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GRANDS-PARENTS MATERNELS

La mère de Hugues était donc la fille des époux Gustave Metz (1838-1895, lui-même fils de Norbert Metz et d’Eugénie Tesch) et de Léontine de Mathelin (1845-1925), fille de Léopold de Mathelin (1815-1880) et de la baronne Marie de Steenhault (1815-1894). Madame Metz-de Mathelin était issue d’une famille espagnole, anoblie par le roi d’Espagne en 1672. La grand-mère maternelle d’Hugues, appelée « Bonne-Maman », qui habitait la capitale, était un soutien pour les quatre enfants de sa fille trop tôt décédée et n’entretenait pas la meilleure des relations avec la deuxième épouse de son beau-fils. Les Metz représentaient la dynastie du fer, mais s’étaient alliés à l’une ou l’autre famille noble de la région, comme les de Mathelin, châtelains à Messancy, commune francophone de Belgique située en région wallonne. C’étaient des hommes d’action, même si tous n’étaient pas toujours disposés à entrer dans le moule de l’industrie. Le grand-père maternel d’Hugues fut un de ces rebelles. Il était, du moins dans sa jeunesse, une sorte de vilain canard et sortait de la voie toute tracée par sa famille. Comme ce sera le cas pour Hugues une génération plus tard, il avait perdu sa mère très jeune. Le père de Gustave se remaria avec une cousine de sa mère. En raison de difficultés scolaires, Gustave passa plusieurs années dans des internats. Après avoir travaillé un peu, il émigra à l’âge de vingt ans aux Etats-Unis où il resta six ans en Louisiane, au Wisconsin, en Iowa et en Californie. Le fils « perdu », pour ne pas dire la brebis galeuse, de la famille Metz revint brièvement en 1860 pour régler un héritage et repartit de l’autre côté de l’Atlantique. Il y exerça différents métiers (fermier, éleveur de chevaux) afin de se créer une existence un tant soit peu digne mais qui, en fin de compte, devait aboutir à une faillite et au retour à Luxembourg d’un démuni échoué et désillusionné. En témoigne une lettre de 1864 à sa sœur : « Ce pays d’Amérique… n’est qu’un pays de loterie, où les hommes sont millionnaires aujourd’hui et pauvres demain ne me veut guère de bien et bien que je me suis donné beaucoup de mal pour arriver à quelque chose, la chance ne me sourit pas. »4 Toujours est-il que Gustave fut envoyé chez sa cousine Léonie Metz qui avait épousé Edmond Le Gallais (ce sont, comme nous l’avons vu, les grands-parents paternels d’Hugues). Il travailla à partir de 1860 pour Waring Brothers, la firme pour laquelle Edmond Le Gallais était venu à Luxembourg. Un an plus tard, il travailla pour l’usine de son père, devenant même directeur de la sidérurgie de Dommeldange avant d’épouser, encore un an plus tard, la fille du banquier et baron de Mathelin. Tout était rentré dans l’ordre et, devenu directeur d’usine, Gustave avait fini sa vie comme il était né : bien à l’aise et respecté. Il mourut le 3 mars 1895 à l’âge de 57 ans et ne put donc transmettre en personne ses histoires américaines à son petit-fils qui allait naître l’année suivante.

De l’union Metz-de Mathelin, conclue en 1868, étaient nés cinq enfants dont un mourut en bas âge. L’aînée était Alice Metz (1870-1948), qui a épousé en premières noces L. Auguste Collart (1859-1906) et a convolé en secondes noces, à partir de 1915, avec François Mathieu (1876-1930). Ils étaient les parents d’une fille morte jeune et du châtelain de Bettembourg, Eugène-Auguste Collart (1890-1978), homme politique et diplomate. Celui-ci a épousé en 1914 Daisy Weber (1889-1969), fille des époux Auguste Weber et Berthe Gansen, depuis 1937 dame d’honneur de la Grande-Duchesse.5

Le chargé d’affaires aux Pays-Bas, Eugène-Auguste Collart, et son cousin germain, le chargé d’affaires aux Etats-Unis, Hugues Le Gallais, étaient liés de manière indirecte aux industriels Emile Mayrisch (1862-1928) et Gaston Barbanson (1976-1946) qui avaient pris les rênes de l’Arbed en 1911. Les deux diplomates avaient en commun comme grand-tante Madame Edmée Tesch (1843-1919), la fille de J. B. Victor Tesch et de Caroline Nothomb, veuve du maître de forge à Dommeldange et fondateur de l’Institut portant son nom, Emile Metz (1835-1904), qui était le fils de Norbert Metz et d’Eugénie Tesch. Après le décès de Madame Emile Metz-Tesch, intervenu en 1919 au Château de Beggen (que son mari avait fait construire), la fortune revint en partie à Emile Mayrisch, duquel la mère avait été cousine germaine d’Emile Metz, et en partie à Gaston Barbanson, ce dernier neveu d’Edmée Metz-Tesch.

Les mariages entre différents rejetons de ces familles et les efforts pour maintenir uni et prospère le patrimoine familial n’allaient toutefois pas éternellement garder ces bourgeois au faîte de la société luxembourgeoise. Dès la Première Guerre mondiale et plus encore avec la crise de 1929 et la période de quasi-stagnation qui marque l’entre-deux-guerres, les demeures et propriétés allaient leur échapper, comme ce fut le cas des villas les plus prestigieuses des Metz et des Le Gallais.

Poursuivons l’examen de la famille maternelle d’Hugues. Sa mère Marie-Juliette, dite Juliette Metz (1872-1909), était le deuxième enfant des Metz-de Mathelin, suivie de Léopoldine, dite Poldie (1873-1904), épouse de Jean-François dit Fritz Mersch (1862-1937), avocat et député. Enfin, les époux Metz-de Mathelin avaient un fils, Jean Metz, dit Chany (1879-1922), attaché à l’administration centrale de l’Arbed, qui s’est marié en 1906 à Bettembourg avec Elisabeth dite Maisy Jacquinot (1884-1975), fille du baron Charles Jacquinot et de Joséphine Collart.

Hugues avait cinq cousins du côté de sa mère, dont un mort en bas âge, et sept du côté de son père, dont un décédé au cours de la Première Guerre mondiale. L’accident d’avion de ce jeune cousin de 19 ans laissait, d’après les souvenirs de la sœur d’Hugues, Rozel, une trace indélébile dans la famille et ternissait les retrouvailles dans la maison de Kanzem où tous les cousins du côté Le Gallais aimaient se retrouver durant l’été. Pour Hugues, cette période de sa vie était marquée par différents deuils. Très jeune, même pas encore âgé de treize ans, il avait déjà perdu, au cours de la même année, à la fois sa mère, âgée de 36 ans, et, la même année, sa grand-mère paternelle, âgée de 73 ans. Le bonheur familial avait été de courte durée, d’autant plus que trois ans plus tard, son père allait se remarier avec une femme âgée de 46 ans. Cette nouvelle union devait notamment contribuer à assurer à la famille esseulée, composée d’un veuf avec quatre enfants, un niveau de vie digne, mais n’apporta aucune stabilité familiale.

4 Weber, Josiane: Familien der Oberschicht in Luxemburg. Elitenbildung und Lebenswelten 1850-1900. Editions Guy Binsfeld, p. 131-137.

5 Comme il a poursuivi la même carrière diplomatique que son cousin Hugues, nous allons le retrouver plus loin.

UN PÈRE HAUT EN COULEURS

Le père d’Hugues, Norbert Le Gallais, s’était marié en premières noces, le 19 juin 1895, à Luxembourg avec la fille du cousin germain de sa mère, Juliette Metz, avant d’épouser en secondes noces, le 5 octobre 1912, à Luxembourg également, Anne-Marie de Gargan, originaire du château de Preisch à Basse-Rentgen, de l’autre côté de la frontière. Âgé de 35 ans au moment de son premier mariage avec sa cousine issue de germains âgée de 23 ans, Norbert Le Gallais était, lors de son deuxième mariage, âgé de 52 ans, alors que sa deuxième femme en avait 46.

La première épouse de Norbert, la mère d’Hugues, que ses enfants appelaient « Mummy », était décédée après une maladie l’ayant fortement diminuée, peut-être la tuberculose, le 3 février 1909, dans la villa du boulevard Royal. Pour les quatre enfants, Hugues, Aimée, Alice et Rozel, âgés de 12, 10, 7 et 5 ans, devait commencer une période difficile que Rozel a très bien décrite dans ses mémoires en parlant de silence terrible et de vide absolu entourant les survivants. Les adultes ne savaient apparemment pas s’y prendre et parlaient, d’après les souvenirs de Rozel, de montée au ciel de la mère qui serait désormais au-dessus des nuages. Or, ceux-ci allaient s’obscurcir avec une autre femme reprenant une certaine place dans la vie de Norbert. Il fréquenta de nouveau une vieille connaissance de la famille, noble et très pieuse pour ne pas dire bigote.

La deuxième épouse était née le 28 août 1866 au château de Preisch, de l’autre côté de la frontière en France. Anne-Marie, dite Marie, de Gargan était la fille du baron Charles-Joseph de Gargan (1831-1920), dont la mère était une de Wendel, et d’Emilie Pescatore (1840-1913), elle-même fille unique de Pierre-Antoine Pescatore et d’Emilie Daelen. Pierre Pescatore était le neveu de l’homme d’affaires et mécène Jean-Pierre Pescatore. Les parents d’Anne-Marie de Gargan avaient dix enfants et habitaient le château situé entre Frisange et Rodemack. Le domaine appartient toujours à des membres de la famille. Les de Gargan, probablement l’une des familles les plus riches de la région avec les Pescatore, étaient donc liés à la famille d’industriels français des de Wendel. La famille vint s’établir à Luxembourg à la Villa Vauban achetée en 1874. À cette époque, les alentours de la résidence ont été finalisés et le jardin aménagé grâce au génie du paysagiste français Edouard André. L’hiver se déroula en grande partie ici, alors qu’en été la famille préférait plutôt le château de Preisch. Comme le père d’Anne-Marie avait voulu garder la nationalité française, il devait quitter Preisch en 1872 après l’annexion de la Lorraine par l’Empire allemand, n’acquérant la nationalité luxembourgeoise que cinq ans plus tard. Le baron avait acquis une collection d’objets qui meubla le château. C’est au cours de ses voyages en Italie, en Autriche, au Portugal, en Flandres et au Palatinat qu’il réalisa ses acquisitions.

La famille de Gargan avait des liens de parenté et d’alliance prestigieux. Une sœur d’Anne-Marie de Gargan, Marguerite de Gargan (1862-1948), était mariée à François Gérard d’Hannoncelles (1861-1940) et vivait dans la villa aujourd’hui connue sous le nom de « Villa Foch », voisine de la Villa Vauban. Le Maréchal Foch y demeura lors de ses séjours en 1918/1919. Une nièce d’Anne-Marie de Gargan, Thérèse de Gargan (1903-1996), avait épousé en 1925 Philippe de Hauteclocque, dit Leclerc de Hauteclocque, qui fut l’un des principaux chefs militaires de la France Libre durant la Seconde Guerre mondiale.

Le couple Le Gallais-de Gargan n’allait donc pas avoir de progéniture. Le mariage a donné lieu à un scandale qualifié de « catastrophique » par des membres de la famille de la mariée. L’union avait été contestée par les de Gargan au point que les parents, s’y opposant à tout prix, voulaient faire interner leur fille. Ils n’acceptaient pas ce mariage avec un veuf, de surcroît père de quatre enfants adolescents, roturier et à la réputation un peu ternie depuis les changements intervenus l’année précédant les noces du fait de la reprise par Mayrisch et Barbanson de ce qui avait été géré dans la sidérurgie luxembourgeoise en partie par Norbert Le Gallais. Même si la mère de la mariée, née Pescatore, n’était pas noble non plus, le fait que Le Gallais menait une vie de bourgeois dépensier a peut-être également influencé l’état d’esprit de la famille de Gargan. Les différences entre noblesse ancienne et récente, tout comme entre noblesse et bourgeoisie, étaient considérables à l’époque. Le père d’Hugues avait écrit plusieurs lettres et fait intervenir un avocat en brandissant la menace d’un procès en justice, pour plaider contre la tentative de faire déclarer sa nouvelle épouse comme n’étant pas saine d’esprit. La nouvelle femme de celui-ci n’allait plus revoir ni sa mère ni son père et ne pas assister à leurs funérailles, des contacts étant toutefois entretenus avec ses frères et sœurs. Le deuxième mariage du père d’Hugues a en apparence été un mariage heureux. Des photos montrant Anne-Marie Le Gallais-de Gargan avec deux des enfants de son mari laissent supposer qu’une certaine entente exista pendant un certain temps. Toutefois, tel n’était pas le cas, c’est le moins que l’on puisse dire. En fait, l’histoire et les relations de la belle-mère avec les quatre jeunes Le Gallais étaient exécrables. Anne-Marie de Gargan avait d’ailleurs annoncé dans un de ses accès de rage que les enfants Le Gallais n’hériteraient rien. De son vivant, elle avait donné une partie de ses bijoux afin d’orner la statue de la Sainte Vierge à la Cathédrale, ce qui lui avait valu, d’après Rozel, la protection de l’évêque lui-même face à des mises en cause sur sa relation avec les enfants de son mari. Hugues et ses sœurs ne semblent en effet guère avoir récupéré l’héritage de leur belle-mère, ses affaires personnelles étant revenues aux de Gargan de Preisch, tout comme le résultat de la vente aux enchères de la Villa Vauban et de son mobilier en 1948 et 1949.6

Lors du mariage civil, le 4 octobre 1912, passé devant le maire Alphonse Munchen, Norbert est qualifié d’industriel, son père défunt d’ingénieur. L’acte de mariage ne laisse pas deviner les difficultés ayant précédé ce mariage. Comme il y est fait mention d’un « Ehrerbietigkeitsakt » rédigé et délivré par le notaire Camille Weckbecker à Luxembourg le 24 août, la mariée a demandé respectueusement l’avis de ses parents sur ledit mariage. Un contrat de mariage a été rédigé la veille par le même notaire de Luxembourg. Les témoins de ce mariage étaient, comme pour d’autres occasions, choisis dans le sérail de la famille, cette fois-ci même dans le giron de la famille proche de la première épouse décédée il y a trois ans. Il s’agissait de Henri Vannérus (1833-1921), président du tribunal de Diekirch, qui a appartenu aux gouvernements de Tornaco et Servais en tant que ministre de la Justice et a été membre du Conseil d’Etat. Il était le beau-frère de Charles Metz, et donc l’oncle de la mère de Norbert ; de Léon Metz (1842-1928), ingénieur, membre du conseil d’Arbed après 1911, député et président de la Chambre de Commerce, maire d’Esch-sur-Alzette et cousin germain du père de Norbert Le Gallais et du père de sa première femme ; Auguste Weber (1852-1936), médecin ayant effectué la première opération à l’hôpital d’Eich, fils de Jacques Weber et de Justine Metz; c’était l’époux de Berthe Gansen, le père de Daisy Weber, épouse d’Auguste Collart, que nous avons rencontré plus haut en décrivant la famille maternelle d’Hugues. C’était donc un cousin issu de germains de Norbert ; et enfin quelqu’un pas directement allié ou apparenté mais issu de la sphère Arbed, à savoir Émile Bian, industriel et homme politique, député de 1916 jusqu’à sa mort, fils du notaire à Redange et politicien Léopold Bian.7 Le jour du mariage, Rozel, qui était la seule des enfants présente, se mit à pleurer, de sorte qu’elle devait quitter l’église. Au retour du voyage de noces en Italie de Norbert et Marie, la jeune fille de moins de dix ans se vit frappée par sa nouvelle belle-mère parce qu’elle avait osé l’accueillir dans la chambre des parents. Notons que l’année du déclenchement de la guerre,8 l’aînée des filles, Amy, avait été envoyée dans un couvent à Spa en Belgique et le troisième enfant, Alice, dans un autre pensionnat, de sorte que seule demeurait à Luxembourg la cadette, Rozel, qui se voyait infliger les foudres de sa belle-mère dès le remariage de leur père. Nous allons voir que le fils de la famille, Hugues, avait aussi été éloigné. Alors que les relations avec Anne-Marie de Gargan auraient été excellentes jusqu’au moment du mariage, les enfants ont toujours refusé d’appeler la deuxième épouse de leur père « maman » et, soutenus par les servants, lui ont mené la vie dure. Après l’avoir vu prendre de plus en plus de place auprès de leur père et lui avoir donné le nom de « Tante Marie », ils l’appelaient « die Alte » (la vieille) ou « la Stief » (abréviation pour le terme « Stiefmutter » ou la marâtre). La nouvelle Madame Le Gallais a été décrite par Rozel comme ayant souffert d’une personnalité double. Son éducation aurait été spartiate, ce que la belle-mère, des plus prudes et jalouses, estimait applicable à ses beaux-enfants une génération plus tard. Elle est présentée par Rozel comme très généreuse à l’égard des pauvres et très bigote à la fois. Elle a souffert de crises nerveuses et a été internée dans sa jeunesse alors qu’elle avait souhaité épouser Norbert Le Gallais avant que celui-ci ne décide d’épouser Juliette Metz. D’où le report de sentiments de jalousie maladive d’après l’autobiographie de Rozel et le souhait d’écarter voire d’éliminer tout ce qui rappelait cet épisode, notamment l’existence des quatre enfants.

Le père d’Hugues, que ses enfants appelaient « Daddy », avait beaucoup de caractère, mais guère de volonté. Sa fille Rozel le dépeint comme jovial, drôle, toujours blagueur, voire insolent. Son tempérament vital et amusant en société ne reflétait toutefois pas son manque de détermination par rapport aux frasques de sa deuxième épouse à qui il ne s’opposait guère ouvertement. Il avait des manières étranges pour éduquer ses enfants et n’était guère présent, si l’on en croit le récit de sa fille Rozel. Toujours d’après sa fille, il aurait eu beaucoup de succès auprès des dames et sa deuxième épouse aurait été des plus jalouses, probablement pour de bonnes raisons. Connu pour sa forte personnalité, plutôt autoritaire et imposant, Norbert Le Gallais avait étudié le droit et était avocat de profession. En 1890, l’année de l’arrivée au Luxembourg de la dynastie des Nassau-Weilburg, Norbert Le Gallais devint secrétaire général aux Forges d’Eich, puis, quelques années plus tard, directeur.

Norbert Le Gallais était en fait un gentleman industriel qui avait des chevaux à Bonnevoie, rue de l’Hippodrome, notamment un cheval de course nommé « Camperdown ». L’installation fut même nommée à l’époque le « petit Auteuil du Luxembourg ». Il était président du Jockey Club à Paris où il lui arrivait de se rendre en train spécial. Des courses en présence du couple grand-ducal et du couple héritier ainsi que de 10.000 spectateurs, parmi lesquels les familles de la bourgeoisie alliée et apparentée (Blochhausen, Schaefer, etc.), y furent organisées en 1897. Hugues n’avait que quatre ans et demi, mais les différentes versions de cet événement impressionnant devaient lui être parvenues, entre autres le fait que le cheval de course de son père avait gagné le Prix de Bonnevoie, doté de 300 francs plus 50 % des entrées.

Le père d’Hugues pratiquait aussi la chasse, notamment dans la région de Troisvierges, sur la Moselle et dans les alentours de la capitale, avec un élevage de faisans au « Baumbusch », et est allé à la pêche, probablement avec plus d’assiduité qu’il ne se consacra aux affaires de la famille. Il avait un chien qui l’accompagnait partout, Lexy.

En 1904, après que la raison sociale de la Société, les Forges d’Eich, fut changée en « Le Gallais, Metz & Cie », Norbert Le Gallais prit la succession du cousin de sa mère et oncle de son épouse, Emile Metz, en tant que commandité-gérant. Dès cette année, Norbert Le Gallais avait investi dans des usines sidérurgiques électriques (« Elektrostahlwerke »), choix de procédé peu judicieux qui allait être remplacé en 1928. En fait, il n’avait plus grand-chose à dire lors de la fusion, en 1911, avec Dudelange et Burbach. Le père d’Hugues avait englouti une partie de la fortune de toute la famille. Les affaires des Metz étaient dans de bien mauvais draps, pour dire vrai, proches de la ruine. Mayrisch et Barbanson allaient en quelque sorte redorer le blason, faisant fructifier l’Arbed qui est devenue, au fil des décennies, un Etat dans l’Etat. Norbert Le Gallais avait réussi à entrer au conseil d’administration de la nouvelle société. La famille avait coutume de dire : « Ce que les Metz ont accumulé en deux générations, les Le Gallais l’ont dépensé tout aussi rapidement. » Maître de Forges, Norbert Le Gallais était administrateur de la société des Aciéries Réunies Burbach-Eich-Dudelange, mais aussi, depuis 1919, administrateur de la Société métallurgique des Terres Rouges. Rozel a décrit la situation financière comme précaire, notamment aussi en raison de la faillite de l’écurie à Paris, un héritage d’une grand-tante ne s’étant par ailleurs pas révélé aussi généreux qu’attendu, de sorte qu’autour de 1920 les enfants, surtout les filles, étaient envoyés en voyage, notamment en Angleterre, mais aussi en Roumanie. Rozel parle même de voyages en Orient Express. Des spéculations boursières semblent avoir donné le coup de grâce à une vie insouciante menée jusque dans les années 1920 par Norbert Le Gallais, qui devenait de plus en plus dépendant financièrement de sa deuxième femme. Un ami de la famille, le notaire Félix Bian,9 s’occupait des affaires matérielles des enfants Le Gallais et essayait, tant bien que mal, de jouer l’intermédiaire lorsque leurs relations avec leur belle-mère arrivaient au point de non-retour voire à l’absence de communication momentanée avec leur père.

Norbert Le Gallais était en outre président de l’Automobile Club luxembourgeois, dont il avait été le fondateur en 1906. Le prodigieux Norbert Le Gallais menait grand train et roulait en Panhard à chaînes. Cette forteresse roulante, construction automobile française,10 était aussi utilisée par le cousin issu de germains du père d’Hugues, le bourgeois impérial11 Emile Mayrisch. Cette voiture apporta un changement certain dans la vie de la famille Le Gallais. Ce fut une émancipation de contraintes difficilement imaginables de nos jours où tout est instantané et où nous avons l’impression de tout pouvoir connaître et atteindre, d’être partout et nulle part. Ce moyen de se déplacer mettait tout à la portée d’une famille aisée, supprimant les distances et la rapprochant de nombreuses personnes et contrées éloignées.

Le Gallais était membre du conseil d’administration de l’Institut Emile Metz, consul britannique et membre du conseil communal de 1892 à 1895. Il était également membre du premier Comité national de la Fédération nationale des éclaireurs et éclaireuses du Luxembourg (FNEL), dont l’origine anglaise lui tenait à cœur et lui rappelait le pays d’origine de son père.

Le père d’Hugues Le Gallais était député libéral depuis 1908, année où, d’après la biographie de sa fille Rozel, il aurait acquis la nationalité luxembourgeoise. La vie politique de cette époque était des plus tourmentées, et la Première Guerre mondiale allait modifier l’équilibre des forces politiques. Norbert Le Gallais appartenait au parti qui allait tout juste échapper au désastre après la guerre, lui-même conservant toutefois son mandat. Avant la guerre, il avait été condamné avec Maurice Pescatore et Joseph Funck pour corruption électorale après avoir offert à boire à ses électeurs, ce que prohibait la loi électorale. Resté au Luxembourg au début de la guerre, il a démissionné le 4 avril 1916 de son siège de député. Il rejoignit le Comité de secours aux mutilés et réformés luxembourgeois des armées alliées fondé à l’initiative de Gaston Barbanson. Ce comité constituait en fait une organisation propageant plutôt la solution belge et favorisant donc un rattachement à la Belgique, contrairement à l’attachement de Le Gallais père pour la famille grand-ducale et en opposition également avec ceux qui prônaient un rapprochement avec la France. Par la suite, il s’était en quelque sorte exilé à Paris, mais aussi, en partie, en Suisse, et ceci d’après des sources concordantes.12 En Suisse, il se trouvait, d’après un rapport du diplomate français Berthelot,13 « soit à Ouchy-Lausanne soit à Evian-les-Bains et ceci depuis 8 mois ». Berthelot avait été informé fin octobre et de manière « tout à fait confidentielle » par le directeur du Syndicat des fontes que celui-ci avait été mandaté par le ministre d’Etat luxembourgeois Eyschen de sonder Le Gallais si celui-ci, en tant que consul britannique, pouvait vérifier à Londres si un chargé d’affaires luxembourgeois pouvait y être accepté. Eyschen aurait pensé à Le Gallais pour occuper ce poste. De son côté, le ministre luxembourgeois socialiste Michel Welter14 a précisé dans ses mémoires que, début novembre 1915, Le Gallais était « actuellement sans domicile ni résidence connus (il paraît qu’il vit tantôt en Suisse, tantôt à Paris ; il a quitté le pays, parce qu’en sa qualité de consul anglais, il ne se sentait plus assez sûr dans le pays) ». D’après les mémoires de sa fille Rozel, le père d’Hugues aurait résidé fastueusement d’abord au Grand Hôtel, Place de l’Opéra, et par la suite dans deux hôtels de moins en moins prestigieux, les moyens financiers ayant apparemment connu quelques revers et des économies devant décidément être faites. Il restait qu’à Paris les époux Le Gallais avaient chacun une chambre auxquelles venaient s’ajouter celles des trois filles plus celles de deux dames qui les accompagnaient tout au long de l’épisode parisien.

Norbert Le Gallais est rentré au Grand-Duché après la Première Guerre mondiale. En octobre 1919, il présenta sa candidature dans la circonscription électorale du Centre et a été élu avec Brasseur, Diderich et Ludovicy, retrouvant son siège à la Chambre des députés. Sa réélection fut encore plus brillante en 1922, avec l’élection de Brasseur, Cahen, Diderich, Ludovicy et Gallé. En 1925, il s’inscrivit sur la liste Brasseur alors que le Parti libéral était divisé en deux groupes. Brasseur fut élu seul sur la liste, et, suite à sa démission, Le Gallais a pris sa place. Après la guerre, il resta fidèle au groupe conservateur des libéraux, soutenant le gouvernement de Pierre Prüm jusqu’à la soumission par ce dernier d’un projet de loi accordant aux ouvriers le congé payé. Norbert Le Gallais contribua alors par son vote de rejet à la chute du gouvernement, qui démissionna le 16 juillet 1926. Prüm avait quitté le Parti de la droite (« Rechtspartei ») et fondé le Parti national indépendant dès 1918. Maintenant avait sonné l’heure de Joseph Bech, propulsé au poste de chef du gouvernement. Lorsque le gouvernement présenta la loi au parlement, Norbert Le Gallais n’assista pas au vote à la Chambre le 16 novembre 1926. En 1931, il fut élu pour la dernière fois sur la liste du futur maire de la capitale, Gaston Diderich, face à la liste de Cahen. Il appartenait à l’aile modérée du Parti libéral-radical et il était donc compréhensible qu’il n’ait finalement « pas hésité » à entrer en coalition avec le parti de droite. Il fut élu deux fois vice-président de la Chambre, le 4 novembre 1919, où il n’a pas pris ses fonctions pour des raisons politiques, puis de nouveau en 1931.

Norbert Le Gallais n’était pas un adepte de longs discours mais plutôt porté sur l’action, se montrant toujours très courtois et poli. Il a été décrit comme un parfait gentleman qui avait ses propres opinions mais ne les a jamais mises en avant avec des mots durs ou insultants. Bien qu’il ait eu des intérêts manifestes dans l’industrie, personne ne peut certainement lui reprocher d’avoir promu ses intérêts d’une manière unilatérale. Le bien commun était son but et son principe directeur.

Une description amusante du milieu des Le Gallais a été faite dans le livre de Pierre Viallet « La Foire »15 qui a couché sur papier de manière admirable la vie insouciante voire inconsciente de la bourgeoisie du XIXe et du début du XXe siècle. Dans ce récit sur l’ascension et la déchéance de la famille maternelle de l’auteur, les Brasseur, tribu également liée à la sidérurgie, sont décortiqués avec minutie, un peu comme dans les « Buddenbrooks » de Thomas Mann. Le lecteur apprend les faits et gestes d’une classe sociale aisée qui ne se cache guère lorsqu’il s’agit d’étaler sa gloire ascendante, mais qui se tait s’il y a du linge sale à laver, préférant dissimuler sa misère intellectuelle ou financière. L’insolence, l’excentricité et la prodigalité du roman de Viallet témoignent de la vie de famille bourgeoise similaire à celle d’Hugues Le Gallais, du moins au cours de sa jeunesse.

Le père d’Hugues avait un penchant pour le jeu de cartes. C’est notamment à la Place d’Armes, le lieu de rencontre en plein milieu de la capitale, qu’il a perdu des sommes non négligeables et a engagé des meubles de la famille. Sa seconde femme le tenait en laisse et lui accordait quelques francs le dimanche, à condition de passer également par une église. Norbert Le Gallais jouait aux cartes avec des amis au Bridge Club de Luxembourg (local de l’Automobile Club du Luxembourg à la Porte Neuve) lorsqu’il subit une attaque à laquelle il succomba peu de temps après. Il a été foudroyé au moment où à un « contre » il répondait par un énergique « sur-contre ».16 Il est décédé à peine 14 jours après la mort de son ami et compagnon d’armes Robert Brasseur.17 Son successeur à la Chambre allait devenir l’ancien député Jacques Gallé. Dans la deuxième ville du pays et haut-lieu de la sidérurgie, à Esch-sur-Alzette, une rue a été nommée en l’honneur du père d’Hugues Le Gallais. Dans la nécrologie, il est rappelé par le quotidien catholique et de droite, le Luxemburger Wort, que d’un point de vue religieux, le défunt remplissait régulièrement ses devoirs et que son ami personnel, l’Abbé Gemen de la Chapelle du Glacis, a pu lui administrer les derniers sacrements, dans la mesure où « c’était possible ». Le 8 mars 1934, le journal de gauche, Tageblatt, décrit les funérailles, la veille, de Norbert Le Gallais. Un grand nombre de participants de toutes les couches de la population a accompagné le défunt sur son dernier chemin. Funérailles dignes donc pour un père souvent absent voire chancelant, contrairement, dirait-on presque, à la devise familiale. Cette disparition a laissé Hugues orphelin avec une belle-mère qui allait s’établir dans le sud de la France et avec qui il n’avait plus guère de contact. Des deux sœurs survivantes, l’une était mariée en Allemagne et l’autre vivait en Angleterre. Nous ignorons si Hugues est rentré du Japon à cause de ce changement inattendu survenu dans sa famille à Luxembourg.