Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 13
CHAPITRE XIX
Le graveur Wenceslas Hollar, attaché au service du comte d'Arundel, et ses principales œuvres. – Portrait du Sicilien Blaise de Manfre, célèbre faiseur de tours. – Autres portraits gravés par Hollar. – Jérôme Laniere. – Les deux Van der Borcht.
1636 – 1646
C'est pendant son voyage en Allemagne que le comte fit la connaissance du graveur Hollar, qu'il attacha à sa personne, et ramena avec lui en Angleterre. On croit que ce fut à Cologne qu'il rencontra cet artiste; mais la relation de Crowne n'en parle pas.
Wenceslas Hollar est au nombre de ces artistes éminents que le travail le plus opiniâtre, joint à un talent remarquable, ne purent préserver des atteintes de la misère. Il naquit à Prague en 1607, et il paraît qu'il appartenait à une famille noble, qui fut complétement ruinée pendant la guerre de Trente ans: au moins, dans son portrait, dessiné et gravé par lui-même, en 1647, il s'est représenté au milieu d'un cartouche ou écusson avec ses armes, à quatre quartiers, et une montagne surmontée de deux fleurs de lis286. La légende d'un autre portrait de Hollar, peint par N. Meyssens287, nous apprend que Hollar «était fort enclein à l'art de la miniature, principalement pour esclaircir; qu'il fut beaucoup retardé par son père; qu'en 1627 il partit de Prague, parcourut l'Allemagne s'adonnant à pratiquer l'eau-forte, et partit de Cologne, avec le comte d'Arundel, pour se diriger par Vienne et Prague vers l'Angleterre; qu'il y fut serviteur-domestique du duc d'Yorck, et que, par suite de la guerre civile, il se retira à Anvers, où il résidait encore en 1647.» Nous ajouterons, pour terminer cet aperçu de la vie de Hollar, qu'après un long séjour à Anvers, où il s'était fixé lorsque le comte d'Arundel fut parti pour l'Italie, Hollar se décida à rentrer en Angleterre, à l'époque du rappel du roi Charles II, et qu'il mourut à Londres en 1677. Cet artiste était naturellement travailleur, et le stimulant de la misère, contre laquelle il lutta souvent, surtout après son retour en Angleterre, lui fit composer un très-grand nombre de planches sur toutes sortes de sujets. Vertue, dans le dernier siècle, en Angleterre, et, récemment, M. L. – G. Parthey288, à Berlin, ont rédigé un catalogue complet de son œuvre.
La manière de Hollar est, généralement, un peu molle; ses contours sont, quelquefois, trop arrondis; sa pointe ressemble trop à du crayon. Ces défauts se font surtout remarquer dans ses plus grandes planches, représentant des sujets de sainteté, des vues de villes et des batailles. Mais dans ses portraits, ses costumes d'hommes et de femmes, ses paysages, ses animaux, et d'autres sujets dont la grandeur n'excède pas vingt centimètres de haut, et souvent beaucoup moins, sur une largeur proportionnée, Hollar atteint souvent la perfection par la finesse du burin, la délicatesse de tous les détails, le rendu, l'expression des physionomies, la savante disposition des ombres et des lumières. Le faire de cet artiste est véritablement original, et donne un cachet tout particulier à la plupart de ses œuvres, fort recherchées des amateurs, principalement en Angleterre. La réputation que Hollar s'acquit dans ce pays, sous les auspices du comte d'Arundel et de Charles Ier, dure encore aujourd'hui. Le talent du graveur suffirait pour justifier cette vogue; mais on sait que les Anglais recherchent, avec un empressement tout national, les œuvres de l'art qui se rapportent à leur histoire, à leurs traditions, à leurs mœurs, à leur pays. À cet égard, ils ont eu raison d'adopter Hollar presque comme un compatriote, car les pages les plus remarquables de son œuvre, non-seulement ont été composées à Londres, mais rappellent les personnages, les monuments, les campagnes de la vieille Angleterre.
Le comte d'Arundel, en sa qualité d'Anglais et de grand maréchal du royaume, s'était attaché à réunir, dans sa collection, les tableaux qui pouvaient offrir un intérêt historique pour son pays. C'est ainsi qu'il possédait les plus beaux portraits de Holbein, représentant le roi Henri VIII, et ceux de ses femmes, Anne de Clèves, Catherine Howard, Jeanne Seymour et Anne de Boleyn. Dans le premier volume de l'œuvre de Hollar, qui est au cabinet des estampes, on trouve, sur la même feuille, les gravures exécutées par cet artiste de ces différents portraits. S'il est curieux, au point de vue historique, de pouvoir considérer la figure de boucher de ce roi Barbe-Bleue, à côté de celles des malheureuses victimes de ses passions désordonnées, il n'est pas moins intéressant, au point de vue de l'art, de voir avec quelle habileté le graveur a su rendre la finesse, la fermeté, l'expression qui caractérisent les portraits du grand peintre de Henri VIII.
Mariette289 estimait beaucoup les gravures que Hollar avait exécutées des dessins de Léonard de Vinci, faisant partie de la collection d'Arundel. «C'est peut-être, dit-il, ce que nous avons de mieux d'après ce peintre. Il serait cependant à souhaiter que Hollar eût imité avec un peu plus d'exactitude les originaux qu'il avait sous les yeux; qu'il les eût rendus trait pour trait et avec la même touche; qu'il n'y eût point ajouté un travail qui n'y met que de la propreté sans goût… Toutes ces planches de Hollar ne passent guère trois pouces de haut sur deux à cinq pouces de large. Elles sont distribuées en quatre ou cinq suites, à la tête desquelles sont autant de frontispices. Il y en a environ soixante-quinze qui ont été gravées à Anvers dans les années 1645 et suivantes.»
Ce n'est pas seulement en Angleterre que Hollar grava les tableaux de son protecteur; lorsque ce dernier fut obligé de quitter sa patrie, et qu'il se fut réfugié à Anvers, il put emporter avec lui ses plus belles peintures. Comme pour se consoler dans son exil, le comte voulut que Hollar continuât de graver ses planches. C'est à cette époque, qu'arrivé à toute la maturité de son talent, il reproduisit au burin le portrait d'Albert Durer, d'après celui peint par ce maître, en 1498, à l'âge de vingt-six ans. Cette gravure est un petit chef-d'œuvre, digne de rivaliser avec l'original, pour la beauté, l'expression, la maestria; elle porte la date de 1648.
Un autre portrait, non moins remarquable, gravé par Hollar, d'après un dessin ad vivum, c'est celui de Blaise de Manfre, Sicilien, faiseur de tours, prestidigitateur, le Robert-Houdin, le Hamilton, le Hume de cette époque. Il est représenté290, dit la légende qui accompagne la gravure, ætatis 72, bien qu'il ne paraisse pas cet âge, qu'il se donnait peut-être pour se faire mieux valoir. Sur le premier plan à gauche, il est à mi-corps, vu de trois quarts, vêtu à l'espagnole, avec de longs cheveux ou une perruque, clignant de l'œil, une vraie figure de Scapin, la main droite posée sur une table, les épaules appuyées légèrement au fût d'une colonne ornée de draperies. Dans le fond, au troisième plan, on l'aperçoit debout sur un théâtre, les deux poings sur les hanches, taisant jaillir de sa poitrine et tomber au milieu d'un nombreux public, composé de cavaliers à chapeaux à plumes et à petits manteaux, placés au second plan, son jet intarissable. Près de lui, sur le bord du théâtre, on voit une quantité de fioles, de bouteilles, de paniers. Au-dessus de sa tête, plane une Renommée avec la devise Fama volat, et, dans le haut, un soleil, dans son plein, darde ses rayons, au-dessus desquels est écrit: solus sicut sol; devise que les charlatans de nos jours n'ont pas encore osé adopter. La bouteille inépuisable de Robert-Houdin n'était que renouvelée du jet intarissable du sieur de Manfre. Mais que sont les liqueurs modernes à côté de ce que promet notre Sicilien, qui avait eu l'honneur d'exercer devant des rois et devant l'Empereur. Lisez plutôt les vers qui sont peut-être de sa façon, et qui ne manquent ni d'esprit, ni d'à-propos pour les besoins de la cause. Ce n'est pas une des moindres singularités caractéristiques du dix-septième siècle de trouver un charlatan qui rédige son programme, s'annonce et se fait valoir en distiques latins, non moins élégants que les autres poëmes en latin moderne dus aux plus savants écrivains de son temps. Le latin était encore la langue universelle; de nos jours, cette érudition en plein vent aurait peu de succès. Peut-être ces distiques sont-ils de Hollar lui-même, qui avait reçu dans son enfance une éducation classique, et qui paraît avoir cultivé la poésie latine, si l'on en juge par les vers qu'il a inscrits quelquefois au-dessous de ses portraits. Quoi qu'il en soit, voici ceux qui accompagnent la gravure du Sicilien de Manfre.
Seu veterum similis non conscia sæcula facti,
Seu tua te ratio credere tanta vetet,
Visa tamen mea gesta probant cum Cæsare reges,
Myriadumque oculi, quos stupor attonuit.
Ille ego, purarum grandis potator aquarum,
Qui prius undiferis vina refundo cadis,
Et quæcumque tibi, seu rubra aut candida poscas
Veraque de largo gutture dona paro.
Quinetiam, si præ reliquis optaris ad haustum,
Id tibi de sumpto gurgite munus erit:
Lac, oleum, lupuli potum florumque liquores,
Insuper angelici poscar odoris opes;
Omnia miriparo salientia gutture promo,
Ac demum altivolam jacto potenter aquam.
Ambigis? Aude, veni: volo sint tua lumina testes,
Unde queas larga credere dona Dei.
«Bien que les siècles passés n'aient rien produit de pareil, et encore que votre raison vous défende de le croire, cependant il n'y a pas moyen d'en douter, puisque des rois, l'Empereur et des milliers de spectateurs ont vu de leurs yeux mes faits et gestes, à leur stupéfaction générale. C'est moi, Blaise de Manfre, grand buveur d'eau pure, qui, après avoir tiré du vin de tonneaux remplis d'eau, m'engage à faire couler de mon large gosier, à discrétion, tous les vins qu'on me demandera, soit rouges, soit blancs. Bien plus, si vous préférez autre chose, je vous promets de vous le distribuer de mon réservoir inépuisable: du lait, de l'huile, de la bière, des liqueurs faites avec des fleurs, particulièrement de l'eau parfumée d'angélique: car je puis tout tirer de mon merveilleux gosier. Enfin, je lance au loin dans l'air un puissant jet d'eau. En doutez-vous? N'ayez pas peur, approchez: je veux que vos yeux soient témoins de ce miracle, et que vous soyez convaincus que c'est un véritable don du ciel.»
Hollar a gravé beaucoup de portraits d'après Van Dyck: il nous a transmis, d'après ce maître, les traits de la comtesse d'Arundel, Anne-Alathea Talbot. C'est également d'après le même artiste qu'il a reproduit le portrait du comte, à cheval, en costume de grand maréchal d'Angleterre. Il l'a gravé, en outre, toujours d'après Van Dyck, à mi-corps, dans un médaillon. Enfin, il l'a représenté siégeant à sa place de grand maréchal dans la Chambre des lords, à la séance du 22 mars 1641, dans laquelle fut jugé et condamné le comte de Stafford. Cette dernière gravure, exécutée par Hollar d'après son propre dessin, est fort curieuse, en ce qu'elle donne la représentation exacte de ce grand drame, et qu'elle renferme les portraits des principaux hommes d'État de l'Angleterre à cette époque. Une autre planche de Hollar, mais moins bien réussie, montre l'exécution du malheureux comte, le 22 mai 1641, à Londres, au milieu d'une foule immense de spectateurs.
Nous avons dit que, vers 1642, le comte d'Arundel avait quitté l'Angleterre et s'était retiré à Anvers. Nous ne pouvons pas préciser la durée du séjour du noble lord dans cette ville; mais nous trouvons dans l'œuvre de Hollar, au cabinet des estampes, des portraits gravés par lui à Anvers, faisant partie de la collection d'Arundel, et portant la date de 1643. Ce serait donc à partir de cette année, jusque vers 1650, que l'artiste aurait continué de graver les tableaux de cette collection. Mais ce travail ne l'empêcha pas d'entreprendre d'autres planches. Il fut probablement réduit, pour vivre, à s'occuper d'œuvres bien au-dessous de son talent. Par exemple, il grava des jeux d'enfants, des oiseaux, des animaux, des instruments de pêche et de chasse, d'après Pierre Van-Avent et d'autres. Ce fut aussi vers cette époque qu'il grava, d'après le Titien, les portraits de Daniel Barbaro, Bindo-Altoviti et Johanna Véronèse; d'après le Giorgione, un Allemand de la famille Fuscher; d'après Sebastiano del Piombo, Vittoria Colonna, et quelques autres portraits tirés de la collection de deux amateurs anversois, Jean et Jacob Van-Verle.
Hollar était très-lié avec Jérôme Laniere, Italien, qui paraît avoir été employé par le comte d'Arundel à l'achat de tableaux de peintres italiens291. Il lui a dédié la gravure de la Vierge avec saint Joseph, l'Enfant-Jésus et le petit saint Jean, d'après Perino del Vaga, et, dans cette dédicace, il le qualifie des titres de protecteur et grand admirateur des arts.
Il n'était pas moins attaché à Henri Van der Borcht, père, collectionneur de raretés, et, comme ou disait alors, omnium elegantiarum amator. Il était né à Bruxelles en 1583; mais par suite des troubles qui désolaient les Pays-Bas, il fut emmené en Allemagne à l'âge de trois ans. Il y apprit la peinture chez Gilles de Walckenborgh, et voyagea ensuite en Italie. Revenu en Allemagne, il se fixa à Fanckendaël jusqu'en 1627, qu'il vint habiter Francfort-sur-le-Mein, où il se mit à former une collection de médailles, de peintures et de toutes sortes d'antiquités. C'est là que le comte d'Arundel le connut, en 1636, et lui acheta plusieurs pièces importantes. C'est également à son passage par cette ville que le comte attacha à son service Henri Van der Borcht, peintre et graveur, fils du précédent. Il l'envoya d'abord en Italie rejoindre Pettœus (M. Petty), qui était à la recherche de statues antiques et de tableaux pour son maître. Ils revinrent ensemble en Angleterre, et Van der Borcht y resta attaché au service du comte d'Arundel pendant quelques années. Une notice, mise au bas de son portrait gravé par Hollar en 1648, d'après Jean Meyssens, nous apprend, qu'à cette époque, il était serviteur, c'est-à-dire probablement, selon la coutume d'alors, peintre valet de chambre du prince de Galles. Hollar a gravé beaucoup de sujets d'après ce peintre, et ils paraissent avoir vécu et travaillé ensemble en la meilleure intelligence. Van der Borcht dessinait beaucoup. Un amateur français du dernier siècle, M. Quentin de Lorangère, avait réuni la suite de ses dessins, au nombre de 567 pièces. Ils furent vendus par Gersaint en 1744. – Henri Van der Borcht, après un long séjour à Londres, revint mourir à Anvers.
Après le rétablissement de Charles II, Hollar repassa en Angleterre, espérant y être bien accueilli par le nouveau monarque. Mais cet espoir fut à peu près déçu, et l'artiste, toujours poursuivi par la misère, se vit contraint de travailler à la merci des libraires et des marchands d'estampes. C'est alors qu'il exécuta un grand nombre de vues d'Angleterre, plus des marines, des naufrages, d'après John Overton et Peter Staat, et les Amusements de la chasse d'après François Barlow. Hollar fut aussi employé par William Dugdale à illustrer les Antiquities of Warwickshire292. Les gravures de Hollar, qui sont dans cet ouvrage, représentent des vues de villes et de châteaux; mais la plus grande partie, des tombeaux, des vitraux et des armoiries servant à distinguer la noblesse de cette province. On y trouve aussi le portrait de Dugdale, le même qui est à la tête de la description, donnée par cet éditeur, de l'église de Saint-Paul de Londres, et plusieurs planches de costumes des ordres religieux293. – Ces différents travaux ne procurèrent au graveur aucune aisance, et il mourut à Londres, en 1667, dans un grand dénûment.
CHAPITRE XX
Dernières années du comte d'Arundel en Angleterre. – Il quitte sa patrie et se fixe à Padoue. – Il y meurt en 1646. – Sort de ses collections. – Renommée attachée à sa mémoire.
1637 – 1646
Pendant près de deux années après son retour d'Allemagne, le comte d'Arundel put jouir, dans la retraite, des belles choses qu'il s'était procurées avec tant de soins et de dépenses. Mais, dans le cours de 1638, il fut obligé de rentrer dans la vie publique, en prenant le commandement des troupes destinées à combattre les Écossais, révoltés contre le roi Charles 1er294. Après des alternatives de succès et de revers, il fut nommé, en 1640, capitaine général de l'armée royale. Dans le mois de mars 1641 commença le procès du malheureux comte de Stafford, et le comte d'Arundel, en sa qualité de grand dignitaire de la couronne, fut obligé de faire partie de la commission nommée par le roi, pour déclarer l'assentiment royal donné au bill d'attainder, décerné contre l'infortuné ministre. Nous avons vu que Hollar l'avait représenté siégeant à la Chambre des lords, à la place de lord Steward d'Angleterre. Mais le comte ne paraît pas avoir approuvé le tragique dénoûment de ce mémorable procès; car il se hâta de donner sa démission de toutes ses hautes fonctions, afin de pouvoir plus facilement quitter la Grande-Bretagne. Bientôt, en effet, vers la fin de février 1642, il adressa un dernier adieu à sa terre natale, et s'embarqua pour les Pays-Bas. Son historien, le révérend M. Tierney, dit qu'il y fut déterminé par l'état de sa santé qui allait sensiblement en déclinant295. Mais il est permis de croire que le comte entrevoyait clairement l'issue fatale de la lutte acharnée engagée entre le parlement et la royauté, et qu'il avait voulu se mettre à l'abri de l'orage.
Quoi qu'il en soit, après un court séjour dans les Pays-Bas, le comte alla s'établir à Padoue: il y mourut le 24 septembre 1646, dans sa soixante-deuxième année. Son corps fut rapporté en Angleterre, déposé dans la chapelle du château d'Arundel, et Junius composa son épitaphe; mais le monument qu'il avait demandé par son testament n'a jamais été exécuté296.
Après le départ du comte, les biens qu'il avait laissés en Angleterre furent mis sous le séquestre. Ses collections d'objets d'art ne furent point épargnées: ses marbres antiques restèrent longtemps abandonnés dans Arundel-House; quelques-uns furent enlevés furtivement, d'autres mutilés, d'autres employés à construire ou réparer des maisons. Cette perte serait moins à regretter, si la plus grande partie des inscriptions eût été publiée antérieurement; mais il n'y en avait eu qu'un fort petit nombre de donné par Selden, et moins encore par Priæus, qui voulut recommander son édition d'Apulée, en y insérant quelques fragments de ces anciennes inscriptions. À peine la moitié de ces marbres, c'est-à-dire cent trente inscriptions, survécurent à ces désastres.
Plus tard, en 1667, Henri Howard, neveu du comte d'Arundel, et bien digne d'un si grand nom, qui devint ensuite comte-maréchal d'Angleterre et duc de Norfolk, donna tous ces marbres à l'université d'Oxford, d'après le conseil de Jean Evelyn, auquel le sénat académique décerna des remercîments publics, pour le soin qu'il avait pris de les réunir et de les conserver. Transportés à Oxford, ils furent déposés au rez-de-chaussée du théâtre Sheldonien, ou attachés au mur qui l'entoure, et marqués de l'initiale du nom de Howard. Dans le même temps, on fit graver une inscription sur une table de marbre, relatant les titres et les services rendus par le duc de Norfolk. On voulait y faire également mention d'Evelyn; mais l'envie s'y opposa. Le duc fut si sensible à ces éloges de l'académie, qu'il avait résolu de lui faire cadeau d'une belle statue antique de Pallas; mais la mort vint le surprendre, et cette statue, ainsi que plusieurs monuments de l'art antique, passa en d'autres mains, toutefois pour revenir plus tard à l'académie, avec les antiques achetés des héritiers du comte d'Arundel, par Guillaume, baron de Lempster, et donnés, en 1753, à l'université d'Oxford, par Henriette-Louise, comtesse de Pomfret297.
Vers 1678, on voulut ouvrir des rues sur l'emplacement de l'hôtel et des jardins du comte d'Arundel, et c'est alors qu'on prit le parti de faire une vente de ce qui restait de ses statues et de ses marbres. Le superbe bronze, représentant la tête d'Homère, que Van Dyck a placée dans l'un des portraits du comte, et que l'on croit provenir de Constantinople, passa dans les mains du docteur Mead, amateur distingué, médecin de Georges III, et fut achetée, à sa mort, par lord Exeter, qui en fit don au musée Britannique.
L'ouvrage du docteur Chandler, Marmora oxoniensia, contient la description de tous les marbres appartenant à l'université d'Oxford, et dont ceux provenant du comte d'Arundel ne forment qu'une partie. Ces derniers sont désignés, dans les tables des trois divisions de l'ouvrage, par la lettre A, placée dans le haut des gravures. Ces planches ont été dessinées et gravées par J. Miller, et l'on est forcé de convenir, en les examinant avec attention, que la pointe molle de cet artiste, son burin indécis, ses contours arrondis rendent assez mal la pureté de l'antique. Un grand nombre de statues ont été restaurées fort maladroitement, à en juger même par les gravures. Ces restaurations, faites sans aucun goût, défigurent les morceaux et leur enlèvent leur véritable caractère. Cependant, on remarque quelques belles statues qui paraissent intactes. La plus grande partie de la collection d'Arundel se compose de bas-reliefs, de bustes d'hommes et de femmes, de tombeaux, d'autels votifs, et surtout de nombreuses inscriptions, gravées sur des marbres recueillis dans la Grèce et dans l'Asie Mineure. – On voit que le savant Junius avait à sa disposition, par ces marbres, la base, l'élément (cœleusina) de son travail sur l'art dans l'antiquité. Car le mot pictura qu'il emploie dans le titre de son ouvrage doit s'appliquer, ainsi qu'il l'entendait lui-même, à tous les arts d'imitation chez les anciens. – S'il est vrai, comme il le dit dans sa dédicace à Charles Ier, que son traité De pictura veterum ait été composé pour obéir aux désirs de son noble patron, il faut convenir que le comte d'Arundel n'aimait pas moins à être instruit par l'histoire de l'art que récréé par la vue de ses œuvres les plus belles et les plus rares.
Les peintures du comte d'Arundel ne furent pas mieux respectées que ses marbres; elles furent vendues en partie, et don Alonzo de Cardenas, ambassadeur d'Espagne près de Cromwell, obtint quelques tableaux, qu'il s'empressa d'envoyer à Madrid, avec les chefs-d'œuvre achetés pour Philippe IV à la vente aux enchères de la magnifique galerie de Charles Ier298.
Les camées et les pierres gravées de la collection d'Arundel, parmi lesquels se trouvait le mariage de Cupidon et de Psyché, avaient été conservés par une duchesse de Norfolk; plus tard, ils passèrent au duc de Marlborough, qui les a fait dessiner et graver par Cipriani et Bartolozzi.
Quant à ce qui restait de la bibliothèque du comte, M. Tierney nous apprend299 qu'après l'incendie de Londres, en septembre 1666, il fut offert par le duc de Norfolk à la Société royale (des sciences), qui, obligée de cesser ses réunions dans le local de Gresham-College, avait accepté l'hospitalité dans les appartements d'Arundel-House.
Indépendamment de tous les objets que nous venons d'énumérer, et qui provenaient du premier lot attribué par le comte d'Arundel à son fils aîné, le second lot, par suite des vicissitudes trop ordinaires dans les choses de ce monde, fut vendu à Londres en 1720 par les héritiers de son second fils, William Howard, l'infortuné comte de Stafford300. Dans son ouvrage sur les arts en Angleterre, M. Dallaway301 donne le détail des objets vendus et leur prix, qui s'éleva au chiffre de 8,552 livres sterling (221,500 fr.). On peut juger par cette somme des dépenses énormes que le comte avait faites pour former sa collection d'antiques, de dessins, de tableaux, de médailles, de pierres gravées et de livres.
Bien qu'elle ait été dispersée, les objets qui la composaient sont restés, en grande partie, en Angleterre, où ils attestent encore aujourd'hui le goût éclairé, la munificence, les efforts constants, employés pendant plus de quarante années, par le premier Anglais qui ait voulu, selon l'expression de Peacham, «transporter l'ancienne Grèce dans la Grande-Bretagne.» Son exemple a produit dans ce pays, depuis deux siècles, de très-nombreux imitateurs. Mais parmi les grands seigneurs anglais qui ont rivalisé de faste pour acheter et réunir, à tout prix, les productions de l'art cherchées soit en Italie soit ailleurs, quel est celui qui peut être comparé au comte d'Arundel? Lui seul jusqu'ici, entre tous, contrairement aux idées de ses compatriotes, a préféré l'art à la politique; aussi, son nom, indissolublement lié à ceux de Junius, de Hollar, de Van der Borcht, de Rubens, de Van Dyck et d'Inigo Jones, vit autant par les ouvrages de ces hommes illustres que par sa propre renommée.