Kitabı oku: «" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle», sayfa 18
Les concessions faites au goût de l’enfant-roi (ballet d’animaux de la Finta pazza) et aux habitudes de la cour (multiplication des apothéoses et des entrées de ballet dans les Nozze di Peleo et Ercole amante), le faste des décors, des costumes et des effectifs musicaux, communiquèrent plus efficacement la magnificence de la cour de France sous la régence et le début du règne de Louis XIV, que les vers imprimés de l’abbé Buti ; mais une voie était désormais ouverte, où s’engageraient Molière et Quinault, dont les poèmes dramatiques seront parfois, mais pas toujours, imprimés dans les relations officielles des fêtes de cour de Louis XIV.
Imprimer des prologues théâtraux au début du XVIIᵉ siècle. Le cas des recueils du farceur Bruscambille
Flavie KERAUTRET
Université Paris Nanterre
Dans le premier tiers du XVIIᵉ siècle, alors que l’essor de la publication imprimée du théâtre en est encore à ses prémices, que le statut des écrivains n’est pas stable ni reconnu – et qui plus est celui des dramaturges, contraints de céder temporairement l’exclusivité de leurs pièces à la troupe qui les interprétait –, sont édités massivement les prologues du comédien Jean Gracieux. Ces discours sont rapidement regroupés sous le pseudonyme de Bruscambille, un nom de scène qui va peu à peu envahir les pages de titre de ses ouvrages. Nous connaissons peu de choses de ce farceur qui apparaît par intermittence comme membre des « comédiens ordinaires du roi » dans certaines minutes notariales1. Ses recueils de monologues, qui restent les traces les plus importantes de son activité, le présentent comme un « comédien » adoptant le surnom de « Des Lauriers » pour les rôles sérieux2. Ces prologues se présentent comme des discours destinés aux planches du théâtre, comme des tirades visant à être prononcées pour capter l’intérêt des spectateurs, notamment ceux de l’Hôtel de Bourgogne, avant la représentation de pièces plus longues. Mis en série, sans les pièces qu’ils introduisaient à l’origine, ces monologues sont édités avec succès puisque l’on compte 43 éditions entre 1609 et 1635, date à partir de laquelle les réimpressions se tarissent. Ces harangues aux sujets et tonalités variés abordent volontiers des thématiques telles que le cocuage, l’avarice, la folie…, auxquelles elles réservent un traitement souvent comique, et se nourrissent entre autres des codes de l’éloge paradoxal, du galimatias ou du plaidoyer satirique.
Ce succès de librairie prétend trouver ses racines sur scène en portant encore la marque de ce cadre de production au sein des titres mais aussi des textes eux-mêmes avec les annonces de l’entrée en scène des acteurs de la pièce suivante et surtout à travers l’allure orale et spectaculaire de ces prises de parole couchées sur le papier3. Pouvons-nous, dès lors, considérer ces prologues comme des productions théâtrales, compte tenu de leur formidable réussite dans le domaine de l’imprimé ? Ces écrits cherchent-ils à programmer une consommation et une réception similaire à celle du théâtre imprimé à l’époque ? Si nous considérons, avec Roger Chartier4, que les choix de formats et de mise en page tendent à caractériser les écrits et à programmer leur lecture, la piste de la matérialité est susceptible de nous éclairer sur ce point. Nous pouvons tenter de rapprocher les ouvrages du farceur de ceux que l’on classe communément parmi le théâtre imprimé pour voir s’ils correspondent à ces modèles. Il s’agit ici de reconsidérer les productions de Bruscambille et de se pencher sur le phénomène éditorial qu’ils ont constitué en le replaçant dans une histoire culturelle et dans une histoire du théâtre imprimé5. Pour ce faire, nous comparerons le théâtre et les recueils de prologues de Bruscambille en tant que « phénomènes incarnés6 » et nous tâcherons de voir si ces ouvrages disposent des mêmes réseaux de diffusion. Les observations effectuées permettront sans doute de repenser les classifications et les hiérarchies dans lesquelles sont pris les prologues de Jean Gracieux. L’objectif n’est donc pas de traquer ici une intention auctoriale mais d’analyser un geste éditorial pour le situer dans la sphère de l’imprimé, théâtral peut-être.
Les prologues de Bruscambille et le théâtre imprimé entre 1609 et 1615 : échantillon d’observation
Comment se présente le théâtre imprimé dans le premier tiers du XVIIᵉ siècle et les recueils de Bruscambille correspondent-ils à ce modèle de publication ? Pour répondre à cette question, nous adopterons une optique comparative que nous bornerons de deux manières : géographiquement, en ne nous préoccupant que du domaine français, et temporellement, en nous focalisant sur une période très brève, 1609-1615. Cet empan chronologique restreint a donc valeur d’observatoire pour un cas spécifique. Il permettra de proposer une photographie précise des années correspondant à la parution des nouveautés de Bruscambille1. Malgré un contexte d’expansion généralisée de l’imprimé, l’essor du théâtre dans ce domaine est encore très relatif et ne se développera réellement que dans les années 1630, ce qui explique le caractère modeste des chiffres sur lesquels nous allons nous appuyer2.
Le « Répertoire du théâtre imprimé au XVIIᵉ siècle3 », base de données réalisée par Alain Riffaud, permet de lister les pièces imprimées entre 1609 et 1615, dates entre lesquelles nous comptons seulement 68 notices (dont 45 nouveautés), ce qui est peu à l’échelle de la France et pour une période de six ans. À l’inverse, nous dénombrons dans les mêmes conditions 16 éditions des discours de Bruscambille, ce qui est considérable pour un seul et même auteur4. À première vue, les publications du farceur et le théâtre imprimé se présentent de manière analogue puisque l’on a dans les deux cas exclusivement des petits formats (principalement in-12 et in-8°), conformément à la tendance générale de l’imprimé à cette époque5. Ces deux types de production doivent être peu coûteux, maniables et accessibles au plus grand nombre. Parmi les comédies répertoriées, nous rencontrons encore beaucoup d’ouvrages où le texte apparaît de façon continue, la présentation typographique dramatique n’étant pas encore unifiée. Nombre de ces pièces sont presque dépourvues de blancs typographiques, seules les initiales des personnages placées en début de ligne permettent de distinguer les tours de paroles. En fonction, notamment, des exigences d’économie de papier, les lecteurs sont confrontés à des pages denses aux marges généralement serrées parce qu’elles ont été rognées, des pages similaires à celles qu’ils rencontrent en abordant les ouvrages de Bruscambille. Cet effet visuel est particulièrement flagrant lorsque l’on compare ces discours avec les prologues d’autres pièces, qui sont en majorité des monologues. Seule la disposition diffère alors, en raison de l’opposition formelle entre la prose maniée par le farceur et les vers adoptés par la plupart des prologues dramatiques.
À la charnière de ce qui rapproche et éloigne les ouvrages de Bruscambille et le théâtre imprimé se trouvent les paratextes de ces livres que nous pouvons classer en deux types. D’un côté se situent les paratextes non spécifiques au théâtre, présents dans les deux sortes d’ouvrages : pages de titre, dédicaces, avis aux lecteurs et poèmes d’hommage sont autant d’éléments qui interviennent dans la présentation ou la légitimation des textes concernés. De l’autre côté, nous observons des paratextes spécifiques à ces imprimés dramatiques. La liste des personnages, parfois nommée liste des « acteurs » ou des « entreparleurs », est le type le plus fréquent de ces paratextes spécifiques, présent dans la quasi-totalité des pièces répertoriées. L’argument, qui appartient également à cet ensemble liminaire dramatique, est encore très courant au début du siècle (présent dans 32 notices de notre échantillon). Ces pièces imprimées comportent très peu d’épilogues (seulement 3 notices), tandis que les prologues sont plutôt en vogue quand bien même ces introductions redoublent l’argument (19 notices). Ces prologues imprimés précédant des pièces particulières sont bien différents, du point de vue du contenu, de ceux publiés sous le nom de Bruscambille. En effet, ils sont le plus souvent allégoriques pour les tragédies ou les pièces sérieuses (un personnage symbolique prononce un discours général contenant parfois une présentation des personnages ou une esquisse de l’intrigue6) ; ou bien, pour des comédies comme celles de Pierre de Larivey, ils se rapprochent de ceux du farceur mais cherchent surtout à faire valoir la pièce qui va suivre et parfois son auteur7. Dans les éditions des discours de Bruscambille, la forme même du prologue entraîne une disparition de ces paratextes spécifiques au théâtre : pas de liste de personnages puisqu’il s’agit de monologues, pas d’argument puisqu’il s’agit de brefs discours probablement destinés à faire patienter les spectateurs (certains discours n’ont d’ailleurs pas de trame et les propos se présentent comme volontairement embrouillés)8. Peut-être en signe de leur succès, certains recueils de Bruscambille bénéficient d’un frontispice gravé, ce qui les distingue encore un peu plus des comédies imprimées à la même période puisque ces pages de titres illustrées sont rares avant 1630 dans les livres dramatiques. En effet, ces ornements sont réservés à quelques cas exceptionnels9 ou utilisés chez des éditeurs ayant choisi de développer l’illustration. C’est par exemple le cas d’Abraham Couturier à Rouen, un marchand libraire qui fait paraître des pièces religieuses avec des gravures sur bois, les images ayant alors avant tout une fonction d’édification10.
Cette brève description comparative fait principalement apparaître des dissemblances d’un point de vue matériel entre les recueils de Bruscambille et les livres dramatiques parus au cours de la même période. Au-delà de la similitude des formats, qui n’est guère distinctive, ces ouvrages se différencient par leurs présentations typographiques et leurs paratextes (y compris les frontispices), et pas uniquement en raison de l’opposition entre vers et prose. Reste à observer si les réseaux de diffusion de ces différents ouvrages les dissocient également ou non.
Essai de cartographie : diffusion des recueils de Bruscambille et du théâtre imprimé
La comparaison matérielle entre les recueils du comédien Jean Gracieux et les pièces de théâtre imprimées à la même période en France doit être complétée par la prise en compte de leurs réseaux de diffusion respectifs. Ces réseaux sont repérables, à un premier niveau, à travers les villes d’édition. Les lieux de publication du théâtre imprimé en France entre 1609 et 1615 peuvent être rendus par le graphique suivant1 :
Ce schéma met en valeur la ville de Rouen qui se positionne devant la capitale et apparaît comme une plaque tournante pour l’imprimerie du théâtre en France au début du XVIIᵉ siècle, ce qui corrobore les analyses réalisées par Jean-Dominique Mellot2. Les pièces imprimées s’écoulent dans une région qui constitue une sorte de terroir dramatique, un espace où les pratiques comiques sont intenses et variées puisqu’elles se déploient à la fois dans les collèges et dans la ville. Les recueils de Bruscambille ne sont pas en reste dans cette cité normande puisque l’on compte, dans les années en question, autant d’éditions rouennaises que d’éditions parisiennes. Ainsi, les lieux d’édition du théâtre et des productions du farceur se recouvrent mais ils correspondent aussi aux principaux centres de diffusion de cette période.
L’observation de ces réseaux à l’échelle humaine invite toutefois à nuancer ces convergences éditoriales. Au niveau des marchands libraires qui produisent et commercialisent ces ouvrages, l’échantillon observé ne fait pas apparaître de monopole d’un ou plusieurs éditeurs pour le théâtre imprimé. Ce marché, comme le note Alain Riffaud, ne connaît pas encore la concentration qui sera la sienne à partir de 16353. Nous décomptons ainsi 43 marchands libraires différents pour les titres répertoriés comme du théâtre imprimé pour les années 1609-1615. Malgré cette dispersion, certains marchands rouennais se détachent comme particulièrement actifs dans le domaine de l’édition théâtrale avec à leur tête Raphaël du Petit Val, libraire et imprimeur ordinaire du Roi depuis 1596, chez qui l’on dénombre 16 titres et, derrière lui, Abraham Cousturier avec 6 titres parus aux mêmes dates. Ces noms ne figurent pas parmi les éditeurs de Bruscambille qui sont de leur côté assez peu nombreux entre 1609 et 1615. En effet, plusieurs de ses éditions n’indiquent aucun nom dans les informations éditoriales et les libraires qui sont mentionnés distribuent souvent plusieurs éditions du farceur. Nous identifions ainsi les éditeurs Jean Millot, Jean de Bordeaux et François Huby pour Paris, Jean Petit et Thomas Maillard pour Rouen, et un nom supposé, « Martin La Babille4 », associé à Bergerac. Nous avons tâché de reconstituer les catalogues de ces éditeurs à partir du Répertoire de Roméo Arbour5 pour essayer de cerner les orientations de leurs publications et voir dans quelles proportions le théâtre y figure. La plupart de ces marchands libraires ne sont pas spécialisés dans un genre précis, ce qui se traduit par une accumulation de titres assez disparates : le théâtre imprimé trouve alors sa place aux côtés d’écrits de circonstance, romans, recueils poétiques, récits de voyage, sermons etc. Parmi ces éditeurs de Bruscambille, certains font également paraître du théâtre mais ces titres restent plutôt isolés. C’est le cas de Jean Millot qui publie en 1609 la Lydie, Fable champestre du Sieur Du Mas, ou celui de François Huby qui édite les Tragédies de Claude Billard en 1612 et 1613. Aucun de ces marchands libraires publiant les ouvrages de Bruscambille n’apparaît comme réellement spécialisé dans le théâtre mais ces conclusions tiennent aussi à la disparité des catalogues des libraires de cette période.
Du point de vue de la diffusion comme d’un point de vue matériel, sans emprunter des canaux radicalement dissemblables de ceux du théâtre imprimé, les recueils de prologues de Bruscambille se dissocient tout de même de la littérature dramatique alors même qu’ils prétendent y prendre part en se présentant comme des prologues théâtraux. Pour affiner ces données, il faut spécifier que les ouvrages listés dans cet échantillon ne forment pas un bloc unifié. Deux précisions paraissent essentielles à apporter : d’une part, la diversité de la construction interne de ces ouvrages et, d’autre part, leur hétérogénéité générique.
Structures et genres des pièces imprimées
La majorité des pièces de théâtre publiées entre 1609 et 1615 le sont individuellement (46 notices sur 68 répertoriées) et ces ouvrages ont de fait un fonctionnement livresque différent de celui des ouvrages du farceur qui rassemblent plusieurs prologues. Lorsque les pièces de théâtre sont imprimées en recueils, et s’avèrent ainsi plus proches des éditions du farceur, nous observons des configurations multiples : recueils anonymes, collectifs ou personnels. À l’aune de l’échantillon proposé, le théâtre imprimé trouve visiblement sa place, dans les premières années du XVIIᵉ siècle, grâce au rassemblement auctorial qui détermine le système de l’imprimé. En d’autres termes, une partie des pièces imprimées le sont parce qu’elles viennent compléter les travaux d’auteurs qui ne publient pas seulement du théâtre, à l’image de l’édition des Œuvres poétiques de François Ménard parues en 1613 qui comprennent notamment une pastorale de cet auteur1. Les livres de Bruscambille relèvent de ces divers systèmes de recueils puisque ses prologues sont parfois publiés avec d’autres écrits (chansons, histoires facétieuses) dont il n’est probablement pas l’auteur2, mais ce sont chez lui les recueils personnels qui dominent. Avec ses 16 éditions entre 1609 et 16153, et des éditions qui se dotent rapidement, dès 1612, du nom unificateur de « Bruscambille », ces ouvrages représentent un cas assez marginal d’un point de vue éditorial. En effet, à la même période en France, il n’y a pas d’auteur dramatique qui connaisse un succès imprimé similaire et, à titre de comparaison, nous ne comptons dans les mêmes années que 6 éditions des pièces de Robert Garnier ou 5 éditions de Pierre de Larivey. Dans ce cadre, nous pouvons faire l’hypothèse que l’impression massive des recueils de Bruscambille, qui gardent des liens avec le théâtre même s’ils s’en détachent en partie matériellement, participe à l’essor de la publication imprimée de ce genre tout en faisant émerger une figure de comédien-auteur.
Il reste pourtant difficile d’assimiler totalement Bruscambille aux auteurs dramatiques de son temps, notamment parce qu’il ne semble pas considéré comme tel par les troupes de comédiens. La différence de traitement est flagrante entre les publications imprimées de Bruscambille et celles d’Alexandre Hardy par exemple, alors même que les deux hommes ont appartenu à la même troupe, celle de Valleran Le Conte, dans les années 16104. Ainsi, nous ne trouvons pas trace de restrictions concernant la production du farceur tandis qu’un auteur prolifique comme Hardy ne peut imprimer ses pièces que difficilement et tardivement, les compagnies étant momentanément propriétaires des pièces5. Cet écart peut s’expliquer de plusieurs manières non exclusives les unes des autres : soit les discours du farceur sont trop attachés à sa performance personnelle pour être repris par d’autres, soit ils occupent une place moindre dans le déroulement de la séance et cela ne met pas en péril la poursuite du travail de la troupe, soit ils ne sont déjà plus considérés comme du théâtre lorsqu’ils sont imprimés et les lecteurs en ont des usages différents.
Concernant ces usages, nous remarquons que les ouvrages de Bruscambille, qui se présentent comme des suites de brefs discours, se prêtent volontiers à une lecture discontinue et à voix haute. Cela devait faciliter leur circulation, par exemple en offrant la possibilité à d’autres comédiens de reprendre ces prologues pour d’autres spectacles que ceux auxquels ils étaient initialement destinés, mais il ne reste aucune trace de ces réemplois. Dans le domaine écrit, un seul exemple d’une pièce dramatique imprimée précédée d’un prologue du farceur nous est parvenu. Il s’agit du « Prologue de rien », placé en tête de La Melize, pastorale comique du Sieur du Rocher en 16396. Ce prologue est utilisé comme ornement paratextuel, il est épuré pour l’occasion en étant abrégé, privé de ses références politico-historiques et littéraires ainsi que d’une plaisanterie scatologique. Nulle mention de son auteur n’apparaît et ce préambule devient visiblement un argument de vente pour la réédition de la pièce en 1639, d’où une mention de cet ajout dès la page de titre. Compte tenu de la rareté des sources à cette période, ce cas unique est peut-être un signe du fait que les recueils de Bruscambille sont employés comme des catalogues de prologues par des éditeurs ou auteurs désireux d’introduire les pièces qu’ils font imprimer. Si le théâtre imprimé n’est que très exceptionnellement un co-texte pour les prologues de Bruscambille qui sont plus facilement alliés à des chansons ou des histoires licencieuses qu’à des pièces de théâtre, il reste un contexte éditorial qui nous permet de mieux comprendre la position marginale qu’il y occupe et qui apparaît bien à travers la question générique.
Un autre élément de distinction essentiel entre les recueils de prologues et le théâtre imprimé rejoint des considérations génériques. Le graphique suivant rend compte du genre des pièces imprimées en France entre 1609 et 1615 :
Ce diagramme illustre la part écrasante de la tragédie dans les pièces alors mises sous presse et témoigne du caractère opérationnel de la hiérarchie des genres dans le champ de l’imprimé. Pourtant, cette domination n’est pas équivalente sur la scène française et le cas d’Alexandre Hardy peut encore nous servir de référent afin de mettre en valeur cet écart. Comme l’a montré A. Howe, il existe une forte disproportion entre les pièces, majoritairement tragiques, que ce dramaturge faisait imprimer et la variété générique des pièces qui pouvaient être interprétées sur scène7. C’est le phénomène inverse qui caractérise les recueils de Bruscambille : des discours comiques à tendance farcesque sont édités massivement alors que cette forme s’imprimait très peu à l’époque8. Cet intervalle fait apparaître une distorsion entre les imprimés dramatiques et ces prologues : si les recueils du farceur sont des publications théâtrales, elles se présentent comme des éditions à contre-courant et c’est peut-être en partie pour cette raison qu’elles sont plus volontiers associées au domaine de la « facétie » et que leur catégorisation reste flottante.