savant, dans son ouvrage intitulé sculptura, parle du comte d'Arundel, comme d'une personne qu'il avait connue.
212.William Hookham Carpenter, Mémoires et documents inédits sur Rubens et Van Dyck, traduits de l'anglais par Louis Hymans. Anvers, 1845, grand in-8º, 1 vol, p. 9-10.
213.The history and antiquities of the castle and town of Arundel, including the biography of its Earls from the conquest to the present time; by the Rev. M. A. Tierney, F. S. A. chaplain to his grace the duke of Norfolk. London, G. and W. Nicol, Pall-Mall, 1834. – 2 vol. grand in-8º, fig. Bibliothèque impériale, nº 433, 0.6.2. – Ces deux volumes n'ont qu'une seule pagination; le 2e vol. commence à la page 351. La biographie de Thomas Howard, second comte d'Arundel, se trouve dans ce volume, de la page 414 à la page 496.
214.Tierney, p. 418-419.
215.Anecdotes of painting. t. II, p. 127.
216.Tierney, t. II, p. 434-435
217.Tierney, t. II, p. 488 à 495.
218.Bruxelles, 1840, 1 vol. in-8º, avec le portrait de Rubens, p. 321.
219.Nº 322 du catalogue de M. van Hasselt, suivant lequel ce tableau se trouverait aujourd'hui dans la collection du comte de Pembroke à Wilton-House. —Ibid., p. 260.
220.Ut suprà, p. 11.
221.Vita di Antonio Van Dyck, dans ses Vite de' Pittori, Roma, 1672. 1 vol. in-4º, p. 260-261.
222.Treasures of art in Great-Britain, t. III, p. 30, 31.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 ağustos 2017
Hacim:
462 s. 5 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
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