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Kitabı oku: «Histoire des salons de Paris. Tome 6», sayfa 12

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– Ma fille, prononça-t-il doucement, ma fille, dites-vous, je le répète, que la miséricorde de Dieu est infinie; revenez à vous…

Sa voix s'étant élevée à ces derniers mots, la jeune femme tressaillit…

– Quelle est cette voix! s'écria-t-elle… Puis, comme si elle eût eu honte d'elle-même, elle ramena son voile sur son visage baigné de larmes, et se remit à genoux pour continuer sa confession.

– Mon père, dit-elle avec un accent déchirant, cet amour est ma vie, et il causera ma mort. Je sais que je suis coupable, et jamais celui qui est la cause de cette ruine de moi-même ne le saura de moi. Je mourrai donc, car je ne puis vivre sans lui; mais dites-moi que Dieu me pardonnera. Oh! si je pouvais l'entendre lui-même m'annoncer la divine parole!.. s'il m'était permis de revenir l'entendre lorsqu'il parle comme un messager du Ciel, dans cette chaire de vérité où je le vis pour la première fois! – Dites, mon père… le croyez-vous possible?

Giulio ne répond pas… il pleure lui-même et prie avec ferveur. Il vient d'entrevoir une horrible lumière; il craint qu'elle ne le guide à un affreux mystère… il ne peut, il ne veut pas parler.

– Priez et repentez-vous, malheureuse femme, dit-il enfin, et redoutez le SACRILÉGE.

– Mon Dieu, dit la pécheresse d'une voix étouffée… mon Dieu, quelle est cette voix!.. c'est celle qui m'a perdue!.. Mon Dieu! mon Sauveur! ayez pitié de moi!

Giulio se recueille; il reçoit encore quelques aveux, et prononce d'une voix entrecoupée l'absolution conditionnelle sur la tête de celle qui pleure avec tant d'amertume… Pour lui, il ne peut faire un mouvement, toute son âme est dans ses yeux… ils suivent cette femme lorsqu'elle sort du confessionnal pour aller se mettre à genoux sur un carreau de velours qu'un valet de chambre vêtu de noir a placé pour elle à quelque distance du confessionnal. Cette femme est belle, d'une exquise beauté; en s'inclinant, son voile tombe, soit par le mouvement, soit par une cause moins naturelle, et laisse voir une profusion de cheveux dorés entourant un visage aux traits doux et purs d'une madone. Ses mains, encore dégantées, sont d'une beauté égale à toute la personne de cette femme, dont les vêtements et l'entourage annoncent une noble et puissante dame de Messine.

Giulio, les yeux attachés sur cette vision évoquée pour lui par l'enfer, n'en peut détourner sa vue. Le souvenir de la sibylle pâlit devant ce visage d'ange, cette taille de vierge, si pure dans tous ses contours; Giulio, jusqu'à cette heure, a vu bien des femmes jeunes et belles, aucune n'a touché une des cordes de son cœur… Le regard de celle-ci ne s'est pas levé sur le sien, et son cœur bat en pensant à ce qui vient de se passer. Ah! c'est que la magie de l'amour vrai a une puissance inconnue à tout ce qui touche vulgairement le cœur. Celui de Giulio a sommeillé jusqu'à présent; c'est en voyant Thérésa qu'il vient de s'éveiller.

Cette femme passionnée, qui aime un religieux, cette femme, belle comme la plus belle des vierges du ciel, cette femme est donc l'ange de perdition qui doit accomplir l'œuvre de la destinée. Déjà Giulio voit la première partie de la prédiction de la sibylle: AMOUR SANS BORNES!.. et le sacrilége!.. Oui, le sacrilége est accompli, le religieux est aussi coupable que cette femme!.. car lui aussi l'aime de toutes les forces de son âme…

C'est en proie à des combats, des tourments, des souffrances amères, premiers fruits de l'abandon de la vertu, que Giulio voit s'écouler et les jours et les mois; il fuit l'église, il fuit cette chaire de vérité où le religieux, dans toute la dignité de la mission apostolique, enseignait aux hommes la divine loi des chrétiens. Il lutte avec lui-même; il fuit aussi cette femme qu'il a revue d'abord, et qui l'a enivré du poison de son regard d'amour… Maintenant, elle aussi le cherche et ne le trouve plus… emportée par sa passion, elle sent quelle ne peut vivre sans celui à qui sa vie appartient…

– Giulio! dit l'infortunée lorsque, prosternée devant l'autel de sainte Rosalie, elle paraît prier, et ne pense qu'à celui qu'elle aime, ne voit que lui, n'implore que lui… Mais Giulio est retiré dans le lieu le plus solitaire du monastère; couvert d'un cilice, offrant à Dieu cet amour qui le brûle et le dévore, il pleure et prie. Ignorant le sujet de cette austère pénitence, les moines admirent sa ferveur; le père prieur le donne pour exemple à ses frères.

– Mon fils, lui dit-il un soir, où, prosterné sur les marches de pierre du maître-autel, Giulio paraissait transporté dans un autre monde dans l'extase de la prière, mon fils, levez-vous et écoutez-moi.

Giulio finit sa prière, et, se relevant de la pierre où depuis plusieurs heures il priait, il attend les ordres de son supérieur.

– Le marquis de Campo-Santo vous requiert pour une œuvre sainte, mon fils. Madame la marquise est à l'agonie; il veut qu'elle soit exhortée par le frère le plus pieux de notre communauté… N'ayez pas d'orgueil de ce que je vais vous dire, mon fils… mais je vous ai choisi… Allez… allez porter à madame la marquise des paroles de paix et de consolation comme vous savez les dire.. Le marquis de Campo-Santo est un vieillard estimable et vénéré dans Messine… Allez, mon frère, et que la bénédiction de saint Dominique soit avec vous!..

Giulio s'agenouille pour recevoir la bénédiction du prieur… En se relevant, il voit près de lui un vieillard dont la haute taille voûtée, les cheveux blancs, accusent le grand âge. Sur sa pâle et noble figure était l'expression d'une peine profonde, mais que la résignation à la volonté de Dieu tempérait…

– Le frère Giacomo105 est prêt à suivre Votre Excellence, dit le père prieur.

– Mon carrosse est à la porte du monastère, répond le marquis.

Et tous deux sont bientôt loin du couvent. – La route fut silencieuse: le marquis, oppressé par une violente douleur, demeurait avec ses pensées; Giulio, préoccupé de la scène de mort qu'il allait avoir sous les yeux, priait à l'avance pour la compagne de ce vieillard, qui laissait seul dans la vie celui avec qui elle l'avait parcourue… et c'était le vieillard qu'il plaignait.

La marquise avait été transportée dans une villa près de Messine pour que la pureté de l'air fût encore plus parfaite… Cette villa était sur le bord de la mer dans une ravissante position, qui recevait un charme de plus de cette nature magique dont la Sicile est dotée… En approchant de l'élégante habitation dont les colonnes de marbre blanc se voyaient au travers des orangers et des arbres fleuris, qui, par leurs émanations, embaumaient l'air à cette heure de la journée, le moine sentit au cœur une douleur vive et profonde; il lui parut que la nature insultait sans pitié à la mort de cette femme, qui expirait peut-être en ce même moment au milieu des joies de la création et de toutes ses pompes… Le soleil se couchait en cet instant, et la bande de feu dont il bordait l'horizon entourait cette mer de Sicile d'un cercle d'or étincelant de rubis… Le ciel était pur, l'air était doux et tranquille; la mer, unie comme un miroir, servait de champ aux courses nocturnes de tous les jeunes garçons et les jeunes filles des hameaux de la côte; des barques remplies de jeunes gens s'éloignaient du rivage aux dernières lueurs du crépuscule: on entendait leurs chansons, leurs joyeux éclats de rire… On était alors au moment de la vendange, et la joie des bacchanales étouffait la voix mourante de la femme qui avait été une mère pour toute cette foule qui n'écoute même pas le son de la cloche qui appelle les serviteurs du château aux prières des agonisants!.. La route avait été silencieuse… En arrivant devant la porte de la maison, le marquis retrouva sa jeunesse pour s'élancer au-devant d'un jeune homme pâle et défait qui vint au-devant de lui.

– Ah! s'écria le marquis en voyant la physionomie du jeune homme, est-il donc trop tard? votre mère!..

– Calmez-vous, mon père! ma mère vit encore. Hélas! elle semble attendre votre retour pour rendre à Dieu sa belle âme!.. Elle demande constamment si vous avez ramené avec vous le révérend père Ambroise.

– Le père prieur n'a pas pu venir, mon ami, répondit le marquis tout en allant vers l'appartement de la malade; mais il m'a donné le religieux le plus renommé de son couvent pour le suppléer…

Le jeune homme gémit profondément et pleura, et les précéda pour les annoncer. Le marquis fut contraint de s'arrêter.

– Ah, mon révérend père! voilà comme elle est aimée!.. Ce jeune homme n'est pas son fils!.. il serait son frère, car elle est jeune et belle…; et c'est une tête de vingt ans que la mort va frapper!..

Giulio s'approcha de lui pour lui donner un peu de force et de résignation, mais il ne trouva rien à lui dire: lui-même était frappé par une puissance inconnue.

– Laissez-moi seule avec le révérend père, dit la marquise lorsqu'elle sut qu'il était arrivé.

La voix de cette femme fit tressaillir Giulio. Tout le monde se retira.

– Mon père, dit la mourante, d'une voix que la faiblesse et l'émotion rendaient à peine distincte, je vous ai fait appeler pour vous demander votre pardon et vous supplier de me le faire accorder par un homme que j'ai peut-être bien offensé… en attaquant sa vertu!.. Mais je vais mourir, et ma mort m'acquittera envers lui, n'est-ce pas, mon père?..

Giulio tombe à genoux devant ce lit qui contient sa seule affection maintenant sur la terre… Sa seule religion, son seul Dieu, son seul avenir… cette femme qui vient de parler… c'est Thérésa… C'est la femme du confessionnal… c'est la femme qui aime le religieux d'une passion insensée… c'est celle que lui aussi adore D'UN AMOUR SANS BORNES!.. Il a déjà accompli les deux premiers arrêts de la destinée prononcés par la sibylle…; il ne lui reste plus qu'à être meurtrier!..

Après la soirée où se fit cette confession terrible dans l'église du monastère de Messine, Giulio avait revu Thérésa plusieurs fois. Fidèle à sa religion, il avait repoussé l'enchanteresse; mais il avait bu le philtre entier par les regards, par les paroles, par tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il entendait exprimer par cette créature toute de flamme et d'amour, qui adorait et ne voulait qu'être aimée…

Enfin, le moine trembla pour elle et pour lui à la voix de Dieu qui, un jour, parla plus haut que celle de la passion effrénée. Il s'éloigna; Thérésa ne le revit plus. Elle retourna vainement à l'église; la chaire n'était plus occupée, le confessionnal était vide… car, pour ELLE, c'était Giulio qui était un être humain, le reste était néant. Elle pleura…; elle souffrit, car elle aimait, l'infortunée! de cet amour qui donne le ciel lorsqu'il est heureux, mais qui tue lorsqu'il est méconnu!.. Sa santé s'altéra, et bientôt sa jeune vie fut atteinte et marquée. Alors elle voulut que son dernier adieu parvînt à Giulio par une bouche sévère, peut-être, mais sûre, et elle fit demander le père Ambroise… Sa destinée, toujours inflexible, lui envoya Giulio.

En entendant, en reconnaissant cette voix aimée dont le pouvoir sur lui est bien autrement puissant que celui de Dieu, le moine s'écrie et ne peut plus longtemps se cacher à Thérésa.

– C'est moi, lui dit-il, moi qui veux mourir avec toi… moi qui t'aime plus que tu ne m'aimes peut-être!.. moi qui me perds!.. moi que tu rends sacrilége… Vis, Thérésa!.. car, je te le répète… je t'aime.

Et ses larmes tombent sur le front de la mourante, sur son sein, sur ses mains déjà froides… elles lui redonnent la vie… elles lui montrent l'amour de Giulio. – Elle ne mourait que de sa douleur… maintenant elle vivra… elle vivra pour l'amour, puisqu'elle est aimée.

Giulio et Thérésa échangent à peine quelques mots… ils étaient inutiles dans leur situation… La jeune femme ne pouvait parler, mais elle voyait Giulio, elle pressait sa main, interrogeait son œil; et lui, la serrant dans ses bras, il rappelait au foyer de la vie tout ce qui la fait doublement sentir quand on aime comme il était aimé.

Cependant il fallait feindre… toute une famille attentive était là pour observer et peut-être punir si la moindre lumière frappait des yeux trop confiants… mais rien ne parut faire impression sur le vieillard trompé… La guérison presque miraculeuse de la marquise fut attribuée à la vertu des prières du frère Giacomo, et sa renommée grandit encore.

Thérésa fut bientôt en entière convalescence, et quelques semaines s'étaient à peine écoulées que l'église des Dominicains la revoyait encore devant son autel, priant un Dieu qu'elle offensait et qui ne devait pas lui pardonner.

Giulio l'aimait avec une égale passion; cependant il éprouvait des remords et Thérésa n'en avait pas. Bientôt la vie du religieux devint malheureuse. Il aimait toujours; mais l'excès même de cet amour lui causait une terreur qui le rendait insensé… Il passait souvent des nuits entières en prières, il s'infligeait les plus dures pénitences, et toujours les mêmes terreurs venaient l'assaillir et troublaient son âme jusque dans les moments où le charme de l'amour de Thérésa lui faisait d'abord tout oublier.

Elle s'aperçut enfin qu'un secret, un grand mystère était dans l'âme de celui qu'elle aimait. Elle résolut de tout connaître, de partager son sort, quel qu'il fût, et de lui faire voir qu'une femme, dans son amour, n'est jamais dévouée à moitié.

Elle lui demanda de lui confier la cause de ses souffrances, de ses inquiétudes… Giulio résista d'abord… puis il lui avoua ce qui s'était passé dans la terrible soirée du palais Gandolfo, et la prédiction de la sibylle.

Thérésa lui sourit doucement:

– Tu es insensé, mon ami, lui dit-elle… Eh quoi! c'est ce mot qui devrait effacer l'impression causée par les deux autres qui éveille ta terreur!.. Eh quoi! n'y a-t-il pas dans ces paroles de quoi faire pâlir tout danger… toute inquiétude: Amour sans bornes! Oh! Giulio, si tu m'aimais comme je t'aime!.. nous serions heureux!

Et pourtant il l'aimait ardemment!.. Quelquefois, entraîné par sa passion, Giulio fixait sur Thérésa un regard qu'il n'osait pas rencontrer… Elle frémissait, son cœur battait, et le tumulte de la passion était longtemps à s'apaiser dans cette âme ardente, qui ne vivait que pour l'amour et par l'amour. Et pourtant cet amour était pur comme celui de deux anges!

Un jour, le prieur envoya Giulio à Naples dans une maison de leur ordre pour une mission très-grave. Giulio partit sans avoir pu voir Thérésa, et lui écrivit seulement en promettant son retour pour la semaine suivante; mais un mois s'écoula dans cette absence… En arrivant à Messine, le premier soin de Giulio fut de courir au palais de la marquise… Il la trouva seule, sur une terrasse, au bord de la mer… regardant les flots… pensant à lui… et pleurant… En le voyant, elle oublie la retenue d'une femme, les vœux de celui qu'elle aimait; elle se jette dans ses bras, le serre sur ce cœur dont il était la vie, et pour la première fois comprend que son bonheur, jusque-là si parfait en voyant chaque jour son ami, pouvait encore être doublé par lui.

Giulio partage et devine son émotion… Bientôt la sienne est trop vive. Il serre Thérésa avec violence contre sa poitrine; puis, la repoussant avec une égale rudesse, il s'éloigne du palais de Campo-Santo, la raison égarée et murmurant avec terreur le mot: Sacrilége!

Il passa la nuit en prières… Le matin le trouva priant encore… Il écrivit alors à Thérésa:

«Séparons-nous, Thérésa… je ne puis supporter, et pour toi, et pour moi, cette odieuse pensée d'une éternelle perdition!.. Éternité!.. sais-tu ce que c'est que ce mot? Éternité!.. et quand la colère de Dieu l'a prononcée comme anathème, cette parole terrible, comment avoir son pardon?.. Et c'est à de telles peines que je te condamnerais, Thérésa!.. Jamais!.. Je saurai souffrir!.. Séparons-nous!..»

Thérésa était passionnée comme une Italienne, mais en même temps elle était femme… Elle adorait Giulio… mais le sombre mystère de la vie de cet homme l'effrayait en même temps qu'elle l'adorait. Cette prédiction était pour elle comme une énigme; ce qu'elle y voyait, c'est que cette prédiction attaquait la vie du malheureux par la puissance de la terreur… Alors encore une fois elle se sacrifia; elle insista pour revoir Giulio!.. Hélas! il avait raison! elle crut le consoler en lui disant de douces paroles… et tous deux se perdirent!..

À dater de ce moment, l'existence de Giulio devint si malheureuse que Thérésa dut pleurer en larmes amères la funeste pensée d'avoir voulu le revoir!.. Avant ce moment, Giulio n'avait pas de remords… Maintenant il n'osait plus prier… Où donc était son refuge? Enfin il ne put supporter un tel état… Il cessa de voir Thérésa, et bientôt ne lui écrivit plus.

Ce fut encore une nouvelle douleur pour la malheureuse femme!.. Mais lorsqu'elle avait souffert jadis, elle était innocente… C'était un ange de pureté, une sainte colombe immolée sur l'autel du devoir!.. Et maintenant, qu'était-elle devenue?.. Cette pensée la rendait insensée; alors elle songeait à la mort… Hélas! la mort aussi était un crime.

Mais bientôt un devoir lui fut imposé. Ce devoir, elle le comprit… il lui redonna de l'espérance… Il existait d'ailleurs maintenant un motif pour qu'elle aimât la vie… Elle devait seulement quitter l'Italie… aller en Espagne; en Amérique… Elle voulait revoir Giulio une fois pour lui communiquer son plan… Il fallait qu'il l'accompagnât… puis, s'il en avait la force, il la quitterait… Mais Giulio se refusait à toutes les tentatives faites pour le voir… Enfin Thérésa n'hésite plus, elle a organisé leur fuite à elle seule… Et quand tout est prêt, elle se rend un soir, au moment de la bénédiction, à l'église du monastère de Giulio… Enveloppée dans un long voile noir, Thérésa, cachée derrière un des piliers massifs de la nef, attend, dans une angoisse inexprimable, le moment où Giulio restera seul pour sa méditation… Il passait devant Thérésa, enfoncé dans sa rêverie, les bras croisés sur sa poitrine, et ne voyant aucun des objets qui l'entouraient: tout à coup Thérésa s'offre à lui… elle l'arrête et lui parle avec cette énergie que prêtera toujours le cœur lorsqu'il est profondément ému… Elle lui révèle un secret aussi, elle… car elle en a un comme lui, la malheureuse!.. Giulio recule devant le précipice ouvert devant lui… Tout est prêt, lui dit-elle. – Jamais! – Eh bien! alors, un dernier adieu, ce soir, à minuit… Tu as une clef du jardin du couvent qui ouvre une porte du côté de la mer… donne-la moi, et ce soir je viendrai te dire adieu pour toujours.

Giulio égaré, interdit, entend marcher; il laisse tomber la clef dans la main de Thérésa et s'enfuit rapidement. Thérésa, sûre de le revoir, s'éloigne avec joie.

À minuit, malgré la terreur qui la domine, Thérésa se rend au couvent; elle traverse une grève solitaire, ouvre la porte et se trouve dans le jardin du monastère… L'insensée! sa vie, celle de son amant, tout est joué sur un coup du hasard!..

Thérésa ne voit rien; la nuit est sombre; pas de lune, pas une étoile ne luit au ciel; elle entend marcher enfin… c'est Giulio! Mais il n'est plus incertain, il a pris des forces, il les a prises dans une pensée infernale.

– Que me veux-tu? demande-t-il à Thérésa, d'un ton brusque et sévère. Je ne puis, je ne veux pas partir; laisse-moi, et retire-toi en paix; prie pour toi et pour moi… je prierai aussi pour tous deux… pour nous faire pardonner par Dieu notre faute. Adieu, Thérésa, adieu pour la dernière fois.

Mais Thérésa est bien forte… elle prie au nom d'un autre! Elle se jette à genoux; elle supplie, pleure, baigne de larmes brûlantes les mains de Giulio… Il se laisse attendrir; lui aussi pleure sur le front de Thérésa… Elle l'entraîne vers la porte du jardin; la barque est prête… Un moment, et Thérésa triomphe!..

– Non! dit Giulio hors de lui, je ne puis!.. pitié!.. Mais Thérésa insiste avec plus d'ardeur; la porte est ouverte… déjà ils en ont presque franchi le seuil, lorsque la cloche de la chapelle sonne les premières matines; Giulio l'arrête et frémit. Thérésa l'enlace de ses bras. – Laisse-moi, s'écrie le moine tout à fait égaré… Et saisissant un poignard qu'il portait toujours, il le plonge dans son sein…

Elle tomba sous ce seul coup… Giulio ne fit pas un mouvement… Le jour commençait à poindre; le moine regarda longtemps le corps sanglant de la malheureuse femme; puis, tout à coup, il souleva le cadavre, et, courant vers le rivage, il le jeta à la mer; retournant ensuite avec la même rapidité vers l'église où déjà il y avait du monde, il y entra avec sa robe teinte de sang et son poignard passé dans la ceinture de sa robe. On le saisit, on le questionna; il répondit avec vérité, quoiqu'il fût positivement fou en ce moment… Les moines l'entraînèrent dans l'intérieur du monastère… On ne le revit jamais.

– Eh bien! sire, dit la reine Hortense à l'empereur de Russie, comment trouvez-vous que Napoléon conduisait un drame?

L'empereur Alexandre avait été profondément intéressé, ainsi que chacune de nous, quoique nous connussions déjà le conte. L'empereur en demanda une copie qu'il emporta à Pétersbourg. Il n'avait pas de titre, et nous fûmes toutes d'accord de le nommer «la Destinée.»

105.C'était le nom de religion que Giulio avait pris en entrant au couvent, où il ne pouvait garder son nom habituel.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 mayıs 2017
Hacim:
300 s. 1 illüstrasyon
ISBN:
http://www.gutenberg.org/ebooks/44676
Telif hakkı:
Public Domain