Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 12
L'illustre chef de l'école flamande, Rubens, ne tarda pas à suivre l'exemple de son élève: il écrivit à Junius dans le mois d'août 1637, d'Anvers, où il était alors en passant, et comme il le dit: Stans pede in uno. Sa lettre, commencée et terminée en flamand, et probablement interrompue et reprise plusieurs fois, est écrite, pour la plus grande partie, en latin, langue que l'éminent artiste connaissait à fond, comme tous les hommes distingués de son époque. En voici la traduction pour la première fois en français273:
«Vous aurez été très-étonné que je n'aie pas jusqu'ici accusé réception de votre lettre. Je vous prie de croire qu'il n'y a pas plus de douze jours que je l'ai reçue. Elle m'a été remise par un homme de cette ville, nommé Leone Hemselroy, qui s'est beaucoup excusé de ce retard. Telle est la raison pour laquelle je ne vous ai pas écrit plus tôt. Je désirais aussi de la lire avant de vous répondre, comme je l'ai fait avec beaucoup d'attention. Je puis dire avec vérité, que vous avez extrêmement honoré notre art, par ce trésor immense recueilli dans toute l'antiquité avec un si grand soin, et communiqué au public dans un si bel ordre. Car ce livre, pour tout dire en un mot, est véritablement le plus riche en exemples, sentences et préceptes, épars jusqu'alors dans les ouvrages des anciens, réunis aujourd'hui à l'honneur et gloire de l'art de la peinture, et pour notre plus grand profit. C'est pourquoi je trouve, monsieur, que vous avez atteint complètement le but que vous vous étiez proposé par le titre et la matière de ce livre De la peinture des anciens. Vos conseils et vos règles, vos jugements qui jettent tant de lumière sur les points les plus obscurs, une érudition vraiment admirable, relevée par tous les agréments du style le plus élégant, un ordre excellent, un soin et une correction infinie de toutes les parties, font de cet ouvrage un des plus parfaits que je connaisse. Mais, parce que les exemples des peintres anciens ne peuvent être suivis plus ou moins que selon le degré d'imagination et d'intelligence de chaque lecteur, je voudrais, qu'avec la même application, il vous fût possible de composer un traité semblable sur les peintures des Italiens, dont les ouvrages existent aujourd'hui comme des types, et peuvent être montrés du doigt, en disant: Les voilà! Car les choses qui tombent sous le sens se gravent et entrent plus profondément dans l'esprit, réclament un examen plus attentif, et profitent plus à ceux qui veulent les étudier, que les objets qui ne se présentent à nous que par la seule force de notre imagination, comme dans un songe. Ces objets, décrits par un texte obscur, échappent souvent, bien qu'ils soient trois fois expliqués, comme l'image d'Eurydice échappe à Orphée, et privent ainsi le lecteur de l'espoir de les comprendre. C'est ce que j'ai éprouvé moi-même, je dois l'avouer. En effet, quel est celui d'entre nous qui, entraîné par les descriptions de Pline ou des autres auteurs anciens, n'a pas essayé, séduit par la beauté de l'entreprise, de se représenter devant les yeux un des chefs-d'œuvre d'Apelles ou de Timanthe? Et cependant, il n'est parvenu qu'à imaginer quelque pensée indigne de la beauté, de la majesté de l'art antique. Car chacun est plein d'indulgence pour son propre génie, et compose volontiers une sorte de mélange qui ne ressemble en rien aux chefs-d'œuvre des anciens, et qui même est une injure envers leurs illustres mânes. Comme je fais profession de la plus grande vénération pour leur mémoire, je préfère, je l'avouerai franchement, suivre les traces de ceux qui existent encore, plutôt que de m'efforcer en vain de refaire, par la seule pensée, les ouvrages des maîtres anciens. Je vous prie de prendre en bonne part, ce que, en considération de notre amitié, je prends la liberté de vous écrire. Je me flatte qu'après un si excellent entremets (promulcidem?), vous ne nous refuserez pas le commencement même du repas (ipsum caput cœnæ), que nous désirons tous avec tant d'ardeur; puisqu'il est vrai que, de tous ceux qui jusqu'ici ont traité de cette matière, aucun n'a satisfait notre appétit; car il faut en venir séparément à chaque œuvre en particulier, ainsi que je l'ai dit. Je me recommande du fond du cœur à votre bienveillance, et après vous avoir remercié de l'honneur que vous m'avez fait en m'offrant votre amitié et votre livre, j'ai l'honneur d'être pour toujours votre dévoué P. – P. Rubens.»
Rubens, on le voit, tout en louant le livre de Junius, le juge en grand peintre, et à l'aide des comparaisons et des images poétiques dont son imagination savait embellir ses tableaux. Il a raison, assurément, de préférer la vue des chefs-d'œuvre de Léonard de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël, du Corrège et des autres grands Italiens, à l'explication, toujours obscure, des ouvrages des artistes de l'antiquité. On doit regretter que Junius n'ait pas voulu ou n'ait pas pu suivre les conseils du chef de l'école flamande, et qu'il n'ait point composé, ainsi que le désirait Rubens, un second traité De pictura Italorum. Peut-être, le savant bibliothécaire du comte d'Arundel était-il trop porté vers les recherches de pure érudition, pour réussir également bien dans l'examen et l'appréciation des œuvres de la Renaissance, que tous les amateurs pouvaient indiquer du doigt, comme Rubens. D'ailleurs, il aurait fallu, pour mener cette entreprise à bonne fin, que Junius abandonnât l'Angleterre pour l'Italie, et la religion protestante, à laquelle il était fort attaché, s'opposait à ce voyage.
Tel qu'il est, avec le catalogue des artistes de l'antiquité, l'ouvrage de Junius mérite les éloges qu'il a reçus de Grotius, de Rubens et de Van Dyck. S'il ne présente pas méthodiquement une histoire de l'art proprement dite, comme Winckelmann l'a composée plus tard, il renferme les documents les plus nombreux et les plus authentiques sur la vie des artistes anciens et sur leurs œuvres. C'est une mine féconde qui a été souvent exploitée: beaucoup d'auteurs, parmi les modernes, ont imité et quelquefois même copié Junius sans le dire. Il est à peu près le seul qui ait eu le courage de remonter jusqu'aux sources, et son travail indique combien étaient profondes et consciencieuses les études consacrées, par les savants et les amateurs du dix-septième siècle, à la recherche du beau depuis l'origine de l'art.
Dans son épître dédicatoire à Charles Ier, Junius déclare qu'il a entrepris le traité De la peinture des anciens pour obéir à la volonté du noble comte d'Arundel, et qu'il s'est inspiré des monuments de l'art ancien que son patron avait réunis dans sa demeure. Ce ne fut point sans des difficultés infinies et des dépenses énormes que le comte réussit à faire parvenir en Angleterre les statues, les bas-reliefs et les inscriptions enlevés par lui à la Grèce et à l'Italie. Ces précieux restes ont été les premiers monuments de l'antiquité introduits en Angleterre. Comme ils font aujourd'hui partie des collections de l'université d'Oxford, leur histoire et leur description ont été plusieurs fois publiées. Nous empruntons à l'avertissement donné par le docteur Richard Chandler, en tête de l'ouvrage intitulé Marmora oxoniensia274, l'historique de leur arrivée à Londres dans le palais d'Arundel, et de la sensation qu'ils excitèrent chez les savants, les amateurs et les artistes.
Après avoir expliqué que le comte avait fait choix de Guillaume Pettæus (Petty) pour chercher et acquérir, en Italie, en Grèce, en Turquie et dans tout le Levant, ce qu'il trouverait de plus remarquable parmi les restes des marbres, statues, bas-reliefs et inscriptions de l'antiquité, Richard Chandler raconte, qu'une partie de ces marbres était parvenue à Londres en 1627. Déposés dans la maison et les jardins du comte d'Arundel, sur les bords de la Tamise, les savants et les hommes les plus distingués accouraient de toutes parts pour les voir. – «On remarquait parmi eux l'illustre Robert Cotton, qui s'empressa d'aller trouver Selden, le priant avec instance de venir le lendemain matin (car il faisait alors nuit), pour examiner avec la plus grande attention ces arcanes enlevés à la Grèce. Selden y ayant consenti, ils convinrent de s'adjoindre leurs amis communs, Patricius Young, ou, comme il préférait s'appeler, Junius, et Ricardus James, l'un célèbre par la découverte qu'il avait faite de l'épître de saint Clément aux Corinthiens, qu'il publia, et par d'autres ouvrages; l'autre possédant une profonde érudition, acquise par un travail opiniâtre, et alors occupé à colliger les manuscrits dont s'est enrichie la bibliothèque Cottonienne.
«Le lendemain matin, à la pointe du jour, ces doctes investigateurs des monuments de l'antiquité se réunirent chez le comte d'Arundel, et, après avoir lavé et nettoyé les marbres, découvrirent le pacte de l'alliance conclue entre les habitants de Smyrne et ceux de Magnésie, dont ils restituèrent le texte, en le rendant d'une entente facile. Bientôt, la renommée répandit la nouvelle de la découverte de cette inscription, et, de toutes parts, se manifesta le désir d'en avoir des reproductions. Mais Selden s'y opposa, craignant que, par suite de l'incurie des copistes, le texte, qu'ils avaient eu tant de peine à rétablir dans toute sa pureté, ne fût bientôt altéré de nouveau. Il promit donc à ses amis, qui désiraient avoir cette inscription, de la publier avec quelques autres. Il tint parole l'année suivante275, à la satisfaction de tous les érudits, et particulièrement du célèbre Peiresc276. Ce personnage, auquel nul sacrifice ne coûtait lorsqu'il s'agissait d'acheter des raretés, apprit avec le plus vif intérêt, que quelques-unes de ces inscriptions avaient été acquises par un homme dont il faisait le plus grand cas; tandis que, lui-même, avait déboursé autrefois à Smyrne cinq cents pièces d'or pour les obtenir, sans avoir pu se les procurer, son chargé de pouvoirs, Sampson, ayant été jeté en prison par la fourberie des Turcs; ce qui avait permis à Pettæus de les racheter pour le comte d'Arundel, mais à un prix beaucoup plus élevé. – Le livre de Selden obtint un si grand succès, qu'au bout de quelques années, on ne trouvait plus à l'acheter, à quelque prix que ce fût.»
Rubens, qui se trouvait à Londres en 1629, écrivait à Peiresc, le 9 août de cette année: «Le duc d'Arundel possède une infinité de statues antiques, grecques et romaines, que vous aurez vues, puisqu'elles se trouvent publiées par Jean Selden et sont savamment commentées par le même auteur, ainsi qu'on avait le droit de l'attendre de son grand talent. Vous aurez sans doute vu son traité De Diis Syris, qu'on vient de réimprimer recensitum iterum et auctius. Mais je voudrais bien qu'il se renfermât dans les bornes de la science, sans aller se mêler à tous ces désordres politiques qui l'ont privé de sa liberté, ainsi que plusieurs autres membres du Parlement, accusés d'avoir agi contre le roi dans la dernière session277.»
Le comte d'Arundel avait adopté l'ordre suivant pour l'arrangement de ses marbres: les statues et les bustes étaient placés dans la galerie d'Arundel-House, à Londres; les marbres chargés d'inscriptions étaient appliqués contre les murs du jardin de cet hôtel, et les statues d'un ordre inférieur, ou celles qui étaient mutilées, décoraient le jardin d'été que le lord avait à Lambeth. Plusieurs catalogues apprennent que la collection des marbres d'Arundel contenait trente-sept statues, cent vingt-huit bustes, et deux cent cinquante marbres écrits, sans compter les autels, les sarcophages, les vases, divers fragments et des bijoux antiques inestimables278. – Junius avait donc raison de vanter la munificence de son illustre patron, qui n'avait reculé devant aucun sacrifice pour enrichir sa patrie de ces précieux trésors.
CHAPITRE XVIII
Ambassade du comte d'Arundel en Allemagne, près de l'empereur Ferdinand II. – Extraits du journal de cette mission, publié par W. Crowne. – Description des collections de l'empereur Rodolphe, à Prague, et du palais de Wallenstein. – Récit de la mort de ce général. – Représentation donnée en l'honneur du comte par les Jésuites de Prague. – Acquisition de la bibliothèque de Pirckheimer à Nuremberg. – Retour du comte en Angleterre.
1636
En 1636, l'année même où Junius publia son ouvrage, le comte d'Arundel, fut envoyé par le roi Charles Ier d'Angleterre, en ambassade extraordinaire près Ferdinand II, empereur d'Allemagne. La relation, ou, pour parler plus exactement, le journal itinéraire de cette mission nous a été conservé. Il a été écrit, jour par jour, par un gentilhomme anglais, William Crowne, attaché à la suite du comte279.
L'ambassadeur quitta Greenwich le jeudi 7 avril 1636, pour s'embarquer à Margate et se diriger vers La Haye, afin de présenter, en passant, les compliments du roi d'Angleterre au prince d'Orange. Il s'achemina ensuite par Utrecht, Wesel, Dusseldorf, Cologne, Coblentz, Mayence, Francfort-sur-le-Mein, Nuremberg, Passaw et Lintz, où il trouva l'empereur et l'impératrice qui étaient venus à sa rencontre. Il eut son audience de réception le 6 juin, et dut demeurer dix-neuf jours à Lintz, pour y mener à fin les négociations qui l'y avaient amené, et dont l'objet principal était le rétablissement de la paix dans l'Allemagne, troublée depuis longtemps par la guerre dite de Trente ans. Pendant tout son séjour à Lintz, l'ambassadeur anglais fut logé et entretenu aux frais de l'empereur, et des fêtes furent données en son honneur. L'historiographe de cette mission n'a transmis aucune description de ces fêtes.
Après s'être rendu à Vienne et à Augsbourg, où le comte visita plusieurs établissements des Jésuites, qui le reçurent avec les plus grands honneurs, il se dirigea vers Prague, où il arriva le 6 juillet, «Étant entrés dans le château qui servait de résidence au roi de Bohême… après avoir traversé trois belles cours, dans l'une desquelles il y avait une statue de saint Georges, à cheval, en bronze, et une fontaine, ils arrivèrent à une grande salle où il y avait de nombreuses et belles boutiques, comme à Westminster. Ils traversèrent ensuite un grand nombre de salles ornées de peintures, dont l'une était décorée de portraits de nobles anglais, et montèrent au second étage, où était la chambre du conseil. Les seigneurs bohémiens s'y trouvaient réunis avec les conseillers de l'empereur. Mais là, s'éleva un tel tumulte, que les Bohémiens jetèrent ces conseillers par les fenêtres, élevées de plus de quarante-cinq pieds au-dessus du sol, et ils tirèrent sur eux des coups de pistolet… Alors nous descendîmes dans une salle basse, véritablement magnifique, qui sert pour leurs bals masqués. Son plafond est soutenu par un grand nombre de belles colonnes, et, au milieu, elle est décorée de statues de bronze. Le long des murs pendent des tableaux représentant des chevaux indiens, qui étaient alors à Prague. À côté, se trouve une grande salle à manger, dont la table est en mosaïque, et à l'extrémité de laquelle on voit de belles armes… C'est dans le Schant-hamber que se trouvent le trésor et les superbes collections de l'empereur Rodolphe.
«Dans la première salle, un grand nombre de dressoirs ou buffets adossés aux murs renferment: le premier, des objets en corail; le second, en porcelaine; le troisième, en nacre de perle; le quatrième, des feuilles de cuivre curieusement gravées; les cinquième et sixième, des instruments de mathématiques; le septième, des bassins, des aiguières et une coupe d'ambre; le huitième, des vases d'or et de cristal; le neuvième, de cristal de roche; le dixième, des ouvrages de mosaïque; le onzième, des objets en ivoire, plus une grande corne de licorne de un yard de long; le douzième, des ouvrages en relief; le treizième, en émail; le quatorzième, d'objets antiques, jetés en argent; le quinzième, des cabinets de diamants de Bohême, et quelques petites boîtes de perles du même pays; le seizième, d'objets relatifs à l'astronomie; les dix-septième et dix-huitième, des objets indiens; le dix-neuvième, des choses venant de la Turquie; le vingtième, une statue de femme de grandeur naturelle, vêtue de soie. Au milieu de la salle, sont des horloges; le chroniqueur en décrit sept de différentes sortes, à sonneries, avec musique, mettant en mouvement des personnages, fort curieuses, à ce qu'il paraît, pour le temps, et devant lesquelles il resta en admiration. – «Nous entrâmes alors dans une petite pièce fermée, dans laquelle il y avait beaucoup de niches pratiquées dans l'épaisseur du mur, et renfermant les présents envoyés à l'empereur, comme des casques dorés et des statues. – Dans la troisième salle, quatre dressoirs le long des murs, remplis de rares peintures, et, au milieu, des objets antiques, comme une statue de jeune fille de grandeur naturelle, qui fit la guerre280, et une machine qui servait autrefois à imprimer les livres. La quatrième salle renferme des armoires remplies de raretés anatomiques, de poissons, de coquilles, de livres, parmi lesquels une Bible in-folio de la plus grande beauté…» – Après avoir visité les églises de Prague, et s'être promené dans le parc, hors de la ville, le comte d'Arundel voulut voir le nouveau palais que Wallenstein s'était fait construire… «Son Excellence traversa d'abord une immense salle longue, au moins, de quarante-huit pas, et large de trente et un. Nous montâmes ensuite à des galeries où des tableaux étaient exposés, et où l'on avait peint sur les murs l'histoire d'Hercule, et au plafond diverses compositions tirées d'Ovide. Dans la salle d'audience, les quatre Éléments sont peints au milieu du plafond. À la suite, se trouvent un grand nombre de belles chambres. Dans le jardin, on voit cinq fontaines avec de grandes statues qui les décorent, et la fontaine de Neptune, surmontée de quatre nymphes, avec une belle grotte; mais les eaux ne coulèrent pas. Nous allâmes ensuite visiter l'écurie, pouvant contenir vingt-six chevaux. Les colonnes et les mangeoires sont entièrement de marbre rouge; il y a quarante-huit colonnes, et chacune d'elles a coûté vingt-cinq livres (sterling). Quatre cours environnent le palais, qui appartient maintenant au roi de Hongrie. Ce Wallenstein était le seul général en chef de l'empire, sous les ordres de l'empereur. Il devint si puissant, qu'il inspira de la crainte à l'empereur, et c'est avec raison, si l'on considère les complots que Wallenstein avait tramés contre sa couronne. Mais, pour en prévenir l'explosion, l'empereur donna l'ordre à quelques officiers irlandais qu'il entretenait à son service, de le surveiller la nuit et de le mettre en pièces, ce qui arriva le soir même. Un de ces officiers étant entré à l'improviste dans sa chambre, le trouva en chemise, et lui dit: «Vive Ferdinand, mais meure le traître Wallenstein!» Ce dernier, étendant les bras, se mit à crier: Oh! mon Dieu! en recevant un coup de hallebarde. Cela fait, ils lui coupèrent la tête, et, sur-le-champ, la portèrent à l'empereur, lequel les récompensa largement, et continua à leur accorder sa faveur.» – Telle est la morale que l'honorable gentleman tire de l'assassinat de Wallenstein. Nous regrettons d'être obligé d'ajouter que le comte d'Arundel s'empressa de recevoir le colonel écossais Lesley et l'Irlandais Deverous281 que l'histoire accuse du meurtre du duc de Friedland.
Bien qu'attaché à l'un des plus grands connaisseurs du dix-septième siècle, il ne paraît pas que William Crowne ait compris la beauté des statues et des peintures qu'il put voir en Allemagne. Le narrateur prit plus d'intérêt aux fêtes et aux spectacles donnés en l'honneur de son noble patron. Il nous a conservé le programme d'une pièce allégorique, composée par les Jésuites de Prague, représentée dans leur collège, et faisant allusion aux espérances que la mission du comte d'Arundel avait fait naître en Allemagne.
«…Son Excellence, dit-il282, fut invitée à assister à une représentation au collège des Jésuites, dont le supérieur est un Irlandais, qui le reçut comme un prince. D'abord, un discours lui fut adressé par un jeune élève; il fut ensuite salué, à son passage, par une garde de soldats qui déchargèrent leurs mousquets en son honneur. Son Excellence arriva ensuite à la salle où la comédie fut jouée à sa grande satisfaction, non-seulement eu égard au sujet de la pièce, mais surtout à cause du talent des acteurs, de la beauté des costumes, au nombre de plus de cinquante, et des rôles joués par les jeunes écoliers et par plusieurs fils de nobles barons. La représentation terminée, ils désirèrent être admis à baiser la main de Son Excellence, à genoux, en témoignage de son approbation. Je joins ici, ajoute le narrateur, l'argument de la pièce283.
«La Paix, qui habite l'Angleterre, exilée depuis longtemps de la Germanie, se prépare à rentrer dans ce pays.
«Drame représenté à Prague, en 1636, par les élèves du collège des Jésuites, à l'occasion de la visite faite à ce collège par le très-illustre et très-excellent Thomas Howard, comte d'Arundel et de Surrey, ambassadeur extraordinaire du très-puissant roi d'Angleterre Charles Ier, près l'auguste empereur Ferdinand II et les princes de l'empire.
«Prologue. – Le valet de Mercure, occupé à préparer le théâtre, rencontre une troupe de jeunes enfants, désireux de voir l'ambassadeur du roi d'Angleterre; il leur fait savoir qu'il ne croit pas qu'ils puissent le voir du théâtre, à moins qu'ils ne lui adressent leurs félicitations sur son arrivée. Ne pouvant les lui présenter en latin, à cause de leur extrême jeunesse, il les invite à le faire en diverses langues.
«Première partie. – Scène première. – Mercure reçoit les dieux et les déesses, qui se rendent au conseil avec les attributs et les costumes qui les distinguent, et il assigne à chacun sa place.
«Scène deuxième. – Astrée se plaint à Jupiter et aux dieux des crimes des mortels. Jupiter, après avoir recueilli les opinions, livre la Terre à Mars et à Vulcain, afin qu'ils la punissent.
«Scène troisième. – La Paix, désolée, cherche un lieu où elle puisse échapper à la fureur de Mars; Neptune la fait monter sur une conque marine et la conduit en Angleterre.
«Scène quatrième. – Mars divise en plusieurs parts le globe de la terre et le distribue à Bellone, aux Furies et à ses autres compagnes.
«Seconde partie. – Scène première. – Cérès, Apollon, Bacchus déplorent, auprès de Jupiter, les calamités dont ils ont à souffrir de la part de Mars. Jupiter les renvoie à Neptune.
«Scène deuxième. – Neptune annonce qu'il a remis l'empire de la mer à Charles, roi d'Angleterre; il leur dit d'aller le trouver, s'ils veulent rendre la paix au monde.
«Scène troisième. – Mercure ordonne à Cérès et à Phœbus d'avoir bon espoir, car bientôt le roi Charles aura rétabli la paix, par les soins de son envoyé, Howard comte d'Arundel. La Paix assure qu'elle ne tardera pas à revenir en Germanie, son ancienne demeure. Tous se félicitent et adressent leurs compliments au noble comte.
«Épilogue, faisant allusion aux armoiries de la famille Howard, par lequel on souhaite et on prédit à l'ambassadeur toute sorte de prospérités; et après l'avoir salué avec respect, un des acteurs, tant en son nom qu'au nom de tous, lui adresse des remercîments. – Applaudissez.»
Ce n'était pas la première fois que les jésuites avaient montré, à l'ambassadeur de Charles Ier, le spectacle d'une représentation allégorique en son honneur. Déjà, pendant son séjour à Lintz, ils lui avaient offert le même divertissement. Mais William Crowne ne nous a conservé que l'argument de la pièce jouée à Prague.
Malgré les assurances données par les anciennes divinités de l'Olympe, évoquées par les jésuites, la paix ne fut pas alors rétablie en Allemagne d'une manière durable. L'accord conclu momentanément le 4 septembre 1636, avec l'intervention du comte d'Arundel, n'empêcha pas des torrents de sang de couler encore dans ce pays pendant de longues années. Le célèbre traité de Westphalie, signé en 1648, en reconnaissant la liberté de conscience comme un principe de droit public désormais inattaquable, put seul mettre un terme à ce conflit sanglant, qui avait ravagé l'Allemagne et une grande partie de l'Europe pendant plus de trente années. Ce qu'il y a de singulier, c'est que si la paix, à cette époque, rentra en Allemagne, elle abandonna l'Angleterre, ainsi que Mercure l'avait annoncé, et la laissa livrée à son tour aux fureurs de Mars et de Bellone. L'infortuné roi Charles Ier, que les Allemands invoquaient, en 1636, presque comme une divinité arbitre de la paix, renversé alors de son trône par ses ennemis acharnés, présenta le premier exemple d'un roi mis à mort par ses sujets, à la suite de la plus inique condamnation284. Ainsi vont les choses de ce monde, où les fortunes de certains hommes ne s'élèvent si haut que pour être renversées, aux yeux de tous, par une chute plus éclatante:
…Tolluntur in altum,
Ut lapsu graviore ruant.
Après avoir assisté, le 2 septembre 1636, au couronnement du fils de Ferdinand II, Ferdinand-Ernest, comme roi des Romains, le comte d'Arundel se mit en marche pour revenir. Il s'arrêta quelques jours à Augsbourg, où il alla voir dans le Stadt-House des statues et des peintures, et, entre autres, l'Histoire de tous les dieux, peinte, dit William Crowne, par Raphaël; probablement une copie des fresques de la Farnésine de Rome. Il reprit ensuite son chemin par Nuremberg, où il fit l'acquisition de la bibliothèque de Bilibalde Pirckheimer, vendue par ses héritiers. On dit que cette collection faisait partie dans l'origine de celle formée à Bude, en 1485, par Mathias Corvin, roi de Hongrie, et qu'à sa mort, en 1490, elle était passée en la possession du père de Bilibalde Pirckheimer285. Continuant sa route par Francfort, Hanau, et le Rhin jusqu'à La Haye, le comte d'Arundel était de retour à Londres le 28 décembre 1636, et le lendemain il avait, à Hampton-Court, son audience du roi Charles Ier.